ASIE, Monde malais

L’Insulinde et le monde « malais » avant les indépendances modernes

L’ensemble constitué par la péninsule malaise et l’archipel indonésien se situe dans le prolongement du sous-continent indien, en direction de la Chine.

Entre le golfe du Bengale (au nord-ouest) et la mer de Chine méridionale (à l’est) s’étend un monde majoritairement habité de populations d’origine malaise. Il est constitué de deux ensembles principaux : une péninsule, séparée de l’Indochine par l’isthme de Kra, et un immense espace insulaire ; qualifié d’Indes orientales ou d’Insulinde au XIXe siècle[1], il compte les deux plus grandes îles du monde (après le Groenland), la Nouvelle-Guinée et Bornéo (ou Kalimantan). Certains géographes incorporent les Philippines (cf. Article dédié) dans cet ensemble auquel ils donnent le nom générique de Malaisie, au sens « d’îles des Malais », par distinction avec la Polynésie (îles nombreuses), la Micronésie (petite îles) et la Mélanésie (îles noires)[2].

Cet ensemble a donné naissance à cinq pays contemporains : l’immense Indonésie[3] (avec ses quelque 13 500 îles), la Malaisie (dont plus de la moitié est située sur l’île de Kalimantan ou Bornéo) et les petits États de Singapour, de Brunei et du Timor oriental. Le nord de la péninsule malaise appartient à la Thaïlande.

[1] Du latin « insula ».

[2] Cette organisation est celle proposée par Dumont d’Urville en 1831. Cf. Océanie. L’ajout de Taïwan et de Madagascar constitue l’AUSTRONESIE, zone des 1 200 langues austronésiennes.

[3] Du grec « nesos » (île), nom donné au XVIIIe.

SOMMAIRE


Les premiers peuplements

La position géographique de la péninsule Malaise – au sud de la péninsule indochinoise, dont elle est séparée par l’isthme de Kra – en a fait une voie de passage majeure pour les humains ayant quitté le continent asiatique en direction de l’Australie, à une époque où le niveau des mers était beaucoup plus bas qu’aujourd’hui. Au fil de la préhistoire, la région connaît des peuplements successifs d’humains archaïques puis d’Australoïdes auxquels se superposent, au Néolithique, plusieurs vagues de populations austro-asiatiques et austronésiennes.

Les plus anciennes traces de présence « humaine » dans la région sont celles de probables représentants d’homo erectus, présents entre -500 000 et -50 000 : « homme de Java », « homme de Solo » et « homo floresiensis » dans les îles de la Sonde, « homo luzonensis » ou « homme de Callao » du nord des Philippines. D’autres espèces les suivent, telles que « l’homme de Denisova » et l’homme « moderne » qu’est homo sapiens : celui découvert dans une grotte de Tabon, au nord de Palawan (entre les Philippines et la mer de Chine méridionale), y aurait vécu il y a environ 47 000 ans. Certains Négritos pourraient être les descendants de ces métissages[1]. Derrière cette appellation générique de « petits noirs » (donnée par les Espagnols au XVIIe siècle), se cache un ensemble de groupes, parfois qualifiés d’Australoïdes, vivant dans plusieurs zones géographiques du sud-est asiatique : les Philippines, la péninsule malaise, la Nouvelle-Guinée et les îles Andaman dans le golfe du Bengale. Leurs ressemblances physiques n’excluent pas une diversité génétique laissant supposer qu’il s’agit de groupes issus de migrations s’étant produites à des moments différents de la préhistoire.

Au fil du temps, ces populations vont s’effacer devant d’autres peuples asiatiques arrivés plus tard ou bien se mélanger avec eux. A l’origine, ces peuples sont établis dans le centre et le sud de la Chine actuelle où, il y a 8 000 ans, des « révolutions néolithiques » ont conduit les hommes à cultiver le millet et le riz : les « proto-Austronésiens » sont installés dans les plaines du littoral de la Chine du Sud, tandis que les ancêtres des Tai-kadai, des Sino-tibétains et des Austro-asiatiques habitent plutôt les collines et les piémonts. Les plus anciens des peuples arrivés en Asie du sud-est semblent être les Austro-asiatiques, famille qui regroupe les Môn-Khmers et certaines ethnies de l’Inde. Les migrations des peuples de langues tai-kadai, sino-tibétaines, indo-européennes et austronésiennes n’arrivent que plus tard. En Malaisie, certains migrants se rattachent peut-être à la culture de Hoa Binh qui, entre le huitième et le premier millénaire avant l’ère commune, s’est propagée du nord Vietnam actuel jusque dans la péninsule malaise.

