Apparue sous la plume d’auteurs romains de l’Antiquité, l’appellation « Scandinavie » provient probablement de deux mots germaniques (signifiant « danger » et « île », en référence aux dangereux bancs situés au sud de Malmö). Elle désigne la péninsule scandinave proprement dite (Suède et Norvège), la péninsule danoise du Jutland, les îles de la mer Baltique et celles de culture scandinave situées dans l’Atlantique nord (Islande et Féroé). Les pays de peuplement finnois et balte n’en font pas partie. L’ensemble désigné par la péninsule scandinave, la Finlande, la Carélie et la péninsule de Kola (en Russie) est appelé Fennoscandie.
Habitée par des chasseurs paléolithiques – dont certains gravent sur les roches des pétroglyphes représentant notamment de longs navires à avirons – la Scandinavie voit arriver au néolithique des chasseurs et pêcheurs probablement venus de l’Oural, les Sámis (ou Sames, cf. Particularismes culturels). Ils sont suivis, à l’Age du bronze danois (entre -1800 et -500), par des tribus germaniques qui parlent le vieux norrois, ancêtre des langues scandinaves actuelles, écrit dans un alphabet particulier (l’alphabet runique). D’abord installés sur les bords de la Baltique, au Danemark et dans le sud de Suède, ces paysans germaniques poursuivent leur implantation autour des grands lacs et des fjords de Norvège, ce qui repousse les Sames vers le Grand-Nord : ils vivent aujourd’hui des côtes du Finnmark (extrême-nord de la Norvège) jusqu’à la péninsule russe de Kola (sur les côtes de la mer Blanche).
Dans ce qui est aujourd’hui la Suède, deux peuples germaniques se partagent le territoire : les Svear (ou Suiones, dont provient le nom de Suédois) peuplent le Svealand, autour d’Uppsala ; au sud-ouest s’étend le pays des Götar (ou Geats), divisé en Västergötland (Gothie occidentale) et Östergötland (ou Ostrogothie en français). Un autre peuple gothique, les Guts, peuple l’île de Gotland, dans la mer Baltique. A partir du VIe siècle, Guts et Geats passent sous la domination des Svear, volontairement ou sous la contrainte.
Plus au sud, dans l’actuel Danemark, les Jutes et les Danes (peut-être une branche des Suiones) se sont installés sur les terres délaissées par d’autres Germains (Cimbres, Teutons, Hérules). Dès la seconde moitié du Ve siècle, certaines de ces tribus prennent la mer en direction de la Bretagne insulaire (l’actuelle Grande-Bretagne), dont les autorités romano-celtes sont incapables de faire face aux invasions des Pictes. Engagés comme mercenaires, des Jutes et des Angles (respectivement basés au nord et au sud du Jutland) débarquent sur les côtes britanniques, en compagnie des Saxons (implantés dans l’actuel Schleswig-Holstein) et des Frisons (qui dominent les côtes du Jutland à l’Escaut). Mais les renforts ne se contentent pas de repousser les envahisseurs : une fois victorieux, ils s’imposent aux Celtes et fondent plusieurs royaumes « anglo-saxons » dans le sud de l’Angleterre au VIe siècle (cf. Iles britanniques).
L’expansion Viking
A partir de la fin du VIIe siècle, Danois, Suédois et Norrois (Norvégiens) commencent à se livrer à de vastes expéditions commerciales et guerrières qui vont les mener jusqu’en Méditerranée et en mer Noire, à bord de drakkars (bateaux à fond plat) et de knarrs (embarcations plus robustes). Les raisons de cette expansion sont multiples : le négoce (de fourrures, de bois, d’ambre…), la recherche de terres plus fertiles que les leurs, la nécessité de répondre à la croissance démographique, la volonté des royaumes scandinaves de l’époque (alors proches de trente) d’accroître leur puissance, le souci des populations d’échapper aux guerres incessantes et même la soif de se venger de la politique de christianisation entreprise par les Francs.
Selon leur localisation géographique, les Scandinaves prennent des directions différentes. Dès le VIe siècle les Varègues Suédois ont pris pied dans l’archipel d’Åland, au large des côtes finlandaises. Grâce aux Finnois, ils découvrent le réseau fluvial russe et ses débouchés sur la mer Noire et Constantinople. Ils atteignent le nord de la Russie actuelle dans les années 750 et y fondent la ville de Novgorod et la Rus de Kiev, premier État du monde slave oriental (cf. Slaves orientaux).
