Madagascar

Madagascar

Incurie politique et corruption ont fait de la Grande Île un des pays les plus pauvres de la planète.

587 041 km²

République

Capitale : Antananarivo

Monnaie : l’ariary

29,5 millions de Malgaches

La « Grande Île », quatrième du monde par sa superficie, est longue de 1 580 km sur 580 de large. Distante d’environ 400 km des côtes mozambicaines, elle est entourée des archipels des Seychelles et des Comores au nord et des Mascareignes (Réunion, Maurice) à l’est. Madagascar revendique une partie des Îles Éparses françaises, dans le canal de Mozambique (cf. Territoires contestés).

Le relief consiste en une plaine étroite (le long des 4 828 km de côtes) surmontée de hauts plateaux et de montagnes à l’intérieur (le point culminant est à près de 2 880 m). Tropical sur le littoral, le climat est tempéré à l’intérieur et aride au sud.

Issu du métissage de populations malaises avec des Noirs d’Afrique de l’est, le peuple malgache compte officiellement dix-huit ethnies parlant autant de dialectes. Elles se répartissent entre « l’aristocratie » des plateaux (Merina et leurs cousins Betsileo) et les Côtiers (Tsimihety, Betsimisaraka, Sakalava…). S’y ajoutent les « Vazaha » (descendants de colons ou expatriés européens), « Sinoa » (Chinois, souvent originaires de Canton), « Karana » (Indo-Pakistanais) et Makoa (Africains du Mozambique).

Sur 78 % de Malgaches déclarant une religion, 74 % sont chrétiens : 34 % protestants (Église malgache de Jésus-Christ, luthériens, anglicans) et 32 % catholiques.


L’île est très probablement inhabitée, quand arrivent, entre le Ve et le VIIe siècle EC, des populations malayo-polynésiennes (cf. Océanie), venues de l’actuel monde malais, en longeant les côtes indiennes, puis arabes et est-africaines. Ces migrations se poursuivent au moins jusqu’au XIIIe siècle. L’île attire aussi les commerçants arabes et perses qui opèrent en Afrique de l’est, d’où arrivent également des migrants Noirs aux environs de l’an 1000. Ces différents occupants s’installent d’abord sur les côtes nord-ouest et est, les plus propices à l’agriculture, avant de se disperser à l’intérieur des terres, au fur et à mesure que la population augmente.

Les premiers États constitués voient le jour au début du XVIIe siècle. Ils sont l’œuvre des Sakalava qui, depuis leur base du sud-ouest, fondent les royaumes de Menabe à l’ouest et de Boina au nord-ouest. Installés dans la région centrale proche d’Antananarivo, les Hova fondent au XVIIe le royaume Imerina, dont les citoyens prennent le nom de Merina ; Hova devient alors le terme qui désigne les roturiers, tandis que les nobles portent le nom d’Andriana. Au début du XVIIIe, des mulâtres, les Zana-Melata, fondent la confédération des Betsimiraka, sur les côtes du nord-est.

Après plusieurs incursions, sans lendemain, des Portugais, des Anglais et des Hollandais – rebutés par l’insalubrité du littoral et l’hostilité des populations – les premiers Européens à s’implanter sont les Français qui occupent Fort-Dauphin, sur la côte sud, entre 1642-1672. Mais le royaume de France ayant préféré s’intéresser plutôt à l’île Bourbon (l’actuelle Réunion), les côtes nord de Madagascar deviennent, au XVIIIe, un repaire de flibustiers anglais et français. Établis principalement à Diego-Suarez et sur l’île Sainte-Marie (possession française à partir de 1758), ils s’y livrent à l’esclavage, avec le concours de souverains locaux.

A l’intérieur, le royaume divisé des Merina est réunifié au tournant des XVIIIe et XIXe siècles par Andrianampoinimerina, qui fait de Tananarive (Antananarivo) sa capitale et étend son domaine au sud, chez les Betsileo. Son fils poursuit son expansion, en particulier dans les royaumes Sakalava, grâce à l’assistance des Britanniques qui, depuis leur installation à l’île Maurice, sont présents dans la capitale Merina. Ce sont d’ailleurs des missionnaires anglais qui, en 1869, convertissent la reine Ranavalona II et son Premier ministre (et époux) au protestantisme. Le couple entreprend une modernisation du royaume (écoles, hôpitaux, administration, justice) qui se heurte aux structures traditionnelles de la société.


