ASIE, Extrême-Orient et haute Asie

Corée du sud

Devenu une des plus grandes puissances économiques mondiales, le pays tâtonne dans ses relations avec le Nord, le Japon et les États-Unis.

100 210 km2

République

Capitale : Séoul

Monnaie : won sud-coréen

51 millions de sud-Coréens 

       

Bordée par la mer Jaune à l’ouest, par la mer du Japon à l’est (que les Sud-Coréens désignent sous le nom de « mer de l’Est ») et par le détroit de Corée au sud, la Corée du sud n’a qu’une frontière terrestre, longue de 238 km : il s’agit de la zone démilitarisée (DMZ) qui la sépare de la Corée du nord, avec laquelle elle reste formellement en guerre. Large en moyenne de 200 km, le territoire sud-coréen est composé à 70 % de montagnes, orientées selon un axe nord-sud. Le volcan Halla (Hallasan), sur l’île de Jeju, est le point culminant, à 1 950 m d’altitude. Le versant Ouest, peu érodé, présente des collines douces et des plaines agricoles aux sols riches.

La population coréenne est l’une des plus homogènes du monde, ethniquement et linguistiquement, avec comme seule minorité une communauté chinoise d’environ un million de personnes.

Le christianisme (24 % de protestants et 7,6 % de catholiques) et le bouddhisme (24,2 % des croyants) sont les deux religions dominantes dans un pays dont plus de 43 % de la population se déclare sans religion. Bien que seulement 3 % des habitants se disent confucianistes, la société reste fortement imprégnée de valeurs et de croyances confucéennes. D’autres Coréens pratiquent le chamanisme, ainsi que le chendoïsme, une religion syncrétique locale[1] ou bien sont adeptes de plusieurs centaines de nouveaux mouvements religieux se réclamant souvent de l’Évangile : c’est le cas de l’Église de l’unification (du révérend Moon), de l’Église pentecôtiste du Plein Évangile ou encore de la secte Shincheonji (« nouveau monde ») de Jésus. Nombre d’entre eux se sont développés après la partition de la Corée et se présentent comme des remparts contre la propagation du communisme.

[1] Mêlant des éléments de confucianisme, de chamanisme coréen, de taoïsme et de bouddhisme, le chendoïsme (religion de la voie céleste) est l’héritier de la secte paysanne Donghak, apparue dans les années 1860.

SOMMAIRE

Lotte world tower à Séoul. Crédit : cmmellow / Pixabay

D’une dictature à l’autre

Installé lors de partition de 1948, le régime de Syngman Rhee s’avère de plus en plus autoritaire, dans un contexte de forte menace communiste. Au lendemain de la guerre inter-coréenne, l’économie est ruinée et ne parvient pas à se redresser, malgré une aide américaine massive, dont une bonne partie se perd dans les méandres de la corruption. En 1960, des manifestations poussent le chef de l’État, lâché par les États-Unis, à quitter le pays, mais la tentative d’instaurer une IIème République, à caractère parlementaire, tourne court : en mai 1961, des militaires déposent le Président Chang-Myon et s’emparent du pouvoir. Ayant fait instaurer une IIIème République à dominante présidentielle, leur chef, le général Park Chung-hee, se fait élire Président de la République par un collège restreint, en 1963.

Contesté par l’opposition en 1967, il procède à des arrestations massives, alors que la tension avec la Corée du nord communiste est à son comble : en 1968, une soixantaine de personnes (assaillants, policiers et passants) sont tuées, lors d’une tentative d’infiltration d’un commande militaire nord-coréen jusqu’à la Maison bleue, le palais présidentiel de Séoul. La même année, le révérend Moon fonde la Fédération internationale pour la victoire contre le communisme[1], avec l’appui des services secrets sud-coréens. Réélu en 1971, le Président déclare l’état d’urgence pour réformer les institutions. La Constitution de la IVème République lui accorde des pouvoirs considérables, mais l’autoritarisme de Park conduit à sa perte : il est assassiné en octobre 1979, alors qu’économiquement le pays a effectué un décollage qui situe sa croissance économique au niveau de celle du Japon.

