ASIE, Extrême-Orient et haute Asie

Mongolie

La jeune démocratie essaie de tracer sa route entre Russie, Chine, instabilité politique et corruption endémique.

1 564 100 km2

République

Capitale : Oulan Bator

Monnaie : le tugrik

3,2 Millions de Mongols[1]

[1] Soit deux habitants au km², la densité de population la plus faible au monde.

Totalement enclavée entre la Chine (plus de 4 670 km de frontière) et la Russie (3 441 km), la République mongole est subdivisée en cinq régions naturelles : il s’agit, d’ouest en est, de l’Altaï mongol qui renferme les sommets dominants du pays, de la dépression des grands lacs, du vaste massif du Khangai, de la chaîne du Khentei et des hautes plaines de l’Est.

Les zones montagneuses occupent les deux tiers du territoire, dont 79 % est constitué de steppe, de steppe forestière et de pâturages. Le nord du territoire, moins aride que le reste, est traversé par quelques cours d’eau tels que la Selenga, qui se jette dans le lac Baïkal, et son affluent l’Orkhon. Au sud-est, s’étend le désert de Gobi, qui se prolonge dans la province chinoise de Mongolie intérieure (1,1 million de km²).

Bien que plus de 90 % de sa population appartienne à une ethnie mongole (Khalkhas à plus de 84 %, mais aussi Dörbets, Bouriates, Zakchin…), la Mongolie ne réunit même pas un tiers du peuplement mongol mondial (cf. Encadré). Le reste de sa population est composé à 4 % de Kazakhs et à 5 % de membres d’autres ethnies (Toungouses…). Plus de 25 % des habitants sont encore nomades ou semi-nomades et élèvent quelque soixante-dix millions de têtes de bétail.

Un peu plus de la moitié de la population est adepte du bouddhisme (essentiellement tibétain, cf. L’Inde creuset de religions) et environ 40 % se dit athée. Le reste se partage entre chamanistes, chrétiens et musulmans.

En janvier 1929, le maréchal et commandant en chef de l’armée Horloogiyn Choybalsan (Tchoïbalsan) devient chef d’un État qui n’est encore qu’un satellite de l’URSS. Son exercice du pouvoir lui vaut le surnom de « Staline mongol » : il est en effet marqué par de nombreuses purges contre « l’intelligentsia » du pays, les dissidents, le clergé lamaïste et les minorités ethniques, ainsi que par la collectivisation forcée des terres et des troupeaux et par la répression d’une insurrection générale, en 1932. Sa campagne d’éradication du bouddhisme est sans merci : elle se traduit par la destruction de centaines de monastères et par l’obligation faite aux moines de mener une vie laïque ; de 100 000 au début des années 1930, leur nombre va passer à quelques centaines. Entre 1937 et 1939, les purges causent la mort de 20 à 35 000 personnes, soit 3 à 5 % de la population de l’époque). En sens inverse, cette socialisation à marche forcée s’accompagne d’importants progrès dans le domaine médical et scolaire, grâce au soutien de l’URSS.

A cette époque, les Soviétiques installent des troupes en Mongolie afin de contrecarrer la politique expansionniste des Japonais qui viennent de créer, en Mongolie chinoise, les États fantoches du Mandchoukouo (1932) et du Mengjiang (cf. Monde sino-mongol). Le chef du gouvernement d’Oulan Bator s’étant montré réticent à l’augmentation de cette présence militaire, il est arrêté à l’issue d’une rencontre avec Staline à Moscou et exécuté en 1937. L’intégralité du pouvoir revient ainsi à la frange la plus pro-soviétique du Parti révolutionnaire du peuple mongol (PRPM).

L’inféodation du pays à l’URSS est matérialisée par une série d’alliances qui se traduisent par l’introduction du russe comme langue obligatoire et par l’enseignement du marxisme-léninisme à l’école[1]. Les liens entre les deux pays sont encore renforcés en 1939-1940 lorsque le Japon, s’appuyant sur des exilés mongols et sur ses vassaux locaux, essaie de renverser le régime d’Oulan Bator. Celui-ci n’est est sauvé que grâce à l’intervention de l’armée soviétique. Faute de pouvoir compter sur l’aide de l’Allemagne – qui vient de signer le pacte germano-soviétique avec Moscou – le Japon préfère renoncer à son objectif et signer un traité de non-agression avec l’URSS, en avril 1941.