Pour contrer l’influence britannique, l’Église catholique et les Français de la Réunion poussent la France à intervenir dans l’île. C’est chose faite en 1883, à Majunga (au nord-ouest) et Tamatave (sur la côte est). Deux ans plus tard, Paris impose un quasi-protectorat et le versement de lourdes indemnités au Premier ministre Merina. Celui-ci ne pouvant plus payer, des troupes françaises débarquent à Majunga en 1895 et occupent Tananarive. L’année suivante, Madagascar passe du statut de protectorat à celui de colonie. Sous l’administration du général Gallieni, les peuples de l’ouest et du sud sont soumis les années suivantes et la colonisation débute, avec la construction d’un chemin de fer, la création d’écoles laïques enseignant le français, puis le développement de cultures d’exportation (vanille, café, tabac…). Leur exploitation est assurée par des Malgaches qui restent souvent soumis au travail forcé, comme à l’époque du royaume Imerina.

De premiers mouvements anti-coloniaux voient le jour dès 1915, mais s’éteignent avec l’arrestation de leurs dirigeants. Il faut attendre 1946 pour voir apparaître deux nouvelles organisations, reflétant les antagonismes économiques et sociaux du pays : le Mouvement démocratique de la révolution malgache (MDRM), animé par des Merina, qui réclame davantage d’autonomie et le Parti des déshérités de Madagascar (Padesm), qui représente les intérêts des ethnies côtières. En mars 1947, une violente révolte paysanne éclate dans l’est et se transforme en insurrection générale. Elle prend fin en décembre 1948 sur un lourd bilan : 2 000 morts parmi les forces de l’ordre (essentiellement des Malgaches) et au moins 80 000 dans la population civile. Considéré comme l’instigateur du mouvement, le MDRM est dissous et ses chefs emprisonnés. Face à une élite Merina jugée anglophile, Paris privilégie le Padesm qui, en 1956, se transforme en Parti social-démocrate sous la direction du Tsimihety Philibert Tsiranana.


En 1958, Paris organise un référendum sur la transformation de Madagascar en république membre de la Communauté française. Le « oui » l’emporte à 70 %, l’essentiel des votes négatifs se concentrant en pays Merina et Betsileo. Deux ans plus tard, la République malgache accède à l’indépendance, sous la présidence de Tsiranana. Très favorable à une politique de coopération à la France, sa politique commence à être contestée au début des années 1970. Les manifestations, étudiantes, paysannes et syndicales, prennent une ampleur telle que, en 1972, le Président dissout le Parlement et abandonne ses fonctions au général Ramanantsoa, qui abroge la Constitution, se fait accorder les pleins pouvoirs et dénonce les accords avec la France.

En 1975, le pouvoir échoie à un autre militaire, le capitaine de frégate Didier Ratsiraka. D’origine Betsimisaraka (ethnie de la côte du nord-est), le nouveau chef d’État instaure la République démocratique de Madagascar (IIe république). Il engage une étatisation de l’économie, ainsi que la malgachisation de la société et de l’enseignement, l’idée étant d’unifier les différents dialectes (dominés par celui des Merina) en une langue nationale unique. Les résultats sont catastrophiques et conduisent, notamment, à des émeutes de la faim sévèrement réprimées en 1985-1986. Réélu en 1989, Ratsiraka s’engage à libéraliser son régime, mais l’opposition – regroupée en Comité des Forces vives – n’y croit pas et organise d’importantes manifestations en 1991. Après leur répression, le chef de l’État se résout à abandonner le socialisme et proclame une IIIe République.

Après dix-sept ans de parti unique, les premières élections libres se déroulent en 1993 et voient le succès d’Albert Zafy, le leader des Forces vives. Mais il est destitué par le Parlement trois ans plus tard et, en 1997, les élections consacrent le retour de Ratsiraka à la tête de l’État.

En 2002, le scrutin présidentiel conduit le pays au bord de la partition, les partisans du sortant s’opposant, armes à la main, à ceux de Marc Ravalomanana, un homme d’affaires Mérina arrivé en tête au premier tour. Replié dans son fief de Toamasina (ex-Tamatave, principal port du pays), Ratsiraka agite le spectre de la résistance des provinces autonomes qu’il a créées en 2001 : en contrôlant quatre sur six – alors que son adversaire ne contrôle que Antananarivo et Fianarantsoa – il se réclame du droit des « Côtiers » à se préserver de la suprématie des Merinas. Le gouverneur d’Antsiranana proclame même « l’indépendance » de sa province, suivi de ses trois collègues, qui œuvrent à la création d’une « confédération ». L’armée se déchire, les unités d’élite restant fidèles à Ratsiraka. Mais les partisans du Président sortant perdant du terrain, Ravalomanana est proclamé élu par la Cour constitutionnelle, marquant ainsi le retour aux affaires des Mérinas, évincés du pouvoir depuis l’éviction de leurs reines de la fin du XIXe siècle. Aux législatives, son parti TIM (Tiako’i madagasikara, « J’aime Madagascar ») rafle près de deux tiers des sièges, l’Arema du Président déchu n’en conservant que trois.

