Occupant un peu plus de 220 000 km², le territoire coréen s’étend sur 800 à 900 km de long et environ 200 km de large. A la péninsule de Corée proprement dite s’ajoutent quelque trois mille îles, ainsi que les terres s’étendant du nord de l’isthme de Corée – qui sépare la péninsule du reste de l’Asie – jusqu’aux fleuves Yalu et Tumen au nord, lesquels marquent la frontière avec le territoire des populations toungouses. La péninsule compte trois façades maritimes, sur la mer Jaune à l’ouest, la mer de l’Est (que les Nippons appellent mer du Japon) et les détroits de Corée et de Tsushima qui la séparent au sud de l’archipel japonais, distant d’environ 160 km. 70 % du territoire est composé de zones montagneuses, en partie couvertes de forêts. La chaîne principale est celle des monts Taebaek, sur le versant oriental, mais le point culminant (le mont Paektu, à un peu plus de 2 700 m) est un volcan situé à l’extrême nord-est. Tournés vers la mer Jaune, et au-delà vers la Chine, l’ouest et le sud offrent en revanche des plaines côtières favorables à la culture. Au nord, Pyongyang est également situé dans une plaine.
Au nord-est, la Corée est bordée par la Mandchourie, région de plaines et de forêts qui désigne le quadrilatère délimité par les monts Khingan à l’ouest, le fleuve Amour et la Sibérie au nord, la rivière Oussouri et la frontière coréenne à l’est, la péninsule chinoise du Liaodong au sud.
SOMMAIRE
- De la première unification à la tutelle des Empereurs de Chine
- De la réunification aux convoitises japonaises
- De l’occupation japonaise à la partition Nord / Sud
- Une guerre meurtrière et sans paix
- ENCADRE : Mandchourie chinoise et russe
- ENCADRE : Les diasporas coréennes
Selon la légende, le royaume de Joseon ou Choson (« Matin calme ») aurait été fondé, vers -2 300, en Mandchourie et au nord de la Corée, par un nommé Tangun, issu de l’union d’un homme et d’une ourse métamorphosée en femme. Au-delà du mythe, la région est alors peuplée, très faiblement, par des populations dont la langue diffère totalement du chinois : certains linguistes rattachent le coréen à la famille « altaïque » ou « ouralo-altaïque ».
La Corée entre véritablement dans l’histoire vers -194, quand un dénommé Wiman s’empare du trône du Joseon, dont le cœur est alors situé dans la vallée du Taedong, près de l’actuelle capitale nord-coréenne. C’est dans le bassin inférieur de ce même fleuve que, en 108-107 AEC, l’Empereur han Wudi établit la colonie de Nakland et trois autres commanderies chinoises, colonisation qui entraîne la disparition du Joseon. Les seules entités à échapper à l’influence des Han sont les chefferies d’Okcho, à l’extrême nord-est (jusqu’à la basse vallée de la Tumen) et de Tongye sur la côte nord-orientale de la péninsule.
Quant au souverain déchu du Joseon, il se réfugie chez le roi de la confédération Jin (sans rapport avec les dynasties homonymes de Chine), formée par de petites entités du centre et du sud de la péninsule, sans doute au IIIème siècle. Fondant sa richesse sur l’exploitation du bronze, elle semble alors suffisamment puissante pour entretenir des relations avec la Cour des Han. Mais elle décline aux siècles suivants pour laisser place à trois nouvelles confédérations (Samhan) de cités-Etats : la plus étendue, celle de Mahan, occupe un large flanc sud-ouest de la péninsule ; les deux autres, Jinhan et Byonhan, se partagent le quart sud-est. Progressivement, elles vont se fondre dans les nouveaux États qui émergent au cours du 1er siècle AEC : le Jinhan dans le royaume de Silla, fondé vers -57 au sud-est autour de Gyeongju (qui prendra peu à peu le nom de Séoul, « ville capitale ») ; le Mahan dans le royaume de Paekche, créé vers -18 au sud-ouest, et le Byonhan dans la ligue de Kaya, fédération de petites entités née en 42 EC dans l’extrême sud-est.
