644 329 km2
République
Capitale : Juba
Monnaie : Livre sud-soudanaise
12 millions de sud-Soudanais
Totalement enclavé, le sud-Soudan compte un peu plus de 6 000 km de frontières terrestres avec six pays : le Soudan (2 158 km) au nord ; l’Éthiopie (près de 1 300 km) à l’est ; la République centrafricaine (1 055 km) à l’ouest ; la République démocratique du Congo (714 km), l’Ouganda (475 km) et le Kenya (317 km) au sud.
Juba revendique plusieurs territoires soudanais, tels que les 10 000 km² d’Abyei (cf. Encadré dans Soudan), ainsi que le triangle kényan d’Ilemi (cf. Infra) et le petit village de Kimba en RD du Congo.
Le pays est arrosé par de nombreux cours d’eau, à commencer par le Nil blanc et son affluent le Bahr el-Ghazal, qui fertilisent les régions de plaine qu’ils traversent au nord et au centre. Au sud, le relief prend la forme de petites collines, jusqu’au point culminant (près de 3 200 mètres) situé dans les monts Imatong, à proximité de l’Ouganda. Le climat est chaud, agrémenté de pluies tropicales.
Le sud-Soudan compte une soixantaine d’ethnies, majoritairement nilotiques. Les plus nombreux sont les Dinkas (entre 35 et 40 %), suivis des Nuer (environ 15 %). A ce groupe nilotique appartiennent aussi les Shilluk, les Bari et les Acholi. S’y ajoutent des Nilo-sahariens comme les Murle du Jonglei et les peuples bantous des provinces équatoriales.
Plus de 60 % des habitants sont chrétiens (dont 38 % de catholiques), un tiers animistes et 6 % musulmans.
Officiellement proclamée en juillet 2011, l’indépendance intervient alors que plusieurs sujets majeurs restent en suspens :
- La délimitation de la frontière avec le Soudan, d’autant plus délicate à tracer qu’aucun obstacle naturel ne coupe la plaine soudanaise entre le nord et le sud. Au moins 20 % de la frontière est contestée, en particulier dans les provinces du Sud-Kordofan (Monts Nouba) et du Nil Bleu qui bénéficiaient d’un statut spécial depuis l’accord de paix de 2005, mais qui ont été rattachées au Nord ; les populations de ces régions, comme celles de l’enclave centrale d’Abyei, devaient être interrogées sur leur avenir, mais ces consultations n’ont pas été organisées. De nombreuses tribus, souvent dotées de milices, y sont favorables aux Sudistes et les conflits territoriaux y sont nombreux, pour le contrôle de terres arables, mais aussi du sous-sol. Des affrontements entre troupes sudistes et Arabes Rizeigat se déroulent ainsi dans la zone riche en cuivre de Kafia Kingi (Darfour-sud, à la frontière de la Centrafrique) attribuée au Nord mais qui aurait été sudiste de 1956 à 1960.
- Le partage des eaux du Nil, enjeu à fort caractère international : le Soudan et l’Égypte redoutent que le Soudan du sud, que traverse le Nil blanc, puisse un jour ou l’autre basculer dans le camp de l’Ethiopie, qui construit un immense barrage sur l’autre grand affluent du fleuve, le Nil bleu (cf. Querelles sur le Nil).
- L’économie du pays, laissé à l’abandon par le Nord et sortie exsangue des guerres d’indépendance, est tributaire d’une bonne entente avec Khartoum. Cela vaut particulièrement pour le pétrole, dont les ressources se trouvent majoritairement au Sud (ou dans les zones contestées), mais dont le transport s’effectue via les oléoducs qui traversent le Nord jusqu’à Port-Soudan, en attendant la construction hypothétique d’un ouvrage vers la côte kényane, en passant par le sud d’un pays, la Somalie, en proie à une guérilla islamiste. Outre Abyei, Juba revendique les champs pétroliers voisins d’Heglig – qu’une commission internationale a attribuée au Nord en 2009 – au motif que la zone était initialement sudiste sous le nom de Panthou et n’a été rattachée au Nord qu’après la découverte de pétrole dans les années 1970.
- Les relations avec les pays voisins ; ainsi le Sud-Soudan, comme l’Éthiopie, revendique le triangle d’Ilémi (à l’extrême sud-est), un territoire de 10 000 à 14 000 km² qui fit l’objet de plusieurs découpages, entre 1902 et 1950, entre le Soudan et les autres possessions du Royaume-Uni en Afrique de l’est.
