Liberia

Liberia

L’ancienne terre des esclaves affranchis reste marquée par les stigmates de deux violentes guerres civiles.

11 369 km²

République présidentielle

Capitale : Monrovia

Monnaie : dollar libérien

5,4 millions de Libériens

Ouvert sur le golfe de Guinée (au sud), le Liberia partage 1 667 km de frontières terrestres avec trois pays : 299 avec la Sierra Leone à l’ouest, 590 avec la Guinée au nord-ouest et 778 avec la Côte d’Ivoire au nord-est et à l’est. Le relief est constitué de plaines côtières, de petits plateaux et de quelques montagnes au nord (culminant à moins de 1450 m). Le climat est tropical.

Le Liberia compte vingt-huit ethnies (dont aucune n’est majoritaire), qui se répartissent en trois groupes principaux : les Kru au sud et à l’est (Bassa 14 %, Grebo 10 %, Kru 5,5 %, Krahn 4,5 %…) ; les Mandé du nord (Kpelle ou Guerzé au nord-est de Monrovia, 20 %, Lorma 5 % au nord-ouest, Vaï à l’ouest 4 %) ; les Mandé du sud (Gio ou Dan 8 % et Mano 7 % au nord). Les « Americanos » et « Congos » (descendants respectifs d’esclaves américains et caribéens) sont moins de 5 %.

La langue officielle est l’anglais, avec diverses variantes. Les habitants sont chrétiens à 85 %, musulmans à 12 %.


Bien que les Européens aient fondé des établissements sur les côtes du Liberia dès le XVe siècle, ils ne l’ont jamais réellement colonisé. Ceux qui s’y implantent sont des Américains, en l’occurrence une société philanthropique : en 1822, l’American Colonization Society achète à un roi local des terres pour y installer des esclaves noirs libérés ; le territoire reçoit le nom de Monrovia, en l’honneur du président américain Monroe. L’immigration de Noirs américains fait prospérer la colonie et d’autres établissements similaires qui proclament leur indépendance en 1847 sous le nom de Liberia. Dans les années suivantes, la première république jamais créée en Afrique s’étend au détriment des autochtones, afin de faire face à l’immigration croissante d’esclaves affranchis et de descendants d’esclaves : le territoire des Gallinas (au nord-ouest) est occupé en 1848, celui du Cassa en 1862 et le royaume de Medina en 1882. En 1857, le Liberia absorbe également la république du Maryland qui, elle aussi, avait été fondée (en 1834) pour accueillir des anciens esclaves au cap Palmas, au sud du littoral libérien. Par la suite, les frontières du pays vont être modifiées à plusieurs reprises entre 1885 et 1910, notamment lorsque la France rachète le tiers oriental de son territoire pour le rattacher à sa colonie de Côte d’Ivoire. Dans les années 1930, l’armée libérienne prend le contrôle de l’intérieur du pays, grâce aux subsides procurés au budget de l’État par les investissements américains (dont ceux de Firestone dans les plantations d’hévéas).

Dès les premiers pas de la jeune république, des tensions apparaissent entre les Américano-Libériens et les autochtones ou natives (représentant 95 % de la population). Les premiers exercent un pouvoir sans partage, à la faveur d’un suffrage censitaire et de la transformation du True Whig Party en parti unique de facto. Les autochtones sont soumis à de lourdes taxes, que n’acquitte pas l’élite, et au travail forcé dans les plantations de caoutchouc, ce qui vaut au Liberia d’être condamné par la Société des Nations en 1931. Les natives n’obtiennent le droit de vote qu’au début des années 1960, sous la présidence de William Tubman, qui demeure en fonction jusqu’à sa mort en 1971.


Les choses s’inversent en avril 1980, lorsque le Président Tolbert est renversé et exécuté lors d’un coup d’État dirigé par Samuel Doe, un sergent-chef formé par les Bérets verts américains : pour la première fois depuis l’indépendance, un native dirige le pays. D’abord chef d’un Conseil populaire de rédemption, Doe se fait élire Président de la république en 1985. Il instaure un régime dictatorial et privilégie son ethnie Krahn, ce qui crée d’autant plus de ressentiment dans le reste de la population que la situation économique se dégrade. Fin 1985, le pouvoir déjoue une tentative de putsch fomentée par des Gio et des Mano et se livre à des représailles contre ces ethnies établies dans la région du mont Nimba, à la frontière de la Côte d’Ivoire et de la Guinée.

Ce n’est que partie remise. A la fin de l’année 1989, des affrontements éclatent entre les forces gouvernementales et des combattants rebelles se réclamant du Front national patriotique du Liberia (NPFL), dirigé par Charles Taylor. Né d’un père américano-libérien et d’une mère autochtone, cet ancien conseiller du gouvernement en a été chassé pour détournement de fonds, avant de rejoindre la Libye pour se former à la guérilla. Principalement composée de Gio et de Mano, sa rébellion progresse rapidement dans tout le pays, en recrutant de nombreux enfants au sein de « small boy units », dont les membres sont drogués au powa (un mélange d’alcool, d’amphétamines et de poudre à canon !).

