Les Kouriles, sujet de tension russo-nippon

Les Kouriles, sujet de tension russo-nippon

Bien que seulement quatre d’entre elles soient habitées en permanence, les îles font l’objet d’un différend entre le Japon et la Russie depuis le XVIIIème siècle.

Kouriles est le nom d’un archipel d’une quarantaine d’îles et de récifs volcaniques d’une surface de 10 400 km² s’étendant sur, près de 1 200 kilomètres, entre l’extrémité est d’Hokkaidō et la pointe sud de la péninsule sibérienne du Kamtchatka. Peuplées à l’origine de quelques milliers d’Aïnous, elles sont prises par les Japonais dans le courant du XVIIe siècle, avant que les Russes ne commencent à investir les îles les plus septentrionales au siècle suivant. En 1855, le traité frontalier russo-japonais de Shimoda attribue au Japon les quatre îles les plus méridionales (en japonais Etorofu, Kunashiri, Shikotan et îlots de Habomai). Vingt ans plus tard, le traité de Saint-Pétersbourg attribue même tout l’archipel aux Nippons, contre l’abandon de leurs prétentions sur la grande île de Sakhaline, majoritairement peuplée de Russes. Cette décision est confirmée en 1905, au lendemain de la victoire nippone sur la Russie.

Mais en août 1945, après avoir déclaré la guerre au Japon, l’URSS occupe l’ensemble des Kouriles, ainsi que le sud de Sakhaline et les récupère formellement en 1951, via le traité de paix nippo-américain de San Francisco. Entretemps, Moscou a déporté en Asie centrale ou expulsé vers le Japon les quelques milliers d’habitants qui refusaient de prendre la nationalité soviétique et les a majoritairement remplacés par des Russes ; les « moto tomin », anciens habitants japonais des îles, sont juste autorisés à se rendre sans visa sur la tombe de leurs ancêtres. En 1956, la déclaration commune de cessation des hostilités signée entre Moscou et Tokyo mentionne la possible rétrocession au Japon des îles Habomai et Chikotan, après la signature d’un traité de paix. Mais ce texte n’ayant pas vu le jour, la restitution n’a jamais eu lieu.

Pour justifier sa position, suivie de l’implantation de bases militaires dans l’archipel durant la guerre froide, Moscou argue que Tokyo a signé la Charte de l’ONU, établissant les résultats de la deuxième Guerre mondiale. Inversement, le Japon met en avant que, non seulement la Russie n’a pas signé le traité de San Francisco, mais que de surcroit celui-ci ramenait le territoire japonais à ses frontières de 1868, donc postérieurement au traité frontalier de Shimoda. Le gouvernement nippon considère donc que les quatre Kouriles du sud (les plus peuplées avec 12 000 des 17 000 habitants de l’archipel) lui appartiennent et forment ses « Territoires du nord ». Le différend territorial est accentué par des considérations économiques, l’archipel détenant d’importantes ressources halieutiques et minérales, en particulier d’or et d’argent à Kounachir (Kunashiri) et Itouroup (Etorofu).

Une brève détente intervient après la chute de l’URSS : en 1997, le Président Elstine – soucieux d’attirer des capitaux japonais dans l’économie russe – s’engage à régler la question des Kouriles avant l’an 2000. Mais ce rapprochement ne dure pas. En septembre 2010, en pleine tension sino-japonaise en Mer du Japon, le Président Medvedev met en avant, comme fondement de la relation stratégique commune de la Russie et de la Chine, « leur résistance conjointe contre les fascistes et les militaristes » durant la deuxième Guerre mondiale. En novembre suivant, il est même le premier dirigeant de Moscou à poser le pied aux Kouriles du sud, à la fureur de Tokyo. En septembre 2016, lors d’un sommet organisé à Vladivostok, le Japon avance l’hypothèse de ne récupérer que Shikotan et Habomai, attribuées en 1956, mais Moscou répond deux mois plus tard en installant des batteries de missiles anti-navires sur les deux îles.