OCEANIE

L’Océanie, peuplement et composition

Le « continent » océanien est formé de trois ensembles, en plus de « l’île-continent » que forme l’Australie : la Polynésie, la Micronésie et la Mélanésie.

Bien que contestée, la classification établie par le géographe français Dumont d’Urville, en 1831, sert toujours à définir trois grandes zones au sein du continent océanien : la Micronésie[1](« petite îles ») au Nord, la Mélanésie[2](« îles noires ») au Sud et la Polynésie[3](« îles nombreuses ») à l’Est. Souvent coralliens ou volcaniques, ces archipels s’ajoutent aux grandes îles que sont l’Australie continentale, la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande, parfois regroupées sous le nom d’Australasie. D’abord intégrée dans cette classification, la Malaisie a finalement été rattachée à l’Asie pour désigner sa partie insulaire sud-orientale (archipels malais et indonésien). Les recherches linguistiques entreprises depuis Dumont d’Urville ont précisé la situation, en distinguant trois groupes de langues autochtones : papoues, aborigènes d’Australie et austronésiennes. Au sein de ces dernières, les linguistes distinguent les langues formosanes (du berceau taïwanais), le groupe malayo-polynésien occidental (qui couvre les langues de Micronésie de l’ouest, de l’espace malais et de Madagascar) et un malayo-polynésien central-oriental qui compte plus de sept-cents langues dans le reste de l’Océanie (dont la sous-famille des langues océaniennes : samoan, parlers fidjiens, gilbertin, tongien, maori, kuanua de Nouvelle-Bretagne, tahitien, hawaïen…).

Les ancêtres des Papous et des aborigènes d’Australie sont arrivés d’Asie du sud il y a au moins 45 000 ans, à l’époque où le niveau de la mer était plus bas qu’aujourd’hui entre le continent asiatique (qui se prolongeait alors jusqu’à Bali) et le continent unique, dénommé « Sahul », que formaient la Nouvelle-Guinée, l’Australie et la Tasmanie[4]. De là, certains navigateurs ont gagné les archipels voisins, jusqu’aux Salomon il y a près de 30 000 ans.

Les Austronésiens sont arrivés plus tard : venus de Taïwan vers 3 000 AEC, ils ont essaimé, avec leurs pirogues à balancier, dans l’Asie du sud-est insulaire, puis de côtes en côtes, dans les îles Mariannes, puis vers l’actuelle Nouvelle-Guinée et les archipels voisins tels que la Nouvelle-Calédonie aux alentours de -1500 ; ils s’y sont métissés aux populations papoues locales pour donner naissance au peuplement « mélanésien ». A partir des îles Salomon, les Austronésiens ont poursuivi leur navigation jusqu’aux Samoa et à la Polynésie occidentale (îles Cook et îles de la Société, dont Tahiti).

Consécutif à l’invention de la pirogue double, le peuplement des autres archipels est plus tardif. Il est l’œuvre de Polynésiens occidentaux qui ont quitté leurs îles et se sont installés, entre 300 et l’an 1000, aux Marquises, puis jusqu’à Hawaï au nord. Ils auraient peuplé la Nouvelle-Zélande (où la langue des Maori s’apparente au tahitien) aux alentours de 800. Entre 400 et 1200, ils atteignent l’île de Pâques (Rapa Nui) à l’extrême-est[5] et y érigent près de 900 mégalithes immenses : les moaï (2,5 à 9 mètres de haut, pesant jusqu’à 80 tonnes).

Les premiers échanges entre Océaniens et Européens interviennent au début du XVIe siècle, avec des navigateurs tels que Cook, Bougainville, La Pérouse, Wallis. Mais la colonisation de leurs territoires ne commence vraiment qu’à partir de 1788, quand les Britanniques décident de faire de l’Australie une colonie carcérale. Les Français feront de même avec la Nouvelle-Calédonie en 1853, déclenchant un mouvement qui concerne toutes les grandes puissances de l’époque, dont les États-Unis et l’Allemagne. La colonisation va s’avérer meurtrière pour les Océaniens : maladies, alcool et guerres vont faire passer la population de 3 millions à 410 000 habitants au début du XXe siècle. Entre 1760 et 1880, l’île de Tahiti perd 95 % de ses habitants. En un siècle, Rapa Nui passe de 10 000 habitants à moins de 100.