Près de quatre ans plus tard, à la conférence de Yalta, Staline accepte d’entrer en guerre contre les Japonais, mais pose notamment comme condition que la Chine reconnaisse l’indépendance de la Mongolie. La situation est entérinée dans le traité d’amitié soviéto-chinois qui est signé en août 1945 : Pékin parvient à conserver le contrôle de la Mongolie « intérieure », mais doit accepter que la Mongolie « extérieure » accède à l’indépendance. Celle-ci devient effective en octobre 1945, à l’issue d’un référendum qui tourne au plébiscite (plus de 98 % de participation et 100 % de votes favorables à la souveraineté). Dans le même temps, la République populaire mongole a fourni une aide à l’allié soviétique pour reprendre la Mandchourie aux Nippons. L’indépendance d’Oulan Bator est également reconnue par le nouveau régime communiste chinois, en janvier 1951, et s’accompagne de l’ouverture de relations diplomatiques et commerciales entre les deux pays. Mais cette éclaircie, qui se matérialise notamment par la signature d’un traité frontalier en 1962, est de courte durée : elle prend fin avec la rupture sino-soviétique du début des années 1960, la Mongolie prenant clairement parti pour Moscou dans ce différend entre les deux « frères ennemis » du monde communiste[2].

La Mongolie est alors dirigée par le Secrétaire général du PRPM, Yumjagiyn Tsedenbal, nommé à la mort de Choybalsan en 1952. La nouvelle équipe poursuit la socialisation de l’économie interrompue par le second conflit mondial. Les plans quinquennaux qui se succèdent visent à réduire le nomadisme, à développer l’industrie et à favoriser l’exploitation du sous-sol (charbon et fer). Cette évolution s’accompagne d’une forte urbanisation, parfois anarchique, à commencer par celle de la capitale où s’entassent des quartiers périphériques de « ger » (yourtes) et de bicoques[3]. Comme Choybalsan avant lui, le nouvel homme fort du pays allie culte de la personnalité et purges régulières de l’appareil de l’État et du parti (mais sans exécutions), ce qui finit par lui valoir une mise à l’écart en 1984, sans doute avec l’accord de Moscou : le « Brejnev mongol » est démis de ses fonctions alors qu’il se trouvait en vacances en URSS, où il mourra en exil. Il est remplacé par le chef de son gouvernement.

[1] L’écriture mongole sera remplacée par l’alphabet cyrillique en 1946.

[2] Indéfectible, le soutien de Moscou se traduit par l’adhésion de la Mongolie à l’ONU en 1961.

[3] En 2020, les deux tiers des Mongols sont citadins, Oulan-Bator abritant la moitié de la population et fournissant les deux tiers du PIB national.


Le régime mongol va être emporté, en mars 1990, par la vague de démocratisation qui monte dans les pays communistes d’Europe de l’Est. A la fin de l’année 1989, des meetings populaires demandent la fin du règne du parti unique et un professeur d’université fonde une Union démocratique mongole qui va servir de matrice à plusieurs partis d’opposition. Le mouvement en faveur de réformes gagne aussi le PRPM, où les modérés deviennent majoritaires. La Mongolie tient ses premières élections libres en juillet 1990 : si le PRPM l’emporte encore grâce à sa bonne implantation, l’opposition obtient 36 % des voix. Réhabilitant le culte de Genghis Khan, le pouvoir essaie aussi de favoriser un retour progressif à l’écriture traditionnelle et cesse les persécutions contre le bouddhisme. La nouvelle Constitution, adoptée début 1992, abolit le caractère « populaire » de la République, proclame la liberté d’opinion ainsi que la neutralité en politique étrangère et instaure une véritable démocratie parlementaire (au sein d’un Grand Khural unicaméral). Converti à l’économie de marché, après avoir abandonné le marxisme-léninisme, le PRPM remporte de nouveau les législatives de juin. A la fin de l’année 1992, Moscou retire ses dernières troupes du pays. L’étoile communiste disparait du drapeau mongol où ne figure plus que l’emblème national, le « soyombo ».

Les premières élections présidentielles directes, qui se déroulent en juin 1993, voient la reconduction du titulaire du poste (créé en 1990), mais sous de nouvelles couleurs : membre de la tendance modérée du PRPM, Punsalmaagiin Ochirbat est élu sous la bannière de l’opposition, sa formation d’origine lui ayant préféré un idéologue communiste. L’ancien parti unique a en effet renoué avec ses vieux démons : réhabilitant Tsedenbal à titre posthume, il remet au premier plan l’étatisation d’une économie qui a été fragilisée par la rupture des liens avec l’URSS mais qui, dans le même temps, s’est ouverte aux investissements étrangers et a profondément renouvelé son cadre réglementaire (privatisations, libéralisations des prix, réforme du système bancaire). Ce positionnement du PRPM lui est fatal, puisqu’en 1996 l’Alliance démocratique remporte (à une faible majorité) les législatives, mettant ainsi fin à soixante-quinze ans de gouvernement communiste ininterrompu. Mais l’ancien parti unique n’est pas pour autant laminé : son candidat est élu à la présidence de la République en juin 1997 (et réélu quatre ans plus tard) et il retrouve une très nette majorité parlementaire aux législatives de l’été 2000.

