Situés au sud-ouest du département nippon d’Okinawa, les Senkaku (Diaoyutai en chinois) sont administrés de facto par le Japon depuis Ishigaki, une des îles de son archipel des Ryūkyū. Mais ces huit îlots de 7 km², plus ou moins immergés, sont revendiqués par les deux Chine, populaire et nationaliste : ils sont, de fait, plus proches de Taïwan (moins de 200 km) que d’Okinawa (400 km). Exploités à partir de 1884 par des entrepreneurs japonais (bonite et guano), ils sont cédés neuf ans plus tard par l’impératrice chinoise Cixi à un proche qui ne les occupe pas : de ce fait, ils sont juridiquement considérés comme « terra nullius » (sans souveraineté), lorsque le Japon s’en empare en 1895, afin de satisfaire un exploitant nippon de guano, et les incorpore au département d’Okinawa. A leur apogée, en 1909, les Senkaku abritent environ 250 colons nippons. En 1945, les îlots partagent le sort du département d’Okinawa : placés sous le contrôle des États-Unis, ils sont restitués au Japon en 1972 (sans que leur nom ne figure dans l’accord de rétrocession) et sont de fait inclus dans l’accord nippo-américain de défense.
Les premières revendications chinoises datent de la fin des années 1960, lorsqu’un rapport international suppute que les fonds marins seraient potentiellement riches en hydrocarbures. Les deux Chine n’ont jamais reconnu l’annexion japonaise : Pékin fait état d’un texte de 1403 les mentionnant comme chinoises et argue qu’elles sont situées sur le plateau continental chinois et séparées des Ryūkyū par une fosse marine. Chinois et Japonais s’affrontent d’ailleurs sur le partage des 400 milles nautiques séparant l’archipel nippon du continent : Tokyo plaide pour un partage à 200 milles, tandis que la Chine défend sa souveraineté sur tout son plateau continental, c’est à dire jusqu’à l’ouest d’Okinawa. Pékin fait également valoir que, durant l’occupation nippone, les îlots étaient administrés par l’administration japonaise de Taïwan et que, comme celle-ci, ils auraient donc dû être rendus à la Chine. D’ordre économique, cette dispute est toute autant stratégique : en cas de conflit avec les Taïwanais, c’est en effet dans cette zone que la marine chinoise se déploierait pour empêcher l’arrivée de renforts depuis le Japon.
Le sort des Senkaku enflamme d’ailleurs les ultranationalistes des différents pays. En 1997, la police maritime japonaise doit déployer une soixantaine de navires pour empêcher l’entrée dans les eaux de l’archipel d’embarcations affrétées par des Chinois de Taïwan, de Hong-Kong et des États-Unis. En 2008, le Japon et la Chine s’accordent sur une exploitation commune de gisements gaziers dans deux zones contestées de la mer de Chine orientale, avec interdiction d’effectuer des forages individuels. Mais, en 2015, le Japon accuse la Chine d’avoir installé une demi-douzaine de plateformes de forage, au mépris de l’engagement pris en 2008. La situation s’est en effet envenimée en septembre 2012, le gouvernement japonais ayant annoncé sa volonté d’acheter aux particuliers les îlots qu’ils possèdent, afin de devancer le gouverneur ultranationaliste de Tokyo qui souhaitait en faire de même. Cette décision provoque une flambée de violence anti-japonaise en Chine et Pékin entreprend une demande de reconnaissance devant l’ONU de sa souveraineté sur ces îles.
En décembre suivant, Tokyo dénonce la violation de son espace aérien dans cette zone, tandis que Pékin inclut les Senkaku dans sa zone d’identification de la défense aérienne (ADIZ). En septembre 2016, la Chine se livre à une démonstration de force en faisant voler des dizaines d’avions militaires dans le détroit international de Miyako, à l’est des Senkaku et au voisinage immédiat de son « ADIZ », sans toutefois entrer dans l’espace aérien nippon proprement dit : Pékin « répond » ainsi à l’annonce, par le Japon, de sa participation à des manœuvres américaines en mer de Chine… méridionale, dans laquelle Tokyo soutient, notamment, le Vietnam et les Philippines contre l’expansionnisme chinois. Pourtant, fin 2015, Chinois et Japonais avaient convenu d’instaurer des lignes directes entre leurs marines et aviations, afin d’éviter des dérapages en mer de Chine orientale.
Photo de l’île d’Ishigaki dont dépend l’archipel. Crédit Vladimir Haltakov / Unsplash