Iles Salomon

Iles Salomon

Objet de tensions insulaires, l’archipel l’est aussi des convoitises occidentales et chinoises.

28 896 km²

République parlementaire membre du Commonwealth

Capitale : Honiara

Monnaie : dollar des Salomon

715 000 Salomonais (ou Salomoniens)

Surnommé « hapi isles » (îles joyeuses en pidgin local), le pays comprend un millier d’îles, situées dans l’archipel de Santa Cruz au sud-est (à proximité du Vanuatu) et dans la quasi-totalité de l’archipel des Salomon (à l’exception des îles les plus septentrionales, qui constituent la région autonome de Bougainville au sein de la Papouasie-Nouvelle Guinée).

Hors Bougainville, l’archipel des Salomon s’étend sur environ 1400 km et forme deux rangées parallèles d’îles montagneuses, souvent volcaniques : au nord, Choiseul, Santa Isabel et Malaita (4 243 km²) ; au sud, la Nouvelle-Géorgie,

Guadalcanal (5 302 km², qui fait face à Malaita et où se situe Honiara) et Makira (ex San Cristobal). Le climat est tropical.

Mélanésienne à plus de 95 %, la population parle plus de soixante-dix langues. L’anglais est langue officielle, mais la plus parlée (environ 60 %) est un pidgin mélanésien, proche du beslama des Vanuatu.

Près des trois quarts des habitants sont membres d’églises protestantes, souvent locales, et moins de 20 % catholiques.


Abordées par un navigateur espagnol dans les années 1560, les Salomon reçoivent le nom du roi hébreu légendaire, en raison de leurs supposées richesses. Mais elle ne sont réellement explorées par les Européens qu’à partir de la fin du XVIIIe. A la fin du siècle suivant, elles deviennent un enjeu stratégique : les Allemands, déjà présents au nord-est de la Nouvelle-Guinée et aux Samoa établissent un protectorat dans la partie nord (îles Bougainville…) suivis des Anglais dans la partie sud. Devenues entièrement britanniques, les îles sont envahies par les Japonais en 1942 et deviennent, en particulier Guadalcanal, le théâtre d’intenses combats entre Nippons et Américains. Dotées d’un statut d’autonomie interne en 1976, les îles Salomon deviennent indépendantes deux ans plus tard, à l’exception de celles du nord qui ont intégré la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Sa gouvernance va se caractériser par une forte instabilité : les pouvoirs sont assurés par des coalitions instables et corrompues, réunissant des partis à coloration souvent ethnique et des élus indépendants.

En 1999, les tensions existant de longue date entre les Guale et les Malaitans éclatent dans les banlieues de la capitale, les ethnies des îles périphériques accusant le gouvernement d’Honiara de privilégier abusivement l’île de Guadalcanal, alors que la plus peuplée est celle de Malaita. Les affrontements tournent rapidement à la guerre civile entre les membres de l’Armée de libération de Guadalcanal (ou IFM, Mouvement de libération d’Isatabu) et ceux de la Force de l’aigle de Malaita (MEF). Les premiers accusent les seconds de leur avoir pris terres et emplois administratifs et veulent les renvoyer sur leur île, tandis que les insulaires de Malaita accusent les autochtones de Guadalcanal de les avoir spoliés et violentés. En juin 2000, des militants du MEF parviennent à s’emparer du Premier ministre, pourtant Malaitan lui-même, et le contraignent à démissionner. La situation est aggravée par le délabrement de l’économie : le PIB par habitant a diminué de moitié en vingt-cinq ans et les revenus étatiques ne cessent de s’amenuiser face aux dîmes que perçoivent des bandes armées de toute nature.

