Sri-Lanka

Sri-Lanka

Après plusieurs décennies de rébellion de la minorité tamoule, la « perle de l’océan Indien » s’est enfoncée dans une profonde crise économique, arbitrée par les puissants rivaux chinois et indien.


65 610 km2

République présidentielle

Cap : (Sri Jayawardenapura) Kotte

Monnaie : roupie sri-lankaise

23 millions de Sri-lankais

Située dans la banlieue sud-est de Colombo (plus grande ville du pays), l’ancienne capitale du royaume de Kotte lui a succédé comme capitale sri-lankaise en 1982 ; son nom signifie « la sainte ville forteresse de la transcendante victoire ». La diaspora compte un million de membres, principalement au Canada, au Tamil-Nadu indien et en Europe.

Située au sud-est de l’Inde, l’ancienne Ceylan n’en est séparée que par un détroit peu profond, d’environ 30 kilomètres de large, entre la péninsule septentrionale de Jaffna et l’État indien du Tamil Nadu. Globalement plat au nord, le relief prend en revanche de la hauteur au centre et au sud de l’île, avec des montagnes culminant à un peu plus de 2 500 m. Ces sommets descendent, par gradins successifs, jusqu’aux plaines côtières, dont celles du sud-ouest où se trouve la capitale.

Le climat tropical alterne sécheresse et fortes pluies de mousson. La topographie détermine deux zones climatiques : une zone humide sur la côte ouest et en altitude (où prospèrent d’épaisses forêts) et une zone sèche ailleurs.

La population est composée à 74 % de Cinghalais, Indo-Aryens de langue cinghalaise : les Kandyens du haut pays et les Cinghalais des plaines et littoraux, tous venus d’Inde entre les VIe et IVe siècles AEC. Les 18 % de Tamouls, Dravidiens de langue tamoule, sont issus de deux vagues de peuplement successifs : arrivés dès le IIIe AEC dans le nord de l’île, les premiers (13 %) se considèrent tout aussi « autochtones » que les Cinghalais ; les seconds (5 %), souvent de castes inférieures, ne sont arrivés qu’au XIXe siècle pour mettre en valeur les plantations du centre (café, thé, hévéa…) : ils sont qualifiés de « Tamouls indiens ». Les « Moors » sont un peu plus de 7 % : descendant de marchands indiens et arabes musulmans arrivés aux VIe et VIIe siècles EC, puis de migrants indiens et malais, ils sont en général de langue tamoule et vivent, pour un tiers d’entre eux, dans les régions du nord et de l’est. Reste moins d’1 % d’autres ethnies : quelques centaines de « Vedda » ou « gens de la forêt », des Australoïdes descendant des premiers habitants chasseurs-cueilleurs de l’île, et environ 30 000 Burghers, des métis de souche portugaise ou hollandaise. Les Cinghalais sont nettement majoritaires dans l’ensemble de l’île, exception faite du nord (très majoritairement peuplé de Tamouls), ainsi que de l’est et de la région de Colombo qui comptent de nombreuses communautés de Tamouls et de Moors.

Le bouddhisme theravada (dont le Sri Lanka est considéré comme le sanctuaire, cf. L’Inde creuset de religions) est pratiqué par 69 % de la population. Les hindous sont un peu moins de 12 %, les musulmans un peu moins de 8 % et les chrétiens un peu plus de 6 %.

SOMMAIRE

Le passage à l’indépendance s’opère en douceur, sous la direction de l’homme l’ayant négociée avec les Britanniques et ayant mis en œuvre une ambitieuse politique d’irrigation : Don Stephen Senanayake. Son United national party (UNP), conservateur, dirige le pays jusqu’en 1956, date à laquelle accède au pouvoir une formation de gauche née cinq ans plus tôt, le Sri Lanka Freedom Party (SLFP), soutenu par une fraction du Lanka Sama Samaja Party (LSSP), mouvement trotskiste fondé dans les années 1930. Mêlant tradition bouddhiste et nationalisme cinghalais, le nouveau parti joue sur le ressentiment d’une partie de la population cinghalaise vis-à-vis des élites anglophones et de la place importante qu’occupent les Tamouls dans le commerce et l’administration. De premiers pogroms anti-Tamouls ont lieu dès 1958, commis par des extrémistes cinghalais qui jugent trop lentes les réformes promises par le chef du SLFP et nouveau Premier ministre, Salomon Bandaranaïke : c’est d’ailleurs un moine bouddhiste radical qui l’assassine en 1959. Sa veuve Sirimavo lui succède, devenant la première femme du monde à diriger un exécutif. Elle applique le programme de son parti, fait de contrôle de l’économie, de non-alignement international et de consécration du cinghalais comme langue officielle. Cette évolution mécontente les Tamouls autochtones, dont l’élite avait pris une large part à l’administration coloniale[1], mais aussi la droite conservatrice qui remporte les élections de 1965.

