Guinée

Guinée

Depuis son indépendance, l’ex-Guinée française n’a quasiment connu que des régimes autocratiques ou des juntes militaires.

245 857 km²

République militaire

Capitale : Conakry

Monnaie : le franc guinéen

14 millions de Guinéens

Donnant à l’ouest sur le golfe homonyme (320 km de côtes), la Guinée partage 4 046 km de frontières terrestres avec six pays : 421 avec la Guinée-Bissau et 363 avec le Sénégal au nord, 1 062 km avec le Mali au nord-est, 816 km avec la Côte d’Ivoire au sud-est, 590 km avec le Liberia et 794 km avec la Sierra Leone au sud.

Plat sur la côte, le relief s’élève en collines et montagnes à l’intérieur. La Guinée se décompose en quatre zones géographiques : maritime (ou basse-Guinée sur le littoral, avec Conakry), montagneuse (la Moyenne-Guinée avec le massif du Fouta-Djalon), de savane au nord-est (Haute-Guinée) et de forêts au sud-est. Le plus haut sommet culmine à un peu plus de 1 750 mètres, à la frontière avec la Côte d’Ivoire et le Liberia. Le fleuve Niger (4 200 km) prend sa source à la frontière avec la Sierra-Leone. Le climat est chaud et humide.

La Guinée compte une quarantaine d’ethnies dont aucune n’est majoritaire. La plus nombreuse est celle des Peuls (33 %, majoritaires en Moyenne-Guinée), suivis des Malinké ou Mandingues (29 %, en Haute-Guinée), des Soussou 21 % (en Guinée maritime) et des ethnies de Guinée forestière (Guerze 8 %, Kissi 6 %…). Les plus grands de ces peuples sont présents dans toute l’Afrique occidentale : la Guinée est le premier pays de peuplement Malinké (devant le Mali) et Soussou (devant la Sierra-Leone) et le deuxième pour les Peuls (derrière le Nigeria). La langue officielle est le français.

La population est à 85 % musulmane et à 13 % chrétienne.

Après le déclin de l’Empire Almoravide, introducteur de la religion musulmane dans la région, la Guinée se situe aux marges de plusieurs royaumes africains se disputant la suprématie régionale. Au XIIIe siècle, elle entre dans la sphère de l’Empire du Mâli (cf. Haute-Guinée historique). Après sa chute, plusieurs petits royaumes contrôlent la Guinée. Au XVIIIe, des pasteurs Peuls instaurent un État théocratique sur les hauteurs du plateau : l’imamat du Fouta-Djalon (1725-1896), qui se livre aux captures d’esclaves, destinés à alimenter ses propres besoins en main d’œuvre ou à être vendus à des trafiquants. Entre 1878 et 1898, un État éphémère est fondé par le Mandingue Samory Touré : l’Empire Wassoulou qui s’étend du sud Mali jusqu’à la moyenne Guinée et à la Sierra-Leone et s’oppose à la colonisation française.

Active aux Sénégal et Soudan français (Mali) voisins, la présence de la France en Guinée est d’abord modeste : elle se résume à trois postes établis, en 1865-1866, sur une côte quasi-dépeuplée par la traite esclavagiste. Elle s’accélère ensuite, avec une victoire décisive sur le Fouta-Djalon (1896), puis la capture de Samory. En 1904, la Guinée devient une partie intégrante de l’Afrique-Occidentale française (AOF). Les Français y développent les plantations (de café, de banane et d’huile de palme) ainsi que l’extraction de bauxite, en recourant au travail forcé.

Une conscience politique anticoloniale s’affirme après la Seconde Guerre mondiale, en particulier au sein des syndicats formés par les travailleurs, nombreux, du port de Conakry. C’est le cas de la puissante Union générale des travailleurs d’Afrique noire, dirigée par un descendant présumé de Samory, Ahmed Sékou Touré. Devenu Secrétaire général du Parti démocratique de Guinée (PDG, section locale du Rassemblement démocratique africain), il s’impose à la tête du pays quand sa formation remporte les élections de 1957.


En 1958, les Guinéens votent contre la création de la Communauté franco-africaine, dans laquelle Paris entend réunir ses anciens colonies. La Guinée devient alors pleinement indépendante, sous la présidence de Sekou Touré, qui instaure un régime dictatorial et socialiste, soutenu par l’URSS, tout en laissant les Américains gérer les riches mines de bauxite du pays. Dirigeant le pays d’une main de fer et ayant supprimé les chefferies traditionnelles, il ne parvient pas pour autant à enrayer les rivalités ethniques : en 1981, des affrontements entre Guerzé et Konianké font plus de deux cents morts en Guinée forestière.

