23 200 km2
République autoritaire
Capitale : Djibouti
Monnaie : franc de Djibouti
900 000 Djiboutiens
La République de Djibouti est dotée de 314 km de côtes situées à l’intersection – stratégique – du golfe d’Aden et du détroit de Bab al Mandeb qui donne sur la mer Rouge. Distant de moins de 30 km du Yémen à hauteur du détroit, le pays partage près de 530 km de frontières terrestres avec trois voisins : 125 km avec l’Érythrée au nord, 342 km avec l’Éthiopie à l’ouest et 61 km avec le Somaliland (Somalie) au sud.
Il a des contentieux avec l’Érythrée (au Ras Doumeira) et avec l’Éthiopie (région Afar[1]).
De climat sec, voire désertique, le pays est constitué d’une plaine côtière et de plateaux séparés par une chaîne montagneuse. Son point le plus haut culmine à plus de 2 000 m (dans le Nord) et son point le plus bas à -157 m (au lac Assal, le plus salé du monde).
Alors que les Somalis et les Afar (ou Danakil en arabe) étaient en nombre à peu près égal à l’indépendance, les premiers – appartenant majoritairement au clan Issa – sont aujourd’hui les plus nombreux (60 %). Les Afar, qui vivent notamment au nord du golfe de Tadjoura (voisin de la région autonome Afar d’Ethiopie), sont environ 35 %, le reste de la population étant constitué d’étrangers, très majoritairement Yéménites. Les deux-tiers des habitants vivent dans la capitale et ses alentours.
La quasi-totalité des Djiboutiens sont musulmans de rite sunnite, l’islam étant religion officielle. Les autres cultes (5 à 6 %) sont essentiellement pratiqués par les étrangers.
[1] Le peuple Afar compte 2,5 à 3 millions de personnes vivant sur environ 150 000 km² : 64 % en Éthiopie (surtout dans l’État Afar), 19 % à Djibouti et 17 % en Érythrée (avec les Saho voisins).
Devenue territoire d’outre-mer en 1946, la Côte française des Somalis se voit dotée dix ans plus tard d’un conseil de gouvernement de huit ministres : quatre Somalis, trois Afar et un Européen. Les tensions sur son avenir éclatent à partir de 1958, entre les indépendantistes, les partisans de l’autonomie interne et les pan-somaliens, tenants du rattachement à une Grande Somalie.
Après le référendum de 1967, qui accorde à la région un statut d’autonomie interne, les Afar – favoris de Paris – s’emparent des principaux postes, sous la direction d’Ali Aref qui donne à la Côte française des Somalis un nouveau nom : le Territoire français des Afars et des Issas. Sa position pro-française ne faisant pas l’unanimité, ses opposants Issa (tels que Hassan Gouled Aptidon) et Afar (comme Ahmed Dini) fondent la Ligue populaire africaine pour l’indépendance (LPAI).
En 1977, un nouveau référendum consacre l’indépendance du territoire, sous le nom de République démocratique de Djibouti : le « oui » l’emporte à 98,8 %. Le LPAI ayant remporté les élections, Gouled devient Président de la République, tandis que Dini est Premier ministre. Un accord de défense signé avec Paris prévoit le maintien de 4500 soldats français destinés à protéger le nouvel Etat, en cas d’agression extérieure. Mais l’entente entre les deux « hommes forts » du pays va très vite s’estomper, le chef de l’Etat privilégiant sans retenue sa communauté, en particulier son sous-clan des Mamassane. A la suite d’un attentat commis, fin 1977, dans un café fréquenté par des Français, la répression s’abat sur les Afar. Ahmed Dini démissionne de son poste et entre dans l’opposition à la tête d’un Mouvement populaire de libération qui est aussitôt dissous.
Réélu en 1981, Hassan Gouled instaure un régime de parti unique, le Rassemblement populaire pour le progrès (RPP). Débarrassé de toute opposition, il remporte la présidentielle de 1987 avec près de 91 % des suffrages. Certains de ses adversaires vont alors utiliser d’autres voies. En mars 1987, un attentat contre un café fréquenté par des Européens fait ainsi une dizaine de morts. En janvier 1991, le pouvoir déjoue un coup d’État. La même année, Ahmed Dini – qui avait été emprisonné, puis contraint à l’exil – prend le chemin des armes : lui et divers membres de mouvement Afar clandestins fondent le Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (FRUD). Bénéficiant du soutien de leurs « frères » d’Éthiopie et d’Érythrée et d’armes récupérées à l’issue de la guerre entre Éthiopiens et Érythréens, les rebelles lancent une offensive depuis les régions d’Obock et de Tadjourah, au Nord, jusqu’à occuper les deux tiers du pays.