Au nord un nouveau royaume a émergé dans le bassin inférieur du fleuve Tongjiajiang, en Mandchourie du Sud : le Koguryo (Goguryeo). Il a été fondé, vers -37, par des tribus locales alliées à des émigrés Puyŏ, un peuple d’origine incertaine qui a établi, au IIIème siècle AEC, son royaume de Buyeo. Situé en Mandchourie centrale, il oscille au fil des siècles entre tutelles des dynasties chinoises (Han Orientaux en 120, Wei du nord en 457), attaques du Koguryo et raids des Murong (285, puis 346). Ce clan, qui a fondé au IIIème siècle un royaume au sud-ouest de la Mandchourie, appartient à une vaste confédération de tribus mongoles, et sans doute toungouses, née à la fin du 1er siècle EC dans la vallée du haut Amour : les Xianbei [1].
Au sud, l’impératrice japonaise a pris officiellement possession, vers 200, de la ligue de Kaya (baptisée Minama en nippon), tandis que le Koguryo est devenu la puissance majeure de toute la partie nord, son influence s’exerçant jusqu’à l’actuel Extrême-Orient russe. En 313-314, les deux victoires qu’il remporte sur les Jin orientaux entraînent la disparition des commanderies chinoises, dont les garnisons avaient commencé à se retirer dès la fin du IIème siècle. L’influence culturelle de la Chine reste néanmoins marquante dans la péninsule, puisque le bouddhisme comme les caractères et le mode de gouvernance chinois se diffusent à la fin du IVème au Paekche et au Koguryo qui atteint son expansion maximale au début du Vème : Kwanggaeto le Grand s’empare alors de l’Okcho et du Tongye, ainsi que de résidus du royaume de Buyeo, dans l’actuelle région sino-coréenne de Yianbian [2].
[1] Xianbei et Murong vont ensuite envahir la Chine du nord et y former des royaumes (cf. Monde sino-mongol).
[2] La seule région du Buyeo restée indépendante, celle d’Harbin, passe aux mains d’une ethnie de Mandchourie, les Wuji, à la fin du Vème siècle.
De la première unification à la tutelle des Empereurs de Chine
Les cartes sont rebattues au VIème. Dans la seconde moitié du siècle, le Japon perd ses possessions du Minama au profit du Silla alors en pleine expansion. Au milieu du VIème, le royaume du sud-est a en effet fait alliance avec le Paekche pour prendre la haute vallée de la rivière Han au Koguryo, puis s’est retourné contre son allié pour s’emparer de la basse vallée. Située au centre de la péninsule, dans les environs de Séoul, cette région est alors considérée comme stratégique, son contrôle pouvant permettre de dominer toute la péninsule. Un siècle plus tard, le Silla unifie toute la péninsule, avec l’aide des Tang chinois : après une victoire sur le Paekche (pourtant soutenu par les Nippons) en 654, il défait le Koguryo en 668. Dans la foulée, l’Empereur de Chine essaie d’annexer son allié coréen, mais il résiste et parvient à conserver son indépendance, contre le versement d’un tribut. A l’extrême-nord, un nouveau royaume est fondé en 698 par des fuyards coréens du Koguryo, alliés à des Toungouses Mohe : le Parhae (ou Balhae, Bohai en chinois) qui, dans la première moitié du VIIIème, s’étend sur la Mandchourie, le nord de la Corée et la Sibérie orientale.