Dans les archipels, les nouvelles arrivées s’opèrent par voie maritime puisque, après la dernière ère glaciaire (achevée au début de l’Holocène, il y a environ 10 000 ans), le niveau de la mer s’élève de plusieurs dizaines de mètres. Il submerge l’isthme qui reliait les Philippines au continent et fait disparaître les blocs terrestres de Sunda (associant la Malaisie aux îles indonésiennes actuelles) et de Sahul (faisant un seul ensemble de la Nouvelle-Guinée et de l’Australie). Jusqu’alors effectués à pied, les flux migratoires ne sont alors plus possibles qu’en utilisant des embarcations, en particulier des pirogues à balancier. Ainsi, vers 3 500 AEC, des Austronésiens, confrontés à un début de surpopulation en Chine, commencent à traverser le détroit de Formose pour s’installer à Taïwan, sans doute à la recherche de terres propres à la culture du riz et du millet. De là, des migrations ont lieu vers -3 000 en direction des Philippines : le parler de ces navigateurs va donner naissance aux quelque 1 200 langues de la famille malayo-polynésienne (tout le groupe austronésien, moins les langues formosanes). A partir de -2 500, le mouvement prend la direction de Bornéo et des Célèbes, puis se scinde : Java, Sumatra et la péninsule malaise d’un côté (entre -2 000 et -1 000), la Nouvelle-Guinée et les îles du Pacifique de l’autre (l’archipel des Salomon et les Mariannes du nord sont atteints vers -1 500). Ces Austronésiens soumettent les habitants « australoïdes » arrivés précédemment (comme les Papous) ou les pourchassent vers les montagnes et l’intérieur des terres. Dans certains cas, ils les assimilent : ainsi, les groupes ethniques philippins modernes sont un mélange génétique d’Austronésiens et de Négritos.

Comme une partie de la péninsule indochinoise, « l’Insulinde » est soumise dès les premiers siècles de l’ère commune à l’influence de l’Inde, de sa culture et de ses religions, brahmaniste et bouddhiste. Des contacts existent aussi avec la Chine : à partir du IIIe siècle EC, des textes chinois font mention de plusieurs petits États péninsulaires, tels ceux de Tun-sun, Chi-tu (« terre rouge ») ou encore Lang-jia-su (Lankasuka). Au siècle suivant, le nord de la Malaisie fait partie de la sphère d’influence du Funan, la puissante confédération de culture indienne qui domine le commerce maritime entre l’Inde et la Chine (cf. Indochine). Au Ve siècle, des royaumes « indianisés » existent aussi dans l’archipel indonésien, à Sumatra, à l’ouest de Java (Taruma Negara), au sud de Kalimantan (Kutaï).

[1] L’ethnie aeta magbukon, vivant sur l’île philippine de Luçon, présente le plus fort d’ADN dénisovien du monde (5 % soit 30 à 40 % de plus que les Papous et les aborigènes australiens). Venus de Sibérie, les groupes dénisoviens auraient migré il y a 50 000 puis 23 000 ans.


De Srivijaya à Majapahit : l’heure de gloire des royaumes « indianisés »

Au VIIe siècle, des textes chinois mentionnent le dynamisme de deux ports situés sur la côte sud orientale de Sumatra : Malayu (dont provient le terme « Malais ») et Srivijaya (l’actuelle Palembang). Dirigée par un maharajah, cette thalassocratie[1] bouddhiste se développe dès la fin du siècle, mettant à profit le déclin du Funan et l’ouverture d’une nouvelle voie pour relier l’Océan indien à la Mer de Chine : au lieu d’utiliser le passage terrestre traditionnel par l’étroit isthme de Kra, elle exploite la route maritime du détroit de Malacca, qui sépare les côtes de Malaisie et de Sumatra sur 950 km de long[2]. Srivijaya devient un port fréquenté par tous les navires de la région, indiens, chinois, arabo-persans, javanais (qui commercent entre les Moluques, « archipel des épices[3] », et les détroits). La nouvelle puissance domine bientôt tout Sumatra, l’ouest de Java (au détriment des royaumes soundanais[4] locaux) et la péninsule malaise.

Au centre de Java – peuplé comme l’est de l’île par des Javanais – une autre dynastie bouddhiste s’affirme au VIIIe, celle des Sailendra[5] : à la fin du siècle, sa domination s’exerce jusqu’au sud de l’État cambodgien du Tchen-la. Elle est toutefois supplantée, dans le deuxième quart du IXe, par des hindous, les Sanjaya. Ceux-ci sont à leur tour évincés, à la fin du même siècle, par une dynastie adepte de Shiva qui forme le royaume de Mataram, dans l’actuelle région de Yogyakarta, au centre de Java. En 1016, sa famille royale est décimée par un État voisin, mais la monarchie se reconstitue trois ans plus tard et conquiert même Bali. En revanche, elle ne se remet pas de la disparition de son roi, en 1049, qui entraine le partage du royaume en deux principautés rivales. C’est finalement celle de Kediri qui, prend le dessus, un siècle plus tard. Elle étend son influence sur Bali et les petites îles de la Sonde et même jusqu’aux Célèbes et à l’ouest de Kalimantan.