De leur côté, les « Norvégiens » concentrent leurs raids sur les îles Britanniques (les Shetlands au début du VIIIe) et l’Atlantique nord (les Féroé vers 800), auxquelles les Danois ajoutent la Mer du Nord, la Manche et les côtes atlantiques de la France. Ces bandes sont qualifiées de Vikings, terme qui désigne des aventuriers des mers, mais ne sont pas exclusivement constituées de Norrois, de Danois et de Suédois du Götaland : elles comptent aussi des Frisons, des Francs, des Anglo-Saxons, des Slaves…
Dans l’Atlantique, « l’ère Viking » commence officiellement, en 793, par le pillage du grand monastère de Lindisfarne sur la côte orientale de l’Angleterre, en Northumbrie. Venus essentiellement de Norvège, les pillards s’en prennent aux monastères isolés qui ont été construits sur de petites îles et dans des régions côtières isolées. A la fin du VIIIe siècle, ils s’engagent en mer d’Irlande et y fondent plusieurs villes ainsi que le royaume de Dublin. A partir de 865, les Scandinaves changent de stratégie à l’égard des îles Britanniques : de simples lieux à piller, elles deviennent des terres propices à l’établissement de colonies. De véritables armées, plutôt danoises, débarquent sur les côtes pour soumettre les rois anglo-saxons ou les obliger à leur céder des terres. De nombreuses régions de l’est et du nord de l’Angleterre passent sous la domination de chefs vikings ou bien leur payent un tribut (le danegeld). En 884, le roi du Wessex doit abandonner aux Danois toutes les régions comprises entre la Tamise et le nord du Yorkshire, pays qui prend le nom de Danelaw. Plus au nord, des Norvégiens sont maîtres d’un ensemble insulaire de cinq cents kilomètres au large de l’Écosse, allant des Orcades et des Shetlands jusqu’à l’île de Man dans la mer d’Irlande, en passant par l’archipel des Hébrides. Les « Normands » (hommes du Nord) effectuent aussi des raids destructeurs dans la vallée de la Seine jusqu’à Paris (atteinte pour la première fois en 799) et, de 855 à 860, lancent des offensives sur Bordeaux, Lisbonne, Séville…
En 872, l’entreprise d’unification des petits duchés norvégiens (jarl) par Harald à la belle chevelure génère des conflits et entraîne l’exode de chefs de guerre dans l’Atlantique nord. Ils y colonisent l’Islande, quasi-inhabitée (à l’exception de quelques moines venus d’Irlande) et y fondent Reykjavík en 875. En 930, les différents clans de l’île s’accordent pour établir l’Althing (le plus vieux Parlement du monde), faisant de l’Islande s’affirme une communauté indépendante. C’est à partir de l’île, dont il était banni à la suite d’un meurtre, que l’explorateur norvégien Erik le Rouge navigue vers le nord et aborde, en 982, sur une terre qu’il baptise Groenland (« pays vert »), afin d’y attirer des colons. Quelques années plus tard, vers l’an 1000, son fils Leif Eriksson est le premier Européen à atteindre l’Amérique du Nord : il explore les abords du golfe du Saint-Laurent et de Terre-Neuve, régions auxquelles il donne le nom de Vinland. Mais les colons ne s’y implantent pas durablement, en raison de conflits avec les autochtones.
En Scandinavie même, les Vikings commencent à se déplacer dans le pays des Sames, qui vont se voir affublés du terme péjoratif de Lapons (« porteurs de haillons »). Ils leur imposent le versement de tributs, sous la forme de fourrures ou d’ivoire de morse. Du fait de la raréfaction des rennes sauvages, les Sames se lancent, à partir du IXe siècle, dans l’élevage de ces animaux.