- Les transhumances climatiques des populations nomades, soit sept millions de Nordistes (comme les Baggaras arabisés qui transhument vers le Sud pendant la saison sèche) et quatre millions de Sudistes qui se déplacent vers le Nord pendant la saison des pluies.
- Le sort des 2,5 millions de Sud-Soudanais qui résident au Nord, souvent pour y exercer des métiers subalternes et qui, pour les plus jeunes d’entre eux, ne connaissent rien du Sud et ne parlent que l’arabe.
- Le pouvoir de nuisance que conservent certains clans nordistes opposés à l’indépendance, via des milices arabes, des rébellions sud-soudanaises ou encore la LRA ougandaise, très active dans la province d’Equatoria occidental, au sud-ouest.
- L’identité nationale du pays, la domination des Dinkas étant contestée par des tribus qui se trouvent sous-représentées dans les allées du pouvoir ou bien estiment qu’elles ne tirent pas assez de bénéfices des ressources pétrolières situées sur leurs terres. D’autres, comme les Shilluks, accusent les Dinkas de les avoir chassés des terres de leur ancien royaume, établi dans la région du Haut Nil (cf. De la Nubie au Soudan).
A peine proclamés les résultats du référendum, la rébellion de George Athor (l’Armée démocratique du Soudan du Sud, SSDM/A en anglais) rompt le cessez-le-feu qu’elle venait tout juste de signer. Les combats dans les États de Jonglei et du Haut-Nil (nord-est) font plusieurs centaines de morts. Le Nuer Peter Gadet, qui avait repris le maquis à la tête de son Armée de libération Sud-Soudanaise (SSLA), préfère en revanche se rallier au gouvernement. Pour essayer de pacifier la situation, l’ONU crée une mission d’assistance de sept mille soldats, neuf cents policiers et autant de civils, la Minuss. Elle succède à la Minus, qui avait été créée en 2005 pour veiller au respect de l’accord de paix entre le Nord et le Sud, mais dont Khartoum exclut toute prolongation, en dépit de la situation agitée que connaissent certaines de ses provinces méridionales comme le sud-Kordofan. La Minuss vient s’ajouter aux vingt-trois mille casques bleus et blancs (UA) déjà déployés dans le Darfour et aux plus de quatre mille devant s’installer dans la région d’Abyei.
Le cycle de violences ne s’arrête pas dans le Jonglei, en particulier dans la zone administrative autonome de Pibor. En janvier 2012, près de trois mille personnes – majoritairement Murle – sont tuées par des centaines de jeunes se réclamant de « l’Armée blanche de la jeunesse Nuer », une milice de vingt-cinq mille combattants dont les membres s’enduisant le corps de cendres blanches. Au mois d’août précédent, quelque six cents Nuer avaient été tués par des Murle qui en avaient profité pour rafler des troupeaux entiers. Les violences s’accompagnent aussi de l’enlèvement de dizaines de femmes et d’enfants. Apparentés à un peuple du sud de l’Éthiopie, les Surma, les Murle font l’objet d’un fort ressentiment de la part d’autres ethnies, notamment pour avoir fourni des effectifs aux milices de Khartoum, lors de la guerre civile entre le Nord et le Sud, et pour alimenter des mouvements qui – comme la SSDA – contestent l’autorité du pouvoir établi à Juba. Malgré la mort de son chef, cette rébellion parvient à entrer, en avril, jusque dans les faubourgs de Malakal, la capitale du Haut Nil. Au printemps 2012, de violents combats opposent par ailleurs les deux armées soudanaises dans la zone pétrolière d’Heglig, avant que l’ONU ne parvienne à rétablir le calme.
Mais la crise la plus grave survient en juillet 2013, lorsque le Nuer Riek Machar est démis de son poste de vice-Président, ainsi qu’une dizaine d’autres ministres et des officiers supérieurs. Tous accusaient le Président Kiir de corruption, d’autoritarisme et de favoritisme en faveur de son ethnie Dinka, de confondre les rôles entre l’armée et le parti et surtout de brader les intérêts du pays au voisin Nord-Soudanais : acceptation de tarifs exorbitants pour acheminer le pétrole sudiste jusqu’à la mer Rouge, fin du soutien au SPLM-Nord… Ces accusations prennent d’autant plus de poids qu’elles sont même relayées par la veuve de Garang. Face à cette situation, Kiir – soucieux d’engranger le maximum de revenus pétroliers pour financer sa réélection en 2015 – renforce la place des pro-Khartoum au sein de son nouveau gouvernement, ainsi que la part des Dinkas de sa région septentrionale de Warrap au sein de sa Garde présidentielle. En décembre, une vague d’arrestations opérée au sein de l’opposition, déclenche des combats à Juba : plus de cinq cents personnes sont tuées dans la chasse aux civils Nuer que livrent les soldats Dinkas.