Le « continent » océanien compte aujourd’hui quatorze États pleinement indépendants, du minuscule Nauru en Micronésie (21 km²) à l’immense Australie qui, à elle seule, représente 90 % des terres océaniennes. Aux 7,6 millions de km² de « l’île-continent »[6], s’ajoutent la Tasmanie (68 000 km²) et plusieurs petits ensembles insulaires représentant quelques milliers d’habitants : l’île autonome de Norfolk (34 km² entre Nouvelle-Calédonie et Nouvelle-Zélande) et les îles du détroit de Torrès, à quelques kilomètres au sud de la Nouvelle-Guinée (884 km²). S’y ajoutent deux territoires qui ne sont pas en Océanie, mais excentrés dans l’océan Indien : l’île Christmas (136 km²) au sud de Java et les îles Cocos (ou Keeling, 14 km²) au sud de Sumatra.

Les autres pays indépendants sont la Papouasie-Nouvelle Guinée, les îles Salomon, le Vanuatu (ex-Nouvelles Hébrides) et les Fidji en Mélanésie ; Palaos (ou Palau) et les îles Marshall en Micronésie ; la Nouvelle-Zélande, les Samoa (occidentales), les Tonga et Tuvalu (ex-îles Ellice) en Polynésie ; Kiribati à cheval sur la Micronésie (iles Gilbert) et sur la Polynésie (îles Phoenix et de la Ligne) ; les États fédérés de Micronésie (Yap, Chuuk, Pohnpei et Kosrae dans les îles Carolines, plus deux exclaves en Polynésie).

S‘y ajoute une quinzaine de territoires aux statuts extrêmement divers : possessions néo-zélandaise autonome (Tokelau) ou britannique (Pitcairn, cf. Particularismes culturels), territoires et collectivités d’outre-mer français (Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française), provinces indonésiennes (ouest de la Papouasie), territoire chilien (île de Pâques), territoires américains (Guam, Samoa orientales). Rattachée aux Samoa américaines mais plus proche de Tokelau, l’île inhabitée de Swains (2,4 km²) est revendiquée par la Nouvelle-Zélande. De leur côté, les îles Marshall revendiquent l’atoll américain de Wake (une centaine d’habitants sur 6,5 km²), situé entre les Marshall et les Mariannes du nord.

Annexées par les Américains en 1898, les îles d’Hawaï (28 000 km²) constituent, depuis 1959, le cinquantième membre à part entière des États-Unis d’Amérique. Le Commonwealth des îles Mariannes du Nord[7] forme un cas différent : situées dans la mer des Philippines, à proximité de la plus grande fosse océanique du monde (11 053 mètres de profondeur), ses quinze îles forment un État libre associé aux États-Unis. Les îles Mariannes (Guam et Mariannes du Nord) sont le berceau du peuple austronésien des Chamorro, une des très nombreuses ethnies d’Océanie : plus de 700 langues papoues et près de 450 langues austronésiennes sont recensées dans la seule Mélanésie.

Pour sa part, la Nouvelle-Zélande compte deux États en « auto-gouvernance », qui lui sont librement associés (et partagent la citoyenneté néo-zélandaise) : les îles Cook (236 km², 8 000 habitants, capitale : Avarua) et l’île de Niue (260 km², 2 000 habitants, capitale : Alofi). Wellington n’y conserve qu’une seule fonction régalienne, la défense, mais pas la politique étrangère (de sorte que les deux États sont reconnus par l’ONU et membres de certaines de ses sous-organisations).

Par son positionnement géographique et ses richesses minérales et halieutiques, le Pacifique sud est au cœur des rivalités qui opposent la Chine et les États-Unis. La première inonde certains pays de prêts avantageux et de dons, dans le cadre de son expansion économique mondiale et de sa lutte contre l’influence de Taïwan. Ainsi, les Samoa occidentales, les Fidji, le Vanuatu, Kiribati et les îles Salomon ont intégré les nouvelles « routes de la soie » inventées par Pékin ; en avril 2022, les dernières sont signé avec la Chine un accord en vue d’une « plus grande collaboration », en matière d’économie et de sécurité notamment. Cette situation génère parfois des tensions locales (par exemple aux Salomon) et provoque la méfiance de différents États, à commencer par l’Australie. La première puissance océanienne s’est dotée de nouveaux armements (tels que des sous-marins à propulsion nucléaire) et a intensifié ses partenariats avec les Américains et les Japonais : dans l’initiative de défense Quad lancée à la fin des années 2000 (cf. Tensions en mers de Chine méridionale), mais aussi dans l’Indo-Pacific Economic Framework (IPEF) ; ce programme est né en 2022 pour accroître l’intégration de ses membres dans quatre domaines (économie numérique, chaînes d’approvisionnement, énergies vertes et lutte contre la corruption).