Face à la progression du NPFL, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) déploie sa force régionale l’Ecomog pour défendre la région de Monrovia, où vit environ un tiers de la population. De ce fait, la situation s’enlise. Côté rebelles, le NPFL est affaibli par la sécession de l’Independent national patriotic front (INPFL) de Prince Johnson, un ancien officier de l’armée libérienne impliqué dans l’assassinat du président burkinabè Thomas Sankara en 1987. Ce sont ses hommes qui, en septembre, capturent, torturent et assassinent Samuel Doe, dont le corps dénudé est exposé dans les rues de Monrovia. La guerre s’exporte aussi en Sierra-Leone voisine : Taylor y suscite la naissance du RUF, afin de prendre le contrôle des mines de diamants du pays (conquête sanglante qui leur vaudra le surnom de « diamants de sang). Inversement, le NPFL doit affronter un mouvement armé venu de Sierra-Leone : l’United Liberation Movement of Liberia for Democracy (Ulimo), formé par d’anciens soldats Krahn de Doe.

Sur le terrain, la situation devient de plus en plus confuse, avec l’apparition de nouvelles factions et de « seigneurs de la guerre » voulant leur part de butin. Dans le sud-est, le NPFL doit affronter le Liberian peace council (LPC, issu de l’Ulimo), tandis qu’à l’ouest s’affrontent deux factions rivales de l’Ulimo, l’une à majorité Krahn, l’autre à forte composante Mandingue. A l’extrême nord-ouest, près de la frontière guinéenne, les différents belligérants doivent également compter avec la Lofa Defense force (LDF), qui veut protéger l’ethnie Lorma. La situation s’enlisant, un quinzième accord de paix est négocié en 1996, sous l’égide du Nigeria. Il met fin à un conflit qui a fait au moins 200 000 morts, très majoritairement civils. L’année suivante, Taylor est élu Président de la république avec 75 % des voix.


Mais le pouvoir du Président est fragile. Ses tentatives de le consolider par des moyens dictatoriaux provoquent le déclenchement d’une deuxième guerre civile en 1998, quelques mois après le départ des forces de l’Ecomog. A l’ouest, la rébellion est menée par un mouvement soutenu par la Guinée, les Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD) qui rassemble des anciens de l’Ulimo et du LPC, ainsi que des déçus du régime Taylor. A l’est, les rebelles appartiennent au Mouvement pour la démocratie au Liberia (Model) : beaucoup de ses membres ont été recrutés dans les camps de réfugiés libériens pour défendre (sous l’étiquette de Front de libération du grand ouest ivoirien) le Président de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo contre une rébellion nordiste soutenue par Taylor.

Les rebelles s’étant emparés d’une grande partie du pays et prenant Monrovia en étau, Taylor s’enfuit à l’été 2003 au Nigeria, tandis qu’une force de l’ONU, soutenue par un petit contingent américain, entreprend de désarmer les 40 000 combattants des différents camps libériens. Neuf ans plus tard, Taylor est condamné à cinquante ans d’emprisonnement pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre par le Tribunal spécial de l’ONU pour la Sierra-Leone, en raison du soutien apporté au RUF lors de la guerre civile sierraléonaise. Le Liberia, lui, sort exsangue des conflits, en dépit de ses richesses naturelles (or, fer, bois, caoutchouc, diamant).

En 2005, après deux années de transition supervisées par l’ONU, le Liberia élit à la présidence Ellen Johnson Sirleaf, descendante du premier Président « Américano » à être né sur le sol libérien (1884-1892). Victorieuse d’une ancienne star internationale de football, George Weah, soutenu par d’anciens chefs de guerre, cette banquière sexagénaire devient la première femme à être élue démocratiquement à la tête d’un pays africain. Elle est réélue six ans plus tard, avec près de 91 % des voix, son adversaire n’ayant pas disputé le second tour pour dénoncer l’utilisation abusive des moyens de l’État par sa rivale. Mais, en deux mandats, Sirleaf ne parvient pas à reconstruire l’économie du pays, toujours en proie à la corruption et frappé en 2014-2015 par une grave épidémie de fièvre Ebola. Dans l’intérieur du pays, la réalité du pouvoir est détenue par des notables qui sont, parfois, d’anciens seigneurs de la guerre, à l’image de Prince Johnson dans le comté nordiste de Nimba.

Ne pouvant se représenter, Sirleaf est remplacée en 2017 par George Weah, native d’origine Kru, né dans un bidonville de Monrovia. Mais, malgré ses promesses de relance de l’économie et de réduction de la pauvreté, l’ex-footballeur n’effectue qu’un mandat. En 2023, il est défait d’une courte tête par Joseph Boakai : battu six ans plus tôt, l’ancien vice-Président de Sirleaf a bénéficié du revirement de Prince Johnson, qui avait jusqu’alors soutenu l’ancienne star du ballon rond. L’ancien chef de guerre meurt fin 2024.

Photo de une : le quartier de Waterside à Monrovia.