En fuite, Machar appelle ouvertement au renversement du Président, ce qui entraîne l’expansion des combats à Torit (dans la province d’Equatoria orientale), dans l’Etat pétrolier d’Unité et surtout dans le Jonglei : sa capitale, Bor, est prise par les rebelles de Peter Gadet, qui s’est rallié à Machar. Les insurgés s’attaquent même à une base de l’ONU dans laquelle s’étaient réfugiés des Dinkas. Alors que les affrontements gagnent tout le nord pétrolier, les pays de la région (Igad) obtiennent que les deux parties ouvrent des négociations en Éthiopie, sous le parrainage des États-Unis et de la Chine qui ont été fortement impliqués dans la naissance du Sud-Soudan. Confronté à des défections dans ses États méridionaux – qui étaient restés plutôt à l’écart du conflit jusqu’alors – le pouvoir mobilise toutes ses forces pour éviter la chute de la capitale : il rappelle des vétérans de la guerre d’indépendance, recrute des enfants soldats – comme les rebelles – et bénéficie du soutien de plusieurs centaines de soldats ougandais – sans doute à la demande des Américains – ainsi que de mouvements du Darfour soudanais comme le JEM. Inversement, le régime de Khartoum soutien la rébellion de Machar et mobilise en sa faveur des milices arabes, telles qu’un mouvement de Misseriya et des janjawids opérant au Darfour.
En janvier 2014, les gouvernementaux parviennent à reprendre Bentiu, Bor et Malakal, au prix de combats d’une telle violence qu’ils poussent 500 000 personnes à s’enfuir, dans des conditions dramatiques : des dizaines se noient en essayant de passer au Soudan. En avril, les rebelles reprennent Bentiu, massacrant au passage plusieurs centaines de personnes, dans une mosquée, une église, un hôpital… L’Unicef et l’ONU vont dénoncer la sauvagerie des deux camps : viols de femmes, mais aussi d’enfants, émasculations, tortures, exécutions sommaires, mitraillages aveugles de civils, femmes et enfants brûlés vifs ou asphyxiés dans des conteneurs surchauffés… Un rapport de l’UA (Union africaine) mentionne même l’obligation faite aux civils de boire le sang et de manger la chair brûlée des victimes de leur ethnie.
Sous la très forte pression des Américains, Kiir et Machar signent un accord de cessation immédiate des hostilités, ouvrant la voie à l’ouverture de corridors humanitaires et à la formation d’un gouvernement de transition chargé de préparer de nouvelles élections mais, dès le lendemain, les deux parties s’accusent mutuellement de graves violations du cessez-le-feu, alors que se profite la menace d’une gravissime famine. La plus conséquente a lieu en juillet 2014, lorsque les rebelles essaient de reprendre leur ancien QG de Nasir, près de la frontière éthiopienne. En revanche, Juba parvient à pacifier ses relations avec Khartoum : en novembre, les deux capitales s’engagent à cesser leurs hostilités, sans conditions, après un assouplissement de leurs positions respectives sur l’exploitation et l’acheminement du pétrole.
Sommés par l’ONU d’aboutir à un accord, sous peine de sanctions, les belligérants se retrouvent à Addis-Abeba en août 2015. Machar et le secrétaire général du SPLM le paraphent sur place, mais pas Kiir qui ne le signe qu’à la fin du mois à Juba. Prolongé jusqu’à 2018 par le Parlement – faute d’avoir pu organiser les élections prévues – le Président n’a pas quitté la capitale, par crainte d’être renversé en son absence. Outre un cessez-le-feu et le retrait des troupes étrangères, l’accord prévoit la démilitarisation de Juba, le partage du pouvoir au niveau central ainsi que l’attribution à la rébellion des gouvernorats des États pétrolifères d’Unité et du Haut-Nil. Mais, au mépris de l’accord, Kiir découpe en vingt-huit les dix États du pays, sur des bases largement ethniques : ainsi le Haut Nil est partagé entre les Dinka Padang (sur la rive orientale du fleuve) et les Shilluk sur la rive occidentale, mais sans Wau, la capitale de leur royaume traditionnel. En avril 2016, Machar le chef de ses services de renseignement, un de ses plus anciens fidèles puisqu’il était en fonction depuis 2011qui a retrouvé sa vice-présidence – effectue son retour à Juba, dans une résidence située à la périphérie de la ville, afin de pouvoir s’en échapper aisément en cas d’attaque ; de son côté, le pouvoir ne conserve qu’un minimum de soldats dans la capitale, les autres troupes étant stationnées à au moins 25 km.
