Guinée-Bissau

Guinée-Bissau

Coups d’État, assassinats, narcotrafic et instabilité chronique jalonnent les cinquante ans d’indépendance de l’ex-Guinée portugaise.

36 125 km²

République semi-présidentielle

Capitale : Bissau

Monnaie : franc CFA

2,1 millions de Bissao-Guinéens

Le pays compte 350 km de littoral, dont une large partie provient des 88 îles et îlots de l’archipel des Bijagos (2 624 km²) à l’embouchure du Rio Geba. Il partage 762 km de frontières terrestres avec deux pays : 341 avec le Sénégal (région de Casamance) au nord et 412 avec la Guinée (Conakry) au sud. Majoritairement plat, le relief culmine à moins de 280 m. Le climat est tropical.

Les deux plus grandes ethnies, également présentes dans les pays voisins, sont les Balante et les Peuls (30 % chacun), suivis des Manjaques (14 %), Mandingues (13 %), Papel (7 %, qui ont donné son nom à Bissau)... La langue officielle est le portugais, mais celle qui est effectivement parlée est sa variante créole, le krioulo. Le français étant maîtrisé par plus de 10 % de la population, le pays est membre de l’Organisation internationale de la francophonie.

Plus de 46 % des habitants sont musulmans (essentiellement sunnites). Les adeptes de religions traditionnelles sont environ 31 % et les chrétiens 19 % (majoritairement catholiques).

Passée, comme toute la région, dans l’orbite des États Mandingues (Empire du Mâli, puis royaume du Kaabu), l’actuelle Guinée-Bissau intègre au XIXe siècle l’Empire colonial du Portugal, dont les premiers représentants se sont installés le long de la côte, au cours du XVIe : ils y ont fondé des établissements qui se livrent au trafic transatlantique d’esclaves.

Les premiers mouvements indépendantistes apparaissent au début des années 1960, un an après le massacre commis par les forces de l’ordre portugaises contre des ouvriers grévistes du port de Bissau (une cinquantaine de morts). La guerre d’indépendance est déclenchée en 1963 par le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), autre colonie portugaise de la région. A la fin de la décennie, l’insurrection — soutenue par l’URSS — contrôle 70 % du territoire. Elle s’efforce d’y développer le système sanitaire et l’alphabétisation, sous la direction de l’ingénieur agronome Amílcar Cabral, né d’une père bissao-guinéen et d’une mère cap-verdienne. Après la révolution des Œillets en 1974, les Portugais quittent le pays qui a proclamé son indépendance l’année précédente. Le PAIGC remporte les premières élections. Le premier Président du pays est Luis Cabral, demi-frère du leader indépendantiste, assassiné en 1973 (peut-être à l’instigation des services portugais).

Comme beaucoup de ses successeurs, il n’aura pas le loisir d’aller jusqu’au terme de son mandat : il est renversé, en novembre 1980, par un coup d’État militaire, déposition sans effusion de sang qui met fin au projet d’association avec la jeune république du Cap-Vert. Le nouvel homme fort du pays, « Nino » Vieira, issu de la petite ethnie Papel, abandonne la voie socialiste adoptée par son prédécesseur. Libéral sur le plan économique, il ne l’est pas en revanche sur le plan politique : l’opposition est interdite et les éventuels rivaux écartés. Le multipartisme est finalement autorisé en 1991 et des élections organisées trois ans plus tard. Vieira en sort vainqueur, devant Kumba Ialá, un dissident du PAIGC membre de l’ethnie Balante. Rescapé d’une tentative de coup d’État, en 1998, le Président est déposé, l’année suivante, à la suite de violents affrontements entre les forces qui lui sont restées fidèles et celles d’un ancien compagnon d’armes, devenu chef d’état-major d’une armée dominée par les Balante.

Devenu chef de l’État, Ialá se distingue en dissolvant l’Assemblée nationale en 2002, sans annoncer de dates pour de nouvelles élections. Cette attitude lui vaut, à son tour, d’être renversé l’année suivante, par un coup d’État militaire pacifique. Après la tenue de législatives, une présidentielle est organisée en 2005 et voit le retour au pouvoir de Nino « Vieira », en tant que candidat indépendant. Pour se concilier les Balante, il nomme un des leurs à la tête de l’armée, le général Batista Tagme Na Waie. Mais lorsque celui est tué dans un attentat à la bombe, en mars 2009, les soupçons de certains militaires se portent sur le chef de l’État, qui est assassiné le lendemain. En fait, les deux hommes ont probablement été victimes de trafiquants colombiens, en représailles de la destitution, en 2008, du chef de la marine nationale qui avait concouru à faire du pays une plaque tournante du trafic de drogue entre l’Amérique latine et l’Europe.


Après la mort d’Oliveira, le candidat du PAIGC est élu Président, mais décède de maladie avant la fin de son mandat. Tenu en mars 2012, le premier tour de l’élection présidentielle est remporté par le Premier ministre en exercice, Carlos Gomes Júnior (PAIGC), devant l’ancien Président Ialá (Parti pour le renouveau social), mais le second tour n’aura jamais lieu. Un nouveau coup d’État, mené par le général Antonio Indjai — chef des armées, accusé lui aussi de narcotrafic par les Américains — met fin au processus et arrête Carlos Gomes Júnior, soupçonné de vouloir réduire les pouvoirs de l’armée en cas de victoire. Mais cette fois, l’organisation régionale réagit. Menacée par une intervention armée de la Cedeao, la junte rend le pouvoir aux civils. Le candidat du PAIGC, José Mário Vaz, remporte l’élection présidentielle de 2014 devant son concurrent indépendant, soutenu par Ialá et Indjai. Malgré une instabilité ministérielle persistante, Vaz est le premier chef d’État bissao-guinéen à arriver au terme de son mandat.

Fin 2019, le PAIGC perd l’élection suprême. La victoire revient à Umaro Sissoco Embalo, candidat pluriethnique du Madem-G15 (Mouvement pour l’alternance démocratique), fondé par quinze anciens membres de l’ex-parti unique. Ami du Président sénégalais — ce qui fragilise la rébellion casamançaise jusqu’alors soutenue par Bissau — le nouveau chef d’État n’entre en fonctions qu’en mars 2020, l’Assemblée nationale s’étant opposée à son élection et ayant même investi un président intérimaire. Après avoir mis fin à la mission militaire de la Cedeao, qui stationnait dans le pays depuis 2012, Embalo échappe en 2021 à une tentative de coup d’État, similaire à ceux survenus dans les pays voisins (Mali, Guinée, Burkina-Faso). Sur fond de tension avec son Premier ministre, au sujet de la lutte contre la corruption et le narcotrafic, Embalo dissout l’Assemblée nationale, afin de renforcer sa majorité parlementaire. Mais les élections, qui finissent par se tenir en juin 2023, ne donnent pas le résultat espéré : la victoire revient à la coalition menée par le PAIGC.

De nouveaux troubles ayant éclaté, fin 2023, entre l’armée et la Garde nationale— après l’arrestation du ministre des Finances et du secrétaire d’État au Trésor, pour corruption présumée — le Président de la république dissout une nouvelle fois l’Assemblée, dominée par l’opposition, et s’arroge les ministères de la Défense et de l’Intérieur. En novembre 2024, Embalo annonce le report des élections législatives prévues le même mois, à la fois pour des raisons institutionnelles (les vacances de postes au sein de la Cour suprême et de la Commission électorale), mais aussi politiques : le chef de l’État est en effet contesté au sein de sa propre formation, le Madem (Mouvement pour une alternance démocratique).