L’unification de la péninsule ne dure environ qu’un siècle. Dans la seconde moitié du VIIIème, le Paekche et le Koguryo renaissent de leurs cendres, en profitant de l’affaiblissement du Silla qui se scinde lui-même en trois royaumes (892). Vers 935, un nouvel état unitaire – qui va laisser son nom à toute la péninsule – voit le jour : le Koryo (ou Goyeo), fondé par un marchand du Koguryo, avec pour capitale la ville de Kaesong, au centre de la péninsule. Dès la fin du Xème, le nouveau royaume doit faire face aux invasions des Mongols Khitan qui, après avoir soumis le Bohai (entre 926 et 934), mettent à sac Kaesong en 1010 et lui imposent tribut. Pour se protéger d’eux, le Koryo érige une muraille à sa frontière nord, entre 1033 et 1044. Malgré cela, après 1115, il devient tributaire des Djurtchet (ou Jurchen), des Toungouses de Mandchourie orientale qui ont supplanté les Khitan et pris le pouvoir au nord de la Chine[1].
Mais en 1234, après avoir été vaincus par les Mongols, les Djurtchet doivent abandonner leurs possessions chinoises et se replier en Mandchourie, afin de conserver leur indépendance. Nouveaux maîtres de la Chine, les Mongols mettent aussi la Corée sous tutelle, jusqu’à leur éviction du sol chinois par les Ming, en 1368. Vingt ans plus tard, un général de l’armée coréenne profite de ce changement survenu en Chine pour s’emparer du trône de son pays et fonder une nouvelle dynastie, les Yi (ou Joseon), qui réinstallent la capitale à Séoul, alors dénommée Hanseong[2].
[1] Les Djurtchet sont considérés comme de potentiels descendants des Mohe du Parhae.
[2] Rebaptisée Gyeongseong lors de l’occupation japonaise, Séoul retrouvera son nom en 1945.
De la réunification aux convoitises japonaises
Fidèle alliée des Chinois, la nouvelle famille régnante adopte le néo-confucianisme comme idéologie officielle et fixe leur frontière commune sur les fleuves Yalu et Tumen, délimitation toujours en vigueur au XXIème siècle. Dans les années 1440, son administration procède à une réforme majeure : l’introduction d’un nouvel alphabet pour écrire la langue coréenne[1], le hangul, à la place de caractères chinois trop compliqués pour la majorité de la population. Mais, affaibli par les luttes de clans, le pouvoir coréen se retrouve à la merci des deux puissances de la région. Le Japon s’étant vu refuser le passage par la péninsule pour attaquer la Chine, des troupes japonaises débarquent en Corée en 1592. La guerre d’Imjin ne se termine que six ans plus tard, grâce à l’intervention des Ming mais aussi aux prouesses de l’amiral coréen Yi Sun-sin, inventeur du « bateau tortue », le premier cuirassé de haute mer du monde.
Bien que victorieux, le royaume coréen sort très appauvri du conflit. En 1637, il doit se résoudre à accepter de nouveau la tutelle des Djurtchet, dont un chef a fédéré les différents clans en « bannières », dans les années 1590. Ayant rallié les Mongols méridionaux, son fils obtient des Chinois la souveraineté sur le sud de l’actuelle Mandchourie, dans le premier tiers du siècle suivant. Après s’être emparé du sceau impérial détenu par les héritiers de Gengis Khan, Abahai se décrète grand khan des Mongols, puis Empereur de Chine en 1636 (cf. Monde sino-mongol).
Réfractaire à toute intrusion occidentale – les navires étrangers qui s’approchent trop près de ses côtes sont bombardés – la Corée devient alors connue en Occident sous le nom de « royaume ermite ». En pratique, elle laisse le soin à son suzerain chinois de mener sa politique extérieure, ce qui nourrit des réactions xénophobes au sein de la population : dans les années 1860 s’affirme ainsi une secte dite Tonghak (« doctrine orientale ») qui gagne du terrain, malgré l’exécution de son chef. Les premiers à forcer le passage coréen sont les Japonais qui, à la suite d’incidents navals répétés, obligent les autorités locales à ouvrir trois ports au commerce nippon en 1876. Des émeutes anti-japonaises ayant éclaté six ans plus tard, le Japon et la Chine déploient des troupes dans le pays. Ils ne les retirent qu’en 1885, après avoir signé un accord et après que les Chinois ont déjoué, l’année précédente, une tentative de coup d’État mené par des modernistes coréens, séduits par l’ouverture en cours au Japon (ère du Meiji). Mais les armées des deux puissances rivales reviennent en Corée dès 1894 : le roi coréen ayant appelé à l’aide son suzerain chinois, pour mettre fin à une nouvelle révolte de la secte Tonghak, le régime japonais envoie également des soldats. Sauf que cette fois, aucun des deux pays ne veut retirer ses troupes, même après que la rébellion a été matée.