Mais la paix est très loin d’être acquise. En juillet, des combats meurtriers opposent les deux armées aux abords du QG de Machar et de son SPLA/IO (SPLA in opposition), sans que les initiateurs en soient connus : chacun des deux chefs semble avoir été débordé, Kiir par ses faucons et Machar par des factions qui ne reconnaissent plus son autorité. Les premiers accrochages dégénèrent rapidement en affrontements à l’arme lourde, qui font plusieurs centaines de morts en un week-end ! Estimant sa vie menacée, Machar s’enfuit de Juba. Kiir en profite pour nommer un nouveau vice-Président, issu du SPLA/IO, illustrant ainsi les divisions de ses opposants. Affaibli politiquement et militairement, Machar est exfiltré en Afrique du sud par l’ONU, dont un rapport interne souligne par ailleurs la totale inefficacité de la Minuss. Face aux Casques bleus se dressent une vingtaine de milices et groupes armés, toujours plus nombreux. En février 2017, un influent général d’ethnie Bari, entre en dissidence et fonde une nouvelle rébellion (NSF, National salvation front) pour dénoncer l’épuration menée par l’état-major Dinka au sein de la SPLA… état-major dont le chef est limogé en mai par Kiir, auquel il faisait de l’ombre. Le général Malong en tire les conséquences et fonde un nouveau mouvement, le Front uni du Soudan du Sud (SS-UF), qui rejoint l’Alliance d’opposition du Soudan du Sud (SSOA) regroupant les alliés de Machar. En effet, les violences communautaires n’épargnent pas le camp Dinka : en décembre 2017, des affrontements, pour le contrôle du bétail, font des dizaines de morts entre deux clans rivaux dans l’État des Western Lakes. Les rivalités sont attisées par le fait que les pasteurs ont été armés à l’époque de Garang et n’ont jamais rendu leurs armes.
A l’initiative du Soudan, dont l’économie a besoin d’une reprise rapide de l’exploitation pétrolière au Sud, de nouvelles discussions aboutissent à la signature d’un accord en août 2018 : instaurant un cessez-le-feu permanent, il incite à la recherche d’un accord de paix dans les trois mois, en préalable à un partage du pouvoir pendant une période de transition de trente-six mois. Les postes gouvernementaux, parlementaires et régionaux seraient partagés entre les différents camps, à raison d’environ 60 % pour celui de Kiir, un quart pour celui de Machar et le reste pour les autres mouvements. Un accord de paix est effectivement signé le mois suivant, lors du sommet de l’Igad à Addis-Abeba, mais il n’a été paraphé ni par le NSF ni par certains mouvements du SSOA, dont le SSPM/A de l’influent général Buay, fondateur des unités d’élite du SPLM dans les années 2000. Son coût financier est par ailleurs exorbitant puisque, pour satisfaire toutes les parties, il flanque Machar de quatre autres vice-Présidents (dont la veuve de Machar), crée un Parlement de 550 députés (soit deux cent vingt de plus que dans sa configuration précédente) et prévoit la formation de trente-deux États.
Le bilan humain et comptable du conflit, qui a gagné des régions jusqu’alors épargnées, est effroyable : selon le chiffrage établi, en avril 2018, par une organisation médicale britannique, il aurait fait plus de 380 000 morts en cinq ans et 4,5 millions de déplacés, dont plus de la moitié dans les pays voisins. La moitié des décès aurait été provoquée par les violences elles-mêmes et l’autre moitié par l’interruption des services de santé, l’insécurité alimentaire ou encore les déplacements de population. 80% des Sud-Soudanais vivent au-dessous du seuil de pauvreté, contre 50% avant l’indépendance : les deux tiers dépendent de l’aide alimentaire. Les graphiques montrent par ailleurs un nombre de victimes plus élevé dans le nord-est et le sud du pays, ainsi qu’une mortalité décuplée en 2016 et 2017, après l’échec de l’accord de paix de Juba. De nouveaux combats entre gouvernementaux et mouvements insurgés font encore des centaines de victimes et des milliers de réfugiés, début 2019, à Yei et dans l’État méridional d’Equatoria centrale.