De son côté, Srivijaya amorce son déclin, après avoir été ravagée, en 1023 et 1030, par les raids de la nouvelle puissance maritime de la région, les Tamouls de Chola. Affaiblie, la thalassocratie perd progressivement le contrôle des détroits au profit du nouveau royaume javanais de Singosari, fondé en 1222 par un aventurier, sur les décombres du Kediri. Se pensant suffisamment puissant, son souverain refuse de payer tribut à l’Empereur mongol de Chine qui, en représailles, fait débarquer ses vaisseaux à Java en 1293. Après avoir d’abord négocié avec les envahisseurs, un noble javanais parvient à rallier une partie de leurs troupes et à les évincer. Après le départ des Mongols, il fonde un nouvel État hindou-bouddhiste[6] : dominant les deux tiers de Java et les îles voisines de Madura et de Bali, le royaume de Majapahit devient le nouvel acteur commercial majeur de l’archipel, imposant tribut à de très nombreux États (tels que les royaumes balinais) et exerçant son influence jusqu’au sud de la Malaisie, à Formose (Taïwan) et dans les îles Mariannes. A Sumatra, le déclin de Srivijaya favorise l’expansion du royaume des Minangkabau – un peuple proche des Malais – qui domine quasiment toute l’île au XIVe siècle.

[1] Srivijaya signifie « heureuse victoire » en sanscrit.

[2] Large de 320 km dans sa partie septentrionale, le détroit de Malacca n’en fait plus que 2,8 km dans sa partie méridionale (détroit de Singapour).

[3] Le giroflier est cultivé aux Moluques et le muscadier dans les îles Banda, juste au sud.

[4] Les Soundanais sont un peuple malayo-polynésien.

[5] Le règne des Sailendra est marqué par une renaissance culturelle dont témoigne le temple de Borobudur, classé au patrimoine mondial de l’Unesco.

[6] La création des nouveaux États indonésiens, qu’ils soient hindou-bouddhistes ou musulmans, s’accompagne du transfert du « keraton » (palais royal) dans une nouvelle ville.

Padar dans le parc de Komodo. Crédit : Killian Pham / Unsplash

De Malacca à Aceh : la domination des sultanats musulmans

A la fin du XIIIe, la région doit intégrer une nouvelle donnée : l’introduction de l’islam, dans la région d’Aceh (ou Atjeh) au nord de Sumatra, par des marchands du Gujarat indien et du Golfe persique. Sa propagation entraîne la naissance de petits États islamiques, qui sont d’abord vassaux des États hindous préexistants, puis les évincent[1]. Un nouvel acteur apparait aussi à l’ouest de Java, où les Soundanais fondent en 1333 le Royaume hindouiste de Pajajaran.

A la même période, le nord de la péninsule malaise passe sous la suzeraineté, plus ou moins rigide, des royaumes thaïs : c’est le cas du sultanat de Patani et de la principauté de Tambralinga situés juste au sud de l’isthme de Kra. Cette situation achève d’affaiblir la position de Srivijaya qui est définitivement anéanti par le Majapahit en 1377. Un de ses princes parvient toutefois à s’échapper et à gagner un village de pêcheurs, Malacca (Malaka en malais) dans le sud de la péninsule malaise où il fonde, en 1403, un nouvel État. Pour se protéger des visées expansionnistes des Thaïs, ses premiers souverains cherchent l’appui de la Chine, qui fait séjourner dans le port les grandes flottes de l’eunuque Zheng He. C’est aussi pour des raisons stratégiques – se rapprocher des sultanats musulmans du nord de Sumatra – que le prince choisit de se convertir à l’islam en 1419. Le sultanat de Malacca devient une puissance commerciale majeure, entretenant notamment des liens avec le Gujarat indien.

Il met à profit le déclin du Majapahit, dont l’autorité centrale est contestée par les multiples fiefs que le roi a donnés en apanage à certains de ses proches : le Kediri, le Pajang, le Mataram… A partir de 1404 débutent des guerres de succession qui s’achèvent, en 1478, par la victoire des princes de Kediri. La déliquescence du Majapahit favorise l’émancipation de ses vassaux, en particulier balinais, et l’ascension du sultanat de Malacca. Après avoir signé un traité de paix avec le Siam thaï (en 1450), ce dernier atteint son apogée dans la seconde moitié du XVe : son autorité s’exerce alors sur la majeure partie de la Malaisie, les îles Riau (voisines de Malacca) et le centre-est de Sumatra et son influence commerciale s’étend jusqu’à Java, à Kalimantan et aux Moluques.

Amorcé dès le VIIIe siècle, à l’époque de Srivijaya, le peuplement malais de la péninsule s’accentue au XVe, notamment avec l’arrivée des Minangkabau : partis du centre de Sumatra, ils traversent le détroit et se fixent au nord de Malaka, dans la région de Negri Sembilan (« les neuf pays »). A partir du XVe, de nouveaux sultanats se forment dans la péninsule : Pahang, puis Terengganu et Kelantan sur la côte orientale, Perak (riche en étain) et Kedah (faisant commerce du poivre) sur la côte occidentale. Tous pratiquent un islam mâtiné de croyances locales, similaire à celui qui se développe dans l’archipel indonésien à la faveur de l’expansion commerciale du sultanat de Malacca. En parallèle, le malais s’impose comme langue d’échanges entre les différentes nationalités qui fréquentent les ports de la région : autochtones, chinois, indiens, moyen-orientaux, européens…

