La formation de la France

La formation de la France

Vingt-cinq siècles d’édification territoriale d’une des plus grandes puissances européennes.

SOMMAIRE

Photo de une : les jardins de Lenôtre au Palais de Versailles


Les premiers peuplements

En de nombreux sites du territoire actuel de la France, l’homme de Néandertal puis Homo sapiens ont laissé des traces de leur industrie et de leur art. Vers 5500 AEC, au néolithique, des agriculteurs originaires d’Anatolie s’installent et supplantent en grande partie les chasseurs-cueilleurs déjà présents. À partir d’environ 2600 AEC, un nouveau déplacement de population de grande ampleur a lieu avec l’arrivée de bergers nomades en provenance de la steppe pontique, locuteurs de langues indo-européennes.

Ils sont suivis, à partir de -500, de Celtes venus d’Europe centrale, qui occupent la zone située au nord d’une ligne Carcassonne-Genève et soumettent – ou assimilent – les Ligures et les Ibères qui peuplent depuis des siècles les côtes allant de l’Italie à l’Espagne. Au sud-ouest vivent des Vascons ou Aquitains (proto-Basques) tandis que, au sud-est, des Grecs de Phocée (en Asie Mineure) ont fondé vers -600 le port de Massalia (Marseille), dont le rayonnement s’exerce des actuelles Pyrénées orientales jusqu’aux Alpes-Maritimes, en passant par la basse vallée du Rhône.


La Gaule romaine

Sur leurs territoires, les Celtes érigent des oppidums (sites fortifiés) que les Romains vont rencontrer sur leur route, quand ils commencent, en -197, à conquérir ce qu’ils appellent la Gaule transalpine. « Gaulois » est le nom qu’ils ont donné aux Celtes ayant déferlé dans la plaine du Pô (ou Gaule cisalpine) au IVe siècle AEC. Après avoir soumis les Celto-Ligures de basse-Durance, à l’appel de Massalia, les Romains débutent en -125 la conquête de la Gaule méridionale (ou « Gaule en braie »), allant des Pyrénées jusqu’au lac Léman. Ils y instaurent une « provincia » dont la capitale est Narbonne et construisent la voie Domitienne pour la relier à l’Italie. En -102, l’armée romaine stoppe à Aix-en-Provence une déferlante d’envahisseurs germaniques (Teutons et Cimbres), qui l’avaient battue à Arausio (Orange). A partir de -58, alors que les Germains se montrent menaçants sur le Rhin, le chef romain Jules César doit faire face à une succession de révoltes des tribus de la « Gaule chevelue », celle qui n’est pas encore romanisée. Cette « guerre des Gaules », qui va mobiliser jusqu’à 400 000 combattants simultanément, s’achève en -51. L’année précédente, Jules César a obtenu la reddition, à Alésia, de l’Arverne Vercingétorix, dont les Gaulois avaient fait leur chef militaire. La même année, son lieutenant s’est emparé de Lutèce, la capitale de la tribu des Parisii[1]. La guerre aurait fait un million de morts chez les Gaulois, un autre million étant réduite en esclavage.

A la création de l’Empire romain, en -27, la Gaule romaine est organisée en trois provinces (en plus de la Narbonnaise) : l’Aquitaine, la Celtique (puis Lyonnaise) et la Belgique. La petite colonie de Lyon devient la capitale de ces Trois Gaules : les délégués des soixante tribus gauloises s’y rassemblent chaque année pour célébrer le culte de Rome et de l’empereur. En -14, Rome soumet les derniers Celto-Ligures indépendants, ceux des Alpes maritimes. Le développement économique et culturel de la Gaule « gallo-romaine » s’accompagne, au IIIe siècle EC, d’une conversion de ses populations au christianisme, mission qui n’est pas sans risque : vers 250, le premier évêque de Lutèce, saint Denis est ainsi décapité sur la colline de Montmartre (dont le nom signifie « mont des martyrs »).

C’est dans cet environnement que, en 258, de nouveaux envahisseurs traversent le Rhin : les Francs, une ligue constituée de peuples germaniques tels que les Chamaves, les Bructères, les Chattes et peut-être les Sicambres. Les Francs ayant ravagé la Gaule jusqu’en Espagne, un légat d’origine gauloise (ou batave), Postumus, proclame un éphémère Empire des Gaules (260-274) qui, depuis sa capitale de Cologne, inclut la Germanie, la Gaule (sauf la Narbonnaise) et la Bretagne. A sa chute, Rome reprend le contrôle de ses possessions. A la fin du IVe, la capitale des Gaules – qui était passée en 297 de Lyon à Trêves, plus proche du Rhin – est transférée à Arles, ville prisée des empereurs romains de l’époque.

[1] C’est en leur mémoire que la ville sera rebaptisée Paris au début du IVème, nom jugé plus flatteur que celui de Lutetia qui faisait allusion à des terrains marécageux.

Les invasions « barbares »

A partir de 406, sous la poussée des Huns venus d’Asie, des « Barbares » déferlent sur l’Europe occidentale. Certains ne font que traverser la Gaule romaine, comme les Vandales et les Suèves qui poussent jusqu’au nord-ouest de l’Espagne, mais d’autres s’installent à ses marges. Les Germains Alamans forment un « royaume », en réalité une confédération de chefferies qui s’étend des Vosges alsaciennes au Vorarlberg (à la frontière austro-helvétique), en passant par l’actuel Bade-Wurtemberg allemand, le plateau suisse et la Bavière. De leur côté, des Wisigoths venus d’Italie fondent un État en Aquitaine, à la suite du traité (foedus) signé en 418 avec l’Empire romain : centré autour de Toulouse et de Bordeaux, le royaume Wisigothique s’étend à l’Auvergne et au Poitou, ainsi qu’à la Septimanie (Languedoc actuel), à la Provence et à la Tarraconaise (en Espagne). D’autres Germains, les Francs dit Saliens, se fédèrent, vers 430, dans la région aujourd’hui wallonne de Tournai, puis fondent un autre petit royaume autour de Cambrai. En 451, les Huns d’Attila se retournent contre Rome et fondent sur la Gaule avec leurs alliés Ostrogoths, Gépides et Francs rhénans. Mais ils sont battus par le généralissime romain Aetius et ses alliés (Wisigoths, Burgondes, Francs saliens, Alains…) aux Champs catalauniques, en Champagne. Attila repasse alors le Rhin et regagne l’Italie.

Plus au sud, Aetius freine les Burgondes, des Germains qui essayaient de progresser en Gaule. En échange de la signature d’un foedus avec les Romains, ils obtiennent en 443 la gestion de la Sapaudie (nord des Alpes et Helvétie actuels), Rome comptant sur eux pour freiner l’expansion des Alamans dans le sud du Jura et dans l’actuelle Suisse romande. Fondé en 495, le Royaume Burgonde s’étend de la Champagne à la Durance et aux Alpes maritimes, avec Lyon pour capitale.

A l’ouest, du milieu du Vème au début du VIIème siècle, l’Armorique voit s’installer des Celtes Brittons, chassés de Brittania (l’actuelle « Grande Bretagne ») par les Scots et des peuples germaniques ; la région prend le nom de Petite ou basse Bretagne, puis de Bretagne, à la suite de nouvelle migrations brittones vers 500. Un premier embryon d’État apparaît sur la côte sud, à la fin du VIe.


Les Mérovingiens au pouvoir

Entre 481 et 511, les FRANCS Saliens de Clovis, fils du roi de Tournai, s’imposent comme le principal peuple Germain en Gaule. En 486, ils défont, à Soissons, le royaume Gallo-Romain que Syagrus avait fondé dix ans plus tôt entre Somme et Loire. Ayant aussi battu le roi franc de Cambrai, ainsi que les Alamans à Tolbiac en Germanie inférieure (496), Clovis – qui a fait de Soissons sa capitale – fonde la dynastie des Mérovingiens, en référence au roi légendaire Mérovée. Quelques années plus tard, vers 500, il se convertit au christianisme mais, à la différence des autres souverains Germains, il ne choisit pas la voie de l’arianisme, mais celle du christianisme « orthodoxe » défini au concile de Nicée (cf. Les Églises chrétiennes d’Orient). Après avoir imposé tribut aux Burgondes du bassin du Rhône, les Mérovingiens s’allient à eux pour vaincre les Wisigoths d’Aquitaine à Vouillé, près de Poitiers (507) : repoussés au sud des Pyrénées, les vaincus ne conservent que la Septimanie, au voisinage d’un royaume que les Ostrogoths d’Italie fondent en Provence l’année suivante, avec Arles pour capitale. Ayant éliminé le dernier roi franc à la fin de son règne, celui de Cologne, Clovis installe sa capitale à Paris (508).

A sa mort, trois ans plus tard, son royaume est partagé entre ses fils, en vertu des règles de succession franques qui veulent que les domaines soient divisés entre tous les héritiers mâles, les filles étant écartées (loi qui sera, bien plus tard, qualifiée de « salique »). Les capitales des royaumes sont établies à Reims, Paris, Soissons et Orléans, l’Aquitaine faisant l’objet d’un partage distinct. En 533-534, le royaume burgonde est annexé par les Francs, qui en font le duché de Bourgogne. En 536, c’est au tour de la Provence ostrogothe d’être conquise. Seule la Septimanie reste indépendante, de même que la Bretagne où les armées franques ont subi des défaites.

Objet de rivalités incessantes entre héritiers, le royaume franc est réunifié par Clotaire 1er (558-561). À sa mort, il est à nouveau partagé — par tirage au sort — entre ses quatre fils. Quelques années plus tard, il ne reste que trois États : le royaume d’Aquitaine dans un grand quart sud-ouest, l’Austrasie (ou Royaume de Reims puis de Metz) qui récupère la Bourgogne en 592 et la Neustrie (ou royaume de Soissons) qui s’étend du nord de la Loire à la Champagne et aux Flandres. En dépit des liens familiaux qui les unissent, les deux royaumes du Nord se déchirent, en particulier du fait de la haine que se vouent Frédégonde, épouse du roi de Neustrie, et Brunehaut (ou Brunehilde), épouse wisigothe du roi d’Austrasie.

Une nouvelle restauration du royaume franc survient sous l’égide de Clotaire II roi de Neustrie, qui récupère l’Austrasie en 613, ainsi que l’Aquitaine. Mais, à la mort de son fils Dagobert 1er, en 639, les divisions et guerres font leur retour. La fonction royale se délitant, avec l’avènement de « rois fainéants », la réalité du pouvoir est exercée par les maires du palais. En 687, celui d’Austrasie, Pépin de Herstal, défait son homologue de Neustrie dans un petit village de Picardie. A partir de cette date, la Neustrie n’est plus qu’un État vassal de l’Austrasie, qui s’étend en « Germanie », en soumettant les seigneurs de Saxe, de Frise et de Bavière. En revanche, elle n’exerce qu’une suzeraineté nominale sur la Bourgogne, ainsi que sur l’Aquitaine, aux mains d’une série successive de ducs régionaux.

