Macédoine du nord

Macédoine du nord

L’ex-république yougoslave s’efforce de normaliser ses relations avec ses voisins grec et bulgare.

25 713 km²

République parlementaire

Capitale : Skopje

Monnaie : denar macédonien

2,1 millions d’habitants (Macédoniens)

L’ex-république yougoslave de Macédoine est enclavée au milieu de cinq pays, avec lesquels elle partage 838 km de frontières terrestres : 101 avec la Serbie et 160 avec le Kosovo au nord, 162 avec la Bulgarie à l’est, 181 avec l’Albanie à l’ouest et 234 km au sud avec la Grèce (qui a longtemps contesté au pays le droit de porter le nom historique de Macédoine).

Très montagneux (avec une trentaine de sommets à plus de 2000 m, dont le plus élevé à plus de 2760), le pays est traversé du nord au sud par le Vardar, qui se jette dans la mer Égée. Il compte une cinquantaine de lacs, dont le plus ancien d’Europe (le lac d’Ohrid, 349 km², partagé avec l’Albanie). Le climat est tempéré.

Officiellement, plus de 58 % de la population est d’ethnie macédonienne et un peu plus de 24 % albanaise, mais la part de cette minorité est sans doute supérieure (nombre d’Albanais boycottant les recensements). Le reste des habitants est d’origine turque (4 %), rom (officiellement 2,5 % mais plus probablement entre 6,5 et 13 %), serbe, aroumaine (valaque), bosniaque…

Les langues officielles nationales sont le macédonien et l’albanais. D’autres idiomes bénéficient de ce statut au niveau régional, dès lors que leurs locuteurs représentent plus de 20 % de la population d’une région : c’est le cas du turc, du serbe, de l’aroumain et du romani.

60 % de la population est chrétienne (à 46 % orthodoxe) et 32 % musulmane.


Devenue territoire de l’Empire Ottoman, la Macédoine historique est partagée en 1912-1913, à l’issue de la première Guerre balkanique (cf. Balkans) entre la Bulgarie (Macédoine du Pirin), la Grèce (Macédoine égéenne) et la Serbie ; d’abord simple province serbe, cette dernière partie devient en 1944 une des six composantes de la Fédération yougoslave, sous le nom de république socialiste de Macédoine. Lorsque la Yougoslavie commence à se fissurer en 1991, avec les déclarations d’indépendance slovène et croate (cf. De la Yougoslavie à la Serbie), la Macédoine décide à son tour de tenir un référendum. Les partisans de l’indépendance remportent 95 % des suffrages et proclament la souveraineté du pays sous le nom de « république de Macédoine ». Cette dénomination provoque la fureur du voisin grec, qui la revendique comme une partie majeure de son histoire, en référence aux rois macédoniens de l’Antiquité, Philippe II et Alexandre le Grand. Athènes s’efforce donc de bloquer l’intégration du jeune État à la communauté internationale, notamment à l’ONU. Skopje parvient certes à y adhérer, mais sous le nom d’ancienne république yougoslave de Macédoine (FYROM en anglais). Sous la pression de la Grèce, qui exerce même un blocus économique d’une vingtaine de mois, le pays doit changer de drapeau en 1995 : celui qu’il avait choisi trois ans plus tôt avait le tort, aux yeux d’Athènes, d’arborer le soleil de Vergina (un rond central entouré de seize rayons), symbole découvert dans le tombeau de Philippe II. Le nouvel emblème adopté s’en rapproche tout en étant différent, avec seulement huit rayons qui rejoignent les bords du drapeau. Skopje doit également renoncer à certains articles de sa Constitution, jugés irrédentistes par Athènes, notamment celui stipulant que la Macédoine « veille à la situation et aux droits des citoyens d’origine macédonienne dans les pays voisins ».

Signe des tensions existant dans le pays, le Président Gligorov est gravement blessé (et son chauffeur tué) dans un attentat à la voiture piégée à Skopje, en octobre 1995, sans qu’on sache si l’action est due aux ultranationalistes macédoniens ou albanais. Comme la plupart des dirigeants du pays, il appartient à la formation qui domine, quasiment sans interruption, la scène politique depuis l’indépendance : l’Organisation révolutionnaire macédonienne intérieure – Parti démocratique pour l’unité nationale macédonienne (VMRO-DPMNE), parti nationaliste de droite qui se présente comme l’héritier de la VMRO (ORIM en français) autrice de l’assassinat du Premier ministre bulgare en 1923 et du roi de Yougoslavie en 1934.