La diffusion de l’islam se renforce encore au XVIe siècle, face à la politique active de conversion au christianisme que mènent les Portugais. Depuis leurs comptoirs de l’Inde, ils ont en effet mis le cap sur l’Insulinde, afin de mettre la main sur le juteux commerce des épices. En 1511, ils s’emparent de Malacca, obligeant le sultan à déplacer dans l’extrême-sud de la péninsule malaise son nouveau sultanat de Johor. Fuyant une place devenue catholique, le commerce musulman se réorganise dans la péninsule (faisant les beaux jours du sultanat de Patani, qui bénéficie à nouveau du passage des marchandises par l’isthme de Kra[2]) et à travers tout l’archipel indonésien, via plusieurs sultanats : depuis le nord de Sumatra, Aceh assure la liaison avec l’Inde, notamment pour le commerce du poivre, en concurrence avec Johor et les Portugais ; à Kalimantan, le sultanat de Brunei – héritier du royaume né déjà depuis plusieurs siècles et dont dérive le nom de Bornéo – s’étend dans l’ouest de l’île ; aux Moluques, apparaissent les sultanats rivaux de Ternate et de Tidore au nord et celui d’Amboine au sud.

Des États musulmans prennent aussi la suite du défunt royaume hindou-bouddhiste de Magapahit dans l’île de Java : d’abord le sultanat de Damak, sur la côte nord à la fin des années 1520, puis celui de Pajang, à l’intérieur de l’île à la fin des années 1560, et celui de Banten à l’extrême-ouest ; émancipé du Damak dans les années 1550, ce dernier soumet le royaume Soundanais de Pajajaran (1579) et s’étend au sud de Sumatra tout proche. Un seul État bouddhiste résiste à cette généralisation des royaumes musulmans : la petite principauté de Blambangan, située à l’extrême-est de Java, qui se place sous la protection du Gelgel, le plus puissant des royaumes balinais voisins[3].

[1] Ainsi, à Sumatra, le royaume des Minangkabau se retrouve réduit au centre de l’île.

[2] Plus ou moins émancipé des Thaïs, grâce au soutien d’autres États malais, Patani connait son apogée au XVIIe siècle, sous le règne des quatre sultanes, avant d’être définitivement annexé par le Siam en 1771.

[3] Blambangan restera hindouiste jusqu’à la conversion de ses derniers princes à l’islam en 1770, à l’instigation des Hollandais soucieux de soustraire l’est de Java à l’influence balinaise.


L’arrivée des colonisateurs européens

Le Portugal profite de cette effervescence étatique : plutôt que d’implanter des installations pérennes, Lisbonne choisit de nouer des alliances avec les nombreux royaumes de l’archipel indonésien, en particulier aux Moluques et dans l’île de Timor, riche en bois de santal[1]. Dans la seconde moitié des années 1520, un navigateur lusitanien aborde accidentellement en Nouvelle-Guinée, à laquelle il va donner le nom de « terre des Papous », mot malais faisant référence aux cheveux crépus des habitants de l’île. Le nom de Nouvelle-Guinée lui sera attribué en 1545 par un navigateur espagnol, par analogie avec les populations noires d’Afrique, mais les explorations européennes n’iront pas plus loin que les côtes. Quant-aux Portugais, ils sont expulsés de Tidore en 1575. Cinq ans plus tard, leur union avec la couronne d’Espagne les conduit à abandonner leurs prétentions : Madrid est en effet accaparé par la guerre d’indépendance que mènent les Provinces unies du nord (les actuels Pays-Bas) en Europe.

Devenus indépendants des Espagnols, les Néerlandais prennent le relais des Portugais en Insulinde, via leur Compagnie unie des Indes orientales (VOC[2]) : en 1653, ils occupent la partie occidentale de Timor (les Portugais s’étant déjà retirés dans la partie orientale de l’île). Une quarantaine d’années plus tard, ils sont à Java où ils fondent, en 1619, la forteresse de Batavia, à l’ouest de l’île, sur les ruines de la ville de Jayakarta (« acte victorieux » en sanskrit ). Après avoir évincé les Portugais d’Amboine, les Hollandais conquièrent aussi les îles Banda, au sud des Moluques, au prix de forces massacres et déportations.

De leur côté, les sultanats indonésiens sont à leur apogée : Aceh domine non seulement l’ouest et le nord-est de Sumatra, mais aussi une large partie de la Malaisie ; aux Célèbes, Macassar devient le point de ralliement des commerçants non hollandais. Dans la première moitié du XVIe, le Mataram réunifie Java : émancipé de son suzerain de Pajang, le Susuhunan (Empereur) du Mataram étend ses possessions à l’extrême-est javanais, ainsi qu’aux îles voisines de Madura et de Bali (dont l’histoire est souvent liée à celle de son plus proche voisin, bien que demeurant attachée à l’hindouisme) ; seule Banten échappe à cette réunification.

Pourtant, les sultanats indonésiens vont être progressivement soumis ou vassalisés par les Hollandais qui, à la différence des Portugais, n’ont aucune prétention religieuse, mais seulement des ambitions commerciales. En 1641, après un blocus de plusieurs années, ils délogent les Portugais de Malacca, réussissant là où Aceh avait échoué à plusieurs reprises. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la Compagnie hollandaise accentue sa domination : elle annexe l’ensemble des Moluques (1656), place les Minangkabau sous sa protection en échange de leur aide contre Aceh (1662), s’empare de Macassar avec l’aide des Bugis, un peuple marin des Célèbes (1668) et place un de ses protégés sur le trône de Banten (1684). La VOC intervient aussi pour aider le Mataram à combattre les révoltes, notamment maduraises et balinaises, qui agitent l’est de Java à la fin du siècle ; ce soutien lui permet d’obtenir des territoires au sud de Batavia. Pour autant, une partie du commerce dans les détroits demeure aux mains de princes indonésiens, la plupart d’origine Minangkabau ou Bugi, arrivés dès 1717 dans l’archipel de Riau.