Le Japon profite de ce blocage pour déclarer la guerre à la Chine, dont il détruit la flotte en février 1895. Avec la défaite de l’Empire des Qing, la Corée quitte l’orbite chinoise pour devenir indépendante mais entrer, en réalité, dans la mouvance japonaise. Les Coréens essaient d’y échapper en sollicitant l’aide de la Russie, dont la puissance en Mandchourie inquiète les Nippons. En 1904, Tokyo déclare la guerre à la Russie et détruit sa flotte en mai 1905, dans le détroit de Tsushima séparant la Corée du Japon. A ce moment-là, des troupes nippones ont déjà débarqué en Mandchourie, pris les villes de Port-Arthur et Moukden et occupé le Liaodong chinois. Le traité signé en septembre à Portsmouth, sous l’égide des Etats-Unis, reconnaît la suprématie japonaise en Corée.
[1] Composée de nombreux dialectes, la langue coréenne ne sera unifiée que dans les années 1930, sur la base du parler de Séoul.
De l’occupation japonaise à la partition Nord / Sud
Devenue protectorat nippon en 1905, la péninsule coréenne est définitivement annexée cinq ans plus tard. Les Coréens étant considérés comme « une race inférieure », leur pays est soumis à une exploitation de type colonial, encadrée par un régime répressif. La preuve en est apportée au printemps 1919, quand les forces d’occupation répriment violemment (6 000 morts) une manifestation de centaines de milliers de personnes dans la capitale coréenne. Cela n’empêche pas l’opposition de s’organiser politiquement – avec la création d’un gouvernement provisoire à Shanghai sous la présidence de Syngman Rhee – et militairement : des mouvements armés naissent en Mandchourie, où ils donneront naissance en 1934 à l’Armée révolutionnaire populaire de Kim Il-sung. Si l’occupation japonaise donne quelques signes de détente dans les années 1920, elle se durcit à nouveau la décennie suivante, avec la reprise de l’expansion nippone : conquise en 1931, la Mandchourie est transformée en État fantoche, le Mandchoukouo, dont la gouvernance est confiée au dernier Empereur de la dynastie mandchoue de Chine, déposé en 1911. Durant la seconde guerre mondiale, la péninsule coréenne est épargnée par les combats ; en revanche, plus de cinq millions de ses habitants sont soumis au travail obligatoire, dont plus d’un million au Japon.
Après la défaite de l’Empire du soleil levant, les Soviétiques et les Américains sont chargés de désarmer les troupes japonaises de part et d’autre du 38ème parallèle (juste au sud de Kaesong), tandis qu’une commission soviéto-américaine est chargée de mettre en place le gouvernement provisoire chargé d’administrer la Corée durant les cinq années pendant lesquelles elle resterait sous la tutelle des quatre grands vainqueurs de la guerre (Chine et Grande-Bretagne comprises). Au nord, l’URSS a instauré une République socialiste : elle est d’abord confiée à un nationaliste chrétien, Cho Man-sik, qui est rapidement éliminé au profit de Kim Il-sung, jugé (à tort) plus docile, au motif qu’il était devenu capitaine dans l’Armée rouge lors de la guerre contre les Nippons. Son Parti du travail (communiste) est le seul à accepter un régime transitoire que la plupart des autres partis rejettent.