[1] Avant l’indépendance, il y avait davantage d’écoles construites par des missionnaires à Jaffna, principale ville tamoule, que dans le reste du pays.


De l’insurrection cinghalaise à la rébellion tamoule

Revenu au pouvoir, l’UNP consacre le tamoul comme deuxième langue nationale du pays. Mais sa politique d’ouverture aux capitaux étrangers ne suffit pas à faire décoller l’économie et dès les élections suivantes, en 1970, Sirimavo retrouve son poste de chef du gouvernement, au sein d’un Front uni de la gauche réunissant le SLFP, le LSSP et le parti communiste (prosoviétique). Une nouvelle fois, leurs réformes sont jugées trop lentes, en particulier par une jeunesse éduquée confrontée aux affres du chômage. En 1971, une insurrection est lancée par le JVP[1], un mouvement fondé sept ans plus tôt par des étudiants se réclamant du guévarisme : leur idée est de s’emparer du pouvoir, en encerclant les villes à la faveur d’une « révolution éclair », lancée depuis les campagnes. Les insurgés attaquent une centaine de postes de police, avant que le gouvernement ne reprenne les choses en main : la répression fait des milliers de victimes, surtout parmi la jeunesse[2], et envoie vingt mille sympathisants du JVP dans des camps. Une fois le calme revenu, la coalition au pouvoir tire les conséquences politiques de l’insurrection et lance un programme économique plus radical, incluant une nationalisation des plantations. Mais celle-ci échoue, victime de la corruption et du clientélisme. En 1972, le gouvernement donne également des gages à son électorat en attribuant à l’île son nom cinghalais, Lanka, précédé du terme « sri » signifiant « prospérité » ; l’Etat se voit également assigné la mission de favoriser la propagation du bouddhisme.

En 1977, la gauche subit une déroute électorale et laisse de nouveau le pouvoir à l’UNP qui redonne à l’économie une orientation libérale, tout en lançant le plus vaste projet d’aménagement hydraulique jamais réalisé dans le pays pour développer l’agriculture. Sur le plan institutionnel, il fait adopter une nouvelle Constitution, en 1978, qui instaure un régime présidentiel. Il fait également voter des lois d’exception pour tenter d’enrayer la montée en puissance des terrorismes cinghalais et tamoul. Ce dernier a pris de l’ampleur, au fur et à mesure que les droits, linguistiques et économiques de la communauté étaient menacés : ainsi, après ses importants travaux d’irrigation, le gouvernement a incité les Cinghalais à s’installer sur les terres du nord et de l’est de l’île ; dans le district oriental de Trincomalee, la population cinghalaise va passer de 4 % en 1921 à plus de 33 % soixante ans plus tard, ce qui est vécu par les Tamouls du nord comme une résurrection des anciennes civilisations cinghalaises ayant dominé cette région par le passé.

Jusqu’alors favorables à l’instauration d’un Sri Lanka fédéral, certains Tamouls commencent à revendiquer un pays indépendant, l’Eelam[3], formé de la péninsule de Jaffna et de la province nord-est, ainsi que des régions à majorité musulmane du sud-est. Se détournant des voies parlementaires, ces radicaux forment des organisations clandestines telles que les Nouveaux tigres tamouls, nés en 1972 : trois ans plus tard, leur fondateur Velupillai Prabhakaran assassine le maire de Jaffna et l’année suivante transforme le mouvement en Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). Ce mouvement va engager une guerre sans merci, y compris à l’intérieur de sa propre communauté : refusant la constitution d’un front uni, il pourchasse systématiquement tous les groupes armés et partis qui ne se rallient pas à lui. Les extrémistes cinghalais ne sont pas en reste : dès le lendemain des élections de 1977, des violences éclatent à Colombo et dans les plantations employant des Tamouls. C’est le prélude de six années de violences réciproques qui vont se transformer en guerre civile, à l’été de 1983, après une embuscade tendue par les Tigres à une patrouille militaire à Jaffna. En représailles, des groupes d’émeutiers cinghalais commettent incendies, pillages et meurtres de Tamouls dans toute l’île, avec l’appui tacite des forces armées.

[1] Janata Vimukhti Peramuna : front de libération du peuple.

[2] Entre 1 200 et 5 000 morts selon les sources.

[3] Eelam, « terre précieuse », est le nom de l’ancien royaume tamoul du nord, dont l’emblème était le tigre.


Le fiasco de l’intervention indienne

De 1983 à 1987, les insurgés tamouls prennent le contrôle de la péninsule de Jaffna, peuplée d’environ 800 000 personnes, et y mettent progressivement en place leur propre administration. Ils étendent aussi leurs activités à la province orientale, tandis que terrorisme et contre-terrorisme affectent gravement les civils des différentes communautés. D’essence marxiste-léniniste, le LTTE est extrêmement structuré. Au fur et à mesure de son développement, il se dote de structures étudiante, féminine et syndicale ; il possède également des cellules chargées de mettre « à contribution » la diaspora tamoule à travers le monde ; militairement, il compte un service de renseignement, une unité chargée des attentats-suicides (les Tigres noirs) et même une force navale équipée d’embarcations légères (les Tigres de mer). Entièrement dévoués à leur chef et à leur cause, ses militants portent en permanence sur eux une capsule de cyanure à avaler en cas de capture.