A Kalimantan, le sultanat de Brunei doit affronter une rébellion qui le conduit à solliciter l’aide de son plus proche voisin musulman. En échange de son soutien, le sultan de l’archipel philippin des Sulu reçoit des terres au nord de Bornéo, au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, terres qui alimentent toujours un contentieux entre les Philippines, la Malaisie et l’Indonésie.

Au XVIIIe, les Hollandais interviennent dans les « guerres javanaises » qui, à plusieurs reprises, mêlent les querelles dynastiques aux révoltes contre la domination de la VOC. Après la guerre de 1747-1759, ils imposent le découpage du Mataram en trois États, basés à Yogyakarta (au sud) et Surakarta (au centre). Entretemps, ils ont maté la révolte des Chinois de Batavia (1740), puis le soulèvement de Banten (1750). Bali n’est pas épargnée par les luttes intestines : épuisé par les guerres contre le Mataram, mais aussi contre ses rivaux balinais, le royaume de Gelgel disparait au milieu du XVIIe ; à la fin du siècle suivant, neuf royaumes se partagent le contrôle de l’île.

En 1799, la Compagnie des Indes orientales est dissoute, victime du déclin commercial des épices, de la mainmise croissante des Anglais sur les océans et de la conquête des Pays-Bas par la France révolutionnaire. Après un bref passage sous tutelle britannique, les Indes orientales sont restituées au royaume des Pays-Bas qui en prend le contrôle direct.

[1] Timor est l’endroit où les conversions au christianisme s’avèrent les plus nombreuses.

[2] La Vereenigde Oostindische Compagnie (VOC), fondée en 1602.

Sabah. Crédit : Ryan O’Niel / Unsplash

La nouvelle donne anglaise

A la fin du XVIIIe, les Anglais sont à la recherche de relais maritimes entre leur Empire des Indes et l’Extrême-Orient, ce qui les conduit à manifester un fort intérêt pour la péninsule malaise et les détroits. S’étant fait céder l’îlot de Penang par le sultan de Kedah en 1786, ils s’emparent de Malacca neuf ans plus tard. En 1819, ils fondent un port à Singapura, à l’extrémité la plus méridionale du détroit de Malacca[1] : le succès de cette nouvelle installation portuaire est immédiat et attire de nombreux Chinois. En 1824, le traité de Londres définit les zones d’influence dans la zone : aux Hollandais les territoires au sud du détroit, dont les îles Riau (mais pas l’est de Timor, resté portugais) ; aux Britanniques la péninsule, y compris Malacca et Singapour, cédée à perpétuité par le sultan de Johor. Deux ans plus tard, la Grande-Bretagne regroupe ses possessions de Penang, Malacca et Singapour dans un établissement des détroits, dépendant de la Compagnie des Indes. Par souci d’économie, la pénétration britannique en Malaisie s’arrête là, du moins pour un demi-siècle.

Les Néerlandais, eux, doivent gérer plusieurs conflits dans leur archipel : une insurrection conduite par un chrétien à Amboine (1817), une révolte de musulmans fondamentalistes (les Padri) en pays minangkabau dans les années 1820 et surtout la rébellion d’un prince de Yogjakarta en 1825. Les Pays-Bas finissent par en venir à bout cinq années plus tard, au prix de 200 000 morts, et en profitent pour annexer de nouveaux territoires javanais. Ils mettent également au pas les royaumes balinais[2], parfois de façon sanglante, en mettant en avant leur volonté d’éradiquer l’esclavage et de faire cesser le pillage des épaves, ainsi que la contrebande d’opium. Toutes ces opérations s’avérant coûteuses, le gouverneur général instaure le « système des cultures » qui place directement sous le contrôle des autorités coloniales un certain nombre de plantations, notamment de café. Comme les recettes de ce dispositif sont affectées au Trésor néerlandais – et au versement de commissions à des intermédiaires javanais – l’exploitation des paysans devient si dure que le système sera progressivement remis en cause dans la seconde moitié du XIXe, laissant davantage de place aux propriétés privées[3]. Au cours du même siècle, les autorités néerlandaises encouragent, pour la première fois, les missions d’évangélisation d’un certain nombre de populations non islamisées, telles que les Minahasan du nord des Célèbes (qui vont alimenter l’administration et l’armée coloniales), les Batak de Sumatra (définitivement soumis en 1872) et même les Dayak de Bornéo.