Pour sortir de l’impasse, Washington porte le dossier coréen devant l’ONU. Mais comme Moscou choisit de ne pas se prononcer, la Commission temporaire mise en place par les Nations-Unies ne peut exercer son mandat qu’au sud du 38ème parallèle. C’est dans cette moitié méridionale que Syngman Rhee remporte les élections en mai 1948 et forme, en août suivant, la République de Corée soutenue par les États-Unis. Au nord, une Assemblée du peuple de toute la Corée (comprenant de nombreux représentants sudistes) est élue en août 1948 et proclame la République populaire de Corée, soutenue par la Chine et l’URSS : son gouvernement est dirigé par Kim Il-sung. A la fin de l’année, Soviétiques puis Américains retirent leurs troupes, laissant deux rivaux face-à-face [1] : au nord, un État communiste régissant environ 55 % du territoire coréen et bénéficiant de l’essentiel des structures industrielles créées par les Japonais ; au sud, un État plus peuplé (qu’ont d’ailleurs rejoint environ un million de nordistes) à l’économie libérale et essentiellement agricole.
[1] Leurs différences portent même sur les termes qu’ils emploient pour parler du pays unifié : Joseon en Corée du Nord et Hanguk en Corée du Sud.
Une guerre meurtrière et sans paix
En juin 1950, la Corée du nord lance une opération de réunification, persuadée que son voisin méridional est trop affaibli pour résister : en 1948, Syngman Rhee a en effet dû déployer la garde nationale et des milices pour réprimer les opposants à son régime dictatorial [1]. En trois jours, l’armée nord-coréenne s’empare de Séoul, située à quelques dizaines de kilomètres de la frontière. Tout en apportant un soutien militaire à une armée sudiste en déroute, les États-Unis saisissent le Conseil de sécurité de l’ONU qui, en l’absence de Moscou [2], décrète l’envoi d’une force internationale sous le commandement du général américain Mac Arthur. Quand ces troupes débarquent à l’ouest de Séoul, en septembre, le régime sudiste ne tient plus que l’extrême sud-est, autour du port de Pusan. L’offensive des forces onusiennes est si violente (650 000 tonnes de bombes, notamment au napalm, sont déversées sur les villes du nord) qu’elles franchissent le 38ème parallèle et se lancent à l’assaut du nord, jusqu’au fleuve Yalu frontalier de la Chine.
En octobre, des millions de « volontaires » chinois franchissent alors leur frontière pour soutenir le régime nord-coréen. L’ampleur des renforts dirigés par Lin Biao, chef de l’Armée populaire de Pékin, est telle que Mac Arthur doit se replier. En décembre, le front se stabilise sur le 38ème parallèle et Séoul, à portée des bombes ennemies, doit être évacuée. Pour débloquer la situation, le chef des forces de l’ONU menace alors de bombarder des ponts sur le Yalu, voire des bases arrière chinoises. Face au risque d’escalade, le Président américain Truman démet Mac Arthur en avril 1951. A l’initiative de l’URSS, des pourparlers s’engagent en juillet et finissent par aboutir deux ans plus tard. En juillet 1953, la Chine, les États-Unis et la Corée du nord signent un cessez-le-feu à Panmunjom, près du 38ème parallèle. En revanche, la Corée du sud ne le paraphe pas, car elle considère qu’il entérine la partition du pays : l’accord instaure une zone démilitarisée (DMZ) entre les deux Corée, sur quatre kilomètres de largeur (deux de chaque côté) et trois cent quarante-six kilomètres de long. Le conflit, qui se termine sans la moindre signature d’accord de paix, a fait environ quatre millions de morts et disparus, dont plus de la moitié de civils (soit près de 10 % de la population coréenne de l’époque) : plus de 500 000 combattants Coréens et 900 000 Chinois sont tombés côté nord, plus de 350 000 Coréens et 57 000 soldats onusiens côté sud.
[1] La répression fait entre 14 000 et 20 000 morts dans la seule île de Jeju.
[2] A l’époque, l’URSS boycotte l’ONU car le siège de la Chine y est encore occupé par les nationalistes de Taïwan.