En 720, les Arabo-Berbères (Maures et Sarrasins dans le langage de l’époque) conquièrent la Provence. Victorieux du duc d’Aquitaine, ils sont arrêtés en 732, à Poitiers, par le maire du palais, Charles Martel qui, allié aux Lombards d’Italie, les chasse de Provence en 739. Sept ans plus tard, à la suite de la rébellion ratée de leur aristocratie, les Alamans perdent toute autonomie : leur duché est découpé en deux comtés vassaux des Francs.


Charlemagne et les Carolingiens

En 751, le maire du palais, Pépin le Bref, dépose le dernier des « rois fainéants » mérovingiens et fonde une nouvelle dynastie qui prendra le nom de Carolingiens (en référence à son successeur, Charlemagne, Carolus Magnus). En 759, il reprend la Septimanie aux Maures, ce qui favorise l’émergence du comté de Toulouse. Les Arabo-Berbères continuent en revanche à écumer la Méditerranée occidentale, en particulier la Corse, passée de mains en mains depuis des siècles (Étrusques, Romains, Vandales, Byzantins, Lombards…).

En 768, le fils de Pépin le Bref, Charlemagne, devient roi des Francs, d’abord avec son frère, puis seul à partir de 771. En 781, il crée un royaume vassal en Aquitaine (soumise l’année de son accession au trône), puis soumet les Frisons et les Saxons (entre 785 et 803) et vassalise la Bavière. En revanche, son expédition en Navarre et à Saragosse est un échec : en 778, l’arrière-garde de son armée est décimée par les Vascons au col de Roncevaux. Inversement, le succès est au rendez-vous en Bretagne : après des décennies de tentatives mérovingiennes infructueuses, ayant simplement abouti à la création d’une Marche dans les comtés de Rennes et de Nantes, les trois royaumes bretons sont conquis en 799. L’année suivante, Charlemagne se fait sacrer, par le pape, Empereur romain d’Occident, dignité disparue depuis plus de trois cents ans, lors de la déposition de Romulus Augustule. Depuis sa capitale d’Aix-la-Chapelle (à la jonction des frontières actuelles de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Belgique), l’Empire carolingien va rassembler jusqu’à vingt millions d’habitants sur 1,2 million de km². L’inspection de ses trois cents comtés est confiée à des missi dominici, duo composé d’un comte et d’un évêque. En pratique, dès la seconde moitié du IXème, le pouvoir des rois francs ne s’exerce qu’au nord de la Loire. En Bretagne, l’armée franque doit intervenir à plusieurs reprises pour mater des rébellions locales. Au sud-ouest émerge une principauté unie des Vascons.

En 806, l’empereur divise ses terres en trois royaumes pour ses fils : la Francie (de la Touraine à la Saxe) pour Charles le Jeune, la Lombardie et la Bavière pour Pépin (sacré roi d’Italie) et toute la moitié sud de la France actuelle pour Louis le Pieux (ou le Débonnaire), roi d’Aquitaine qui récupère la Francie à la mort de son frère. En 814, à la mort de Charlemagne, Louis le Pieux est sacré Empereur, avant d’organiser sa propre succession trois ans plus tard : son fils aîné, Lothaire 1er, est désigné comme héritier, en tant que corégent de l’Empire ; ses deux autres fils reçoivent des territoires restreints et subordonnés : Pépin 1er reçoit l’Aquitaine et Louis II « le Germanique » la Bavière. Estimant ce partage inique, son neveu Bernard, roi d’Italie, se révolte mais il est défait dès l’année suivante. En 829, Louis le Pieux effectue un nouveau partage, afin de faire une place à son quatrième fils, né d’un second mariage : c’est ainsi que Charles le Chauve reçoit l’Alsace, une partie de la Bourgogne, l’Alémanie et la Rhétie (entre Bavière et Tyrol). Mécontents de cette nouvelle distribution, ses trois demi-frères se révoltent contre leur père qui, sorti victorieux de l’affrontement, rétrograde Lothaire 1er : considéré comme le meneur de la rébellion, il ne conserve que l’Italie. Les trois frères se rebellent à nouveau en 833 et déposent même Louis le Pieux qui est cependant rétabli, dès l’année suivante, l’hégémonisme de Lothaire 1er faisant peur à Louis le Germanique et Pépin 1er. A la mort de ce dernier, en 838, l’Empereur – qui s’est réconcilié avec tous ses fils – procède à un nouveau partage :  Charles le Chauve hérite de la Francie occidentale comprise entre la Meuse et la Seine, de l’ouest et du sud de la Bourgogne, de la Provence, de la Neustrie, de la marche de Bretagne, du royaume d’Aquitaine (dont est évincé le fils de Pépin 1er) et de la Gascogne ; en plus de l’Italie, Lothaire 1er reçoit tous les territoires à l’est d’une ligne Meuse-Saône-Rhône, tandis que Louis le Germanique doit se contenter de la Bavière.

Les hostilités reprennent après la mort de Louis le Pieux (en 840), Lothaire essayant de restaurer l’Empire à son seul profit. Mais il est battu par ses frère et demi-frère qui se sont alliés en 842 dans le serment de Strasbourg, considéré comme le premier texte en « plus ancien français ». Le traité de Verdun qui en résulte l’année suivante met fin au conflit, en opérant une nouvelle division en trois de l’ancien Empire : la Francie occidentale (future France) pour Charles le Chauve – y compris la Septimanie (ou Gothie) prise aux Arabes en 801 – la Francie orientale (future Germanie, de la Saxe à la Bavière, via l’Austrasie et la majeure partie de l’Alémanie) pour Louis le Germanique et la Francie médiane (de la Frise jusqu’aux États de l’Église, au centre de l’Italie) pour Lothaire 1er. La division touche en particulier la Bourgogne : la partie située à l’ouest de la Saône se trouve en Francie occidentale et la zone à l’est en Francie médiane.

Le partage de Verdun : https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Pr%C3%BCm_%28855%29#/media/Fichier:Traite_de_Verdun.svg

Au tournant des VIIIe et IXe siècle, toute la côte atlantique commence à subir les incursions régulières de Vikings (Norvégiens et Danois). Sur leurs bateaux à fond plat (les langskips ou drakkars), ces bandes d’aventuriers – indépendantes les unes des autres – écument les côtes et remontent les fleuves côtiers, depuis la Frise et la Flandre jusqu’au Portugal et à la Méditerranée. En 845, ces « hommes du Nord » (Normands) pillent Paris, puis s’implantent aux embouchures de la Seine et de la Loire (850-851).

En Bretagne, le représentant de Louis le Pieux se révolte en 840. Le traité qui est signé onze ans plus tard à Angers confère à Erispoë le titre de roi de Bretagne, ainsi que la souveraineté sur les pays de Rennes, de Nantes et de Retz. L’agitation que son assassin et successeur, Salomon, entretient dans l’ouest de la Francie occidentale conduit à de nouveaux traités qui accordent à la Bretagne une zone comprise entre la Sarthe et la Mayenne, puis une région englobant le Cotentin et les îles de la Manche. A la fin des années 860, le royaume de Bretagne est à son apogée. Mais il commence à décliner dès la décennie suivante, après l’assassinat du roi et surtout à partir de 907, quand les Vikings se déploient dans le Maine, l’Anjou et dans l’estuaire de la Loire. Les hommes du Nord sont finalement battus, en 939, par Alain Barbetorte qui s’est proclamé duc de Bretagne. Il n’a toutefois qu’un pouvoir nominal sur la demi-douzaine de comtés qui se partagent la péninsule.

En 855, peu de temps avant sa mort, Lothaire 1er divise la Francie médiane entre ses trois fils (traité de Prüm) : Louis II hérite de la couronne impériale et du Royaume carolingien d’Italie (du nord), Lothaire II reçoit la partie située entre la Frise et la Bourgogne transjurane – qui prend le nom de Lotharingie – et le benjamin Charles prend la Provence et toute la Vallée du Rhône (Bourgogne cisjurane). https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Pr%C3%BCm_%28855%29#/media/Fichier:Empire_carolingien_855-fr.svg

Avec les Francie occidentale et orientale qui demeurent, l’ancien Empire de Charlemagne se retrouve alors divisé en cinq. Puis en quatre, lorsque la mort de Charles (863) entraîne le partage de son royaume entre ses deux frères, le royaume d’Italie récupérant la majeure partie de la Provence. En 869, le décès de Lothaire II entraîne la disparition de la Lotharingie. D’abord partagée entre ses oncles Louis le Germanique et Charles II le Chauve (qui devient empereur en 875), la Lotharingie est finalement attribuée en totalité à la Francie orientale en 880 : les rois de Francie occidentale la cèdent à Louis III le Jeune, fils de Louis le Germanique, en échange de sa neutralité dans le conflit qui les oppose à Boson de Provence. Ce féodal très influent – il est le gendre de Louis II d’Italie et le beau-frère de Charles le Chauve – conteste en effet la montée sur les trônes de Francie occidentale de deux petits-fils de Charles Chauve : Louis III en Neustrie et Austrasie et son frère Carloman II en Aquitaine et en Bourgogne). Ayant échoué à se faire couronner roi d’Italie, Boson a restauré en 879 le royaume de Provence, disparu une quinzaine d’années plus tôt : ses territoires s’étendent d’Autun et Besançon jusqu’à la Méditerranée, avec Vienne pour capitale. L’ancien Empire de Charlemagne comprend alors quatre entités : les royaumes d’Italie et de Provence, ainsi que les deux Francie, occidentale et orientale, dont la frontière nord-sud suit approximativement les cours de l’Escaut, de la Meuse, de la Saône et du Rhône.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Pr%C3%BCm_%28855%29#/media/Fichier:Empire_carolingien_880.png

Quelques semaines avant sa mort, en 877, Charles le Chauve a dû concéder à Boson et aux autres grands féodaux le Capitulaire de Quierzy, qui constitue un des fondements juridiques de la féodalité : ce document rend illégal la révocation d’un comte ou le refus d’accorder son titre à un de ses fils en cas de décès, décisions qui étaient jusqu’alors fréquentes. En 885, l’unité de l’Empire carolingien est très provisoirement restaurée lorsque, après la mort de Carloman II, la noblesse neustrienne appelle sur le trône de Francie occidentale Charles III le Gros, qui cumule déjà les titres de roi de Francie orientale et d’Italie et d’Empereur germanique. Mais, lorsque les Vikings assiègent Paris, en 885-886, il se contente de les payer pour qu’ils lèvent leur siège et les autorise à aller razzier la Bourgogne. Excédée, la population réclame alors la nomination de Eudes, le puissant comte d’Anjou qui a défendu la capitale, comme son père Robert le fort l’avait fait dans son fief, deux décennies plus tôt. De santé mentale défaillante, Charles le Gros est destitué de toutes ses fonctions royales à la fin de l’année 887 et un non Carolingien monte sur le trône de Francie occidentale.