Dans cette immense île de Kalimantan[4], les Pays-Bas doivent renforcer leur présence face aux Britanniques, dont l’emprise a pris une forme très particulière : c’est en effet un aventurier anglais qui, en échange de son aide au sultan de Brunei pour mater une rébellion, s’est fait reconnaître gouverneur puis rajah de la région de Kuching en 1846. Tout au long du XIXe siècle, lui et son successeur agrandissent leur État du Sarawak au détriment du Brunei. Les Néerlandais réagissent : après avoir soumis les Chinois qui exploitaient des mines d’or de la région de Pontianak, au sud-ouest, ils annexent en 1863 le sultanat de Banjarmasin, au sud-est. En 1878, un nouvel épisode survient, cette fois au nord de Bornéo : ayant soumis le sultan sud-philippin de Sulu, les Espagnols s’y emparent des territoires que le souverain de Brunei lui avait cédés. Mais un contentieux survient avec un Anglais, auquel le sultan de Brunei avait également accordé des droits sur cette zone. L’affaire provoque l’intervention de Londres et la signature, en 1885, d’un traité anglo-espagnol qui fixe les limites respectives de l’archipel de Sulu et de la British north Borneo company (BNBC). Dès les années suivantes, le Royaume-Uni place sous son protectorat le Sarawak des « rajahs blancs », le sultanat de Brunei et le nord de Bornéo. La frontière avec la partie néerlandaise de l’île est arrêtée en 1912.

Pour les Pays-Bas, le plus dur s’est produit à l’extrême-ouest de l’archipel indonésien où, en 1873, le sultanat d’Aceh a déclenché une guerre contre la progression néerlandaise sur la côte nord-est de Sumatra. La guérilla qui en résulte ne prendra fin que dans la première décennie du XXe siècle, marquant les esprits dans le monde musulman[5]. A la fin de la même décennie, les Pays-Bas achèvent la conquête de leurs « Indes néerlandaises » par la soumission de Bali et Florès. Directement, ou par le biais de déclarations d’allégeance de trois cents souverains locaux, les Néerlandais exercent leur autorité sur toute l’Indonésie, y compris sur l’ouest de la Nouvelle-Guinée depuis 1828[6]. En 1884, la partie orientale de la grande île est divisée en deux zones d’influence : allemande au nord-est et britannique au sud-est[7].

Les Anglais ont par ailleurs dû se résoudre à intervenir davantage en Malaisie, en 1874, le désordre que connaissent les sultanats malais étant mauvais pour les affaires. L’un de ces différends oppose les princes à des sociétés chinoises : celles-ci ont prospéré grâce aux concessions que les sultans locaux leur ont accordées pour exploiter des poivriers et des gambiers dans l’État de Johor, ainsi que des mines d’étain dans le Perak et dans le Selangor, sur le site de l’actuelle capitale Kuala Lumpur (« l’embouchure envasée »). Pour mettre fin à ces querelles, le Royaume-Uni impose aux sultans de Perak et Selangor la présence d’un représentant, dont l’assassinat provoque une intervention militaire britannique en 1875. Le même dispositif ayant été imposé au Pahang et au Negeri Sembilan, les quatre sultanats sont réunis, en 1896, au sein d’États malais fédérés, administrés par un résident général basé à Kuala-Lumpur.

En 1909, les Britanniques se font céder par les Siamois les droits qu’ils détenaient sur quatre États malais vassaux (Perlis, Kedah, Kelantan et Terengganu)[8]. En échange, le Siam conserve son indépendance et voit reconnue sa souveraineté sur les principautés malaises les plus au nord qui, depuis, constituent des provinces thaïlandaises : Patani, Narathiwat, Yala, Songkhla et Satun (créée en prenant des terres à l’État de Kedah). Depuis cette date, la péninsule malaise est partagée en deux. Londres parachève sa conquête en 1914, par le sultanat de Johor. Toutefois, celui-ci et les quatre États conquis en 1909 ne sont pas intégrés à la fédération malaise. Pour développer ses nouvelles possessions, la Grande-Bretagne y industrialise l’exploitation de l’étain et introduit la culture de l’arbre à caoutchouc. Il en résulte un important afflux de main d’œuvre immigrée, chinoise mais aussi indienne. En 1921, les Chinois et les Indiens (essentiellement Tamouls) sont aussi nombreux que les Malais, les premiers étant même ultra-majoritaires à Singapour.

[1] Le port de Temasek, nom initial de Singapour, est le siège d’un comptoir tribulaire de Majapahit qui prospère de la fin du XIIIe au début du XVe. Le nom de Singapour (cité du lion) lui est donné par un prince de Sumatra qui s’y réfugie à la fin du XIVe.

[2] La mise au pas des royaumes balinais nécessitera plusieurs campagnes entre 1846 et 1908.

[3] Les excès du « kultuurstelsel » sont dénoncés dans le roman Max Havelaar d’ED. Dekker, paru en 1860.

[4] « L’île au climat brûlant » (son nom en sanskrit) est la troisième île la plus grande du monde (748 000 km²).

[5] De 1873 à 1903, la guerre aurait fait 12 500 morts côté hollandais et 100 000 côté acehnais.

[6] Vassal du sultan de Tidore, l’ouest de la Nouvelle-Guinée était passé dans l’orbite néerlandaise vers 1660, sans que la VOC ne s’y intéresse pendant deux siècles.