Les nationalistes macédoniens se heurtent à la minorité albanaise qui revendique, entre autres, d’être reconnue comme nation constitutive du pays et de bénéficier de droits socio-économiques accrus. Les deux communautés vivent largement séparées : les mariages mixtes sont rares, les quartiers et commerces fréquentés ne sont pas les mêmes, les enfants vont dans des salles de classe séparées dans les écoles rurales… La majorité macédonienne est d’autant moins encline à faire des concessions que, selon certains démographes, les Albanais pourraient devenir majoritaires dans le pays sous une quarantaine d’années. Récurrentes depuis les années 1980, les tensions s’accentuent avec l’afflux de réfugiés albanophones fuyant le Kosovo en guerre, ainsi que le Sandjak serbe. Plus radicaux que les locaux, ils dénoncent la sous-représentation des Albanais dans l’administration et dans les universités macédoniennes, alors que leur principale représentation politique (le Parti de la prospérité démocratique, PPDA) est pourtant membre du gouvernement. En janvier 2001, les différends ethniques prennent une tournure guerrière, lorsque d’anciens combattants de la guerre d’indépendance du Kosovo lancent une guérilla dans le nord-ouest de la Macédoine. L’Armée de libération nationale (UÇK-M) réclame davantage d’autonomie pour la communauté albanaise. Soutenus par la population locale et bien équipés (notamment grâce aux milliers d’armes volées dans les casernes d’Albanie, lors de la crise de 1997 dans ce pays), les rebelles attaquent l’armée et la police le long de la frontière kosovare. Ils s’avèrent même capables d’occuper Tetovo, la deuxième ville de Macédoine, peuplée à 80 % d’Albanais. Sous l’égide des Américains et des Européens, des négociations s’engagent rapidement et aboutissent à la signature des accords d’Ohrid, dès le mois d’août 2001. Les Albanophones y obtiennent de nouveaux droits : statut de deuxième langue officielle pour l’albanais dans les communes où ses locuteurs forment plus de 20 % de la population, représentation accrue dans la fonction publique et la police, minorités de blocage au Parlement et dans les assemblées locales sur les questions d’ordre culturel les concernant…


Politiquement, les albanophones sont représentés par deux organisations rivales, qui participent au gouvernement dans des camps différents. En 2002, les élections législatives voient une rare défaite du VMRO-PDPME, allié au Parti démocratique des Albanais (PDSh, qui a absorbé le PPDA trop modéré). La victoire revient à l’Union sociale-démocrate (SDSM, héritière de la défunte Ligue communiste), associée aux radicaux de l’Union pour l’intégration économique (BDI) d’Ali Ahmeti, un ancien chef de l’UÇK-M. La campagne des élections suivantes est d’ailleurs marquée, en 2008, par des violences entre les deux formations albanaises, avec un mitraillage mutuel de leurs permanences.

La même année, la situation avec la Bulgarie se décrispe : Skopje reconnaît que la Macédoine
de Pirin appartient aux Bulgares, tandis que Sofia admet l’existence d’une culture et d’une langue macédoniennes, alors que cette dernière était considérée jusque-là comme « du bulgare tapé sur une machine à écrire serbe ». En pratique, les deux parlers ont une base commune, mais se sont progressivement différenciés : la langue macédonienne a été standardisée dans la première moitié du XXe siècle à partir de dialectes bulgares de la région de Skopje, tandis que la langue officielle de la Bulgarie est né, à la fin du XIXe, d’un dialecte bulgare oriental.

Les tensions entre communautés macédonienne et albanaise restent en revanche très vives. Plusieurs incidents éclatent en 2012, notamment après la découverte de cinq corps de Macédoniens, au nord de Skopje : la police, qui incrimine des islamistes radicaux, doit déployer des blindés anti-émeutes pour empêcher des jeunes Slaves de franchir la rivière Vardar, afin d’en découdre avec les Albanais vivant dans la partie méridionale de la capitale. En mai 2015, des affrontements entre les forces de l’ordre et un groupe armé albanais font une vingtaine de morts à Kumanovo, au nord du pays.

Fin 2016, le pays s’enfonce dans une crise institutionnelle, le VMRO-DPMNE et le SDSM revendiquant tous deux la victoire aux législatives anticipées, sur fond d’accusations de fraude et de corruption contre le parti au pouvoir. Bénéficiant d’une très courte majorité en sièges, les conservateurs espèrent rester aux affaires en obtenant le soutien des partis albanais, mais c’est le SDSM qui y parvient ; cette alliance est toutefois rejetée par le Président nationaliste de la république, au motif que son programme donne trop d’importance aux albanophones et porte ainsi atteinte à l’intégrité territoriale de la Macédoine. En avril suivant, l’élection d’un Albanais à la tête du Parlement déclenche l’irruption de dizaines d’ultranationalistes qui s’en prennent physiquement aux députés du SDSM et de ses alliés. Finalement, le chef d’État cède et laisse au SDSM le soin de former le gouvernement. Comme annoncé, une nouvelle loi votée en 2018 accorde à l’albanais le statut de langue officielle nationale, le macédonien restant en revanche la seule à pouvoir être utilisée dans les relations internationales.

La même année, la Macédoine et la Grèce parviennent à s’entendre, après des années de tension (d’autant plus vives que Skopje a donné le nom d’Alexandre le Grand à son aéroport international et érigé une statue monumentale de « guerrier à cheval » dans lequel les Grecs reconnaissent leur ancien empereur). En vertu de l’accord signé entre Skopje et Athènes, le pays prendra le nom de république de Macédoine du nord et devra cesser d’utiliser toute référence à la Macédoine antique… dispositions qui déchaînent l’hostilité des nationalistes de chaque pays. La nouvelle appellation est toutefois adoptée par référendum (90 % de « oui », mais seulement 36 % de participation), puis aux deux-tiers par le Parlement de Skopje, mais plus difficilement par celui d’Athènes (à une courte majorité absolue).

Ayant normalisé ses relations avec la Bulgarie et la Grèce, la Macédoine du nord rejoint l’OTAN en 2020 et débute, deux ans plus tard, des négociations d’adhésion à l’Union européenne.

Photo : statue d’Alexandre le grand à Skopje. Crédit : Markus Winkler / Pexels