A la même période, la Bourgogne achève sa fragmentation. Le royaume de Provence ou de Basse-Bourgogne, dit aussi de Bourgogne cisjurane, s’étend du Lyonnais à l’Uzège au sud, au Dauphiné et à la Savoie à l’est. Au nord-est, s’ajoute un autre royaume, situé lui aussi dans l’orbite germanique : la Haute-Bourgogne ou Bourgogne transjurane (Aoste, Suisse romande et Franche-Comté), dirigée par une branche collatérale de la vieille famille franque des Welfs « Rodolphiens ». Enfin, à l’ouest de la Saône se constitue progressivement un duché de Bourgogne qui, lui, dépend de la Francie occidentale : il est l’œuvre du cadet de Boson. Ayant aidé les rois francs à combattre son frère, il est récompensé en étant autorisé, en 898, à fusionner dans un duché les différents comtés qu’il a reçus ou acquis en une dizaine d’années (Autun, Auxerre, Nevers, Troyes…). https://fr.wikipedia.org/wiki/Royaume_de_Provence#/media/Fichier:Karte_Hoch_Niederburgund-FR.png

Quand Eudes disparait en 893, sans héritier mâle, les Carolingiens reprennent le pouvoir en Francie occidentale : un petit-fils de Charles le Chauve, Charles III le Simple, monte sur le trône, avec l’aide de grands féodaux tels que le comte de Flandre Baudouin II. Stabilisé sur le plan dynastique, le royaume cède, en 911, la basse vallée de la Seine au chef Normand Rollon, qui se fait baptiser et forme le duché de Normandie. Ailleurs, il continue à subir des agressions extérieures : celle des Sarrasins sur les côtes de Provence (890) et celles des Magyars en Bourgogne, Lorraine, vallée du Rhône, Languedoc Provence et Aquitaine (entre 911 et 951). Les choses bougent aussi à l’est : en 925, le duché de Souabe, en Francie orientale, absorbe le duché d’Alsace (qui avait été fondé par les Francs, en 610, pour freiner l’expansion des Alamans).

La situation évolue aussi en Provence et en Bourgogne, dont les gouvernants affichent leurs prétentions sur le royaume carolingien d’Italie (cf. La formation de l’Italie). En 900, le roi de Bourgogne cisjurane, Louis III, ceint la couronne des anciens rois lombards et devient même Empereur d’Occident l’année suivante. Mais il est détrôné par un rival, qui lui fait crever les yeux ; diminué, Louis III l’Aveugle doit abandonner la gouvernance de son royaume provençalo-bourguignon à son cousin Hugues, comte d’Arles et de Vienne. En 922, c’est au tour du roi de Bourgogne transjurane, Rodolphe II, de s’emparer de l’Italie du nord, dont il est évincé quatre ans plus tard par Hugues d’Arles. Les deux hommes parviennent à trouver un accord : en échange de sa renonciation au trône de Pavie, Rodolphe II reçoit la Basse-Bourgogne et la Provence. En 933, un traité consacre l’unification des Bourgogne transjurane et cisjurane au sein d’un royaume des deux Bourgogne ou royaume d’Arles (où est basée la capitale), le duché de Bourgogne continuant de rester distinct.


L’arrivée au pouvoir des Capétiens

En Francie occidentale, une nouvelle période de troubles s’est ouverte en 922, après la déposition de Charles III par les barons. Une nouvelle fois, un « Robertien » est élu roi des Francs : Robert 1er, frère d’Eudes. Tué l’année suivante par l’armée carolingienne, il est remplacé par son gendre, le duc de Bourgogne Raoul, qui a profité de l’instabilité ambiante pour étendre son domaine de Mâcon à Troyes, avec Dijon pour capitale. A la mort de Raoul, en 936, le fils de Robert 1er renonce à briguer le titre de roi des Francs, préférant s’intéresser au duché bourguignon et exercer une forme de régence aux côtés d’un roi de la dynastie carolingienne qui fait donc son retour. Mais le retour des Carolingiens sur le trône de Francie (qu’on n’appelle plus Francia occidentalis depuis la seconde moitié du Xe siècle[1]) est de courte durée. En 987, le dernier roi meurt accidentellement. En l’absence d’héritier, un petit-fils de Robert 1er, Hugues Capet (surnom qui ne lui sera attribué qu’après sa mort) est élu et sacré, avec l’aide des Ottoniens régnant sur l’Empire germanique[2]. Celui qui se dit encore roi des Francs – et non de France[3]abandonne la langue germanique pour l’ancien français et instaure une nouvelle règle de succession : la primogéniture à préférence masculine, faisant du premier descendant mâle l’héritier de tout le royaume, afin d’en finir avec la dispersion des terres pratiquée par les Mérovingiens et les Carolingiens. Connue sous le nom de Capétiens (nom qui n’apparaît qu’à la fin du XIIe siècle), sa dynastie va durer huit siècles.

Théoriquement, son royaume s’étend de la Flandre aux Pyrénées : au sud de celles-ci, le comté de Barcelone – issu, comme le comté de Narbonne, du partage en deux du duché de Septimanie effectué en 865 – a en effet profité du changement dynastique pour ne plus faire allégeance au roi des Francs. A l’Est, le Rhône et la Saône séparent le royaume capétien des possessions de l’Empire germanique que sont le royaume des Deux Bourgogne et le duché de Haute-Lotharingie (future Lorraine)[4]. Dans la pratique, le pouvoir royal français se réduit à Paris, Orléans et quelques autres poches. Le reste est détenu par des vassaux (pairs laïcs) qui, pour certains, sont beaucoup plus puissants que le roi. Certains sont ses alliés, comme le comté d’Anjou ou encore le comté de Vermandois (dont les dirigeants sont des parents), ainsi que le duché de Bourgogne qui, en 960, est passé aux mains d’une branche cadette des Capétiens. D’autres en revanche sont ses ennemis plus ou moins jurés, à l’image du comté de Flandre (allié de longue date des Carolingiens) et de la Maison de Blois-Champagne qui, avec ses deux comtés, encercle Paris et s’affirme comme le fief le plus prospère de France. Les foires de Champagne assurent la prospérité économique de la province et son rayonnement culturel[5]. Provins est alors la troisième ville de France, après Paris et Rouen.

Les fiefs du Sud sont totalement indépendants : le comté de Toulouse (possession de la Maison éponyme depuis le IXe siècle et étendu vers l’est en 918, à la faveur d’une union avec le comté de Narbonne) et surtout l’immense duché d’Aquitaine qui, en plus du comté de Poitiers, va s’emparer (en 1063) du comté de Gascogne (l’ancien duché de Vasconie). Ces domaines constituent le berceau de la « langue d’oc[6] », première grande littérature en langue romane qui essaime dans toute la France, ainsi qu’en Italie et dans la péninsule ibérique, par le biais des troubadours (littéralement « qui inventent, font des vers »).

A l’Ouest, le Duché de Bretagne réussit, en 937, à se libérer des Normands de la Loire qui étaient présents dans la zone depuis le début du Xe, mais la fonction ducale demeure fragile. Elle change d’ailleurs à plusieurs reprises de titulaire jusqu’à la fin du XIIe, passant tour à tour dans les mains des maisons de Nantes, de Rennes et de Cornouaille.

A l’est, le royaume des Deux Bourgogne commence à se fragmenter. Dès 973, il perd la Provence, dont l’Empereur attribue la gouvernance à plusieurs seigneurs locaux, pour les récompenser d’avoir chassé les Sarrasins du « massif des Maures » dans le Var. En 982, les possessions d’un puissant vassal, le comte de Mâcon, passent à la Maison d’Ivrée : venue du Piémont, après avoir échoué à conserver le trône d’Italie, cette famille d’origine bourguignonne – qui donnera aussi des rois à l’Espagne fonde un comté de Bourgogne largement autonome, qui correspond à une large partie de l’actuelle Franche-Comté. En 1032, la mort sans descendant du dernier roi des Deux Bourgogne entraîne une guerre de succession entre deux de ses neveux : d’un côté l’Empereur germanique et de l’autre le comte Eudes II de Blois, allié à diverses entités suisses (comté de Genève, comté équestre de Nyon, sires de Grandson dans le pays de Vaud). Finalement victorieux, l’Empire intègre ce qui reste du royaume des Deux Bourgogne ainsi que le comté de Bourgogne, dont il détache Besançon pour en faire une principauté épiscopale distincte[7]. Au passage, l’Empereur récompense ses soutiens, au premier lieu desquels figure Humbert-aux-Blanches-Mains. Devenu comte de Maurienne et d’Aoste, il fonde la Maison de Savoie[8], dont les États vont s’étendre de part et d’autre des Alpes, entre le XIe et le XIIIe siècle : nord du comté Viennois, pays de Gex et Chablais (Thonon-les-Bains) côté français, Nyon, Valais et pays de Vaud côté suisse, Suse (passage vers le Mont-Cenis) et comté d’Aoste côté italien.

[1] La dénomination Germanie, pour indiquer la Francie orientale au nord des Alpes, apparaît au XIe siècle sous le nom de Regnum Teutonicum, pour la délimiter du Regnum Italicum au sud.

[2] Disparu en 924, le titre d’Empereur romain d’Occident institué par Charlemagne a été remplacé en 962 par celui d’Empereur germanique.

[3] Le titre de « roi de France » apparaît à partir de 1190 sous Philippe Auguste, concurremment à celui de rex Francorum (roi des Francs, puis des Français) qui était le seul employé jusqu’alors. Le premier roi numéroté de son vivant sera Charles V au XIVe siècle.

[4] Au milieu du Xe, l’Empire a divisé en deux l’ex-Lotharingie, le duché de Basse-Lotharingie représentant les Pays-Bas actuels entre Meuse et Rhin.

[5] Les premiers écrivains en langue française, tel Chrétien de Troyes, inventent la littérature courtoise. Sous Thibaud le Grand naît l’Ordre du Temple, le premier réseau bancaire. En 1129, les comtes de Champagne se dotent de la plus prestigieuse des abbayes, le Paraclet.

