Jusqu’à la fin des années 1970, le trafic de drogues au Mexique « se limite » au cannabis et au pavot, cultivés dans les états du nord-ouest (Sonora, Sinaloa, Chihuahua et Durango). Il devient une véritable industrie lorsque le cartel de Guadalajara – deuxième ville du pays, dans l’État de Jalisco (centre-ouest) – se spécialise dans le trafic de cocaïne vers les États-Unis, agissant comme sous-traitant du cartel colombien de Medellin, dirigé par Pablo Escobar. L’organisation bénéficie de la protection des forces institutionnelles de sécurité (la DFS), car le pouvoir politique prélève une partie des bénéfices des trafiquants, sous la forme d’un « impôt » informel. Ce système participe du clientélisme d’État pratiqué par le Parti révolutionnaire institutionnel qui gouverne le pays, depuis la révolution des années 1910 : la corruption des élites est tolérée, à condition qu’une partie de l’argent récolté fasse l’objet d’une redistribution sociale.
Les choses changent dans les années 1990, lorsque la privatisation de nombreuses activités économiques provoque la rupture du « pacte social » institué par le PRI. De larges couches de la population basculent dans la pauvreté, à la recherche de ressources alternatives, dont le commerce informel et le trafic de drogue font partie. A la faveur du libéralisme économique, les organisations criminelles mexicaines deviennent elles-mêmes des groupes multinationaux, multipliant les routes du trafic et diversifiant leurs activités illégales dans d’autres secteurs comme le vol de propriétés, les enlèvements avec demande de rançon et l’extorsion des commerçants, le trafic d’armes et d’êtres humains (notamment de migrants cubains anti-castristes et centre-américains), celui de matières premières et de ressources énergétiques allant jusqu’au siphonnage des pipelines de la Pemex… Seul le trafic de matières nucléaires échapperait à leur périmètre.
Engagée avec (ou sans) le soutien du grand voisin nord-américain, la politique de répression gouvernementale génère un effet pervers : l’éclatement des grandes organisations en structures plus nombreuses. Ainsi, les cartels de Sinaloa (ou du Pacifique), de Juarez (dans l’Etat de Chihuahua, à la frontière américaine) et de Tijuana (des frères Arellano Felix, à l’extrême-nord de la Basse Californie) se sont formés à partir du cartel de Guadalajara, à la fin des années 1980. L’expansion du cartel de Sinaloa est même favorisée par la Central Intelligence Agency (CIA) américaine, qui utilise ses services pour fournir des armes et des dollars aux « Contras », les paramilitaires combattant le régime sandiniste au Nicaragua. Pourtant, les cartels mexicains inondent les États-Unis de produits illicites, qu’ils produisent chez eux : marijuana, pavot (base de l’héroïne) et méthamphétamines. Avec l’affaiblissement des cartels colombiens de Medellin et de Cali, ils deviennent aussi les acteurs numéro un du trafic de cocaïne des Andes, en continuant à bénéficier des largesses de l’État mexicain. En 1997, plusieurs officiers sont arrêtés, dont le général dirigeant l’Institut national de lutte contre le trafic de drogue ; menant grand train, il aurait permis au chef du Cartel de Juarez d’échapper d’extrême justesse à l’arrestation. Des témoignages font également état des liens entretenus par plusieurs personnalités de premier rang avec les cartels de la drogue, dont le Président Carlos Salinas (1988-1994) et son frère Raul.
De nouveaux cartels apparaissent au cours des années 2000 : du Golfe (basé à Matamoros au Tamaulipas), des Beltrán Leyva (excroissance de Sinaloa devenue rivale en 2008), de Culiacán, du Michoacán (La Familia Michoacana, groupe dont les chefs sont empreints d’un syncrétisme mêlant catholicisme et croyances locales, parfois apocalyptiques)… La plupart ont leurs succursales et leurs dissidences. Les Zetas (« Z ») sont, par exemple, des sicaires du cartel du Golfe qui se sont mis à leur propre compte et sévissent sur toute la côte est, de Monterrey jusqu’au Yucatán: il s’agit d’anciens soldats des forces spéciales mexicaines, formés à la lutte anti-guérilla par les Américains (notamment contre l’insurrection néo-zapatistes du Chiapas en 1995) et d’anciens des « Kaibiles », les forces spéciales du Guatemala chargées de lutter contre la guérilla locale ; ce sont ces derniers qui auraient importé la décapitation et la mutilation, inconnues au Mexique avant les années 2000. Dans les régions de Veracruz (sur la côte est) et de Guadalajara (sur le Pacifique) opère le cartel Jalisco nouvelle génération (JNG), dissident de Sinaloa. Dans le Michoacan interviennent les Chevaliers templiers, scission de la Familia qui prétend lutter contre la pauvreté et pour l’autodétermination des peuples. Chaque Cartel compte ses tueurs : les « Pelones » (« chauves », issus de la Mara Salvatrucha américano-salvadorienne) pour le Cartel du Golfe, la « Linea » pour Juarez, « Los Negros » (pour Sinoloa, puis pour les Beltran Leyva)… Ils sont de plus en plus lourdement armés : de lance-roquettes, de munitions transperçant les gilets pare-balles, de missiles sol-air et même de blindés.