Bénéficiant de bases arrière en Inde du Sud, en particulier au Tamil Nadu, les séparatistes y bénéficient aussi du soutien des autorités locales et même des services secrets indiens. Dans ce contexte, New Delhi propose sa médiation, qui est acceptée par le gouvernement de Kotte (promue nouvelle capitale en 1982) : en échange de larges concessions politiques (autonomie et possibilité de fusionner les provinces Nord et Est), économiques et culturelles à la minorité tamoul, l’Inde garantit l’intégrité territoriale du Sri Lanka et s’engage à mettre un terme aux activités des séparatistes. Mais la force indienne de la paix, déployée en juillet 1987, ne parvient pas à désarmer les combattants du LTTE. Elle finit même par les affronter en octobre, pour reprendre Jaffna. Dès lors, les troupes de New-Delhi deviennent une force d’occupation qui comptera jusqu’à cinquante mille hommes fin 1988. L’épisode vaudra au Premier ministre indien d’être assassiné par des extrémistes tamouls, en mai 1991.

L’accord de 1987 n’est pas davantage apprécié par les extrémistes cinghalais du JVP qui le vivent comme une capitulation vis-à-vis de l’Inde et qui considèrent comme une trahison le comportement de l’ex-Premier ministre UNP Ranasinghe Premasada : devenu Président de la République en 1988, dans un climat de violence et de corruption généralisée, il arme en effet en sous-mains les Tigres, pour les aider à vaincre les soldats indiens. Le JVP déclenche donc une nouvelle insurrection, à laquelle le pouvoir réagit par une violente répression : des milliers de suspects sont arrêtés et au moins 20 000 personnes portées « disparues », victimes d’escadrons de la mort. Tous combats confondus, entre 60 000 et 80 000 personnes ont perdu la vie en deux ans. Une fois la révolte éradiquée, le contingent indien quitte le pays en 1990. Son retrait favorise une reprise des opérations des Tigres contre l’armée sri-lankaise et les milices, notamment musulmanes, qui lui servent de supplétifs. Les groupes rivaux, que l’Inde avaient réunis au sein d’une Tamoul National Army, sont balayés en quelques mois, le LTTE renforçant au passage son arsenal. Devant la violence des combats, plusieurs centaines de milliers de personnes s’entassent dans des camps ou fuient à l’étranger, alors que se multiplient les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires. En 1992, Premasada lance l’armée à la reconquête du nord, avant de mourir l’année suivante dans un attentat non revendiqué, même si les soupçons se portent sur le LTTE. Pour essayer de contrecarrer les offensives gouvernementales, les séparatistes multiplient en effet les attentats, souvent commis par des femmes, contre la population cinghalaise et recourent à l’utilisation de « boucliers humains » sur le front.


Du retour du clan Bandaranaïke à la renaissance des Tigres

La faillite sécuritaire et économique du pouvoir est telle que les élections suivantes, en novembre 1994, sont remportées par le SLFP et ses alliés de gauche, avec d’autant plus de facilité que les Tigres ont assassiné le leader de l’UNP un mois avant le scrutin. C’est même plus précisément la famille Bandaranaïke qui prend le pouvoir : la fille, Chandrika Kumaratunga, accède à la Présidence de la République et laisse à sa mère le soin de diriger le gouvernement. Favorable à un Etat fédéral, elle se heurte aux extrémistes des deux camps : les radicaux cinghalais et le clergé bouddhiste veulent le maintien d’un Etat unitaire, alors que les Tamouls réclament l’indépendance et le font savoir ; quelques jours après l’annonce d’un projet de fédéralisme, en août 1995, une bombe cachée dans la charrette d’un marchand de noix de coco explose devant un bâtiment officiel, tuant une vingtaine de personnes. Malgré ces attentats aveugles et leur résistance sur le terrain, les Tigres perdent Jaffna en décembre 1995 et l’ensemble de la péninsule en avril suivant, après des combats ayant fait des milliers de morts. Les combats ne cessent pas pour autant : les séparatistes poursuivent leur guérilla dans l’est et harcèlent sans relâche la « passe des Eléphants », le cordon terrestre qui relie Jaffna au reste de l’île. Des élections locales parviennent pourtant à se tenir dans la péninsule en janvier 1998 et voient le succès du Front uni de libération tamoul (TULF), le plus vieux (et le plus modéré) des partis de cette communauté… ce qui lui vaut d’être pris pour cible par les extrémistes : le premier maire élu à Jaffna depuis quinze ans, une femme, est assassinée en mai suivant par les séparatistes.