Les unifications danoise et suédoise
A la même période, le royaume de Norvège a perdu son indépendance : victime de crises internes, il a été divisé entre le jarl de Trondheim et le Danemark, lequel a alors achevé son processus d’unification, entamé au VIIIe siècle. Harald la dent bleue, qui règne de 950 à 986, unifie l’ensemble du Danemark (bordé par le Saint-Empire au sud du Jutland), conquiert la Norvège méridionale et exerce son influence sur l’ouest de la Gothie suédoise, ainsi que sur l’île de Gotland. Baptisé en 966, il accélère la christianisation des régions qu’il contrôle[1]. Voir la carte :https://fr.wikipedia.org/wiki/Harald_%C3%A0_la_Dent_bleue#/media/Fichier:Harald_bluetooth.PNG
C’est également vers la fin du Xe siècle que s’effectue l’unification du royaume de Suède. Erik Segersäll (Éric VI le victorieux, 970 à 994-995) est sans doute le premier roi à régner à la fois sur le Svealand et le Götaland, depuis sa capitale de Sigtuna (au nord de Stockholm). Baptisé vers l’an 1000, son fils Olaf est le premier roi chrétien de Suède. Si la christianisation s’avère un moyen efficace de consolider le pouvoir royal, elle s’effectue plus lentement en Suède qu’ailleurs à telle enseigne que, en 1066, une brève guerre civile oppose les partisans du christianisme aux pratiquants des religions autochtones. La faction chrétienne ne l’emporte vraiment qu’un siècle plus tard, quand Uppsala devient le siège de l’archevêché de Suède (en 1164).
[1] Même si celle-ci a déjà débuté : le premier diocèse danois a été établi en 948 à Ribe, la plus ancienne ville du pays.
La perte du domaine britannique
En Angleterre, les Anglo-Saxons profitent des divisions entre chefs Danois pour leur reprendre le Danelaw, au milieu du Xe siècle. Mais les Scandinaves n’abandonnent pas la partie : en 1017, le roi danois Knud le Grand monte sur le trône anglais, qu’il cumule avec celui du Danemark, dont il a étendu le domaine en s’emparant du Schleswig en 1025. Trois ans plus tard, il reprend aussi le contrôle de la Norvège, qui s’était réunifiée et affranchie de la tutelle danoise en 1015-1017. Dans une lettre adressée à ses sujets, Knud se désigne « Roi de toute l’Angleterre, du Danemark et des Norvégiens et d’une partie des Suédois ».
Mais cette domination est sans lendemain. En 1035, les Norvégiens restaurent leur ancienne dynastie et en 1042, les Danois perdent définitivement la couronne d’Angleterre, au profit d’un roi Anglo-Saxon. Lorsque ce dernier décède en 1066, une guerre de succession oppose plusieurs prétendants, au rang desquels figure le souverain norvégien. Mais celui qui sort victorieux de la confrontation est un autre Viking d’origine : Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, un territoire que les Francs avaient concédé aux Dano-Norvégiens, en 911, afin qu’ils cessent de piller la vallée de la Seine et la protègent des incursions Scandinaves. Sacré roi d’Angleterre, Guillaume s’acquitte de la même mission et chasse définitivement les Danois de son royaume. Les Vikings d’Irlande sont également contraints de se soumettre dans la première moitié du XIe siècle, victimes des luttes que se sont livré les rois irlandais pour la conquête du pouvoir dans l’île. Les vaincus sont chassés ou bien assimilés au sein de la population gaélique.
Ascension et déclin de la Norvège
Renforcés par le statut que leur donne la christianisation[1], les différents souverains de Scandinavie peuvent relancer une politique expansionniste. En 1219, les Danois conquièrent l’Estonie, où ils fondent la ville de Reval (l’actuelle Tallinn). Toujours sur la Baltique, mais un peu plus au nord, le roi Suédois Eric lance une croisade contre les Finnois païens au milieu du XIIe. Ses successeurs, appartenant à la nouvelle dynastie des Folkung (Maison Bjälbo), établissent leur capitale à Stockholm (au sud d’Uppsala). Entre 1249 à 1323, les Suédois conquièrent toute la Finlande méridionale, à la demande du pape qui veut empêcher les Russes de Novgorod de convertir les Finnois à la foi orthodoxe. Leurs ambitions de prendre le contrôle des voies navigables entre la mer Baltique et le lac Ladoga sont en revanche contrariées, notamment par leur défaite sur la Neva, en 1240, face au prince Alexandre de Novgorod. Les tensions ne s’apaisent qu’en 1323 avec la signature du traité de Nöteborg, lequel établit une frontière allant de la pointe est du golfe de Finlande à la pointe nord du golfe de Botnie. En plus de la Carélie orientale (située le long de la mer Blanche), les Russes récupèrent une partie de l’isthme de Carélie et l’Ingrie (entre le lac Ladoga et le golfe de Finlande).