Le Président par intérim essaie bien de prendre quelques mesures libérales, mais cette rénovation est sans lendemain. Lorsque le chef de l’opposition Kim Dae-jung est de nouveau arrêté en 1980[2], un soulèvement éclate dans sa région d’origine, à Kwangju au sud-ouest du pays. La répression de l’armée est sans pitié et fait entre 200 et 2 000 morts, tués à la mitrailleuse et à la baïonnette. Loin de lâcher du lest, le nouveau général au pouvoir renforce le caractère autoritaire du régime via une nouvelle Constitution, instituant la Vème République. Malgré tout, l’opposition renforce ses positions aux élections de 1985, tandis que la grogne étudiante monte.

En 1987, une VIème République entre en vigueur. Sa Constitution instaure notamment l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct, pour un mandat unique de cinq ans. Le premier à en bénéficier est un militaire, le général Roh Tae-woo qui l’emporte comme candidat du Parti de la justice démocratique (PJD, héritier du Parti démocrate républicain de Park) devant deux opposants. Devenue la onzième économie mondiale, au prix d’une corruption endémique, la Corée du sud organise les Jeux olympiques d’été en 1988, avant d’entrer trois ans plus tard à l’ONU, suivie de sa rivale nordiste.

En 1993, les élections portent à la Présidence de la République le candidat du Parti démocrate libéral (PDL)[3], un opposant rallié au pouvoir. Deux ans après son arrivée au pouvoir, Kim Young-sam voit resurgir les fantômes de la dictature : des étudiants manifestent dans tout le pays contre la prescription accordée à deux anciens chefs de l’Etat, Chun Too-hwan et Roh Tae-woo, impliqués dans le massacre de Kwangju ; alors généraux, ils avaient organisé des mutineries pour s’emparer du pouvoir, deux mois après l’assassinat de Park- Chung-hee, puis fait tirer sur la foule qui s’opposait à la dictature militaire.  Les deux hommes sont finalement arrêtés à la fin de l’année, le Parlement abolissant toute prescription des « crimes nationaux majeurs ». Roh Tae-woo est également poursuivi pour corruption, les plus grands des conglomérats industriels (les chaebol) reconnaissant lui avoir versé des dessous-de-table pour bénéficier de passe-droits. Pour ne pas s’aliéner totalement l’armée, ainsi que les milieux d’affaires, une partie du parti gouvernemental et la « mafia de Taegu » (fief des deux anciens chefs d’État), le Président Kim Young-sam fait arrêter des opposants – suspectés de mener des actions contre l’État – et atténue les peines des condamnés fin 1996[4]. Il réactive aussi le péril du Nord (cf. Relations inter-coréennes).

[1] Devenue Association de l’Esprit Saint pour l’Unification du christianisme mondial, la « secte Moon » s’est rebaptisée Fédération des familles pour la paix mondiale et l’unification en 2005.

[2] Les services spéciaux du général Park l’avaient déjà arrêté en 1973 à Tokyo.

[3] Le PDL est issu de la fusion du Parti pour la démocratie et la réunification (opposition) avec le PJD de Roh Tae-woo et les « parkistes » du Parti démocratique républicain. En 1995, il devient Parti de la nouvelle Corée.

[4] Dont la prison à vie (au lieu de la peine de mort) pour Chun Too-hwan. Neuf patrons de chaebol sont également condamnés (dont ceux de Samsung et Daewoo).