Sur le terrain, les Tigres lancent plusieurs opérations baptisées « vagues ininterrompues » et reprennent l’avantage sur des forces gouvernementales, en proie aux mutineries et aux désertions[1] : en novembre 1999, l’armée perd trois mille hommes en quelques jours de combats et l’essentiel de ses gains territoriaux des deux dernières années. Le mois suivant, les commandos du LTTE frappent une réunion électorale de l’UNP et un meeting de la Présidente, qui en ressort blessée mais est réélue dès le premier tour. En avril 2000, quelque 5 000 Tigres s’emparent de la Passe des Elephants, face à 15 000 soldats sri-lankais qui subissent un défaite sans précédent : l’armée n’avait jamais perdu cette position stratégique depuis le début du conflit. Tous les réservistes de moins de 50 ans sont rappelés, des achats d’armes massifs effectués à l’étranger[2] et « l’état de guerre » instauré dans le pays. Ne représentant que 2 % de la superficie du Sri Lanka, la péninsule de Jaffna en vient à regrouper un quart des effectifs des forces gouvernementales.

[1] Les désertions sont d’autant plus fréquentes que les déserteurs sont régulièrement amnistiés… pour être réincorporés.

[2] En mai 2000, le pays renoue avec Israël, après presque trente ans de relations interrompues, afin de lui acheter des avions de combat. Des armes sont également fournies par l’allié pakistanais.


Des négociations sans effet

Aux législatives d’octobre 2000, l’Alliance du peuple (PA) au pouvoir sort de nouveau victorieuse mais, faute de majorité absolue, elle doit s’allier avec un parti tamoul modéré et avec le Congrès musulman (SLMC) qui a, lui aussi, subi des attentats des Tigres. Mais la coalition ne tient pas et des élections anticipées sont convoquées en décembre 2001 : elles voient le succès du Front national uni (mené par l’UNP) sur un programme comprenant relance économique et négociations de paix. Sous l’égide de la Norvège, appelée comme médiatrice, un accord de cessez-le-feu (le cinquième en 18 ans !) est signé en février 2002. Le nouveau Premier ministre, opposant politique de la Présidente, argue que le moment choisi est le bon, les séparatistes ne contrôlant plus que 8 % de la population de l’île. De fait, les Tigres adoptent une position assouplie lors des négociations qui s’ouvrent en septembre en Thaïlande : affirmant avoir renoncé à leurs prétentions d’indépendance, ils ne réclament plus qu’une « autonomie substantielle », assortie d’un « rôle pivot » dans la future gestion du nord et de l’est de l’île, en lien avec le SLMC avec lequel un accord de paix a été signé en avril. Les 100 000 musulmans qui avaient été chassés de leurs villages par la guérilla tamoule sont autorisés à y revenir. La réouverture de la route vers Jaffna permet également le retour de dizaine de milliers de réfugiés dans la presqu’île.

Mais le processus se dégrade lentement, en dépit des promesses d’aides financières de la communauté internationale : en avril 2003, le LTTE se retire des négociations accusant le Gvt de ne pas tenir ses engagements et se lance dans une nouvelle campagne d’assassinats d’opposants politiques ou d’informateurs de l’armée et de la police). Conscient que, en cas de reprise des combats, ses troupes sont mieux préparées que celles de son adversaire, malgré l’entraînement que leur apportent les Américains, les Britanniques, les Indiens et les Pakistanais, les Tigres font monter les enchères. En novembre, ils présentent leur projet d’autorité intérimaire autonome dans le nord-est, aussitôt rejeté par le parti présidentiel. Profitant du voyage à l’étranger de son Premier ministre, Chandrika renvoie les principaux ministres, puis dissout le Parlement et remporte son bras de fer : aux législatives anticipées d’avril 2004, son Alliance populaire unifiée pour la liberté (UPFA) l’emporte nettement sur le Front national uni de son rival. Toutefois, elle n’est pas majoritaire au Parlement où les radicaux de tous bords se sont renforcés : reconverti en parti politique, le JVP allié de la Présidente double sa représentation, tandis que les moines bouddhistes ultranationalistes du Parti de l’héritage national remportent des sièges ; côté tamoul, l’Alliance nationale, façade légale du LTTE, remporte la plupart des sièges du nord et de l’est, à la faveur d’une politique d’intimidation contre les partis plus modérés.

Sur le plan militaire, la puissance des Tigres est en revanche fragilisée, en mars 2004, par la dissidence de leur chef militaire de l’est, lassé de l’hégémonie des « nordistes » dans la direction du mouvement et de leurs demandes répétées de lever de nouvelles troupes, pour les envoyer combattre dans le Wanni, la région septentrionale que contrôle le LTTE. Suspecté d’être soutenu par certains éléments de l’armée gouvernementale, le colonel « Karuna » est finalement chassé de la région orientale, mais il a porté un coup sévère au dogme selon lequel les Tigres étaient les seuls représentants des Tamouls sri-lankais. En décembre de la même année, la rébellion est de nouveau affaiblie, cette fois par le violent tsunami qui détruit une partie de ses moyens navals. La reconstruction des zones dévastées par la catastrophe (35 000 morts et disparus) devient un enjeu politique, les séparatistes exigeant de traiter directement avec les organismes donateurs. Renforcés par ces aides, et par celles de la diaspora, ils reprennent leurs attentats, en dépit du cessez-le-feu signé en 2002 : en août 2005, ils assassinent le ministre sri-lankais des affaires étrangères, un Tamoul comptant parmi leurs plus virulents opposants.