A l’été 2021, les États fédérés de Micronésie – associés, comme les Marshall et les Palaos, aux États-Unis qui leur assurent défense et services sociaux – accordent à Washington l’implantation d’une base américaine sur leur sol. En mai 2023, la Papouasie-Nouvelle Guinée (PNG) signe un pacte de sécurité avec les États-Unis, accordant aux forces américaines un accès « sans entrave » aux ports, bases navales et aux aéroports du pays. Washington a également ouvert des ambassades aux Salomon et aux Tonga et reconnu la souveraineté de Niue et des îles Cook, afin de renforcer sa présence dans la région. En décembre 2023, la PNG signe un accord avec l’Australie, afin de renforcer les moyens de sa police et de sa justice contre le trafic de drogue et d’armes, ainsi que les violences tribales. Mais, le mois suivant, c’est Pékin qui obtient un nouveau ralliement régional : Nauru rompt ses relations avec Taïwan.

Les liens de l’île chinoise avec un autre petit pays se trouvent menacés en janvier 2024, du fait de la défaite électorale du Premier ministre sortant des Tuvalu, sans que son successeur ne prenne vraiment position sur le sujet. Malgré sa modeste taille (26 km² seulement de surface terrestre), cet archipel polynésien revêt une importance stratégique et économique majeure, puisqu’il possède une zone économique exclusive de 756 000 km². Pour le séduire, les États-Unis se sont engagés à le raccorder avec un câble sous-marin, afin d’y améliorer les télécommunications. De son côté, l’Australie a signé avec le gouvernement insulaire, en novembre 2023, un accord sécuritaire prévoyant, notamment, l’installation progressive des 11 200 habitants de l’archipel sur le sol australien. Comme Nauru et Kiribati (qui s’étend à la fois sur la Micronésie et la Polynésie[8]), les Tuvalu sont en effet menacés par la montée des eaux due au réchauffement climatique : deux de ses neuf atolls sont déjà largement submergés et tous pourraient devenir complètement inhabitables au début du XXIIe siècle.


[1] Micronésie (3 300 km² de terres) : Carolines (États fédérés de Micronésie et Palaos), îles Marshall, Mariannes (du nord et Guam), îles Gilbert (État de Kiribati), Nauru…

[2] Mélanésie (970 000 km² de terres) : Papouasie indonésienne, Papouasie-Nouvelle-Guinée indépendante, Bougainville et Salomon, Vanuatu (ex-Nouvelles Hébrides), Fidji et Nouvelle-Calédonie/Kanaky.

[3] Polynésie : 26 000 km² de terres à l’intérieur d’un triangle formé par Hawaï au nord, la Nouvelle-Zélande au sud et l’île de Pâques à l’est, avec Tuvalu (ex-îles Ellice), les îles de la Ligne (Kiribati et États-Unis) et Phoenix (Kiribati), les Samoa (Samoa et États-Unis), les Tonga, Wallis & Futuna, les îles Cook et Niue, Tokelau, la Polynésie française (îles de la Société, Marquises, Tuamotu)…

[4] La Tasmanie est devenue une île il y a environ 12 000 ans, lors de la remontée des eaux à la fin de la période glaciaire. L’Australie et la Nouvelle-Guinée se sont séparées au huitième ou au septième millénaire AEC, séparation dont témoignent les 270 îles du détroit de Torrès.

[5] Les 164 km² de l’île de Pâques sont situées à plus de quatre mille kilomètres de la côte chilienne et à deux mille deux cents kilomètres de Pitcairn, l’île polynésienne la plus proche.

[6] L’Australie n’est pas considérée comme une île à proprement parler.

[7] Mariannes du Nord, 55 000 habitants sur 463 km². Capitale : Capitol Hill (île de Saipan)

[8] Les Kiribati (810 km², prononcer « Kiribass ») sont à cheval sur trois archipels : la quasi-totalité des îles de la Ligne et les îles Phoenix en Polynésie et les îles Gilbert en Micronésie.

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