En Norvège, un aventurier s’empare du pouvoir, au tournant des XIIe et XIIIe siècles, et fonde une nouvelle dynastie installée à Bergen, sur la côte atlantique. Mais la ville est sous une telle influence des Allemands de la Ligue hanséatique (une organisation commerciale née au XIIe à Visby, dans l’île alors danoise de Gotland) qu’une autre capitale est choisie au début du XIVe siècle : Oslo, au fond d’un fjord du sud. La Norvège connait son apogée sous le roi Håkon IV qui, de 1217 à 1263, règne sur un État s’étendant jusqu’aux Féroé (rentrées officiellement dans le giron de la couronne norvégienne au XIe siècle), au Groenland et aux archipels écossais. Juste avant sa mort, il signe un pacte qui favorise le passage sous souveraineté norvégienne de l’Islande, en proie à de violents troubles internes depuis une trentaine d’années.
La Norvège amorce ensuite son déclin. En 1266, elle doit céder à l’Écosse ses colonies de l’île de Man et des Hébrides (les Orcades et les Shetlands ne seront rendues que deux cent deux ans plus tard). Les vieilles familles nobles s’étant affaiblies graduellement, la Norvège devient surtout une nation de paysans. En 1319, lorsque Håkon V meurt sans héritier mâle direct, le royaume échoit à son petit-fils Magnus, qui cumule le trône norvégien avec celui de Suède. De son côté, la monarchie danoise est affaiblie, ce dont profitent les Suédois pour récupérer, en 1332, la Scanie et d’autres provinces méridionales suédoises. L’union personnelle entre la Suède et la Norvège vole en éclats en 1343 : mécontents de voir leur souverain se préoccuper surtout des Suédois, les nobles norvégiens lui imposent de nommer son fils Håkon VI sur le trône de Norvège. La fragilisation du pouvoir de Magnus est mise à profit par le Danemark pour récupérer, en 1360, le sud de la Suède qu’il avait dû abandonner près de trente ans plus tôt. En revanche, pour renflouer ses caisses, le royaume danois a dû se délester de l’Estonie : elle a été vendue, en 1346, à l’ordre des Chevaliers teutoniques, puissance majeure de la Baltique orientale (cf. Les pays finno-baltes).
De plus en plus contesté, par son fils et par le souverain danois, le roi suédois doit finalement se retirer en 1364 au profit de son neveu, membre de la maison ducale du Mecklembourg. A Oslo, la mort de Håkon VI, en 1380, marque l’extinction de la dynastie royale norvégienne ; la succession ayant été obtenue par sa femme Margrethe, fille du roi danois, la Norvège et ses possessions se retrouvent unies au Danemark, avec une nette prédominance de ce dernier. Ainsi, le danois devient la langue officielle des Norvégiens, leurs dialectes étant renvoyés dans les campagnes.
[1] À la fin du XIIIe siècle, chaque royaume possède son propre saint capable d’asseoir la légitimité des rois : Olaf en Norvège (le roi Olaf Haraldsson, 1016-1028, considéré comme le fondateur du royaume), Knud au Danemark, Éric en Suède.
Kalmar, une union sans lendemain
En 1397, Margrethe devient également reine de Suède. Dirigés par la même souveraine, les trois royaumes deviennent membres d’une Union dont les modalités de fonctionnement sont arrêtées à Kalmar. Destinée à freiner l’expansion allemande en Baltique (via la Hanse ou les chevaliers Teutoniques), elle réunit le Danemark, la Suède et ses possessions finlandaises, la Norvège et ses colonies maritimes. L’ensemble est dominé par le royaume danois qui, en 1443, établit sa capitale à Copenhague (« ville des marchands ») sur le détroit de Sund, face à la Scanie. Au Sud, le roi du Danemark fait reconnaître, par l’Empereur germanique, sa souveraineté sur le Schleswig, souveraineté contestée par les comtes voisin du Holstein. Le différend s’apaise en 1460, lorsque le souverain danois est élu à la tête du comté de Holstein (à l’exception de deux petites enclaves appartenant à celui d’Oldenbourg), dans un cadre très précis : indissociables, les deux territoires sont détenus en union personnelle par le roi danois, mais ne font pas partie du Danemark (d’autant moins que le Holstein, promu au rang de duché, est membre de l’Empire germanique, à la différence du Schleswig).