Une fin du cessez-le-feu fatale aux Tigres

Lors de l’élection présidentielle de novembre 2005, à laquelle Chandrika ne peut se représenter faute d’avoir pu faire changer les règles électorales, le LTTE prône l’abstention : sa stratégie, scrupuleusement respectée au nord[1], vise à favoriser l’élection d’un faucon dont les exactions contre les civils tamouls pourraient permettre aux Tigres de retrouver une partie de la sympathie internationale dont ils bénéficiaient au début du conflit. De fait, c’est le Premier ministre sortant, Mahinda Rajapaksa, soutenu par le JVP et les ultranationalistes bouddhistes, qui est élu Président, devant l’ancien chef de gouvernement de l’UNP, celui qui avait signé le cessez-le-feu de 2002 et préconisait une reprise des pourparlers. Bien que le nouveau chef de l’Etat et une partie de son entourage soient partisans d’une reconquête des zones sécessionnistes par les armes, un contact est quand-même renoué entre belligérants en février 2006. Mais il n’a pas de suite, les Tigres posant comme préalable la dissolution de la faction de Karuna. La violence se déchaîne tous azimuts : attentats aveugles contre des civils, exécutions sommaires par des milices cinghalaises, combats fratricides entre séparatistes, bombardement d’église et de pensionnat par l’armée. En octobre 2006, une centaine de soldats sont tués au nord-est de Colombo par un camion-suicide alors qu’ils déjeunaient au bord de la route ; deux jours plus tard, le couvre-feu est instauré dans la station touristique de Galle, au sud de la capitale, après que des embarcations des Tigres se soient fait exploser dans le port. En mars 2007, le LTTE complète son dispositif avec des « Tigres de l’air » qui effectuent leur premier bombardement aérien, sur un camp militaire proche de l’aéroport de Colombo. En avril 2008, le ministre des transports, acteur des négociations de paix, est assassiné.

La situation est devenue telle que le nouveau gouvernement rompt officiellement le cessez-le-feu et lance son armée à l’assaut du Wanni, une armée qui a atteint 250 000 hommes (soit plus d’un soldat pour cent habitants)[2]. En octobre 2008, les 50 000 soldats engagés dans la bataille ne sont plus qu’à deux kilomètres de Kilinochchi, la « capitale de l’Etat » des Tigres. Des dizaines de milliers de civils sont pris au piège, le LTTE refusant de leur laisser franchir la ligne de front. Sous la pression des partis du Tamil Nadu, qui menacent de quitter la coalition gouvernementale indienne si New-Delhi n’intervient pas pour éviter un « génocide ethnique », l’Inde doit de nouveau se résoudre à prendre position dans la crise sri-lankaise. Le Premier ministre indien exhorte son homologue sri-lankais à épargner les civils et à mettre en œuvre un « processus politique » permettant d’aboutir à un « règlement négocié » du conflit, mais sans aller plus loin : intervenir davantage ne ferait que pousser un peu plus le Sri Lanka dans les bras de la Chine et du Pakistan, ennemis jurés de l’Inde. De surcroit, le gouvernement de Kotte argue qu’il est ouvert à une décentralisation accrue en faveur des Tamouls du nord, à l’image de ce qu’il a commencé à faire pour ceux de l’est, où gouverne le parti formé par Karuna[3].

En janvier 2009, l’armée sri-lankaise s’empare de Kilinochchi, ne laissant aux Tigres qu’une bande de 160 km² à l’extrême nord de la péninsule de Jaffna, contre 15 000 km² au temps de leur apogée. A la fin du mois, les derniers résistants se retrouvent même acculés dans un réduit de 20 km² de sable et de jungle, tout en restant capables de mener un raid aérien sur Colombo en février et d’assassiner le ministre des télécommunications devant une mosquée le mois suivant. Mais ce n’est que le « chant du cygne » : acculés sur 1 km², les Tigres cessent les combats en mai. Leur chef historique et ses deux lieutenants sont tués alors qu’ils tentaient de fuir dans une ambulance. De fin janvier à fin avril, les combats auraient fait jusqu’à 40 000 morts : des milliers de civils sont morts, utilisés comme « boucliers humains » par les Tigres ou bombardés par l’armée, celle-ci ayant même visé des hôpitaux ou roulé avec des camions sur des blessés. Les deux camps ont tiré sur des fuyards, considérés comme des traîtres ou comme d’éventuels kamikazes. Plus de deux cent quatre-vingt mille personnes sont emprisonnées dans des camps sous contrôle militaire, jusqu’à leur évacuation à partir de décembre, à l’exception de onze mille d’entre elles envoyées en camp de « réhabilitation ».