[7] Les Allemands seront chassés par les Australiens, auxquels Londres a confié les rênes de la Nouvelle-Guinée orientale, mais les derniers soldats du Reich ne se rendront qu’en janvier 1919.

[8] Les Thaïs récupèreront brièvement la souveraineté sur ces États durant la seconde Guerre mondiale.


De l’occupation japonaise aux indépendances

Dans les Indes néerlandaises, un sentiment nationaliste indonésien a commencé à émerger, mais il est divisé, notamment quant à la place de la religion sans la société : le PKI – premier parti communiste d’Asie, fondé en 1920 – s’oppose ainsi à la Sarekat Islam (Association islamique, modérée, née en 1911). Entre les deux va s’affirmer le Parti national (PNI) que fondent Sukarno, Mohammed Atta et Sutan Sjahrir en 1927, après l’échec de l’insurrection lancée par les communistes à Java et Sumatra l’année précédente. Côté musulman, l’islam orthodoxe est représenté par la Muhammadiyah (Partisans de Mahomet, fondée en 1912) et le Nahdatul Ulama (Réveil des oulémas, fondé en 1926) qui se regroupent, en 1937, au sein du Conseil des musulmans d’Indonésie (MIAI). En 1939, le PNI et un ensemble de forces se fédèrent dans un Groupement nationaliste antifasciste (GAPI) qui adopte les symboles d’une future Indonésie indépendante : la langue indonésienne, le drapeau rouge et blanc (les couleurs de Majapahit) et un hymne national.

A partir de décembre 1941, les Japonais occupent la Malaisie. Ils parviendront à y rester jusqu’à la capitulation du Japon, en août 1945, malgré la résistance menée par les communistes chinois, dont la communauté a été la principale victime des exactions nippones : pour survivre, nombre d’entre eux, « les squatters », fuient en lisière des jungles pour y cultiver des terres. Durant la même période, le Japon occupe les territoires britanniques de Bornéo. En 1942, les Japonais sont à Java, ainsi qu’en Nouvelle-Guinée. Tout en mettant l’archipel indonésien en coupe réglée, les nouveaux occupants cherchent des relais locaux : à cette fin, ils libèrent les dirigeants nationalistes, que les Néerlandais avaient arrêtés dans les années 1930. Tandis que Sjahrir reste à l’écart, Sukarno et Hatta, de même que certains chefs musulmans, profitent de leur coopération avec les Japonais pour diffuser leurs idées d’indépendance dans la population. Ils obtiennent même la création d’un corps de volontaires, qui sera l’embryon de la future armée indonésienne. Face à l’avancée des Américains dans le Pacifique, les Nippons finissent par accéder à la perspective d’une indépendance indonésienne, à la fin de l’année 1944. Mais si la mise en place d’une République unitaire fait l’unanimité, les chefs indonésiens restent très divisés sur le rôle dévolu à l’islam. En juin 1945, Sukarno fait adopter « cinq piliers » (Pancasila, un mot d’origine sanskrite) censés faire la synthèse des aspirations nationalistes et musulmanes : nationalisme, internationalisme, démocratie, justice sociale et croyance en Dieu, mais sans référence à une religion particulière.

« L’unité dans la diversité » sera la devise officielle de la République indonésienne, proclamée en août 1945 sur Java et Sumatra, après la capitulation des Japonais. La langue choisie comme langue nationale est le malais, qui n’est alors parlé que par un Indonésien sur dix à sa naissance, mais qui présente l’avantage d’être pratiqué aux quatre coins de l’archipel quand le javanais, certes parlé par 40 % de la population, est d’abord perçu comme la langue d’un peuple hégémonique. L’attelage qui dirige le jeune pays est représentatif de cette dualité entre Java et le reste du pays : promu Président, Sukarno est tenant d’une ligne socialisante mais aussi centralisatrice, représentative de la domination javanaise et de sa tradition « abangan » (une religion syncrétique de l’intérieur de l’île mêlant islam, hindouisme et animisme) ; son vice-Président, Hatta, est en revanche originaire de Sumatra et représente davantage l’islam des côtes, ouvert sur les échanges avec l’extérieur. Le gouvernement est confié à Sjahrir, dont le refus de collaborer avec les Japonais facilite les négociations avec les Occidentaux, lorsqu’ils reprennent pied dans l’archipel.

Face à la montée en puissance du nationalisme indonésien, les Néerlandais – qui contrôlent encore une large partie de l’archipel en dehors de Java et Sumatra – lâchent du lest : ils proposent d’instaurer – au sein du royaume des Pays-Bas – une communauté indonésienne autonome et fédérale, ce qui séduit les dirigeants des Célèbes, des Moluques et des petites îles de la Sonde, inquiets de l’hégémonisme javanais. Mais la proposition fait long feu. Sous la pression américaine, les Néerlandais lancent, en mars 1947, une nouvelle idée : une association entre les territoires restés sous leur contrôle et la nouvelle république régissant Java et Sumatra. Faute d’avancée, les Pays-Bas lancent une vaste « opération de police » contre les nationalistes l’été suivant. Par ricochet, le PKI et plusieurs mouvements de gauche déclenchent une insurrection qui est matée, en septembre 1948 à Madiun (est de Java), par la jeune armée indonésienne, restée fidèle à Hatta.