Ayant réussi à écarter un de ses principaux rivaux, Ravalomanana remporte aussi la présidentielle de 2006. Mais son autocratisme et sa politique économique rencontrent une opposition croissante. Une forte inflation, couplée à la vente opaque de terres malgaches à un conglomérat sud-coréen, déclenche, en janvier 2009, des émeutes suivies de pillages à Antananarivo et d’autres villes du pays ; elles font entre une soixantaine et une centaine de morts. La contestation est menée par le maire de la capitale, un Merina surnommé « TGV » en raison de son ascension fulgurante : trentenaire, Andry Rajoelina est un ancien disc-jockey ayant fait fortune dans l’affichage et les médias. En février, après avoir été déchu de son mandat de maire, il lance ses partisans sur le palais présidentiel, où ils sont accueillis par les tirs de la garde présidentielle. Une vingtaine de personnes sont tuées. Lâché par les forces de l’ordre et la majeure partie de l’armée, Ravalomanana abandonne le pouvoir à un directoire militaire. Sous la pression de mutins, la présidence de la Haute autorité de transition est confiée à Rajoelina, qui proclame une IVe République en 2010. Comme Ratsiraka avant lui, le Président déchu prend le chemin de l’exil pour échapper aux condamnations prononcées contre lui. De son côté, Rajoelina échappe à plusieurs mutineries et tentatives d’attentat en 2012, dont le probable sabotage de son avion. Une médiation régionale conduit finalement à la tenue d’élections générales en 2013, sous la supervision de l’ONU. Rajoelina n’ayant pas été autorisé à concourir – comme ses deux prédécesseurs – le scrutin présidentiel voit le succès de son ancien ministre des Finances.


Dans le sud-est, aux environs de Fort-Dauphin, la situation sécuritaire se dégrade. En juin 2012, des accrochages entre les forces de l’ordre et des voleurs de zébus (« Dahalos »), armés de Kalachnikov, font une vingtaine de morts, dont douze militaires. A la fin du mois d’août, une centaine de malfaiteurs sont tués par les habitants de villages qu’ils s’apprêtaient à dépouiller. Vieille tradition villageoise permettant aux jeunes gens de prouver leur capacité à nourrir leur future famille, le vol de zébu a pris la dimension d’un véritable trafic organisé dans les régions méridionales. Il bénéficie de la complicité de certaines autorités, ce qui permet aux trafiquants de convoyer le bétail volé pour les vendre sur des marchés très officiels. De nouveaux affrontements meurtriers ont lieu en 2014, y compris pour le contrôle d’une mine de saphir, et en 2015. Les violences n’épargnant pas les gendarmes, des renforts sont déployés dans la moitié des provinces malgaches, renforts qui s’accompagnent d’exécutions sommaires.

Rajoelina revient au pouvoir, en remportant l’élection présidentielle de fin 2018, devant Ravalomanana (revenu d’exil) et le Président sortant. Les dépenses de campagne n’étant pas plafonnées, elles ont atteint des sommets, alors que près de 80 % des habitants vivent avec moins de 2$ par jour. Le revenu par habitant est inférieur d’un tiers à ce qu’il était à l’indépendance, cas totalement unique dans un pays n’ayant pas connu de guerre. Malgré une légère reprise économique, le pays reste gangréné par la corruption des élites (trafics de bois de rose, d’or et de saphir, contrats de pêche sans appel d’offre avec la Chine…) et par une violente croissante. Sur le plan diplomatique, les relations se tendent avec la France, peut-être sous l’influence de la Russie, et ce malgré la double nationalité franco-malgache du Président.

La violence atteint des sommets à l’été 2022. En juillet, une trentaine de personnes (dont la moitié d’enfants) meurent brûlées vives ou asphyxiées dans leur maison incendiée par des Dahalo, dans un village situé à une soixantaine de kilomètres au nord d’Antananarivo. En août, les gendarmes tuent, dans une zone reculée du sud-est, près de vingt villageois qui exigeaient de récupérer les meurtriers supposés d’un enfant albinos ; dans la confusion, les suspects et deux cents détenus du pénitencier s’envolent dans la nature. Très pratiqué en Afrique de l’Est, le trafic d’albinos se développe à Madagascar, les yeux et les organes de cette population étant censés détenir des pouvoirs magiques, comme protéger des balles et des sortilèges ou permettre de voir dans l’obscurité.

Rajoelina est réélu fin 2023 avec près de 59 % dès le premier tour, mais seulement 46 % de votants ; dix candidats de l’opposition avaient appelé à boycotter le scrutin et les deux autres contestent la régularité du vote.

Crédit photo : Any Chancel