L’opposition au pouvoir

Alors que la corruption continue de faire des ravages (provoquant la chute d’un Premier ministre et la condamnation d’un fils du Président), le pays subit fin 1997, comme toute l’Asie du Sud, une grave crise financière qui traduit l’échec du modèle sud-coréen de capitalisme d’État autoritaire. Le choc est si rude qu’il doit demander une aide internationale d’urgence, à laquelle souscrit même le Japon. En décembre, au terme d’une élection suivie par plus de 80 % des électeurs, Kim Dae-jung devient le premier véritable opposant à accéder à la Présidence de la République, avec 40 % des voix contre le candidat du parti gouvernemental (rebaptisé Grand parti national, GPN). Mais son succès est limité par plusieurs éléments : non seulement il n’a pas de majorité parlementaire, mais il a dû s’allier aux héritiers de Park, dont Kim Jong-pil, l’organisateur des services de renseignement de la dictature (KCIA, ceux-là même qui l’avaient enlevé en 1973). L’élection traduit aussi de puissants antagonismes régionaux entre la province ostracisée de Cholla (qui a donné 97 % de ses voix à « l’enfant du pays ») et celle de Kyonsang, au sud-est, région des élites qui a voté contre Kim Dae-jung.

Pour essayer de se concilier les milieux conservateurs, le nouveau Président gracie ses deux prédécesseurs emprisonnés, tout en essayant de mettre en œuvre son programme en matière de libertés publiques. Lui-même ancien détenu politique, il multiplie les amnisties (dont celle du plus ancien prisonnier politique du monde, détenu depuis quarante-et-un ans[1]) et met à l’écart les dirigeants de la KCIA qui l’ont accusé d’être un agent du Nord. Mais il doit aussi des gages à ses alliés « parkistes » : ainsi, les arrestations continuent dans les milieux syndicaux (« pour appel illégal à la grève ») et dans les milieux étudiants, en vertu de la loi sur la sécurité nationale de 1948, dont l’article 7 punit de prison ferme toute activité « antiétatique », ce qui vise aussi bien les relations avec la Corée du nord que les prises de position pro-communistes. Kim Dea-jung n’en lance pas moins une politique de rapprochement avec Pyongyang, la « sunshine policy ».

Afin de sortir de la crise économique, le gouvernement pousse les syndicats et le patronat à signer un « grand compromis » : il permettra de procéder à tous les licenciements nécessaires, en échange d’un système plus performant d’indemnisation du chômage et de la pleine reconnaissance des droits syndicaux. Début 1998, un autre texte favorise la prise de contrôle de firmes nationales par des intérêts étrangers. Si les réformes favorisent le redressement de l’économie, elles ne sont pas pour autant appliquées avec toute l’ampleur voulue : à l’été 1999, le pouvoir s’attaque donc au démantèlement du troisième chaebol le plus important du pays, Daewoo, qui a continué à lourdement s’endetter sans céder de participations ou de filiales. Enfin, la corruption reste endémique : en 2002, deux des fils du Président sont arrêtés et emprisonnés pour des faits de cette nature.

Ceci n’empêche pas le candidat du Président sortant, Roh Moo-hyun, d’être élu avec près de 49 % des voix aux présidentielles de décembre 2002, dans un contexte particulier : d’une part, Pyongyang a annoncé la remise en fonctionnement de ses réacteurs nucléaires ; d’autre part, une Cour martiale américaine a acquitté deux soldats américains ayant mortellement renversé deux adolescentes sud-coréennes, ce qui alimente un ressentiment croissant vis-à-vis des États-Unis. Avocat de syndicalistes et d’étudiants marxistes sous la dictature, le nouveau Président affiche sa volonté de rééquilibrer les relations de Séoul entre Washington et Pyongyang. Ceci lui vaut d’être destitué par l’Assemblée nationale, au printemps 2004, même si le motif officiel de sa destitution est d’avoir enfreint la législation électorale, en apportant son soutien au parti gouvernemental lors des législatives. Roh-Moo-hyun est toutefois rétabli dans ses fonctions par la Cour constitutionnelle, avec de surcroît une confortable majorité parlementaire : les électeurs ont donné la majorité absolue des sièges à sa nouvelle formation, Uri, loin devant son ancien Parti démocrate du Millénaire (PDM) et devant les conservateurs du Grand Parti national.

[1] Membre d’un commando nordiste infiltré au sud en 1958, il était resté en détention pour avoir refusé d’abjurer sa foi dans le « kim-il-sungisme ».

