Balkans, monde grec et bas Danube, EUROPE

Monténégro

Émancipée de la Serbie, la petite république peine à rejoindre l’Union européenne.

13 812 km2

République parlementaire

Capitale : Podgorica[1]

Monnaie : euro

608 000 Monténégrins[2]

[2] La diaspora compte 800 000 personnes, principalement en Serbie.

[1] Cetinje, ancien siège de la monarchie, détient le titre honorifique de « capitale du trône » et accueille la résidence principale du Président de la république. La famille royale a été réhabilitée en 2011.

Ouvert sur un peu plus de 290 km sur la mer Adriatique à l’ouest, le Monténégro possède près de 160 km de frontière avec la Serbie au nord-est, près de 80 avec le Kosovo à l’est, près de 190 avec l’Albanie au sud auxquels s’ajoutent 240 km avec la Bosnie-Herzégovine et environ 20 avec la Croatie au nord-ouest et à l’ouest. C’est un des pays les plus accidentés d’Europe : son altitude varie entre 500 m dans la vallée de la Zeta, proche de la capitale, et plus de 2 500 m dans les Alpes albanaises. La seule exception est son étroite bande littorale, elle-même surplombée de montagnes et interrompue au nord par l’imposant fjord des bouches de Kotor. Le climat est de type continental (et méditerranéen sur la côte).

45 % des Monténégrins sont d’ethnie monténégrine. Au nord, dans la moitié méridionale du Sandjak (l’autre partie étant située en Serbie) vivent la majorité des 29 % de Serbes, 9 % de Bosniaques et 3 % de « Musulmans » du pays. Les 5 % d’Albanais habitent essentiellement l’est et le sud-est. Le reste de la population est constitué d’1 % de Croates (dans les bouches de Kotor), 1 % de Roms… Plus de 94 % des habitants parlent une des trois variantes du slave méridional dit chtokavien (cf. Encadré dans Serbie et Yougoslavie) : serbe, monténégrin, et bosnien.

72 % de la population est de confession orthodoxe, 19 % musulmane sunnite et 3 % catholique.

Les bouches de Kotor

En septembre 2006, trois mois après le référendum d’indépendance (cf. De la Yougoslavie à la Serbie), la coalition du Premier ministre Milo Djukanović remporte les élections législatives. Devenu pro-européen, après avoir professé des sympathies pro-russes, son Parti démocratique des socialistes (DPS) et son allié social-démocrate obtiennent une courte majorité absolue, loin devant les pro-Serbes qui se sont divisés en deux partis (Liste serbe et Parti socialiste national), tandis qu’émerge un parti pro-européen dénonçant la corruption du régime et son alignement sur les intérêts russes (aluminium, bauxite, production d’électricité et distribution de carburant ont été majoritairement vendus les dernières années à des oligarques russes). Malgré son succès, Djukanovic ne brigue aucun pouvoir, ce qui le met à la merci de la justice italienne, laquelle le soupçonne d’avoir dirigé un vaste trafic de cigarettes, entre 1994 et 2000, avec la mafia monténégrine et la Sacra Corona Unita des Pouilles. Sans nier, l’ancien Premier ministre argue que cette activité a permis au budget monténégrin d’atténuer le contre-coup des sanctions internationales prises contre l’ex-Yougoslavie entre 1992 et 1999.

Même en retrait, Djukanović continue à diriger de fait les affaires du pays. Ayant fait déposer la candidature du Monténégro à l’Union européenne, il fait avancer de dix-huit mois les élections législatives afin de mener à bien les négociations d’adhésion. L’électorat le suit : en mars 2009, il accorde une nouvelle fois la majorité absolue à la coalition gouvernementale. Elle la perd en revanche au scrutin suivant, en octobre 2012, malgré le retour au premier plan du père de l’indépendance. L’effritement du pouvoir se confirme en avril suivant : si le social-démocrate Filip Vujanović est réélu pour un troisième mandat de cinq ans à la présidence de la République, ce n’est qu’avec un peu plus de 51 % des suffrages face au candidat des conservateurs. Le DPS passe même sous la barre des 50 % aux législatives de 2016, tout en restant le premier parti du pays et en conservant une nette avance sur le Front démocratique, pro-russe et foncièrement hostile au projet d’adhésion du pays à l’OTAN[1]. A la même époque, les services secrets monténégrins affirment avoir déjoué un complot d’ultranationalistes serbes pro-russes visant à attaquer le Parlement le jour du scrutin et à assassiner Djukanović. Celui-ci abandonne la charge de Premier ministre à son second, Duško Marković. Mais, deux ans plus tard, l’homme fort du pays se fait élire au poste, essentiellement honorifique, de Président de la République : avec près de 54 % des suffrages, il devance de vingt points son principal rival ; celui-ci était pourtant soutenu par l’opposition pro-russe, mais aussi par les formations pro-européennes, lassée de l’exercice sans partage du pouvoir par le « père de l’indépendance », aux manettes depuis plus d’un quart de siècle, quasiment sans discontinuer.