En 2003, le Premier ministre en poste doit demander l’aide du Forum du Pacifique pour rétablir l’ordre : une mission de plus de deux mille hommes, Ramsi, dirigée par l’Australie, débarque en 2003. Trois ans plus tard, elle doit intervenir, après la destruction du quartier chinois d’Honiara, à la suite d’accusations selon lesquelles le chef du gouvernement aurait été élu grâce à des dessous-de-table versés par la communauté chinoise locale et par Taïwan. Démissionnaire, le Premier ministre est remplacé par Manasseh Sogavare, originaire de l’île de Choiseul, qui avait déjà exercé la fonction entre 2000 et 2001. Sous son gouvernement, les relations se dégradent avec l’Australie, accusée de « néo-colonialisme ». La mission Ramsi n’en va pas moins jusqu’à son terme, en 2017.

Renversé par une motion de censure, sur des questions de lutte contre la corruption, Sogavare revient au pouvoir pour un quatrième mandat en 2019. L’année suivante, il réoriente radicalement le positionnement diplomatique de son pays, en rompant ses relations avec Taïwan et en se rapprochant de Pékin. Cette décision ravive les tensions communautaires dans l’archipel ; estimant que le pouvoir d’Honiara n’agit qu’à leur guise, au profit d’un allié chinois qui maltraite ses opposants et sa minorité chrétienne, les autorités de Malaita menacent d’organiser un référendum d’autodétermination. En novembre 2021, des Malaitans font partie des émeutiers qui pillent et incendient une nouvelle fois le « Chinatown » de la capitale, pour réclamer la démission du Premier ministre. Malgré la fraîcheur de ses relations avec le pouvoir salomonais, l’Australie fait jouer l’accord de sécurité qui la lie à l’archipel depuis 2007 : elle envoie, comme d’autres autres pays de la région, des policiers et soldats aider les forces gouvernementales à rétablir l’ordre.

En mars 2022, Sogavare accroît sa coopération avec Pékin en signant un accord-cadre sécuritaire, qui prévoit le déploiement de soldats et policiers chinois en cas de nécessité (protection des intérêts chinois, mais aussi défense de l’ordre et lutte contre les catastrophes). Un an plus tard, c’est une société chinoise qui obtient le chantier d’agrandissement du port d’Honiara, a priori à des fins purement civiles. Le mois précédent, le Premier ministre sécessionniste de Malaita, opposant notoire à Pékin, a été renversé par son Parlement provincial dans des conditions contestées et remplacé par un pro-Chinois.

Prévues en 2023, les élections législatives ont été reportées d’un an, au motif que le pays – qui organisait les Jeux du Pacifique – n’avait pas les moyens de les financer. Sogavare, qui s’est considérablement enrichi en quelques années (avec l’aide plus que probable de la Chine) a refusé l’aide financière de l’Australie et placé sous censure gouvernementale le service public de radiodiffusion. Finalement tenu en avril 2024, le scrutin législatif voit s’affronter trois camps affichant un positionnement distinct vis-à-vis de Pékin : renforcement des liens, rétablissement des relations avec Taïwan ou adoption d’une politique d’équilibre. Aucune formation ne parvient à se rapprocher de la majorité absolue au sein du Parlement monocaméral : le Parti de l’appropriation, de l’unité et de la responsabilité (OUR Party en anglais) de Sogavare arrive en tête avec 24 %, devant les indépendants (22 %) et le Democratic party (SIDP, 19 %). Mais avec seulement quinze sièges sur cinquante, il est devancé par les partis d’opposition (treize élus pour la coalition CARE animée par le SIDP et six pour l’United party). Le reliquat va à de petites formations et à une dizaine de candidats indépendants. Aux élections provinciales tenues simultanément, l’ancien Premier ministre sécessionniste de Malaita est réélu, mais pas son successeur. Finalement, le OUR Party conserve le poste de Premier ministre, grâce au soutien de deux petites formations et des députés non-inscrits, dont la versatilité politique est si connue qu’elle leur a valu le surnom de « sauterelles ». Mais c’est avec un nouveau titulaire, le premier qui soit originaire de Santa Isabel : Jeremiah Manele, ancien chef de la diplomatie de l’archipel, qui confirme ainsi son ancrage pro-chinois.

Légende photo : les collines de Guadalcanal