Cartographie des Cartels : https://www.areion24.news/wp-content/uploads/2021/05/gdd601.jpg
En plus de s’en prendre aux représentants de l’État et aux élus locaux, les narcos se livrent des guerres intestines impitoyables, au sein d’alliance à géométrie variable : ceux de Jalisco se surnomment parfois les Mata Zetas (« tueurs de Zetas »). Début 2005, des combats en pleine rue entre les cartels du Golfe et de Sinaloa font cent-cinquante morts dans la seule ville de Nuevo Laredo. Les meurtres sont parfois accompagnés de mises en scène macabres : en 2006, la Familia jette cinq têtes humaines sur une piste de danse ; en 2009, trois têtes de policiers sont retrouvées dans une glacière à Ciudad Jerez, dans l’État de Chihuahua. Dans certains cas, les victimes – parfois abattues « pour l’exemple » – ont la peau du visage arrachée, afin d’effrayer encore plus les organisations rivales. De véritables charniers sont parfois découverts : en 2010, les corps d’une soixantaine de migrants clandestins sont découverts dans une ferme du Tamaulipas, frontalière du Texas : il s’agissait de ressortissants centre et sud-américains qui auraient été abattus par les Zetas pour avoir refusé de travailler en leur faveur ou dont la famille aurait refusé de payer la rançon pour les délivrer. Aux exécutions « pour l’exemple » s’ajoutent les meurtres par erreur : en 2010, une vingtaine de touristes mexicains sont exécutés dans la région d’Acapulco, pour avoir été confondus par les tueurs avec les membres d’un cartel rival. L’année suivante, une cinquantaine de personnes périssent dans l’incendie d’un casino de Monterey, qui, selon toute probabilité, refusait de payer les cartels. A l’approche des élections générales de 2012, les violences entre les Zetas et le cartel de Sinaloa atteignent des sommets d’horreur : les pieds et les mains d’une quarantaine de personnes sont retrouvés dans des sacs plastiques au bord d’une route fréquentée proche de Monterrey.
Les trois quarts des violences se concentrent alors dans une dizaine d’États : ceux du « triangle d’or » Chihuahua – Sinaloa – Durango (pour le contrôle des routes de la Sierra Madre occidentale), ainsi que le Nuevo Leon au Nord-Est, le Guerrero avec Acapulco au Sud-Ouest et Veracruz sur le Golfe du Mexique. Les recrutements des cartels sont favorisés par une situation économique qui ne cesse d’empirer : plus de cinquante millions de Mexicains vivent dans la pauvreté et 30 % de la population active vit de l’économie informelle. Les cartels recrutent en masse, comme sicarios, des jeunes de moins de 18 ans, dans un pays qui compte une bonne demi-douzaine de millions de « ni ni » (des jeunes de 12 à 29 ans sans emploi ni scolarité). Le recrutement est d’autant plus favorable que la loi ne permet pas de juger les délinquants de moins de 18 ans au niveau fédéral, ce qui les renvoie devant des juridictions locales où les peines peuvent être faibles vis-à-vis des mineurs : en 2011, un jeune de 14 ans, au service du cartel du Pacifique sud, n’est condamné qu’à trois ans de prison – peine maximale dans l’État central de Morelos – alors qu’il a reconnu quatre assassinats commis dans des conditions atroces ; les victimes étaient émasculées puis égorgées et les meurtres filmés et diffusés sur Internet.