Reconnue en terre allemande, la puissance de Copenhague et sa domination sur l’Union de Kalmar sont en revanche de plus en plus contestées en Suède, où l’aristocratie a mis en place des « régents » de plus en plus rétifs vis-à-vis du pouvoir central. Active au milieu du XVe siècle, la contestation atteint un sommet en 1520, lorsque le roi danois fait assassiner plus de quatre-vingts nobles et bourgeois représentant l’opposition suédoise. A la suite de ce « bain de sang de Stockholm », une révolte populaire éclate dans la région centrale, et minière, de Dalécarlie, sous la conduite de l’aristocrate Gustave Vasa. Soutenu par Lübeck, ville principale de la Ligue hanséatique, Vasa chasse les Danois et se fait élire roi de Suède en 1523, marquant ainsi la fin de l’Union de Kalmar. Dans les années 1540, le souverain fait instaurer une monarchie héréditaire et décrète que toutes les terres au nord de son royaume appartiennent à la couronne suédoise, jugeant qu’elles sont inhabitées bien que peuplées de Sames.
Malgré la défection de Stockholm, le Danemark conserve de larges pans du territoire suédois : la Scanie et les régions avoisinantes, l’île de Gotland (acquise en 1407), le Bohus (le littoral au nord de Göteborg) et le Jämtland (longeant la Norvège, au nord de la Dalécarlie). Copenhague renforce par ailleurs sa domination sur la Norvège, à laquelle elle impose la réforme luthérienne, adoptée en 1536 par le souverain danois (cf. Les protestantismes). Elle lui impose aussi le nom de sa nouvelle capitale, Kristiana, reconstruite dans un quartier d’Oslo, après un incendie en 1624 (la ville ne retrouvera son ancien nom qu’en 1925). Le luthéranisme est également adopté en Suède, non sans difficulté : aux deux premiers fils de Gustave Vasa succède, en 1592, un de ses petit-fils qui, par le jeu des alliances matrimoniales, est également roi de la très catholique Pologne. Sa tentative de restaurer le catholicisme déclenche l’opposition du quatrième fils de Vasa, qui monte officiellement sur le trône suédois en 1604.
La Suède entre expansion et reflux
Toute cette période est marquée par une succession de guerres menées par la Suède pour tenter de récupérer ses territoires méridionaux (détenus par le Danemark) et faire de la Baltique un « lac suédois ». Cette tentation est d’autant plus grande que l’Ordre teutonique s’est affaibli, touché lui aussi par la réforme luthérienne. Les tsars russes essaient d’en profiter, mais sans succès. En 1617, la Russie est contrainte de signer un traité par lequel elle renonce à toute prétention sur l’Estonie (prise par les Suédois entre 1561 et 1582) et sur la Livonie (le nord de la Lettonie et le sud de l’Estonie actuelles) et cède aux Suédois la Carélie occidentale (au nord du lac Ladoga), l’isthme de Carélie (entre le golfe de Finlande et le lac Ladoga) et l’Ingrie. Une fois le péril russe écarté, Gustave-Adolphe se retourne contre son allié Polonais. Victorieux, les Suédois s’emparent de Riga, puis annexent toute la Livonie en 1629.
Modernisée par son roi, l’armée suédoise s’engage dans la guerre de Trente Ans, qui ravage alors une large partie de l’Europe. Finalement victorieuse du conflit, avec son indéfectible allié français, la Suède ressort agrandie du traité de Westphalie, signé en 1648 : elle acquiert les terres de l’Empire germanique que sont la Poméranie antérieure (au nord du Brandebourg), ainsi que les anciens évêchés de Brême et Verden, que convoitait le Danemark. En parallèle, Stockholm a engagé une guerre contre les Dano-Norvégiens, qui s’avère fructueuse : en 1645, elle récupère le Jämtland, ainsi que les îles de Gotland et d’Ösel, dans le golfe de Riga (propriété des Danois depuis quelques décennies). En 1658, après une « Guerre du nord » contre le Danemark et la Pologne, la Suède accède à ce qu’elle définit comme ses « frontières naturelles » : elle reprend aux Dano-Norvégiens la Scanie et tout le littoral des détroits jusqu’au Bohus.