[1] La consigne est respectée dans le nord, avec 1 % seulement de participation à Jaffna.

[2] En dépit de sa puissance, l’armée n’a jamais vraiment cherché à prendre le pouvoir : deux tentatives de putsch, en 1962 et 1972 ont échoué, du fait de divisions entre militaires.

[3] En pratique, l’amendement constitutionnel sur la décentralisation, voté en 1987, n’est quasiment pas appliqué.


Violences communautaires à répétitions

Auréolé de son succès, le Président Rajapaksa est réélu en janvier 2010 avec près de 58 % face au candidat investi par l’UNP, le général Fonseka, vainqueur militaire de la rébellion, mais démis de ses fonctions de chef d’État-major par crainte d’un éventuel coup de force de sa part. Il est d’ailleurs arrêté pour « conspiration » en mars suivant, juste avant les législatives qui voient une très large victoire de la coalition gouvernementale sortante. L’Alliance nationale tamoule perpétue le souvenir de la rébellion en remportant une douzaine de sièges et en gagnant même les élections provinciales du nord, en septembre 2013. 

Mais le pays est exsangue. Le conflit a fait entre 80 000 et 100 000 morts, 65 000 disparus et des centaines de milliers de blessés. Un million d’habitants ont perdu leurs maisons du fait de la guerre, 500 000 du fait du tsunami. Environ 600 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays dépendent de l’assistance gouvernementale. Plus de 500 000 personnes, en grande majorité des Tamouls, ont quitté le pays en raison de la guerre, s’ajoutant aux 800 000 (en majorité des femmes cinghalaises) partis chercher du travail au Moyen-Orient.

Rajapaksa ne parvient d’ailleurs pas à gagner une troisième élection présidentielle : en janvier 2015, il est battu par un de ses anciens ministres, passé à l’opposition. Le vainqueur, Mithripala Sirinesa, a obtenu 52 % des voix en axant sa campagne sur la lutte contre la corruption, la limitation des pouvoirs présidentiels, la mise en place d’une commission de réconciliation et le rééquilibrage des relations internationales (jusqu’alors très pro-chinoises) du pays, ce qui lui a valu un fort soutien dans les communautés tamoule et musulmane. De fait, il réduit à deux le nombre de mandats présidentiels, supprime la possibilité pour le Président de limoger son Premier ministre, réattribue des terres occupées par l’armée à des réfugiés tamouls et remplace le gouverneur de la province du nord, un militaire, par un diplomate. Tenues dans le calme, les législatives d’août 2015 constituent une nouvelle défaite pour l’UPFA, devancée dans les deux tiers des districts par l’UNP et ses alliés tamouls. Aucun camp ne dispose toutefois d’une majorité solide au Parlement, ce qui freine la mise en place du processus de réconciliation et de vérité recommandé par l’ONU pour faire toute la lumière sur les exactions commises durant la guerre civile et indemniser les victimes.

Le pays n’en a d’ailleurs pas fini avec les violences communautaires. En mars 2018, le gouvernement instaure de nouveau l’état d’urgence, face à la multiplication des violences anti-musulmanes. Dans la région centrale de Kandy, des foules de Cinghalais s’en prennent à des commerces et des mosquées, après la découverte du corps d’un bouddhiste supposément tué par des musulmans lors d’une altercation. La semaine précédente, des attaques similaires avaient eu lieu dans l’est, après la circulation d’une rumeur – sur les réseaux sociaux – selon laquelle un restaurateur musulman glissait des pilules de stérilisation dans la nourriture qu’il vendait aux Cinghalais. La situation est vécue avec d’autant plus d’intensité dans la région que sa population garde le souvenir d’une tuerie commise, en août 1990, contre quatre mosquées lors de la prière (130 morts). De l’aveu du Premier ministre sri lankais, les attaques commises depuis 2014 semblent avoir été orchestrées par des mouvements dirigés par des moines bouddhistes radicaux, parfois liés aux bonzes ayant déclenché des violences contre les Rohyngia musulmans de Birmanie : c’est le cas du SHB[1] ou du BBS[2] dont le centre d’études bouddhiques a été inauguré, en mars 2013, en présence de Gotabaya Rajapaksa, ministre de la Défense et frère du chef d’Etat de l’époque.

Contre toute attente, ce dernier redevient Premier ministre, en octobre 2018, quand le Président Sirinisa évince le chef de son gouvernement, jugé trop favorable aux Occidentaux et devenu un rival potentiel pour les élections de 2019. Mais Mahinda Rajapaksa doit renoncer au poste en décembre suivant : sa nomination est cassée par la Cour suprême qui la juge contraire à la disposition constitutionnelle que Sirinisa avait lui-même fait voter en 2016 !