Le DPS finit par chuter en 2020. Arrivé en tête aux législatives, mais avec seulement 35 % des voix, il doit abandonner le gouvernement à l’alliance de trois formations de droite, du centre et du centre-gauche, soutenues par l’Eglise orthodoxe serbe (SPC), majoritaire dans le pays. En plus de poursuivre la procédure d’adhésion à l’Union européenne, les partis victorieux ont en effet promis de revenir sur la loi « liberté religieuse » qui avait été votée fin 2019, en vue de nationaliser les biens d’une Église jugée trop inféodée à Belgrade. Ce texte, qui avait déclenché la colère des nationalistes cléricaux, est effectivement abrogé par le nouveau gouvernement, d’ailleurs investi dans un monastère, et remplacé par un contrat entre l’État et la SPC. La question religieuse n’en continue pas moins d’attiser les tensions dans la société : à l’automne 2021, des « patriotes monténégrins » essaient d’empêcher l’investiture du nouveau représentant du patriarche serbe au Monténégro.

En février 2022, le Premier ministre est renversé par une motion de censure, après avoir été lâché par Action réformée unie (URA), le mouvement citoyen qui l’avait soutenu, et par les pro-serbes du Front démocratique. Craignant de voir le pays reprendre une direction pro-russe, les Occidentaux convainquent le DPS de soutenir un gouvernement minoritaire dirigé par le chef d’URA, au risque que cette alliance ne freine les ambitions anti-corruption du nouveau Premier ministre : trentenaire, Dritan Abazovic est le premier albanophone et musulman (bien que peu pratiquant) à diriger le gouvernement. Il est à son tour victime d’une motion de censure en août, au sujet de la propriété des centaines de monastères et églises que la SPC possède au Monténégro : une partie de l’opinion publique et de la classe politique considère en effet que l’accord envisagé ne protège pas suffisamment les intérêts de l’État. Certains dirigeants, comme le Président Djukanovic, plaident même en faveur de la nationalisation pure et simple de ces biens et du développement de la petite Église monténégrine, non reconnue par les autorités orthodoxes[2].

En mars 2023, Djukanovic dissout le Parlement, juste avant les élections présidentielles. Au premier tour, il arrive en tête devant Jakov Milatovic, le fondateur du mouvement l’Europe maintenant, suivi du candidat pro-russe. Mais au second, le « Gospodar » (Seigneur) ne réunit que 40 % des voix, malgré ses tentatives d’acheter les voix des minorités bosniaque et albanaise, en vue de battre des opposants présentés comme pro-serbes. Après trente ans de pouvoir quasi-ininterrompu, Djukanovic cède la place à Milatovic, économiste libéral d’une trentaine d’années, revenu au pays après des études et une carrière en Occident. L’entre deux tours avait été marqué par un rappel des dérives criminelles du pays, avec le limogeage du chef de la police nationale et l’arrestation de plusieurs de ses subordonnés, accusés d’avoir tabassé des citoyens monténégrins pour le compte d’un clan mafieux local. Suivies par moins de 60 % du corps électoral, les législatives de juin ne désignent pas de majorité claire : « l’Europe maintenant » arrive certes en tête, mais avec seulement 26 % des suffrages, 2 % de plus que le DPS ; le reste se partage entre l’alliance Démocrates / URA (12 %) et des formations représentant les minorités et des partis pro-serbes. En août, le chef du parti victorieux, Milojko Spajic, est désigné jeudi par le Président pour former le nouveau gouvernement, ce qui est chose faite en octobre, après de laborieuses tractations : pour disposer d’une majorité, il a dû s’allier à la coalition « Pour le futur du Monténégro », pro-russe et pro-serbe.

[1] L’adhésion à l’OTAN a officiellement lieu en 2017.

[2] Restaurée en 1993, l’Église orthodoxe monténégrine se réclame de l’historique Église du diocèse de Zeta : devenue autocéphale au tournant des XVème et XVIème siècles, elle avait été supprimée en 1920.

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