[6] « Oui » en occitan, par opposition à la « langue d’oïl » (« oui » en vieux français).

[7] Besançon deviendra ville libre d’Empire en 1290.

[8] Fondée en 1032, la Maison de Savoie a une des plus longues longévités d’Europe, puisqu’elle occupera un trône jusqu’à l’abdication du roi d’Italie, Humbert III, en 1946.

Rivalités franco-anglaises et expansion française

A l’Ouest, le duché de Normandie est d’abord un allié fidèle du roi, puis devient son ennemi à partir de 1053, quand Guillaume le Conquérant cherche à conquérir la Bretagne. Le duc étant devenu roi d’Angleterre, les Anglais annexent la Normandie en 1106. Dans les décennies qui suivent, le roi de France doit reconnaître la suzeraineté, sur le Maine et la Bretagne, de la maison Plantagenet d’Anjou qui, en 1127, a accédé par mariage au trône d’Angleterre. En 1152, tout le Sud-Ouest du Poitou au Béarn et à Bayonne[1] – devient anglais, après que la duchesse Aliénor d’Aquitaine, répudiée par le roi de France Louis VII, se soit remariée avec le roi Henri II Plantagenêt. La suite est une succession de batailles : aux victoires de Philippe-Auguste contre Henri II succèdent des défaites contre Richard cœur de Lion, allié au Comte de Flandre-Hainaut.

Au début du XIe, puis du XIIe siècle, les mariages de comtesses provençales conduisent à une division de la Provence, en 1125 : les comtes de Toulouse reçoivent officiellement le marquisat de Provence, au nord de la Durance, incluant le comtat Venaissin (nord du Vaucluse actuel) ; les comtes de Barcelone héritent pour leur part du comté de Provence, allant jusqu’à Nice en passant par le comté de Forcalquier (rattaché en 1193). Les deux parties restent sous tutelle impériale, au même titre que le comté d’Orange qui est érigé en principauté (en 1181) en faveur des comtes des Baux.

En Alsace, l’Empereur crée des Landgraviats, afin d’accroître sa représentation au sein de la multitude de seigneuries existantes : le Landgraviat de Basse-Alsace, au nord, est aux mains des comtes de Hüneburg et celui de Haute-Alsace, au sud, dépend d’une famille appelée à devenir célèbre : les Habsbourg[2]. Plus au sud, le comte de Bourgogne – toujours membre de la Maison d’Ivrée – s’est affranchi de la tutelle impériale en obtenant, en 1127, le statut de « franc comté » (comté libre). Moins de trente ans plus tard, l’empereur Frédéric Barberousse en reprend la pleine possession, puis en fait un comté palatin (c’est-à-dire dirigé par un représentant personnel de l’Empereur).

En 1199, des trêves sont signées par la France avec l’Angleterre et la Flandre mais, dès l’année suivante, le Poitou se révolte contre l’Anglais Jean sans Terre. Philippe Auguste en profite pour s’emparer, en 1204-1205, de la Normandie, de l’Anjou et des autres possessions anglaises dans la région (Touraine, Poitou, Maine, Auvergne) : battus en Anjou et à Bouvines (en Flandre), malgré leur alliance avec l’empereur germanique, les Anglais ne conservent que le Béarn et une partie de l’Aquitaine. Au passage, les Français s’emparent du comté d’Auvergne, dirigé par la même famille depuis le Xe siècle mais divisé, depuis le milieu du XIIe, entre partisans du roi d’Angleterre (leur suzerain, puisque dominant l’Aquitaine) et soutiens du roi de France. Celui-ci s’impose en 1212-1213, après des décennies d’affrontements. L’ancien comté d’Auvergne est alors divisé : la plus grande partie, la Basse-Auvergne, revient au royaume français (qui en fera un duché donné en apanage à Jean de Berry en 1360, puis aux Bourbon) ; une toute petite partie, la comté d’Auvergne, demeure indépendante.  

En parallèle, le roi de France a lancé la croisade des Albigeois (1209-1244) dans le Midi : elle vise à éradiquer les cathares, adeptes d’une hérésie qui a été condamnée par la papauté à la fin du siècle précédent[3], mais qui a connu un tel développement qu’elle a reçu le soutien du comte de Toulouse, ainsi que du roi d’Aragon. L’influence de ce dernier s’étend alors aux comtés du Roussillon (émancipé des Carolingiens au début du Xe siècle, avec Perpignan comme capitale), de Foix (ancien vassal du comté de Toulouse), de Carcassonne (propriété, comme Béziers, de la puissante famille des Trencavel), de Comminges, de Bigorre et même à la vicomté du Béarn[4]. Victorieuse de la croisade, la France en profite pour annexer, en 1229, les possessions toulousaines situées à l’ouest du Rhône (Languedoc). D’abord promis au pape, le marquisat de Provence reste finalement l’apanage des Toulousains. En 1258, la défaite des Aragonais – dont le roi a été tué à la bataille de Muret en 1213 – est entérinée par le traité de Corbeil, en vertu duquel le roi d’Aragon renonce à ses terres et à son influence sur le Languedoc au profit du roi de France, sauf à Montpellier. De son côté, la France renonce au Roussillon (qui passe au royaume aragonais de Majorque, puis à celui d’Aragon). A l’ouest des Pyrénées, le reflux des Aragonais entraîne, en 1240, le retour du Béarn dans le giron de la Gascogne anglaise, mais pour peu de temps : après le mariage de la fille du souverain béarnais avec le comte de Foix, en 1267, les deux comtés alliés adoptent une position qui va osciller entre neutralité et suivi des positions françaises.

A ce moment-là, Louis IX et Henri III Plantagenêt ont signé un nouveau traité, en 1258 : il reconnait la suzeraineté du roi d’Angleterre sur l’Aquitaine (rebaptisée Guyenne) et les fiefs attenants comme le Limousin et le Périgord, à condition que, dans ces territoires, il rende hommage au roi de France.

En octobre 1271, le roi de France Philippe III le Hardi prend possession du comté de Toulouse (qu’il annexera de facto quatre-vingt-dix ans plus tard). Par ricochet, le marquisat de Provence devient français, à l’exception du Comtat Venaissin qui est cédé au pape en 1274. Quant au comté de Provence, il est passé par mariage, en 1246, à la quatrième maison d’Anjou, dirigée par des Capétiens depuis la défaite des Anglais[5]. Par alliances successives, cette famille va régner sur la Sicile, Naples, la Hongrie… Localement, elle soumet Arles, Avignon et Marseille qui étaient quasiment indépendantes.

En 1284, la Champagne et la Navarre (possessions depuis cinquante ans de la Maison de Blois-Champagne) sont réunies au domaine royal, à la suite du mariage de Jeanne 1ère de Navarre avec l’héritier du trône de France, Philippe le Bel. A la différence du royaume navarrais – qui retrouvera son indépendance (cf. La péninsule ibérique) – le comté champenois reste dans l’orbite française[6].

En Méditerranée, la République de Gênes s’empare de la Corse – dominée depuis le début du XIe par la République de Pise – après avoir battu la flotte pisane au large de la Ligurie, en 1284. Quelques années plus tard, l’île est intégrée théoriquement dans un royaume de Sardaigne et de Corse créé par le pape, sous la dépendance du royaume d’Aragon. Dans la pratique, le pouvoir est exercé par des seigneurs génois ou locaux, dont certains vont s’émanciper plus ou moins des Aragonais les siècles suivants et se proclamer comtes ou vice-rois de Corse (jusqu’à une reprise directe par les Génois au début du XVIe).

Au Nord, la tentative française d’annexion du puissant comté de Flandre est un fiasco : en 1302, les troupes royales sont sévèrement battues par les seigneurs flandriens. Pour financer ses différentes guerres, le nouveau roi de France décide d’instaurer un impôt sur le clergé qui, entre autres causes, entraîne un profond différend avec le Pape. Ayant réussi à imposer l’élection de Clément V, un souverain pontife qui lui est plus favorable, Philippe le Bel installe le chef de l’Église à Avignon, en 1309 ; propriété de la Provence, la ville est vendue à la papauté en 1348. Entretemps, le roi est parvenu à convaincre son protégé de dissoudre le puissant ordre des Templiers, ce qui lui permet de confisquer des richesses dont il a le plus grand besoin. La même année 1312, sous la pression de sa bourgeoisie, l’archevêque Pierre de Savoie doit céder à la France le comté de Lyon, qu’il avait reçu du Saint-Empire.

[1] La vicomté du Labourd a été détachée du royaume basque de Navarre et rattachée au duché d’Aquitaine.

[2] En 1273, le comte de Habsbourg (dont le plus vieil ancêtre a été identifié en Alsace en 917) accède, de manière inattendue, au trône impérial sous le nom de Rodolphe Ier.

[3] De même que l’hérésie des Vaudois, très présents dans le Lyonnais et le sud-est, excommuniés en 1184. Cf. Les Églises d’Orient et Du christianisme aux protestantismes.

[4] Née vers 820-840, la vicomté de Béarn s’était émancipée du duché de Vasconie au XIe s.

[5] Transformé en duché, l’Anjou sera totalement rattaché à la couronne de France en 1481. Deux ans plus tard, ce sera le tour du comté de Provence.

[6] Séparé de la Champagne, le comté de Blois sera cédé aux Valois en 1397.


La guerre de Cent ans

En 1328, l’extinction masculine de la ligne directe des Capétiens conduit à l’avènement d’une branche cadette, les Valois, ce qui relance les prétentions de la couronne anglaise sur le royaume de France. Édouard III s’étant formellement déclaré, en 1337, la Guyenne est aussitôt confisquée aux Anglais : c’est le début d’une guerre qui va durer cent ans (pauses comprises). Multipliant les victoires, notamment à Crécy dans la Somme (1346), les Anglais obtiennent l’année suivante la capitulation de Calais. Le conflit gagne aussi le duché de Bretagne : le duc étant mort sans enfant en 1341, une guerre de succession oppose candidats pro-français et pro-anglais. Les défaites françaises encouragent le chef de la Maison de Foix-Béarn, Gaston III dit Fébus, à sortir de la prudente neutralité adoptée par ses prédécesseurs et à faire du Béarn une principauté souveraine, émancipée de la France comme de l’Angleterre. En revanche, le royaume de France engrange deux gains territoriaux : en 1349, le dernier Comte d’Albon lui vend son duché du Dauphiné (dépendance théorique du St Empire[1]) et le roi de Majorque en fait de même avec la ville de Montpellier.