C’est dans ce contexte que le pays connait une série d’attentats suicides extrêmement meurtriers en avril 2019 : plus de 250 personnes, dont quelques dizaines d’étrangers, meurent victimes d’attaques commises contre des grands hôtels, ainsi que des églises catholiques et évangélique de Colombo, de sa région et de Batticaloa sur la côte est. L’opération, très bien coordonnée, constitue un choc à plusieurs titres : d’une part, elle est commise le dimanche de Pâques et frappe des chrétiens, jusqu’alors plutôt épargnés ; ensuite, bien que revendiquée par l’organisation internationale Etat islamique (Daech), elle a été réalisée par un groupuscule islamiste local, composé de jeunes gens plutôt éduqués et de milieu aisé : le NTJ[3], fondé en 2014, en réaction aux violences antimusulmanes commises par les extrémistes bouddhistes du BBS dans le sud-ouest de l’île ; les attentats témoignent de la pénétration de l’influence wahhabite dans une communauté musulmane jusqu’alors plutôt dominée par la tradition soufie, voire le syncrétisme religieux[4]. Enfin, ces violences illustrent la crise de gouvernance que traverse le pays : les services secrets indiens avaient en effet alerté leurs homologues sri-lankais de la potentialité d’un attentat, sans que cet avertissement détaillé ne soit pris en compte en haut lieu, le NTJ étant probablement utilisé par les services de renseignement pour espionner d’autres groupes radicaux. En réaction, des mosquées et des magasins sont saccagés, y compris par des chrétiens, tandis que les ministres musulmans démissionnent du gouvernement, après qu’un moine bouddhiste a accusé l’un d’eux, et deux gouverneurs de l’île, d’être liés aux terroristes.


Une crise économique profonde

La sanction électorale de l’instabilité est sans appel. L’élection présidentielle de novembre 2019 consacre le retour au pouvoir du clan Rajapaksa : Gotabaya est élu chef de l’Etat et nomme son ancien Président de frère à la tête du gouvernement. En août 2020, leur nouveau Front du peuple sri lankais (Sri-Lanka Podujana Peramuna, SLPP) remporte les deux tiers des sièges aux législatives, majorité suffisante pour amender la Constitution et, par exemple, ne plus restreindre à deux le nombre de mandats présidentiels. Un nouvel amendement, voté par les députés, accroît les pouvoirs présidentiels dans la nomination des fonctionnaires et dans le contrôle des commissions, en principe indépendantes, chargées d’organiser les élections et de lutter contre la corruption. Les premières mesures adoptées par la fratrie (trois autres frères étant ministres, notamment aux Finances) sont clairement dirigées contre les Tamouls : la version de l’hymne national dans leur langue est interdite et un monument commérant un massacre commis par l’armée sri-lankaise est détruit. Leur gouvernement est toutefois fortement fragilisé par la chute vertigineuse du tourisme, due à l’insécurité, mais aussi à une pandémie de coronavirus. Dépourvu de réserves suffisantes de devises, le pays est aussi lourdement endetté, notamment vis-à-vis de la Chine qui en a fait un des passages de ses nouvelles « routes de la soie » (cf. Chine) : ne pouvant rembourser les emprunts contractés pour construire des infrastructures inutilisées, le Sri-Lanka doit céder des baux de quatre-vingt dix neufs ans sur des installations stratégiquement situées dans le sud de l’île, comme le port d’Hambantota dans le fief du clan présidentiel.

Le pays s’enfonce inexorablement dans une crise économique, aggravée par les décisions gouvernementales. Ainsi, le choix de limiter l’usage des pesticides, pour diminuer leur importation et promouvoir une agriculture « biologique », fait chuter les rendements : jusqu’alors autosuffisant en riz, le Sri Lanka commence à en importer. Les prêts du FMI et de l’Inde, qui y voit l’opportunité de contrecarrer l’influence de l’ennemi chinois, n’y changent rien. Début avril 2022, les pénuries de carburant et de produits de première nécessité entraînent de violentes manifestations du mouvement citoyen de protestation, l’Aragalaya (« lutte » en cinghalais). Peu de temps après, le pays se déclare incapable d’honorer sa dette extérieure. Après des affrontements meurtriers entre partisans et opposants du régime, celui-ci instaure le couvre-feu, tout en promettant des réformes : le Premier ministre et son gouvernement démissionnent et le chef de l’Etat, surnommé « Terminator », promet de revenir à un régime moins présidentiel. Pour essayer de former une équipe d’union nationale, Gotabaya fait appel à un vétéran de la scène politique nationale, que son frère avait essayé d’évincer en octobre 2018 : neveu d’un ancien Président de la République, Ranil Wickremesinghe a déjà été cinq fois Premier ministre. Membre du Parti national uni (UNP), décimé aux législatives, le nouveau chef du gouvernement – également chargé des finances – commence sa mission par la consultation des grands bailleurs de fonds internationaux et par la formation d’un gouvernement soutenu par le SLFP et par des dissidents du principal parti d’opposition (le Samagi Jana Balawegaya, SJB) qui, lui, continue à réclamer la démission du chef de l’Etat.

