La guerre Éthiopie / Érythrée

La guerre Éthiopie / Érythrée

Les rivalités entre Tigréens d’Asmara et d’Addis-Abeba ont fait plus de 100 000 morts entre 1998 et 2000.

Les premiers incidents entre les deux armées éclatent en mai 1998, dans la région d’Humera, une zone fertile de l’extrême nord-ouest de l’Éthiopie consacrée à la culture du sésame. Les Tigréens au pouvoir à Addis-Abeba accusent les Érythréens – eux-même majoritairement Tigréens – d’être entrés sur leur sol, alors qu’Asmara considère que ce territoire lui appartient, en vertu d’accords signés, entre 1900 et 1908, par l’Éthiopie et l’Italie, dont l’Érythrée était alors une colonie. Dès le mois suivant, les incidents dégénèrent en guerre ouverte, avec l’engagement de moyens lourds de part et d’autre. Au bombardement des faubourgs d’Asmara par l’aviation éthiopienne, les avions érythréens répondent en bombardant Mekele, la capitale du Tigré. Une relative accalmie règne pendant huit mois, mais c’est pour mieux préparer la reprise des hostilités : les deux camps mettent à profit ce répit pour s’armer encore plus lourdement et pour creuser des centaines de kilomètres de tranchées. De fait, le conflit reprend en février 1999, avec l’ouverture d’un troisième front dans la région désertique de Burié, proche d’Assab, en plus de Badmé et de la province d’Akeleguzaï, à Tsorona, au centre de la frontière entre les deux pays. Quelque 200 000 soldats éthiopiens font alors face à presque autant d’Érythréens sur mille kilomètres de front. La prise de Badmé par les forces d’Addis-Abeba et leur résistance dans la zone de Tsorona temporisent un moment la situation, avant qu’elles ne lancent une nouvelle offensive au printemps 2000, alors qu’approchent des élections. Mais le « blitzkrieg » prévu par l’armée éthiopienne, avec l’objectif d’entrer à Asmara le jour de l’indépendance érythréenne, échoue, malgré des pertes énormes : 140 000 morts et blessés en deux semaines côté éthiopien contre 20 000 côté érythréen. Le coût, humain et financier – un million de dollars par jour – devient impossible à assumer pour Addis-Abeba qui doit affronter une grave famine en Ogaden et faire appel à l’aide humanitaire.

En juin, après la mort de cent mille personnes en deux ans, un accord de paix est trouvé à Alger, sous l’égide de l’Organisation de l’unité africaine. Il prévoit le retour des Éthiopiens sur les positions qui étaient les leurs avant le début du conflit, ainsi que la création d’une zone-tampon de 25 km en territoire érythréen, dans laquelle une force onusienne de maintien de la paix (la Minuee) se déploie en décembre, le temps que des experts démarquent la frontière entre les deux pays. Un premier tracé est proposé par la Cour de justice de La Haye en avril 2002, mais il omet de mentionner le village symbolique de Badmé, qui reste donc éthiopien, avant d’être attribué à l’Érythrée. Refusant cet arbitrage, Addis-Abeba maintient ses troupes sur place et se retire des négociations. A la fin de l’année 2004, le Président éthiopien annonce que son pays reconnaît le « principe » de la décision prise par la CIJ mais ne parle pas, pour autant, de démarcation de la frontière. Estimant que la communauté internationale ne fait rien pour faire respecter le tracé arrêté par la CIJ, l’Érythrée masse des troupes à la frontière, dont la Minuee s’est retirée en juin 2008.

Les choses ne s’apaisent qu’en 2018, avec l’arrivée au pouvoir à Addis-Abeba d’un Premier ministre qui n’appartient pas au Front populaire de libération du Tigré (FPLT), ennemi juré du régime d’Asmara. Abiy Ahmed reconnaissant le jugement rendu par le CIJ et promettant que l’armée éthiopienne se retirerait des zones qu’elle occupait encore, les relations diplomatiques entre les deux pays sont rétablies début juillet. Fin 2020, l’Érythrée fournit même un renfort militaire à Addis-Abeba, afin de mater la rébellion du Tigré éthiopien et d’infliger une cuisante défaite au FPLT (cf. Abyssinie / Éthiopie).