MANDCHOURIE chinoise et russe
Bien qu’étant le berceau de peuples ayant dominé les steppes et le monde chinois (Xianbei, Djurtchet, Mongols Khitan), la Mandchourie n’a pas d’identité ethnique ou historique propre. Même sa taille est à géométrie variable. Dans son acception la plus large, elle couvre 2,5 millions de km² : 60 % se situent au nord-est de la Chine et 40 % à l’extrême-est de la Russie, sur l’océan Pacifique.
La première, dite « Mandchourie intérieure », comprend les provinces de Jilin, Heilongjiang et Liaoning (où se trouve Shenyang, Moukden en mandchou), voire la partie orientale de la Mongolie-Intérieure et le nord du Hebei.
La Mandchourie russe ou « Mandchourie-Extérieure » comprend le kraï du Primorié (Vladivostock), le sud du kraï de Khabarovsk, l’oblast autonome juif et l’oblast d’Amour. Chinoise selon les termes du traité de Nertchinsk de 1689, cette zone a été cédée à la Russie à l’occasion des deux révisions du texte, effectuées en 1858 (traité d’Aigun) et 1860 (convention de Pékin). On y ajoute parfois l’oblast de Sakhaline.
Les diasporas coréennes
Située au nord-est de la Chine, dans la province du Jilin, la préfecture autonome chinoise de Yanbian est parfois surnommée « la troisième Corée ». Historiquement liée au royaume médiéval de Bohai, elle compte quelque trois millions d’habitants dont environ 40 % sont Coréens[1]. Essentiellement peuplée de nomades Mandchous jusqu’au dix-neuvième siècle, elle commence alors à accueillir de nombreux immigrés chinois, les Empereurs Qing souhaitant y implanter des populations sédentaires, afin de répondre à l’expansion russe en Extrême-Orient. Les migrants suivants sont des Coréens de la péninsule, à la fin du XIXème d’abord, puis après l’invasion de la Corée et de la Mandchourie par les Japonais : ceux-ci souhaitent utiliser l’immigration coréenne pour réduire l’influence chinoise dans la région. Le nombre de Coréens passe de 10 000 personnes en 1881 à plus de 600 000. Beaucoup vont rester à Yanbian après l’expulsion des Nippons, ce qui vaudra à la zone de bénéficier du statut, très théorique en Chine, de « préfecture autonome ».
De la fin du XIXème aux années 1930, d’autres Coréens quittent la péninsule et franchissent le Tumen pour s’installer en « Mandchourie extérieure » ou Primorié, la province maritime d’Extrême-Orient passée sous influence russe. La définition de la frontière russo-coréenne, en 1861, a conféré un caractère hautement stratégique à la région, car elle ferme l’accès de l’ennemi chinois à la mer du Japon. Les migrants coréens en profitent pour s’installer, encouragés par le manque de terres dans leur propre pays, puis par son occupation par le Japon. La révolution bolchévique n’y change rien, du moins jusqu’à l’avènement de Staline : soupçonnant ces immigrés d’être des espions à la solde des Japonais et redoutant qu’ils ne revendiquent une république autonome à Vladivostok, le dictateur soviétique ordonne la déportation de 170 000 d’entre eux vers les steppes du Kazakhstan et d’Ouzbékistan ; celles-ci présentent le double avantage d’être éloignées du Japon et de manquer de main d’œuvre. 40 000 personnes mourront de ce transfert, le premier de toutes les déportations de peuples auxquelles procèdera le régime stalinien. Après la chute de l’URSS, une partie de ces 500 000 « Koryo-Saram » (le nom qu’ils s’attribuent) quitte l’Asie centrale pour la Russie et l’Ukraine.
Le cas des quelque 600 000 Coréens du Japon est encore différent. La plupart descendent d’émigrés arrivés dans le pays, de force ou non, lors de l’occupation de la péninsule par les Nippons. La société japonaise les considère toujours comme des étrangers, quelle que soit leur génération d’arrivée
[1] Sur un total d’environ deux millions de Coréens vivant en Chine.