Les Néerlandais invoquent cette crise intérieure pour lancer une nouvelle « opération de police », occuper Yogjakarta et emprisonner Sukarno et son gouvernement. Non seulement l’affaire déclenche une résistance armée à Sumatra et Java, mais elle émeut l’opinion internationale. Sous la très forte pression des États-Unis, La Haye doit reconnaître, en novembre 1949, l’indépendance des « Etats-Unis d’Indonésie » associant la république de Java-Sumatra et les quinze entités mises en place par les Néerlandais à travers l’archipel. Seul l’ouest de la Nouvelle-Guinée reste sous l’autorité des Pays-Bas (et l’est de Timor sous celle du Portugal).

De leur côté, les Britanniques ont retrouvé, en 1946, leurs possessions de Malaisie, vite redevenues la première source de devises du Commonwealth, grâce à leurs exportations de caoutchouc et d’étain. Londres annonce alors le projet de créer une Union malaisesans Singapour – dans laquelle les sultans n’auraient plus de pouvoir politique et dont tous les habitants bénéficieraient d’une citoyenneté unique. Les Malais s’y opposent et fondent le parti qui va devenir le pivot de la vie politique locale : l’UMNO (Organisation nationale unie des Malais). Changeant son fusil d’épaule, Londres instaure, en 1948, une Fédération de Malaisie qui associe toutes les entités de la péninsule liées aux Anglais, sauf Singapour, c’est-à-dire les colonies de Malacca et Penang et les neuf Etats ayant le statut de protectorat. Les sultans y retrouvent leurs pouvoirs et les Malais bénéficient de davantage de droits que le reste de la population. Du coup, ce sont les Chinois qui manifestent leur mécontentement : après avoir lancé une grève générale, qui leur vaut d’être mis hors-la-loi, les communistes s’engagent dans une guérilla qui comptera jusqu’à 7 000 hommes. Mais elle perdra peu à peu de sa vigueur, face à la mobilisation de 350 000 militaires et miliciens, ainsi qu’au regroupement dans des centaines de nouveaux villages des 500 000 Chinois qui s’étaient rapprochés de la jungle durant la guerre.

En 1955, les élections sont remportées par une large coalition, l’Alliance, fondée par l’UMNO avec l’Association malayo-chinoise (MCA, représentant la bourgeoisie chinoise) et le Congrès malayo-indien. Londres ayant accédé à leurs demandes, l’indépendance est proclamée en août 1957, assortie d’un traité de défense entre le nouvel État et son ancien tuteur. En échange de son adhésion, le puissant sultanat de Johor obtient le droit de conserver sa propre armée. En revanche, la Fédération ne comprend pas les dernières possessions britanniques : ni Singapour, ni le Sarawak (que son rajah a cédé à Londres en 1946), ni le nord de Bornéo rebaptisé Sabah. De son côté, Brunei se voit accorder, en 1959, un statut d’autonomie interne. Mais il est jugé insuffisant par les indépendantistes du Parti du peuple (BPP) qui souhaitent que le sultanat récupère la souveraineté sur tout le nord de l’île.

                    MALAIS ET MALAIS…

L’ancêtre des langues malaises n’est pas le vieux malais de Srivijaya, rédigé dans une écriture proche du « pallava » indien, mais plus probablement un dialecte de l’ouest de Bornéo. Il a donné naissance à plusieurs idiomes, au fur et à mesure que le malais devenait la langue véhiculaire de la région. 
Écrit en caractères arabes (écriture jawi), le malais classique est parlé à la cour du sultanat de Malacca (puis de Johor). Plusieurs langues régionales en sont « cousines », sans être pour autant inter-compréhensibles : c’est le cas des dialectes malais de Palembang et de Jambi (l’ex-Malayu), parlés dans l’est de Sumatra, ou de ceux de Brunei et des États de Malaisie péninsulaire. 
Transcrites par les colonisateurs occidentaux en caractères latins, les langues malaises officielles de la Malaisie et de l’Indonésie (« bahasa malaysia » et « bahasa indonesia ») sont issues du malais des îles indonésiennes de Riau, considéré comme « la langue de base ». Elles partagent environ 80 % d’éléments communs, mais diffèrent par certains traits de prononciation, ainsi que par des emprunts aux autres langues de leur aire de diffusion respective.
S’y ajoutent plusieurs parlers et créoles nés d’un mélange avec d’autres langues telles que le javanais, le soundanais ou le chinois (« malais de bazar ») : le betawi de Jakarta, le malais d’Amboine ou celui de Kupang au Timor occidental.
Les langues malaises appartiennent à un groupe de la famille des langues austronésiennes (dont l'aire s'étend de Madagascar à l'île de Pâques d’ouest en est, et de Taïwan à la Nouvelle-Zélande du nord au sud) : le groupe malayo-polynésien occidental (ou "nusantarien"), qui inclut les langues parlées en Malaisie, en Indonésie occidentale et centrale, ainsi que les langues des Philippines et les langues malgaches. Les autres rameaux de la famille austronésiennes sont les langues formosanes et les langues malayo-polynésiennes centrales-orientales.

Crédit photo de une (Java) : Ifan Bima / Unsplash

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