Par la corruption et le blanchiment (y compris à l’étranger, via la Chine et l’Inde pour le cartel de Sinaloa), les narcos auraient infiltré les trois quarts de l’économie mexicaine (et 85 % de l’économie guatémaltèque). Ils auraient infiltré plus des deux tiers des municipalités du pays et en contrôleraient directement 8 %, dans lesquels ils financent des actives sociales et lèveraient même l’impôt. Les budgets municipaux sont en effet un moyen simple de « blanchir » l’argent sale (par exemple dans les BTP) et c’est pourquoi les cartels n’hésitent pas à éliminer les candidats locaux qui promettent de lutter contre le crime organisé… ou, plus prosaïquement, parce qu’ils ne veulent pas perdre de temps à négocier avec de nouvelles équipes municipales. Ils semblent également capables de fomenter d’importantes manifestations de rues contre l’armée et les autorités.
Rackettées par les narcos, certaines entreprises recrutent de plus en plus de personnel de protection. Constitués d’anciens policiers et soldats, des milices « anti-cartels » apparaissent à partir de 2011. Deux ans plus tard, ce sont des groupes d’autodéfense qui font leur apparition dans une dizaine d’États, à l’image des Vaillants qui, dans le Michoacan, se font forts d’éradiquer les Chevaliers Templiers. La montée en puissance de ces milices, qui vont jusqu’à désarmer les polices locales, est telle que l’armée fédérale – jugée plus sûre que les différentes polices – est chargée de mettre fin à leurs activités : certains de ces groupes sont d’ailleurs suspectés d’agir pour le compte de cartels souhaitant se débarrasser d’une organisation rivale. A priori, seules les communautés indigènes sont autorisées à être armées mais, dans la pratique, l’armée se révèle incapable de dissoudre les groupes d’autodéfense, qui sont donc intégrés aux polices municipales ou à des « corps de défense ruraux » qui s’affrontent parfois entre eux, quand ce n’est pas aux militaires.
Investi en décembre 2012, le nouveau Président Neto abandonne la lutte « frontale » contre les cartels, au profit d’actions à caractère éducatif et social qui seront, notamment, financées par l’ouverture au privé du monopole pétrolier. L’armée sera retirée des zones de conflit et remplacée par une nouvelle gendarmerie nationale qui appuiera la police fédérale et travaillera avec des spécialistes en renseignement et communication pour mener des opérations chirurgicales. Ce changement de paradigme donne quelques résultats au cours de l’année 2014 avec les arrestations successives du chef du cartel de Sinaloa, Joaquín Guzmán « el Chapo », puis de ceux des cartels de Tijuana, de Juarez et des Beltran-Leyva. Mais cette stratégie montre ses limites. En septembre 2014, une cinquantaine d’étudiants-enseignants d’une Ecole normale rurale sont exécutés dans la ville d’Iguala (Etat du Guerrero), où ils étaient venus collecter des fonds pour leur établissement. Craignant qu’ils ne perturbent une cérémonie officielle, le maire PRD leur envoie ses policiers, qui tuent et torturent une demi-douzaine de personnes et en livrent une quarantaine d’autres à un groupe criminel (lié à l’épouse de l’édile municipal) qui les tue et brûle certains cadavres. L’implication de policiers, y compris fédéraux, et de soldats, dont le chef de la caserne d’Iguala, est confirmée par l’enquête dont le responsable, lui-même impliqué, s’est enfui à l’étranger. Le procureur-général de l’époque et une soixantaine de policiers et militaires seront arrêtés en 2022 pour leur participation à ce « crime d’État ».
Comme par le passé, l’arrestation des chefs des grandes organisations conduit à leur émiettement : en 2015, une quarantaine de groupes criminels opèrent au Mexique, y rivalisant d’initiatives et de cruauté pour marquer leur territoire. Devenu le nouvel « ennemi public » du pouvoir, le cartel de Jalisco nouvelle génération (JNG) démontre sa puissance en mai 2015 : il réplique à l’opération lancée contre lui par l’armée et la police fédérale, en incendiant des bus et à des camions (pour bloquer une quarantaine de routes de voies d’accès à sa capitale, Guadalajara), en mettant le feu à des succursales bancaires et à des stations d’essence et en abattant un hélicoptère de l’armée. L’essor du JNG est favorisé par l’affaiblissement du cartel de Sinaloa : évadé d’une prison de haute sécurité, via un tunnel de plusieurs kilomètres, « el Chapo » est repris début 2016 par les unités d’élite mexicaines et la DEA (agence américaine antidrogue) dans une maison de son État natal, puis extradé aux États-Unis. La direction de son cartel est disputée entre ses frères, fils et associés.