Les choses se passent beaucoup moins bien avec l’Angleterre, qui a trouvé un nouvel allié en la personne du comte d’Évreux et roi de Navarre, Charles le Mauvais. Il est le fils de Jeanne II, privée de ses droits sur le trône de France à la mort de son père Louis X le Hutin (avant même l’application de la loi salique qui n’entrera en vigueur qu’à partir de 1358) et qui, en compensation, avait récupéré le royaume de Navarre. Pour mettre fin aux prétentions du Navarrais, Jean le Bon en fait son gendre et signe, en 1354, un traité qui accroît les possessions de la Navarre en Normandie. Mais, deux ans plus tard, il le fait arrêter, ce qui provoque une révolte des seigneurs normands et une intervention des Anglais. Les chevauchées que mène le prince de Galles (le Prince noir) se concluent par la capture du roi de France à Poitiers. En contrepartie de sa libération et de la paix, deux traités sont signés en 1360 à Brétigny et Calais ; le roi d’Angleterre accepte de renoncer au royaume de France mais, en échange, ce dernier lui abandonne de nombreuses terres : une Guyenne et une Gascogne débarrassées de toute vassalité vis-à-vis de Paris, ainsi que le Poitou, le Limousin, le Périgord, le Quercy, le Rouergue, l’Armagnac et la Bigorre. Sans oublier Calais et le Ponthieu (région littorale d’Abbeville) dans le Nord.

Cette trêve démobilise des mercenaires sans emploi, les Grandes compagnies, qui pillent une grande partie du royaume jusqu’en 1368. La guerre franco-anglaise se poursuit aussi par procuration en Bretagne, où le prétendant pro-anglais de la famille des Montfort est reconnu duc en 1365. Du Guesclin réoccupe alors la région, mais le duc déchu débarque à nouveau et est rétabli en 1381, en échange d’un hommage au roi de France et d’une neutralité dans le conflit entre les deux belligérants.

En 1382, des troubles éclatent en Provence, après la décision de la comtesse locale et reine de Sicile , Jeanne, de choisir pour héritier un frère du roi de France, au lieu de son neveu le duc d’Anjou-Durazzo. La guerre dite de l’Union d’Aix, qui oppose les deux rivaux, va durer jusqu’à la victoire des partisans du premier, en 1387. Mais le Pays niçois (les « Terres neuves de Provence ») refuse de passer sous la coupe de la nouvelle Maison d’Anjou-Valois et fait sécession : en 1388, il forme le comté de Nice et se place sous la protection de la Savoie qui, depuis 1361, dépend directement du Saint-Empire. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, les États de Savoie vassalisent également le comté de Genève (avec Annecy), qu’ils achètent officiellement au début du XVe, période à laquelle le comté de Savoie est promu au rang de duché par l’empereur germanique.

Entretemps, la guerre de Cent ans a recommencé. Les Français reprennent notamment la Normandie aux Navarrais, ainsi que la Guyenne et quasiment tout le Sud-Ouest : en 1375, seules Bordeaux, Bayonne et Calais restent détenues par l’Angleterre.

Mais un autre péril apparaît, en raison de la folie qui affecte le roi de France Charles VI. Deux prétendants s’affrontent pour exercer la régence : d’un côté le frère du roi, chef de la Maison d’Orléans ; de l’autre, leur oncle commun, Philippe le Hardi (sans rapport avec le roi de France homonyme). Fils de l’ancien roi Jean le Bon, il a reçu de son père le duché de Bourgogne, rattaché au royaume de France après la mort, sans héritier, du dernier de ses ducs capétiens en 1361. Philippe II y a ajouté le comté de Bourgogne – partiellement sorti de l’influence impériale, à la suite de mariages avec des princesses royales françaises au cours du XIIIe siècle – ainsi que le Nivernais, la Flandre, l’Artois et Rethel. En 1407, l’assassinat du duc d’Orléans par des hommes de Jean sans peur, nouveau chef des États bourguignons, plonge le royaume dans la guerre civile. La situation est d’autant plus délicate que la guerre de Cent ans a repris en 1405, après une quinzaine d’années de trêve. Menés par le comte d’Armagnac, les partisans de la maison d’Orléans affrontent les Bourguignons pour le contrôle de Paris, tandis que les Anglais battent les troupes françaises à Azincourt dans le Nord (1415).

Après l’assassinat de Jean sans Peur par les Armagnacs en 1419, à l’issue d’une rencontre avec le dauphin Charles d’Orléans, les Bourguignons s’allient aux Anglais, qui reprennent la Normandie. L’année suivante, Charles VI déshérite son fils et marie sa fille à Henry V d’Angleterre, chargé d’assurer la régence jusqu’à sa mort. Les deux souverains étant décédés en 1422, c’est le jeune Henry VI qui hérite des deux trônes… à l’âge de dix mois. Les Armagnacs essaient d’en profiter pour rétablir le dauphin dans ses droits et y parviennent en 1429 : Charles VII est sacré roi à Reims, grâce à Jeanne d’Arc, une jeune paysanne de Lorraine qui dit avoir entendu des voix divines lui ordonnant de libérer la France et qui a réussi à conduire les troupes françaises à quelques succès contre les armées anglaises. Mais elle est capturée par les Bourguignons, livrée aux Anglais et brûlée pour hérésie à Rouen en 1431, ce qui relance la dynamique anglaise : Henry VI est officiellement sacré roi de France en la cathédrale de Notre-Dame de Paris.

Dans le même temps, les États de Bourgogne se sont encore agrandis : par achats, mariages et héritages, ils ont récupéré le Charolais, la Picardie et le Boulonnais, Namur et le Hainaut, le Brabant, la Hollande, le Luxembourg, une partie du Limbourg… En 1435, ils font la paix avec Charles VII, qui reconnaît leurs possessions et leur indépendance. Privés de leur soutien bourguignon, les Anglais sont expulsés de Paris (1436), de la Normandie (1449), de Bayonne et de la province basque du Labourd (1450-1451) et de la Guyenne dans son ensemble, à l’issue de la bataille de Castillon près de Bordeaux (1453). La guerre de Cent ans prend fin par la signature du traité de Picquigny, qui ne laisse que Calais à l’Angleterre.

Dans les Pyrénées, la vicomté de Béarn a consolidé ses positions, d’abord par le mariage du vicomte avec l’héritière du trône de Navarre (en 1434), puis par celui de son fils aîné avec la sœur du roi de France (en 1461). Malgré les multiples annexions que réalise Louis XI durant son règne, le Béarn conserve son indépendance, avec Pau comme nouvelle capitale à la place d’Orthez. En 1479, le vicomte François Fébus est couronné roi de Navarre à Pampelune, constituant ainsi un État Béarn-Navarre à cheval sur les deux versants des Pyrénées. Cette position géographique entre la France et l’Espagne s’avère vite inconfortable : encore plus lorsque les seigneurs béarnais refusent de marier l’héritière de leur roi défunt avec un des fils des rois ibériques, lui préférant un représentant de la Maison d’Albret, une famille landaise ayant hérité du comté de Périgord et de la vicomté de Limoges.

[1] Le Dauphiné de Viennois avait été fondé en 1142, par extension de l’ancien Comté d’Albon-Viennois.

Les guerres d’Italie

La paix avec l’Angleterre à peine conclue, l’armée du roi de France est appelée à l’aide par le roi d’Aragon, en proie à une révolte de ses sujets catalans. Les troupes de Louis XI s’emparent ainsi du Roussillon et de la Cerdagne en 1463. Mais son fils Charles VIII les rendra trente ans plus tard au royaume d’Espagne – né du mariage du roi d’Aragon avec la reine de Castille – en échange de sa neutralité dans les guerres que la France mène au sud de l’Italie.

En 1477, Louis XI a par ailleurs essayé de s’emparer des États bourguignons, après la mort du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, tué en essayant d’envahir le duché de Lorraine. Mais le roi de France a vu se dresser devant lui l’Archiduc d’Autriche, Maximilien de Habsbourg, auquel l’héritière du duché s’est mariée. Le conflit s’achève, en 1493, par la signature d’un traité qui entérine la souveraineté de la France sur le duché de Bourgogne et la Picardie (dont le Ponthieu, que les Anglais avaient cédé aux Bourguignons). En revanche, les Habsbourg héritent des autres fiefs, y compris ceux situés en France (comme le comté de Charolais) ou à sa périphérie immédiate : c’est le cas du comté de Bourgogne, c’est-à-dire l’actuelle Franche-Comté mais sans le comté de Montbéliard (dépendance du duché allemand du Wurtemberg[1]) ni Belfort (possession directe des Habsbourg, comme la haute Alsace). Entre 1474 et 1480, Louis XI récupère par ailleurs les apanages sur l’Anjou et la Provence du roi René, chef de la Maison d’Anjou.

Le roi essaie aussi de profiter de l’affaiblissement du duché de Bretagne qui, avec la fin de la guerre de Cent ans et la guerre civile qui sévit en Angleterre, a perdu son allié le plus fidèle. Pour arriver à ses fins, le roi s’appuie notamment sur les grands féodaux hostiles à la domination des Monfort, les Rohan, le comte de Laval et autres Penthièvre. Battu en 1488, le duc doit accepter de renouveler son hommage au roi de France. La même année, sa fille Anne de Bretagne lui succède à l’âge de douze ans. La guerre avec la France ayant repris, elle s’achève à la fin de l’année 1491 par le mariage de la duchesse avec Charles VIII, auquel elle cède tous ses droits sur le duché. Le roi de France étant mort, elle se remarie en 1499 avec son successeur Louis XII mais, cette fois, elle parvient à maintenir l’indépendance de son duché. En 1514, la France récupère ses droits sur le duché de Bretagne[2], à la suite du mariage de l’héritière de la duchesse Anne avec le futur François 1er.

Depuis 1494, la France est par ailleurs engagée en Italie, le roi Charles VIII ayant fait valoir ses droits sur le royaume de Naples, au nom de ses liens familiaux avec la Maison d’Anjou qui en a été évincée un demi-siècle plus tôt. Pendant plus de soixante ans, les guerres d’Italie vont opposer les armées françaises à des coalitions diverses, en particulier pour la possession de Naples mais aussi du Milanais. Battu à Pavie, en 1526, le nouveau roi François 1er doit renoncer à toute prétention sur le comté de Flandre. Trois ans plus tard, la Paix des Dames met fin à la huitième guerre d’Italie : à cette occasion, l’Empereur Charles Quint restitue officiellement au souverain français les « villes de la Somme », places fortes qui étaient propriétés de la Bourgogne depuis 1418 et que la France avait de facto reprises en 1477.