Finalement, Machar fait son retour en février 2020 à Juba, Kiir ayant cédé à certaines de ses exigences telles que le maintien à dix du nombre d’États. Mais le cycle des violences ne s’arrête pas pour autant. En août 2020, une opération de désarmement fait plus d’une centaine de morts dans le Warab : des jeunes gelweng – les gardiens de troupeaux chez les Dinkas – refusent en effet de se laisser désarmer par les forces gouvernementales, à la lueur de précédents ayant tourné au drame, les tribus ayant rendu leurs armes étant ensuite attaquées par des communautés ayant gardé les leurs. A l’été et à l’automne 2021, des affrontements entre Azandé et Balanda font plus de trois cents morts et des dizaines de milliers de déplacés en Équatoria-Occidental. Jusqu’alors amies, les deux ethnies sont devenues rivales quand la gouvernance de leur État a été attribuée au SPLM-IO de Machar en mai 2020 et a été contestée par des élites de la communauté azandée, affiliées aux Forces (gouvernementales) de défense populaire du Soudan du Sud (FDPSS).
L’unification de l’armée ne progressant pas, le Soudan et l’Igad finissent par obtenir un accord sur le partage des postes de commandement, en avril 2022 : 60 % iront à des proches de Kiir et 40 % à ceux de Machar. L’été suivant, les deux parties s’accordent pour prolonger de deux ans la période de transition, jusqu’en 2025, alors que la situation n’est toujours pas pacifiée. En août, des affrontements entre les milices de deux généraux rivaux de l’opposition, l’un Shilluk, l’autre Nuer, éclatent dans le Jonglei et le Haut-Nil, puis gagnent l’État d’Unité. Le même mois, des milliers de bergers Nuer de la « White Army » sont lancés à l’assaut du « Royaume shilluk » dans le haut-Nil, puis s’en prennent aux Murle en décembre dans leur zone administrative du Grand Pibor. Politiquement, la situation reste fragile : en témoigne le limogeage de l’épouse de Machar de son poste de ministre de la Défense en mars 2023, sans explication. Un début de justice se met toutefois en place : onze soldats de l’armée gouvernementale, reconnus coupables de meurtres et de violences, sont condamnés à des peines allant jusqu’à dix ans de prison.
Préoccupé par l’afflux de dizaines de milliers de réfugiés en provenance du Soudan en guerre (cf. Soudan), Juba essaie par ailleurs de jouer les médiateurs entre les chefs militaires qui se disputent le pouvoir à Khartoum. Le contrôle du Kordofan-ouest par les Forces de soutien rapide, liées aux Arabes Misseriya, pousse le gouvernement sud-soudanais à déployer des troupes dans la région disputée d’Abyei, afin de protéger les populations noires et sédentaires locales, telles que les Ngok Dinka. Cette situation aggrave les tensions frontalières et intercommunautaires : une trentaine de personnes, dont des civils et un casque bleu, sont tuées en novembre dans des attaques et contre-attaques et une cinquantaine d’autres (dont deux caques bleus) en janvier 2024. Depuis 2022, un conflit foncier oppose deux branches des Dinka (les Ngok et les Twic) au sujet d’un territoire situé à la frontière du territoire d’Abyei et de l’Etat sud-soudanais du Warrap.
En mai, des négociations s’ouvrent, au Kenya, entre le gouvernement sud-soudanais et les groupes rebelles n’ayant pas signé l’accord de paix de 2018. L’instabilité dans le pays demeure telle que, en septembre, le Président et ses cinq vice-Présidents annoncent le report des élections à fin 2026, alors qu’aucun scrutin n’a eu lieu depuis l’indépendance : les moyens financiers manquent, la nouvelle Constitution n’est pas prête et l’unification des forces armées est quasiment au point mort. A l’automne, Kiir purge son appareil sécuritaire en remplaçant d’abord le chef de ses services de renseignement – dont la tentative d’arrestation, après treize ans de service, finit en fusillade – puis les chefs de l’armée et de la police.
En janvier 2025, Juba annonce l’augmentation de sa production de pétrole, grâce à la remise en service de l’oléoduc de 1500 km l’acheminant jusqu’à Port-Soudan ; il était à l’arrêt depuis un an, victime de bombardements des rebelles soudanais et de défauts de maintenance. Environ 70 % du pétrole sud-soudanais (qui finance 90 % des dépenses publiques) est exporté via le Soudan.