N’ayant pu obtenir le soutien de la France dans ce qui s’apparente à un conflit interne, Gouled doit lâcher du lest. Le multipartisme est instauré (avec quatre partis autorisés) et des postes-clés sont confiés à des Afar lors du vaste remaniement gouvernemental opéré début 1993. Les effectifs de l’armée sont par ailleurs renforcés : ils passent de 3 000 à 15 000 hommes. La stratégie s’avère payante puisque, les mois suivants, les militaires loyalistes réoccupent tout le centre du pays, puis la majeure partie de la façade maritime, dont le port de Khor-Angar, par lequel la rébellion se faisait livrer des armes depuis le Yémen. Le FRUD perd son quartier-général d’Assa-Gueyla en juillet et doit se replier vers l’Érythrée, tandis que des milliers de réfugiés s’enfuient dans la région autonome Afar d’Éthiopie. En décembre 1994, la paix est signée entre le régime et une fraction du FRUD, tandis que l’aile radicale – dirigée par Ahmed Dini – décide de poursuivre la lutte armée. Elle se rappelle au souvenir du pouvoir en attaquant, à l’automne 1997, une patrouille de l’armée, tuant sept soldats. En réaction, Djibouti sollicite ses voisins et obtient l’arrestation du chef du FRUD au Yémen et celle de son chef militaire en Éthiopie ; en échange, le régime djiboutien expulse vers Addis-Abeba le secrétaire général de l’Arduf (Front uni démocratique révolutionnaire afar), un mouvement insurgé de l’Afar éthiopien allié aux rebelles somalis de l’Ogaden.
Inversement, le pouvoir se rapproche de l’aile modérée du FRUD pour compenser le mécontentement croissant de sous-clans Issa vis-à-vis des privilèges dont jouissent les Mamassane. Sa santé allant en déclinant, le Président Gouled a en effet commencé à préparer sa succession en faveur de son neveu et chef de cabinet, Ismaël Omar Guelleh. Après lui avait octroyé l’essentiel de ses pouvoirs en janvier 1996, il fait évincer du gouvernement celui qui apparaissait comme son plus sérieux dauphin, un ancien secrétaire général du RPP, plusieurs fois ministre. Le démis étant entré en dissidence, il est poursuivi pour offense au chef de l’État et condamné à six mois de prison ferme et surtout à cinq ans inéligibilité. Débarrassé des plus sérieux de ses opposants, le RPP, allié aux modérés du FRUD, remporte largement les législatives de décembre 1997.
Comme annoncé, Gouled se retire de la scène politique en avril 1999. Aux présidentielles, Guelleh obtient 74 % des suffrages exprimés (60 % de participation), scrutin que l’opposition décrit comme entaché de nombreuses irrégularités. Quelques mois plus tard, le chef de l’Opposition djiboutienne unifiée (ODU) et deux autres dirigeants sont arrêtés pour « atteinte au moral des forces armées » : leurs organes de presse avaient repris un communiqué du FRUD annonçant la destruction d’un hélicoptère militaire, alors que l’État-major avait évoqué un accident. En janvier 2000, un réfugié politique, ancien lieutenant dans la garde présidentielle, met en cause Guelleh dans la mort d’un juge français affecté à Djibouti, retrouvé mort dans un ravin en octobre 1995. Alors que la thèse officielle avait conclu au suicide, l’accusateur affirme que l’exécution de ce juge trop « fouineur » aurait été organisée par celui qui n’était encore que chef de cabinet. L’accusation vient s’ajouter aux nombreuses irrégularités touchant à cette affaire : absence d’autopsie, disparition du dossier médical du juge etc.
C’est pourtant à Paris qu’un accord de réconciliation est signé, en février 2000, entre le gouvernement djiboutien et la faction encore rebelle du FRUD. La position stratégique de la petite République, face au Yémen considéré comme la plaque tournante d’Al-Qaida dans toute la Corne de l’Afrique, lui vaut par ailleurs d’être choisie par les Américains pour implanter un Commandement militaire spécial, qui vient s’ajouter aux forces spéciales entraînant les soldats de Djibouti à la lutte anti-terroriste[1].