En 1531, le duché jusqu’alors apanagé d’Auvergne fait son plein retour à la couronne (suivi du comté en 1574). C’est aussi le cas du Bourbonnais (l’Allier actuel), le roi ayant confisqué ses biens au dernier grand féodal, le connétable de Bourbon, accusé de s’être rallié à Charles Quint, alors que sa famille avait toujours été loyale à la royauté française.

C’est pour la même raison que les troupes françaises entrent en 1536 dans le duché de Savoie, allié de l’Empire germanique dans la guerre qui l’oppose à la France pour le contrôle de l’Italie. Seule la citadelle de Nice reste inviolée. Le reste du pays est occupé par les Français ou par leurs alliés Bernois (Thonon, pays de Gex…) et Valaisans (Evian, Val d’Abondance…). La situation contraindra le duc à transférer sa capitale de Chambéry à Turin, dans la partie piémontaise de son duché. Mais la Savoie ne reste pas longtemps française : les traités du Cateau-Cambrésis qui mettent fin à la onzième guerre d’Italie, en 1559, contraignent la France à restituer la Savoie à son duc, ainsi que les principales villes prises dans le Piémont, le Charolais, le Bugey et la Bresse. Paris doit aussi libérer les places fortes prises dans les Flandres espagnoles, renoncer à ses prétentions sur la Franche-Comté (et le Milanais) et rendre la Corse à Gênes : l’île avait été occupée, au milieu du XVIe, avec l’aide de corsaires turcs, ainsi que de condottiere locaux et italiens[3]. Les mêmes traités du Cateau-Cambrésis restituent au prince Guillaume de Nassau la principauté d’Orange, que la France avait brièvement envahie. Après être passée par mariages des comtes des Baux à la Maison de Chalon, la principauté méridionale va devenir possession néerlandaise, puisque Guillaume, dit le Taciturne, mène les actuels Pays-Bas à l’indépendance[4].

En 1539, François 1er signe à Villers-Cotterêts (Aisne) une ordonnance ordonnant aux curés de tenir les registres des baptêmes et des décès, ce qui constitue les prémices de l’état civil. Mais surtout, deux articles du texte imposent la rédaction des actes officiels et notariés en « langue maternelle française » et non plus en latin, alors que le français n’est encore parlé que par une minorité de la population. La grande majorité des habitants s’exprime en effet en dialectes de langue d’oïl (tels que le picard et le champenois) dans le Nord, de langue d’oc (limousin, béarnais…) dans le Midi et de francoprovençal (ou arpitan) en Savoie ainsi que dans le Lyonnais et le Dauphiné. A partir du milieu du XIVe siècle, la plupart des chartes royales sont rédigées en français, évolution qui va provoquer l’effacement de la langue d’oc et du francoprovençal ; des dialectes occitans parviennent toutefois à survivre, de même que l’arpitan de Savoie, qui n’est pas dans la sphère française.

[1] La principauté de Montbéliard avait été fondée comme comté en 1042.

[2] France et Bretagne s’unissent formellement en 1532.

[3] Le drapeau de la Corse apparaît pour la première fois en 1573, dans un atlas. Le géographe ne connaissant pas les armoiries de l’île, il choisit une tête de Maure.

[4] La Maison d’Orange-Nassau gouverne toujours les Pays-Bas.


Les guerres de religion

Bien que pourfendeur des protestants dans son propre royaume, le nouveau roi Henri II va faire alliance avec des princes allemands de cette confession, afin de contrecarrer l’influence de l’Empire et de l’Espagne dans une Europe qui se déchire entre tenants du catholicisme et partisans de la Réforme (luthériens et calvinistes). Ce positionnement vaut à la France de prendre possession des Trois évêchés d’Empire que sont Metz, Toul et Verdun (1552). Six ans plus tard, Calais est reprise aux Anglais.

A partir de 1562, sous la régence de Catherine de Médicis, huit guerres de religion vont déchirer la France. Elles débutent dans une localité de Champagne où les protestants se sont rassemblés pour prier, alors qu’ils n’ont le droit d’exercer leur culte qu’à l’extérieur des villes. Le duc François de Guise, issu d’une branche cadette de la Maison de Lorraine, donne l’ordre à ses partisans d’attaquer, ce qui provoque la mort de plusieurs dizaines de personnes, dont des femmes et des enfants. La première guerre se termine dès le printemps 1563, avec la conclusion de l’édit de pacification d’Amboise. Mais la paix est de courte durée et les conflits reprennent, certains catholiques jugeant exorbitants les droits accordés à une confession qui représente moins de 20 % des Français, en particulier l’octroi de places fortes telles que La Rochelle et Montauban. L’acmé des violences est atteinte en 1572 avec le massacre de la Saint Barthélemy, perpétré quatre jours après le mariage de Marguerite de Valois avec Henri, le roi protestant de Navarre. Le royaume navarrais a alors perdu de son envergure, Pampelune et la partie sud-pyrénéenne ayant été conquis par les Espagnols en 1512. Seule la Basse-Navarre (au nord des Pyrénées) est restée indépendante, avec Pau comme capitale et le calvinisme comme religion officielle.

En 1584, la question de la succession d’Henri III commence à se poser, puisqu’il est acquis qu’il n’aura pas d’héritier mâle et que son dernier frère encore vivant vient de décéder. Les filles étant exclues de la succession, le choix se porte sur Henri de Navarre, qui appartient à une branche lointaine des Capétiens[1] : les Bourbons. Mais la puissante famille de Guise refuse qu’un « hérétique » protestant puisse monter sur le trône de France. Elle prend la tête d’une Ligue qui, en 1585, déclenche une huitième guerre de religion, soutenue par l’Espagne. La France se retrouve divisée en deux, les Ligueurs faisant face aux Politiques, une alliance de catholiques modérés et de huguenots (protestants) dirigée par le prince de Condé. Henri III ayant fait exécuter le duc et le cardinal de Guise, il est lui-même assassiné par un moine, en 1589. Henri de Navarre accède au trône de France sous le nom d’Henri IV. Mais il ne peut rentrer dans Paris, tenue par les catholiques. Après des années de bataille, il doit abjurer le protestantisme, ce qui lui permet d’être officiellement couronné en 1594. Les guerres de religion prennent fin avec la signature d’un traité de paix avec l’Espagne et la promulgation, en 1598, de l’édit de Nantes qui instaure la liberté de culte dans le royaume. Bien qu’il soit monté sur le trône de France, Henri IV n’apporte ses possessions au domaine royal qu’en 1607 : Armagnac, Bigorre, Limoges, Périgord, Rodez, Foix… Il en exclut en revanche le Béarn et la Basse-Navarre, qu’il considère comme des terres souveraines. C’est son fils, Louis XIII, qui les annexera par la force en 1620. En raison de sa forte identité, le Béarn est doté – comme le Languedoc, la Bourgogne et la Bretagne – d’institutions propres (États et Parlement) que tous conserveront jusqu’à la Révolution.

La France ayant été affaiblie par les guerres de religion, un homme entend en profiter : le nouveau duc de Piémont-Savoie qui – après avoir récupéré Évian – ambitionne de (re)conquérir Genève (devenue république), le pays de Vaud, le Dauphiné et la Provence. Mais son ambition tourne court : le royaume français lui déclare la guerre en 1600 et le contraint à signer un traité de paix l’année suivante. En échange de la reconnaissance de sa souveraineté sur le petit marquisat piémontais de Saluces, le duché de Piémont-Savoie doit céder à Henri IV la Bresse, le Bugey-Valromey, le comté de Gex et tout le cours du Rhône depuis sa sortie de Genève. De nouveaux engagements aventureux du souverain savoyard, en faveur de l’Espagne contre la France, entraînent une intervention des troupes françaises : en 1630, elles entrent victorieusement dans Chambéry. La Savoie se retrouve pour un moment plus ou moins vassalisée par le royaume français, la sœur du roi Louis XIII exerçant la régence pour le compte de ses fils trop jeunes.

En 1620, poussé par son principal conseiller, le cardinal de Richelieu, Louis XIII reprend la lutte contre les protestants français, alliés des Anglais. Leur résistance est réduite, entre 1625 et 1629, notamment par la prise de leur place forte, La Rochelle. Tout en pourchassant le protestantisme chez elle, la royauté française s’allie aux États allemands protestants qui, à partir de 1618, luttent contre l’expansionnisme des très catholiques Habsbourg d’Espagne et du Saint-Empire.

En 1632, les violents affrontements religieux qui déchirent l’Alsace entraînent l’intervention des troupes du roi de Suède, protecteur des protestants. Mais, les Suédois étant malmenés par les forces fidèles à l’Empereur, ils remettent leurs possessions alsaciennes à la France en 1634. La dernière place forte impériale, Brisach, tombe cinq ans plus tard. En 1648, les traités de Westphalie et de Munster – qui mettent fin à la Guerre de Trente ans ayant ravagé l’Europe (cf. De la Germanie à l’Allemagne) – consacrent l’annexion officielle par la France des territoires du Saint-Empire : les Trois-Évêchés (Metz, Toul et Verdun, déjà occupés), la Haute-Alsace (c’est-à-dire la partie méridionale, dont Belfort) et la Décapole, une ligue militaire et financière de dix villes alsaciennes, fondée au milieu du XIVe. Échappent à la conquête la ville libre impériale de Strasbourg, ainsi que la république de Mulhouse, indépendante depuis 1515 et politiquement proche de la Confédération helvétique. En 1634, les Français sont également intervenus dans le duché de Lorraine, lui aussi membre du Saint-Empire, à l’occasion de rivalités successorales. Ils vont y rester une soixantaine d’années.

[1] Les Bourbons sont issus du dernier fils de Louis IX, qui avait reçu le Bourbonnais par mariage à la fin du XIIIe.

Les conquêtes de Louis XIV

A la mort de Louis XIII, son épouse Anne d’Autriche assure la régence, leur fils étant trop jeune pour exercer le pouvoir. Elle aussi prend pour principal conseiller un religieux, le cardinal Mazarin, dont la politique entraîne une fronde des parlementaires et bourgeois (en 1648), puis des princes entre 1650 et 1653. L’intervention de l’Espagne aux côtés des Frondeurs entraîne une guerre que la France mène avec le soutien de l’Angleterre de Cromwell. Elle se conclut, en 1659, par le traité des Pyrénées en vertu duquel le jeune Louis XIV épouse l’infante d’Espagne, dont le pays cède à la France le Roussillon et la Cerdagne[1], l’Artois, Thionville (dans le Luxembourg de langue romane) et une partie du Hainaut. En 1662, Paris rachète Dunkerque, ancienne possession de la Flandre, puis de l’Espagne, passée à l’Angleterre dix ans plus tôt[2]. En 1668, l’Espagne cède de nouveaux territoires au roi de France : les villes de Lille et de Douai, en Flandre romane.