Crédit : wreindl / Pixabay

Une succession d’alternances

Les scandales politiques et l’accroissement des inégalités sociales, ainsi qu’une politique jugée trop conciliante vis-à-vis du Nord, finissent par provoquer la chute des libéraux : le candidat du GPN est élu Président en 2007 et son parti remporte largement les législatives l’année suivante. Les conservateurs conservent le pouvoir en décembre 2012, avec l’élection de la fille aînée de l’ancien Président Park : candidate du Saenuri (« Nouvelle frontière », héritier du GPN), elle recueille près de 52 % des voix. Mais Park Geun-hye ne termine pas son mandat : elle est destituée et emprisonnée en mars 2017, compromise par une de ses conseillères occultes qui se livrait à du trafic d’influence pour contraindre des grands groupes à financer des fondations douteuses[1].

Organisée en mai suivant, la présidentielle est suivie par 77 % des électeurs, dans un contexte de crise diplomatique avec le Nord et le Japon et de crise économique, sanitaire (du fait de la pandémie de Covid-19) et démographique (avec 0,9 enfant par femme, le pays a le plus bas taux de fécondité du monde). Le scrutin voit le retour aux affaires du centre-gauche, en la personne de Moon Jae-in, un avocat spécialiste des droits de l’homme ; candidat du Parti démocratique, il est élu avec 40 % des suffrages, devant le représentant du parti au pouvoir (rebaptisé une nouvelle fois sous le nom de Parti de la liberté de la Corée) et un centriste. Fils d’exilés nord-coréens, le nouveau chef d’État est partisan de négociations avec le Nord, mais extrêmement réservé vis-à-vis du Japon.

En mars 2022, un nouveau retournement survient avec l’élection du candidat du Parti du pouvoir populaire (PPP), énième dénomination de la formation conservatrice[2]. Ancien procureur général du pays, Yoon Seok-youl, qui a bâti sa carrière sur la lutte contre la corruption, l’emporte avec près de 49% des voix et moins d’1 % d’avance sur son rival démocrate. Libéral sur le plan économique, le nouveau chef de l’État est partisan d’un renforcement des liens avec les États-Unis et même avec le Japon, quitte à fâcher la Chine, devenue son premier partenaire commercial. En novembre, le Président sud-coréen rencontre le premier ministre japonais à Phnom-Penh, premier sommet bilatéral du genre en trois ans. En mars 2023, lors de l’anniversaire du mouvement d’indépendance de 1919 contre la colonisation nippone, il va encore plus loin et présente le Japon comme étant « passé du rang d’agresseur militariste à celui de partenaire qui partage les mêmes valeurs universelles que nous ». Après avoir proposé un nouveau plan de dédommagement des victimes de la colonisation nippone, le chef de l’État sud-coréen se déplace en visite officielle au Japon en mars 2023, premier sommet du genre depuis douze ans. En août, sud-Coréens, Japonais et Américains conviennent de mettre en place un programme d’exercices militaires conjoints sur plusieurs années, d’intensifier leur partage de renseignements et de se consulter en cas de menaces communes. Le partenariat inclut également un volet économique, notamment face aux risques de pénurie de certains produits ou matières premières.

Sur la scène intérieure, le Président conduit une politique de plus en plus autoritaire vis-à-vis de l’opposition progressiste, des médias critiques et des droits des femmes. Dans son classement annuel sur la démocratie dans le monde, paru en mars 2024, l’Université de Göteborg s’inquiète de cette dérive et rétrograde le pays du 13ème au 47ème rang. Le pouvoir est également sanctionné dans les urnes : malgré les accusations de corruption portées contre son leader Lee Jae-myung – grièvement blessé trois mois plus tôt dans une attaque au couteau – le Parti démocrate remporte près des deux tiers des sièges avec les autres partis d’opposition, dont Reconstruire la Corée, une formation créée par un ancien ministre de la Justice lui aussi soupçonné de corruption.

[1] L’affaire vaut au Président de Samsung d’être condamné à deux ans et demi de prison en 2021.

[2] Baptisé en 2020, après avoir fusionné avec de petites formations.

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