En janvier 2003, les premières élections pluralistes consacrent la victoire de l’Union pour la majorité, avec 62 % des voix contre 37 % à l’Union pour une alternative démocratique d’Ahmed Dini (qui décède l’année suivante). Compte tenu du mode de scrutin, majoritaire à un tour, l’alliance au pouvoir remporte la totalité des sièges. En avril 2005, Guelleh est réélu lors d’une présidentielle boycottée par l’opposition, qui affirme que 80 % des électeurs ne se sont pas déplacés, alors que le taux de participation officiel avoisine justement les 80 %. Cinq ans plus tard, le Parlement modifie la Constitution, faisant de l’islam la religion d’État et supprimant la limitation du nombre de mandats présidentiels. Ceci permet à Guelleh d’être de nouveau largement élu, en 2011, face à un opposant de pure forme. Divisée en deux coalitions, hostiles à la révision constitutionnelle de l’année précédente, l’opposition n’a pas présenté de candidat.
Conforté dans sa fonction, le Président fait feu de tout bois pour valoriser le potentiel de Djibouti, déjà illustré par la construction du port international de Doraleh, à partir de 2003 : réalisé par une grande entreprise de Dubaï, il se compose d’un terminal pétrolier et du plus grand port de transit et de transbordement de conteneurs d’Afrique. En 2016, l’Arabie Saoudite obtient le droit d’implanter une base militaire à Djibouti, qui héberge dix-mille soldats étrangers, au titre de la lutte contre le terrorisme djihadiste et la piraterie régionale) : français, américains, mais aussi japonais (la première base ouverte hors du pays depuis 1945), italiens, allemands et espagnols.La Turquie n’est pas en reste : elle obtient une zone franche dans le port de Djibouti, fin 2016 (en plus d’une base militaire en Somalie l’année suivante). Mais les plus gros investisseurs sont chinois, un tiers des marchandises qui passent par le détroit de Bab el-Mandeb venant de Chine. En 2017, Pékin construit sa première base maritime outre-mer près du port de Doraleh, dont les exploitants de Dubaï sont expulsés, sur fond d’accusations de corruption[2]. L’extension des installations portuaires est liée à la mise en service, fin 2016, de la nouvelle ligne ferroviaire – construite par la Chine – reliant Addis-Abeba à Djibouti. Ce faisant, un fossé ne cesse de se creuser entre la capitale – qui dépeuple les régions du Nord, dont les ressortissants viennent s’entasser dans des bidonvilles – et les districts de l’intérieur où nomadisent des populations pastorales dépendantes des conditions météorologiques.
La tension avec les Afar reste par ailleurs vive. En décembre 2018, des affrontements entre Issa et Afar font des dizaines de morts, près de la frontière éthiopienne. Bien que la majeure partie du commerce éthiopien passe par le port de Djibouti, le pouvoir local est suspecté de chercher à déstabiliser la région Afar de son voisin, afin d’obliger le nouveau pouvoir éthiopien à négocier avec lui, comme il l’a fait avec l’Érythrée et la Somalie. De son côté, le FRUD – qui disposerait toujours d’un camp d’entraînement en Erythrée – n’a pas totalement désarmé : en janvier 2021, il mène une série d’attaques contre des bâtiments des forces de l’ordre à Tadjourah ; en octobre 2022, il tue une demi-douzaine de soldats djiboutiens dans l’attaque d’un camp militaire de la même région.
En avril 2021, Guelleh est réélu pour un cinquième mandat, avec plus de 98 % des voix ; malgré un nouveau boycott de l’opposition, la participation a atteint 77 %, en hausse de 11 %. Pour faire face à la crise économique, le Président continue à capitaliser sur le positionnement géographique de son pays : en février 2023, il annonce la signature d’un protocole d’accord avec une société chinoise envisageant de réaliser une base spatiale dans le pays.
[1] De fait, Djibouti reste épargnée à l’exception d’un attentat-suicide contre un restaurant en mai 2014, au cours duquel seuls les deux kamikazes sont tués.
[2] En réaction, Dubaï met en service, en 2021, un nouveau terminal à conteneurs à Berbera, au Somaliland voisin.