Quatre ans plus tard débute la guerre de Hollande, déclarée par la France à des Provinces-Unies dont la puissance ne cesse de croître. Alliés à l’Angleterre, à la Suède, à Liège, à la Bavière et à Münster, les Français affrontent la Quadruple-Alliance comprenant les Néerlandais, le Saint-Empire, le Brandebourg et la Monarchie espagnole. Le traité de Nimègue, signé en 1678, permet au royaume français d’hériter de places fortes flamandes (comme Cassel), du Cambrésis ainsi que des villes de Maubeuge et Valenciennes, dans le Hainaut français. Il obtient aussi Besançon et la « Franche comté » (ou comté de Bourgogne), dernière possession impériale de l’ancien Royaume des Deux-Bourgogne. Seul lui échappe le comté de Charolais, qui reste espagnol jusqu’à sa confiscation par le prince de Condé en 1684[3].

La guerre de Hollande à peine finie, Louis XIV se lance dans la politique des Réunions, c’est-à-dire la conquête de territoires qu’il estime appartenir à son royaume. Il annexe Strasbourg en 1681 puis, en 1683-1684, plusieurs territoires de Lorraine, de Basse-Alsace et de Sarre qui étaient restés sous tutelle germanique (le comté de Vaudémont, la ville de Sarrebourg, la principauté de Salm-Salm, le comté de Sarrebruck…). Les seules régions qui échappent à la conquête française sont la République de Mulhouse, ainsi que l’Alsace bossue, terre protestante située sur le plateau lorrain qui est partagée entre les comtes allemands de Nassau et le duc lorrain. La majeure partie du duché de Lorraine retrouve son indépendance en 1697, lors de la signature du traité de Ryswick qui met fin à la Guerre de la Ligue d’Augsbourg : la Lorraine indépendante forme une enclave dans le royaume français, puisque le même traité a reconnu les conquêtes de Louis XIV en Alsace et fixé le Rhin comme frontière entre la France et l’Empire germanique. Paris doit en revanche abandonner les territoires conquis en Sarre, sauf la ville fortifiée de Sarrelouis, construite de toutes pièces par Vauban (elle restera française jusqu’en 1815).

En 1701, l’extinction de la branche espagnole des Habsbourg déclenche la guerre de Succession d’Espagne entre la France et la Bavière d’une part et, d’autre part, tous ceux qui excluent qu’un Bourbon puisse monter sur le trône d’Espagne : l’Empire germanique, l’Angleterre, les Provinces-Unies, la Savoie… C’est dans ce contexte que le château et la forteresse de Nice sont détruits. Signés en 1713, les traités d’Utrecht consacrent le choix d’un Bourbon (Philippe V) comme roi d’Espagne qui, en compensation, doit céder de nombreuses possessions à ses adversaires (dont l’actuelle Belgique à l’Empereur d’Autriche) ; de son côté, la France perd ses territoires nord-américains, mais gagne la principauté d’Orange, ainsi que la vallée de l’Ubaye, possession savoyarde. Malgré cette perte, les États de Savoie reprennent l’expansion territoriale amorcée, en 1659, par la réintégration du duché Genevois et de sa capitale, Annecy, qui étaient devenus indépendants de facto[4]. Grâce au traité d’Utrecht, le duché savoyard récupère en effet des territoires dans le nord de l’Italie et acquiert la Sicile (qu’il échangera quelques années plus tard pour le royaume de Sardaigne, formant ainsi le royaume de Piémont-Sardaigne, cf. La formation de l’Italie).

A la fin du règne de Louis XIV, les frontières de la France ont été repoussées loin de sa capitale. De surcroit, elles sont défendues par un réseau de forteresses modernes, construites par le marquis de Vauban. Quant à la liberté de culte des protestants, elle a été supprimée par la révocation de l’édit de Nantes (en 1685), précédée d’une campagne de conversions forcées au catholicisme réalisées par les régiments de dragons (d’où leur nom de « dragonnades »).

[1] Seule la ville de Llívia n’est pas rattachée ; elle constitue toujours une enclave espagnole en territoire français.

[2] La ville change alors trois fois de titulaire dans la même journée : espagnole, puis française, puis anglaise.

[3] L’intégration formelle du Charolais au royaume de France aura lieu, après sa vente, en 1761.

[4] La ville de Genève elle-même étant devenue une république dans les années 1530-1540.


De Louis XV aux empires napoléoniens

A l’Est, les duchés de Lorraine et de Bar repassent sous souveraineté française en 1738 : Louis XV s’entend avec l’empereur d’Autriche, protecteur des duchés lorrains, pour que leur duc les abandonne et prenne, en échange, la tête du grand-duché de Toscane. Pour ménager la susceptibilité des Lorrains, le roi leur donne un nouveau duc, en la personne de son beau-père Stanislas Leszczyński, chassé du trône de Pologne. A sa mort, en 1766, Bar et la Lorraine sont rattachés à la France.

En Corse, des soulèvements contre les Génois aboutissent à une déclaration d’indépendance en 1730, suivie de la proclamation d’un éphémère royaume par un aventurier (1736-1740), puis de la rédaction (en 1755) d’une Constitution. Considérée comme la première loi fondamentale démocratique de l’époque moderne, elle est l’œuvre de Pascal Paoli, proclamé général de la Nation. Mais la France, à qui Gênes a cédé ses droits sur l’île, ne voit pas les choses de cette manière. La Corse est rattachée à la couronne française et les troupes paolistes définitivement vaincues l’année suivante.

A la Révolution, la notion de territoire change fondamentalement. La France cesse d’être une juxtaposition de principautés subordonnées au roi qui, en contrepartie, garantissait leurs privilèges. Ceux-ci sont abolis la « nuit du 4 août 1789 », ce qui conduit notamment à l’annexion de la Provence, qui était de jure restée indépendante. Désormais considéré comme un tout indivisible, appartenant à la Nation, le pays est découpé en unités administratives qui remplacent les provinces : les départements. Les dernières enclaves existant encore sur le territoire sont annexées : le Comtat Venaissin et Avignon en 1791, la principauté de Montbéliard en 1793 et quelques territoires de « princes possessionnés » en Alsace et en Lorraine[1], ainsi que le duché de Savoie et le comté de Nice (mais temporairement). En 1794, la Terreur qui sévit au sein de la République française – et se manifeste notamment par la violente répression de la guerre de Vendée et des chouanneries bretonnes – conduit Pascal Paoli à solliciter l’aide des Anglais pour créer un Royaume corse, qui disparait deux ans plus tard, lorsque les Britanniques quittent l’île. La dernière grande insurrection contre l’occupation française y est matée en 1797[2]. L’année suivante, la république de Mulhouse vote sa réunion à la République française. En 1791, la nationalité française a été accordée à tous les citoyens, juifs compris.

L’expansion napoléonienne, accompagnée de la création de « républiques sœurs » et de départements en Italie ou aux Pays-Bas (l‘Empire compte alors 114 départements), reste sans lendemain. A la chute de l’Empereur, en 1815, le royaume de France rétabli doit rendre quasiment toutes les conquêtes de la Révolution française et de l’Empire : ainsi, elle cède au royaume de Sardaigne le département du Mont-Blanc (Savoie et Haute-Savoie actuelles) et le Pays niçois, ainsi que des communes du pays de Gex au nouveau canton suisse de Genève, afin d’assurer sa continuité territoriale avec le reste de la Confédération helvétique. Réduite aux frontières de 1790, la France ne conserve que les enclaves situées à l’intérieur.

Ce n’est qu’en 1860 qu’elle élargit à nouveau son territoire : en échange de son soutien au royaume de Piémont-Sardaigne pour qu’il procède à l’unification de l’Italie, Napoléon III récupère la Savoie et le comté de Nice que rejoignent, l’année suivante, les communes de Menton et Roquebrune, achetées à la principauté de Monaco[3].

Alsace-Lorraine et derniers ajustements

En 1870, la défaite de la France face à l’Allemagne prussienne entraîne, l’année suivante, la perte de l’Alsace (sauf l’arrondissement de Belfort) et des territoires constituant l’actuel département de la Moselle, soit plus de 1,5 million d’habitants. Paris les récupère en 1919, au traité de Versailles qui met fin à la Première Guerre mondiale. La France hérite aussi de la propriété des mines de charbon du bassin de la Sarre, dont le territoire est placé sous mandat de la Société des Nations : celui-ci dure jusqu’en 1935, date à laquelle une énorme majorité de la population vote en faveur du rattachement à l’Allemagne. En 1905, la France est devenu un pays laïque ne reconnaissant (du moins officiellement) aucune religion en particulier.

En novembre 1940, l’Alsace et la Moselle sont de nouveau annexés et intégrés de facto au Troisième Reich nazi, puis libérés en mars 1945, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. L’Allemagne ayant été découpée en zones occupées par ses vainqueurs, la France récupère la Sarre qui, fin 1947, devient un État sous protectorat français, doté d’une souveraineté propre. La fin du régime d’occupation de l’Allemagne de l’ouest entraîne le retour du territoire sarrois dans son giron, en janvier 1957.

Les derniers ajustements significatifs du territoire français interviennent en 1947 : Paris gagne environ 700 km² au détriment de l’Italie, dans l’arrière-pays niçois (val de Tende, vallée de la Roya), les Hautes-Alpes et la Savoie (massif du Mont-Cenis).

Enfin, l’histoire des conflits entre la France et les différents royaumes espagnols a laissé trois vestiges territoriaux : à l’est du massif pyrénéen, la ville de Llívia – ancienne capitale de la Cerdagne – est enclavée en territoire français. A l’ouest, les 25 km² du pays de Quint – à cheval sur les haute et basse Navarre – est une possession espagnole, dont la jouissance a été attribuée à des agriculteurs français. Le cas de l’île des Faisans (inhabitée), située à proximité de l’embouchure du fleuve Bidassoa, est encore plus étonnant : ses 6 820 m² sont administrés alternativement par la France et l’Espagne, avec un changement de « vice-roi » tous les six mois.

En mars 2024, le gouvernement français et les élus corses s’entendent sur une autonomie accrue de l’île. Sous réserve de validation populaire et constitutionnelle, l’île pourrait adapter certaines lois nationales et voter son propre cadre normatif, dans le respect de la Constitution française.

[1] La principauté de Salm (Senones), le comté de Créhange, le comté de Sarrewerden (Alsace bossue) en 1793, ainsi que la seigneurie de Lixing en 1795.