En 2017, malgré des réserves sur son efficacité, le Parlement institutionnalise le recours à l’armée contre le narcotrafic. Les crimes ont alors augmenté dans vingt-six des États mexicains, y compris dans les zones touristiques, comme le Quintana Roo (Cancun), la Basse Californie (Los Cabos) et les quartiers de Mexico, au risque de fragiliser la troisième source de devises du pays. L’État le plus violent est celui du Guerrero où sévissent une quinzaine de groupes mafieux, dont le JNG qui affronte les groupes déjà implantés comme les Pelones (devenus indépendants), les Zetas et le Cartel du Golfe. De son côté, la corruption des polices locales ne faiblit pas : en 2018, trois Italiens sont enlevés et vendus à un cartel par des policiers de l’État de Jalisco, alors que s’ouvre le procès de policiers de l’État de Vera Cruz suspectés d’avoir appartenu à des commandos de la mort, formés par le gouverneur PRI de l’État pour lutter contre les Zetas.
L’année 2018 affiche des chiffres records de morts violentes, 33 300, soit 4 500 de plus qu’en 2017 qui détenait déjà le record depuis l’ouverture de cette funèbre comptabilité en 1997. Du trafic de drogue au rançonnement des migrants centraméricains, en passant par les bavures des forces de l’ordre, la violence a gagné la totalité des États du pays. Les cartels mexicains fournissent 85 % de l’héroïne consommée aux États-Unis et, dans les montagnes du Sinaloa, les champs de pavot sont remplacés par des laboratoires de fabrication de fentanyl, un puissant analgésique de synthèse fabriqué avec des précurseurs chimiques venus de Chine et d’Inde : cinquante fois plus puissant que l’héroïne (et responsable de 110 000 morts par overdose en 2022 aux États-Unis), il offre des marges financières considérables, bien qu’inférieures à celles de la cocaïne.
La situation est telle que, fin 2018, le nouveau Président Obrador – élu sur le slogan « des embrassades, pas des fusillades » – abandonne sa promesse de renvoyer les militaires dans leurs casernes et lance la création d’une Garde nationale composée de soldats et de policiers fédéraux, sous pilotage opérationnel de l’armée. Le nouveau chef d’État reste toutefois fidèle à ses engagements de déployer une politique sociale contre le trafic de drogue : légalisation de la marijuana (notamment pour ses vertus thérapeutiques, sous contrôle d’une agence fédérale), emplois et bourses scolaires pour les jeunes, amnistie pour les cultivateurs de pavot, mise en place d’une justice transitionnelle… Un nouveau record de violence n’est pas moins atteint en 2019 avec 35 684 morts.
A l’automne 2020, la DEA arrête à Los Angeles l’ancien ministre mexicain de la Défense entre 2012 et 2018, soupçonné de trafic de drogues et de blanchiment d’argent pour le compte du cartel H-2 (héritier de l’organisation des frères Beltran Leyva). Mais, face à la pression du gouvernement mexicain, il est libéré et escorté au Mexique, où une enquête est ouverte à son sujet… avant d’être abandonnée en janvier suivant. « Amlo » (le surnom du Président Obrador) est en effet accusé de protéger l’armée, dont il a besoin pour mener sa politique sociale et économique. Outre le contrôle des frontières et des ports, il lui a concédé des pans entiers de l’économie : la construction et la gestion d’aéroports et de lignes ferroviaires (dont « le train Maya » devant relier stations balnéaires et sites historiques), la distribution d’aide sociale (mais aussi d’engrais et d’essence), la gestion d’établissements de santé. En quatre ans, le budget et les effectifs de l’armée doublent. Le gouvernement renégocie par ailleurs l’accord de Merida, sur l’aide militaire américaine à la lutte anti-drogue, et l’élargit au contrôle des armes en provenance des États-Unis et aux questions sociales et économiques, pour empêcher que les jeunes désœuvrés rallient les cartels.
Le pouvoir est également accusé d’épargner le cartel de Sinaloa (présent dans soixante-dix pays) et ses alliés du Golfe, qui se disent capables d’aligner 100 000 hommes en armes. L’objectif est d’éliminer la quinzaine d’autres grandes organisations, ainsi que les trois cents gangs locaux qui leur servent de sous-traitants, afin de faire baisser la violence. Celle-ci est à son comble, en dépit de la politique « des accolades, pas des fusillades » décrétée par Amlo : en trois ans, la lutte entre le JNG et ses rivaux, entre les petites organisations et les groupes d’autodéfense a fait plus de 100 000 morts et plus de 20 000 disparus.