Mais la situation économique continuant à se dégrader, les manifestations se poursuivent. En juillet, le Président doit être exfiltré par l’armée de sa résidence officielle, juste avant qu’elle ne soit prise d’assaut par des centaines de manifestants. Contraint de fuir à l’étranger et de démissionner, Gotabaya confie le pouvoir au Premier ministre qui est, lui aussi, contesté par la rue : en dépit de ses promesses de se retirer après la formation d’un gouvernement d’union nationale, sa résidence privée est détruite par les protestataires. Mais, loin de se retirer de la scène, Ranil Wickremesinghe est élu Président de la République par une large majorité du Parlement : malgré la candidature d’un élu du parti au pouvoir, il reçoit un net soutien du clan Rajapaksa. Après avoir fait intervenir les forces de l’ordre pour déloger les derniers manifestants occupant le secrétariat présidentiel, il confie le poste de Premier ministre à un camarade de classe, membre d’une des plus grandes dynasties politiques du pays ; le gouvernement est largement composé de caciques du régime déchu, ainsi que de députés sortants de l’UNP battus aux législatives. En août, le pays autorise un navire de recherche chinois à mouiller dans le port d’Hambantota, ce qui entraîne des protestations indiennes : New-Delhi redoute que le bateau ne se livre à des activités d’espionnage au profit de la Chine, même si l’installation n’est censée accueillir que des bâtiments civils.

La relative stabilisation de la situation permet le retour d’exil de Gotabaya, qui est accueilli à l’aéroport par des ministres brandissant des guirlandes de fleurs. En mars 2023, alors que l’Inde a repris place dans l’économie sri-lankaise avec le nouveau Président, la Chine accepte de restructurer ses prêts au pays, ouvrant ainsi la voie à des aides du FMI. Celles-ci sont conditionnées à un train de réformes telles que la suppression de subventions et l’augmentation de la fiscalité, au risque d’appauvrir encore plus la population. La lutte contre la corruption reste en revanche embryonnaire. En novembre, pour concurrencer les « routes de la soie » chinoises, les États-Unis décident de prêter de l’argent au groupe indien chargé de construire un terminal portuaire en eaux profondes au sud du pays.


La gauche au pouvoir

Après avoir évité la banqueroute, l’économie donne des signes de reprise, avec un retour des touristes et une amélioration des récoltes. Mais trois cent mille Sri-lankais, souvent les plus diplômés, ont quitté le pays et une partie de la population souffre des mesures d’austérité imposées par le FMI : environ un tiers est en situation d’insécurité alimentaire. Candidat à un nouveau mandat, le Président sortant est sèchement battu (17 %) à l’élection présidentielle de septembre, suivie par les trois quarts des électeurs. La victoire revient au candidat de la coalition de gauche, le National People’s power (NPP) : Anura Kumara Dissanayake l’emporte avec plus de 42 % des voix, soit presque 10 % de plus qu’un autre opposant, fils d’un ancien Premier ministre assassiné par les Tamouls. Bénéficiant du discrédit des élites et dynasties gouvernant depuis l’indépendance (l’héritier du clan Rajapaksa obtient à peine plus de 2 %), « AKD » est un marxiste converti à l’économie de marché. Il a fait campagne sur un programme de rupture – mais sans remettre fondamentalement en cause l’accord avec le FMI – et sur une réconciliation des communautés sri-lankaises, bien qu’appartenant au Front de libération du peuple (JVP) ; lorsqu’il en avait pris la tête, ce quinquagénaire avait d’ailleurs présenté des excuses pour les massacres de Tamouls commis par son parti dans les années 1970-1980. En revanche, l’Inde redoute que l’ancien militant marxiste ne soit resté viscéralement anti-indien.

Ne disposant que de quelques sièges au Parlement, le nouveau chef d’État le dissout aussitôt après son élection. Il convoque des législatives anticipées que le NPP remporte largement au mois de novembre, avec près de 62 % des suffrages et une majorité des deux tiers des sièges lui permettant de réviser la Constitution. La coalition de gauche réussit même une percée spectaculaire dans le Nord, où jamais un parti politique du Sud ne l’avait emporté, grâce à sa promesse de rendre aux habitants les terres occupées par les forces armées et d’établir l’égalité entre tous les citoyens. Le SJB, premier parti d’une opposition totalement fragmentée, ne recueille que 17 % des voix. Près des deux tiers des députés sortants avaient renoncé à concourir, à commencer par les anciens présidents Rajapaksa et Wickremesinghe.

[1] Sinhale Jathika Balamuluwa (Force nationale cinghalaise)

[2] Bodu Bala Sena ou « force du pouvoir bouddhiste » fondée en 2012.

[3] NTJ : Organisation monothéiste nationale

[4] Les musulmans sri-lankais peuvent brûler des bâtonnets d’encens, comme le font les hindous ou les bouddhistes.