[2] En 1859, la Cour de cassation réaffirme que le français est la seule langue officielle en Corse, l’italien étant jusqu’alors la langue la plus utilisée dans l’île (et le corse, encore non écrit, considéré comme un dialecte italien).

[3] La principauté de Monaco est la propriété de la famille Grimaldi depuis 1331, à l’exception d’une brève occupation française entre 1793 et 1814.


Deux vastes empires coloniaux

La colonisation débute en 1534 avec la remontée du fleuve Saint-Laurent par Jacques Cartier. Très vite, la « Nouvelle-France » couvre près de la moitié du territoire nord-américain, avec quatre colonies : le Canada, l’Acadie (Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick et Ile-du-Prince-Edouard), l’île de Terre-Neuve et la Louisiane. Celle-ci est bien plus vaste qu’elle ne l’est aujourd’hui, puisqu’elle s’étend largement à l’ouest du fleuve Mississippi, descendu en 1682 par Cavelier de La Salle.

Le développement d’une flotte maritime de guerre par Richelieu pousse aussi à la colonisation des Antilles. Saint-Christophe est conquise en 1625, suivie de la Guadeloupe et de la Martinique en 1635, de l’île de la Tortue (repaire de flibustiers) en 1629, de Saint-Martin (partagée avec les Hollandais) en 1648, de Sainte-Lucie, la Dominique, Tobago, la Grenade… En 1697, le traité de Ryswick reconnaît la souveraineté française sur la colonie de Saint-Domingue, située sur la partie occidentale de l’île d’Hispaniola (la frontière avec la partie orientale, dépendant de l’Espagne n’étant reconnue qu’en 1777). Cette possession prend une place de premier plan dans la production sucrière française et même mondiale, le commerce de sucre assurant la prospérité du port de La Rochelle. La culture intensive du tabac, et surtout de la canne à sucre, est assurée par un recours massif à l’esclavage : à la fin du XVIIe, la moitié de la population des îles antillaises est composée d’esclaves razziés en Afrique[1]. La colonisation de la Guyane, entre 1620 et 1676, est en revanche beaucoup plus partielle.

La France est en revanche en retard en Asie : elle est la dernière puissance maritime européenne du XVIIe siècle à fonder une compagnie des Indes orientales pour commercer avec l’Orient. Alors que les Anglais et Hollandais ont fondé les leurs au début du siècle, leur homologue française n’est formée qu’en 1664 par Colbert. Le premier comptoir est installé quatre ans plus tard à Surate (Gujarat), suivi de cinq autres entre 1673 et 1739 : Pondichéry, Karikal et Yanaon sur la côte (est) de Coromandel, Mahé sur la côte (ouest) de Malabar et Chandernagor au Bengale. Leur influence commerciale est telle que la majeure partie de la péninsule indienne située au sud de la plaine indo-gangétique, soit quelque trente millions d’habitants, est sous influence française.

En Afrique, la Compagnie de l’Orient fonde en 1642 Fort-Dauphin à Madagascar. Le comptoir est abandonné une trentaine d’années plus tard au profit de l’île Bourbon (qui deviendra La Réunion), également occupée à partir de 1642, ainsi que de l’Isle de France (future Maurice), colonisée de 1715 à 1810. En 1756, la France prend officiellement possession des Seychelles. Sur la côte ouest du continent africain, des marins de Dieppe fondent, en 1649, la colonie de Saint-Louis, sur l’île homonyme du fleuve Sénégal. Un peu plus au sud, l’île de Gorée est occupée par les Français en 1677, mais constamment disputée par les Anglais.

La plupart de ces possessions sont perdues aux traités d’Utrecht (1713) et de Paris (1763). Lors du premier, la France cède St-Christophe, Terre-Neuve, l’Acadie ainsi que la baie d’Hudson à la Grande-Bretagne. Les choses se dégradent aussi en Inde : en 1757, les Français et leur allié, le nabab du Bengale, sont battus par les Britanniques dans l’actuel Bengale occidental. Au traité de Paris, qui met fin à la Guerre de Sept ans, la France perd le Canada, la Louisiane, la Dominique, Saint-Vincent, Tobago, Grenade et le Sénégal (sauf Gorée) ; elle ne conserve que cinq comptoirs en Inde, Saint-Domingue, la Martinique, la Guadeloupe ainsi que les Seychelles et les Mascareignes (île Bourbon et Isle de France). Elle se voit attribuer les îles Saint-Pierre-et-Miquelon, au large de Terre-Neuve, fréquentées depuis le XVIe siècle par des pêcheurs bretons, normands et basques. Un moment occupé par les Anglais – qui déportent sa population, comme ils l’ont fait avec les Acadiens en 1755 – l’archipel redevient officiellement français en 1783.

Dans les Antilles, le déclenchement de la Révolution française va modifier la situation de la colonie de Saint-Domingue. Le refus des riches planteurs blancs d’y mettre en œuvre les décisions prises à Paris, en particulier sur l’émancipation des mulâtres, conduit à un soulèvement général des esclaves à partir de 1791. Quatre ans plus tard, la France se voit octroyer la partie espagnole d’Hispaniola, mais la réunification de l’île va être de courte durée. Bonaparte – qui, en 1802, a partiellement rétabli l’esclavage aboli en 1794 – envoie une expédition qui parvient à capturer le chef des rebelles, Toussaint-Louverture, mais échoue à mater la révolte. En 1804, la colonie de Saint-Domingue proclame son indépendance sous le nom d’Haïti, devenant ainsi la première république noire du monde. Les Français perdent leur dernier fleuron colonial : en 1789, la colonie fournissait la moitié du coton et du café mondial et plus du tiers du sucre. En 1807, la partie orientale de l’île redevient possession espagnole, après que les habitants hispano-créoles en ont délogé les Français.

En Amérique du Nord, un traité secret, signé en 1800, a permis à la France d’acheter à l’Espagne les deux millions de km² de la Louisiane occidentale, à la condition expresse qu’elle ne la revende ni à l’Angleterre ni aux Américains. Passant outre cette disposition, Bonaparte la revend en 1803 aux États-Unis d’Amérique, l’argent récolté lui permettant de lever les troupes dont il a besoin pour mener sa conquête de l’Europe.

La défaite napoléonienne fait perdre à la France de nouvelles possessions : Tobago et Sainte-Lucie dans les Antilles, les Seychelles ainsi que l’Isle de France dans l’océan Indien, toutes cédées au Royaume-Uni. En revanche, Paris récupère la Guyane[2] (occupée temporairement par les Anglais, puis les Portugais, depuis 1778), ainsi que les cinq comptoirs de l’Inde (un peu plus de 500 km²) et Gorée. S’y ajoutent La Réunion, quelques « Antilles françaises » (Guadeloupe, Martinique, la moitié de Saint-Martin…), ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon.

La conquête de l’Algérie, en 1830, va constituer le premier pas vers la constitution d’un second empire colonial français. En 1841, le sultan de Mayotte, dans l’océan Indien, vend son île à la France, en échange de sa protection contre les autres royaumes de l’archipel des Comores (qui sera colonisé plus tard). En Asie, la conquête de l’Indochine commence en 1858. Le Vietnam (1885) puis le Laos (1893) deviennent des protectorats intégrés, comme le Cambodge, dans une Union indochinoise.

En Océanie, les années 1840 sont marquées par le début de l’implantation coloniale française, aux Marquises puis à Tahiti, où, au terme de la guerre franco-tahitienne (1844-1847) la reine Pomare IV doit accepter le protectorat français. En 1880, son successeur cède même son royaume de Tahiti à la France qui, entretemps, a fondé une colonie en Nouvelle-Calédonie (1853). En 1887, la reine de Wallis signe un traité de protectorat avec la France. L’année suivante, les deux rois de Futuna en font de même.

En 1895, Paris regroupe ses colonies de l’Afrique subsaharienne au sein de l’Afrique-Occidentale française (AOF, près de 4,7 millions de km²), puis de l’Afrique-Equatoriale française (AEF, 2,5 millions de km²) en 1910. Dans le Maghreb, en plus de l’Algérie, elle gère la Tunisie et le Maroc sous la forme de protectorats. Dans l’océan Indien, elle annexe Madagascar (1896). Au lendemain de la première Guerre mondiale, elle reçoit par ailleurs un mandat de la Société des Nations sur d’anciennes colonies allemandes en Afrique (le Togo et une partie du Cameroun) et sur une partie du Liban et de la Syrie.

Tous ces territoires vont accéder à l’indépendance dans la seconde moitié du XXe siècle ou bien être rendus à des Etats déjà indépendants : c’est le cas des comptoirs de l’Inde qui reviennent à celle-ci, entre 1950 et 1954, ainsi que du Kouang-Tchéou-Wan[3], un territoire rétrocédé à la Chine en 1945.

Une douzaine de territoires, de toutes tailles et tout statuts[4], restent aujourd’hui sous la souveraineté de la France, souveraineté que certains d’entre eux contestent.

  • En Amérique : la Guyane, les Antilles françaises, Saint-Pierre et Miquelon, ainsi que l’îlot de Clipperton[5].
  • En Afrique : la Réunion et l’île de Mayotte.
  • En Océanie : la Nouvelle-Calédonie, l’archipel de Wallis et Futuna, et la Polynésie française (une centaine d’îles distribuées sur cinq archipels : la Société avec les îles du Vent et les îles Sous-le-Vent, les Tuamotu, les Gambier, les Australes et les îles Marquises).
  • Dans l’Antarctique : les Terres australes et antarctiques françaises, comprenant les îles Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam, la terre Adélie et les îles Éparses (53 km² de terres coralliennes situées autour de Madagascar[6]).

Cet ensemble de plus de deux millions d’habitants vaut à la France de posséder le deuxième plus grand domaine maritime du monde (zone exclusive économique de plus de 10 millions de km²), derrière les États-Unis.

[1] En 1788, plus de 400 000 esclaves et 22 000 affranchis sont employés à Saint-Domingue.

[2] La frontière de la Guyane avec le Brésil, indépendant en 1822, a été fixée en 1900 sur le fleuve Oyapock. Elle est la plus longue frontière internationale de la France (730 km). 

[3] Situé au nord de l’île d’Hainan, ce territoire de 1300 km² avait été cédé par bail à la France en 1898.

[4] Cinq départements, quatre collectivités, un pays (la Polynésie), une collectivité sui generis (la Nouvelle-Calédonie), un territoire (TAAF) et une propriété domaniale (Clipperton).

[5] Situé au large du Mexique, dans le Pacifique, l’îlot (inhabité) a été pris par des Français en 1711.

[6] Les îles Juan de Nova, Bassas da India, Europa, les îles Glorieuses et l’île Tromelin.