La plupart des cartels se sont de nouveau fractionnés, à l’image de celui de Sinaloa qui, après l’arrestation de « El Chapo », a donné naissance à des groupes plus autonomes, même s’ils rendent compte à une direction centralisée. Sous les coups du JNG, les Zetas se sont également divisés en plusieurs groupes : Cartel du Noreste, Zetas Vieja Escuela, Sangre Nueva Zeta, 35Z… Entre 2009 et 2020, près de six cents organisations auraient opéré dans le pays. Toutes ont profité des trêves gouvernementales pour développer le trafic de drogues de synthèse venues d’Asie et pour renforcer leur armement, notamment en drones équipés de caméras qui filment meurtres et attentats. Situé au centre du pays, l’État de Guanajuato devient le plus violent du Mexique, en raison des guerres que s’y livrent le cartel de Santa Rosa de Lima (lié à Sinaloa) et celui de Jalisco Nueva Generación pour le trafic de drogue et le vol de carburant. En 2022, le Mexique enregistre encore plus de 32 000 homicides liés au narcotrafic.
Pour mettre fin aux accusations d’inaction, le pouvoir met les bouchées doubles. En juillet 2022, les forces spéciales de la marine arrêtent, dans l’État de Sinaloa, le « narco des narcos », Caro Quintero : fondateur du Cartel de Guadalajara et considéré comme le commanditaire du meurtre atroce d’un agent du DEA (en 1985), il avait été condamné à quarante ans de prison au Mexique, mais libéré en 2013, pour vice de procédure. Depuis, il avait repris ses activités dans le Sonora, provoquant la colère des héritiers d’El Chapo. En janvier 2023, l’un de ceux-ci est capturé par l’armée dans la région de Culiacan, capitale du Sinaloa, et transféré vers la prison de haute sécurité d’Altiplano (puis extradé aux États-Unis), malgré la violence que les hommes de son cartel déclenchent dans la ville : près de trente morts (dont une dizaine des forces de l’ordre), des bâtiments incendiés et même un avion de ligne pris pour cible. Quelques jours plus tôt, une vingtaine de membres du gang Los Mexicles, opérant à Ciudad Jerez pour le compte de Sinaloa, avaient réussi à s’échapper d’une des prisons de la capitale du Chihuahua, au terme d’une opération meurtrière (près de vingt morts, dont dix surveillants). La prison était devenue le QG du Cartel de Sinaloa dans sa lutte contre le JNG : dans les cellules, la police découvre des armes, des téléphones, de l’argent et même un coffre rempli de drogue.
En juillet 2024, la nouvelle Présidente de gauche montre que le cordon entre le monde politique et le narcotrafic n’est pas totalement coupé. Elle nomme comme Ministre de la sécurité publique l’homme qui, dans une fonction similaire, avait obtenu des résultats contre la criminalité lorsqu’elle dirigeait la mairie de Mexico, mais dont les antécédents sont troubles : membre de l’équipe sécuritaire du Président Calderón (reconnu coupable de narcotrafic par les États-Unis, en 2023), il dirigeait la police fédérale du Guerrero lors du massacre d’Iguala et aurait pris une part active dans les tentatives de dissimuler les faits. Le même mois, le co-fondateur du cartel de Sinaloa est arrêté au Texas : probablement trahi par un « Chapito » (surnom donné aux fils de Guzman), « El Mayo » est interpelé à bord d’un avion privé venant de se poser à El Paso. Il est tenu responsable de l’explosion du trafic de fentanyl qui, en 2023, a causé 70 % des morts d’overdose aux États-Unis (plus de 100 000). Son arrestation provoque des affrontements meurtriers à Culiacan, en septembre, entre ses partisans et les héritiers d’El Chapo.
En octobre, à peine entré en fonctions, le maire de la capitale du Guerrero est décapité et sa tête abandonnée sur une voiture. Quelques jours plus tard, la nouvelle Présidente mexicaine annonce le contenu de son programme de lutte contre la drogue : prévention et développement des programmes sociaux, renforcement du renseignement et des moyens de la Garde nationale ; jugés plus fiable que les polices fédérale et locale, ses 133 000 hommes sont rattachés au ministère de la Défense.