En 1984, quelques jours après le décès de Sekou Touré (mort de maladie), l’armée s’empare du pouvoir, sous la houlette d’un colonel Soussou, Lansana Conté. Faisant d’abord preuve de libéralisme économique et politique, ce qui favorise le retour de 200 000 Guinéens ayant fui la dictature Touré, il finit par concentrer tous les pouvoirs. Devenu général, il est officiellement élu président de la République en 1993 et largement reconduit en 1998 et 2003, grâce à une modification constitutionnelle. Soutenu par les Soussou et les « Forestiers », son Parti de l’unité et du progrès domine les autres formations apparues avec l’introduction du multipartisme, au début des années 1990 : le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), prédominant chez les Malinkés, et l’Union pour la nouvelle république (UNR), bien implantée chez les Peuls. Résistant aux accusations de fraudes et aux mutineries dans l’armée, Conté décède de maladie en 2008.


Il est remplacé quelques heures après sa mort par une junte, le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) dirigé par le capitaine Moussa Dadis Camara, originaire de Guinée forestière. Engagé dans la lutte contre le narcotrafic – dont la Guinée est devenue une plaque tournante entre Amérique latine et Europe – le régime se discrédite en septembre 2009, lorsque l’armée tire à balles réelles sur des manifestants réunis dans le plus grand stade de Conakry : plus de cent-cinquante sont tués et une centaine de femmes violées et mutilées. Vivement condamnée par la communauté internationale, l’affaire provoque des dissensions au sein de la junte. Blessé, volontairement, par le chef de sa garde présidentielle, en décembre 2009, Camara est obligé de se faire soigner au Maroc et contraint à l’exil, au Burkina-Faso.

En 2010, le gouvernement de transition dirigé par le numéro deux du CNDD rend le pouvoir aux civils. Pour la première fois depuis son indépendance, le pays organise une élection ouverte. Elle voit la victoire du Malinké Alpha Condé : opposant historique, à la tête du RPG, il obtient plus de 52 % des voix au second tour. Son gouvernement est le premier de l’histoire guinéenne à ne comporter que des civils. Mais lui aussi bascule dans l’autoritarisme et la manipulation électorale. En 2013, l’annonce d’un report des élections législatives provoque des manifestations de l’opposition, qui dégénèrent en combats de rue dans Conakry, sur fond de rivalités ethniques entre Malinkés et Peuls. Les affrontements font une vingtaine de morts, les forces de l’ordre étant accusées de passivité, voire de soutien aux jeunes partisans du régime. Finalement, le RPG et ses alliés remportent d’une courte tête le scrutin, après trois semaines de dépouillement. Condé est réélu dès le premier tour, en 2015, au prix de nouvelles fraudes probables.

La situation s’envenime en 2019, lorsque se profile une révision constitutionnelle qui permettrait au Président de solliciter un troisième mandat. La perspective conduit l’opposition politique et la société civile (Front national de défense de la Constitution, FNDC) à manifester. La répression fait une douzaine de morts, les forces de l’ordre allant jusqu’à tirer sur le cortège funèbre des premières victimes. En mars 2020, la tenue du référendum et des législatives déclenche la fureur des opposants, qui attaquent des bureaux de vote et incendient du matériel électoral dans plusieurs villes de la Moyenne Guinée et dans des quartiers de Conakry qui leur sont favorables. De nouvelles violences surviennent lors de la réélection d’Alpha Condé, en octobre, avec 59 % des voix au premier tour. En Haute Guinée, fief du pouvoir, la participation frôle les 100 % dans quatre des cinq circonscriptions.


Finalement, le Président est déposé, en septembre 2021, par le commandant – lui aussi Malinké – des forces spéciales. Chef d’un Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), le colonel Mamadi Doumbouya suspend la Constitution et le Parlement. Devenu Président, il annonce la fin de la transition d’ici fin 2024, mais dissout le FNDC, arguant que la coalition d’opposition se comporte comme une milice et menace la stabilité du pays. En janvier 2024, la junte annonce avoir déjoué un coup d’État, commis par d’anciens membres de la garde du Président Conté. En juin, le général Koulibaly, ancien numéro deux de la junte, est condamné à cinq ans de prison pour « désertion et détention illégale d’armes » : muté à Cuba, il était rentré sans permission au pays pour réclamer la paye du personnel de son ambassade. Il meurt une semaine plus tard en détention. La mort suspecte d’un autre « Forestier » intervient en septembre : le cadavre du colonel Bilivogui est retrouvé un an après avoir été arrêté par les gendarmes, à la suite de l’évasion de la prison de Conakry de Moussa Dadis Camara, de son ex-ministre Claude Pivi et d’autres officiers jugés pour le massacre du 28 septembre 2009, fuyards retrouvés quelques jours ou quelques mois plus tard. La répression n’épargne pas les civils : deux figures du FNDC disparaissent à la suite de leur enlèvement en juillet 2024. En septembre, les hommes du chef des forces spéciales et de son adjoint s’affrontent dans un quartier central de Conakry. Trois mois plus tard, la junte annonce que la transition se poursuivra au-delà de décembre 2024.

Photo : vue aérienne des champs de Kindia. Crédit : Tim Oun / Unsplash