Quatre ans plus tard, le PRPM enregistre un sévère recul : bien que demeurant le premier parti du Parlement, il perd quasiment la moitié de ses sièges et se retrouve devancé par l’alliance que la coalition « Patrie-Démocratie (P-D) » a réussie à former avec des députés indépendants. Un accord est finalement trouvé en août 2004 pour que le PRPM contrôle le Parlement et que l’opposition dirige le gouvernement. Mais la défection d’un député de P-D change la donne : le premier ministre démocrate est renversé et le poste récupéré par le chef du PRPM, dont le candidat est par ailleurs élu, en 2005, à la présidence de la République.

Ces alternances pacifiques du pouvoir connaissent un sérieux accroc aux législatives de juin 2008 : la victoire du parti au pouvoir est contestée par certains de ses opposants et son siège d’Oulan-Bator ravagé par un incendie criminel. Mais le calme revient : en mai 2009, l’ancien premier ministre démocrate évincé en 2004 remporte d’une courte tête la présidentielle (devant le Président sortant) et il est réélu quatre ans plus tard. Sa réélection est favorisée par la scission des ex-communistes en deux formations rivales, en 2010 : la majorité, social-démocrate, reprend le nom du parti à sa fondation en 1921 (PPM, Parti du peuple mongol), tandis que la minorité restée socialiste conserve le nom de PRPM.

Ce nouveau tripartisme n’empêche pas les alternances de se poursuivre : le PPM remporte largement les législatives de juin 2016, avant que le candidat du Parti démocrate, un ancien lutteur devenu homme d’affaires, ne soit élu Président de la République en juillet 2017. Pour la première fois, les Mongols ont dû participer à un second tour, aucun des postulants n’ayant obtenu la majorité absolue au premier, du fait de la présence d’un candidat du PRPM (qui appelle à voter blanc lors du deuxième scrutin). De nouveau sorti vainqueur des législatives de juin 2020, le PPM a retrouvé la voie du palais présidentiel un an plus tard.

Le pouvoir essaie de relancer une économie qui ne parvient pas à « décoller », en dépit des richesses du sous-sol (métaux, terres rares, uranium…). La forte croissance enregistrée au début des années 2010 (+ 17 % en 2011) s’est enrayée, du fait d’une instabilité politique persistante (les gouvernements durant souvent moins de deux ans) et d’une corruption endémique. Plusieurs dirigeants du PPM sont ainsi mis en cause dans des affaires de détournement d’aides publiques ou de contrebande de charbon vers la Chine. Fortement dépendant de la Russie (qui lui fournit plus de 80 % de ses hydrocarbures) et de Pékin (qui absorbe plus de 90 % de sa production et exploite de nombreux gisements miniers), la Mongolie est à l’affût de tout projet lui permettant de diversifier ses relations économiques. En mars 2023, au nom de sa politique du « troisième voisin », elle met en exploitation une gigantesque mine de cuivre, dans le désert de Gobi, en partenariat avec un grand groupe anglo-australien. Deux mois plus tard, elle accueille la première visite d’un chef d’État français, sur fond d’exploitation d’uranium et de métaux stratégiques.

Crédit : hbieser / Pixabay
Moins d’un Mongol sur trois en République de Mongolie

Sur environ neuf millions de Mongols, un peu plus de deux millions et demi vivent en Mongolie indépendante contre un peu moins de six millions en Chine et un demi-million en Russie. Ils se répartissent en une vingtaine d’ethnies, majoritairement adeptes du bouddhisme (souvent lamaïste), avec la subsistance de pratiques chamanistes. A l’exception des Touvains turcophones, ils parlent essentiellement des langues mongoles, appartenant à quatre groupes d’importance inégale :
 le groupe oriental (plus de 80 %) composé du khalkha (langue officielle de la Mongolie indépendante), du tchakhar (dominant en Mongolie chinoise), de l'ordos, du tümet, du karchin… ; 
 le groupe occidental des Oïrates (6 %) qui s’étend en Mongolie Occidentale, au Xinjiang (Turkestan et Dzoungarie), dans le Qinghai et en Kalmoukie russe (Kalmouks du nord-ouest de la Caspienne) ; 
 le groupe méridional (8 %), situé entre le Qinghai et le Gansu et dont la langue principale est celle des Dongxiang (musulmans sunnites) ;
 le groupe septentrional (4 %), largement dominé par le bouriate, dans les régions russes du lac Baïkal, le nord-est de la Mongolie et le nord de la Mongolie-Intérieure.

Crédit photo de « une » : hbieser / Pixabay

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