Peu après son accession au trône, en 1697, Charles XII doit faire face à une deuxième « Guerre du nord » qui l’oppose à la Russie, alliée au Danemark et au roi de Pologne (également électeur de Saxe). D’abord victorieux des Danois et des Russes, le roi scandinave traverse la Pologne et mène ses troupes jusqu’à la mer Noire, en soutien aux Cosaques révoltés. Mais, in fine, c’est le tsar Pierre le Grand qui sort victorieux de la confrontation. La Suède sort très affaiblie des différentes paix signées entre 1719 et 1721. Elle doit abandonner ses possessions allemandes (la Poméranie antérieure au Brandebourg, Brême et Verden au Hanovre) et céder à la Russie l’isthme de Carélie et l’Ingrie, ainsi que l’Estonie et la Livonie suédoise jusqu’à Riga ; même la ville de Vyborg, bâtie par des Suédois au fond du golfe de Finlande (au XIIIe siècle), passe dans le giron russe : c’est la fin de la maîtrise suédoise sur la Baltique. Une nouvelle guerre menée par le tsar, entre 1741 et 1743, permet à la Russie de récupérer la majeure partie de la Carélie. En 1751, une frontière est établie entre la Suède et le Danemark-Norvège ; elle reconnaît aux Sames le droit de vivre et de se déplacer librement de part et d’autre de cette délimitation.
En 1808-1809, la Suède doit de nouveau affronter la Russie, qui a soif de succès militaires après avoir été défaite par l’empereur français Napoléon 1er. Battue, Stockholm doit abandonner aux Russes la Finlande et les Îles Åland. Cette défaite provoque l’éviction du souverain suédois et son remplacement, quelques années plus tard, par Jean-Baptiste Bernadotte, maréchal de France qui deviendra officiellement souverain de Suède en 1818 : le Parlement suédois escompte alors que ce choix lui vaudra un soutien de Paris, en cas de nouvelle attaque la Russie. En réalité, Stockholm se range du côté des opposants à l’empereur français, ce qui lui permet de faire partie des vainqueurs. Ce n’est pas le cas du Danemark, qui s’est allié à la France, pour s’opposer aux diktats de circulation maritime que la Grande-Bretagne cherchait à lui imposer. Vaincue, Copenhague est contrainte de céder la Norvège à la Suède, en vertu du traité signé à Kiel en 1814 ; le Danemark conserve en revanche les dépendances norvégiennes (en plus d’une partie des Îles Vierges qu’il a acquise en 1754 aux Antilles et qu’il revendra aux États-Unis en 1917) ; le souverain danois reçoit aussi, en union personnelle, le petit duché de Lauenbourg (au sud-est du Holstein). Mais les Norvégiens ne se satisfont pas de cette évolution et décident de proclamer leur indépendance. A l’issue d’une courte guerre menée par Bernadotte (qui n’est encore que prince-héritier), la Norvège est contrainte de s’unir à la Suède, mais dans des conditions aménagées : les deux pays ont le roi suédois comme souverain commun, mais demeurent indépendants ; non seulement Stockholm reconnait la Constitution adoptée par le Parlement de Kristiana, mais la Norvège possède sa propre armée, sa marine, ses services de douanes, son parlement et une certaine autonomie à l’intérieur de ses frontières.
Les indépendances norvégienne et islandaise
En 1864, une nouvelle guerre éclate, cette fois entre le Danemark et la Prusse (lointaine héritière de l’Ordre teutonique). Le conflit résulte de la décision du souverain danois d’intégrer à son royaume les duchés de Schleswig, Holstein et Lauenbourg, qui n’étaient jusqu’alors que ses possessions personnelles. La Confédération germanique déclenche alors la guerre des duchés, à l’issue de laquelle la Prusse obtient le Schleswig et le Lauenbourg, tandis que l’Autriche hérite du Holstein… jusqu’à ce que les Prussiens l’envahissent en 1866. Le Danemark se retrouve amputé d’un tiers de son territoire continental. Il récupèrera toutefois le nord du Schleswig, majoritairement danophone, à l’occasion d’un référendum organisé en 1920 (le sud germanophone préférant rester allemand).
La même année, la Société des Nations maintient l’archipel d’Åland sous suzeraineté finlandaise. Mais, pour tenir compte de la volonté de ses habitants de rejoindre la Suède, elle en fait un territoire autonome et neutre, dans lequel la seule langue officielle est le suédois. N’ayant pu récupérer Åland, la Suède a par ailleurs perdu la Norvège. Mécontent que Stockholm ait refusé la création de consulats norvégiens dans différents pays, le Parlement (Storting) proclame l’indépendance norvégienne en 1905. Massivement validée par la population, elle est approuvée par le Parlement suédois (le Riksdag). Indépendante, la Norvège ne conserve pas de traces de son association avec la Suède, mais en garde de sa longue occupation par le Danemark. La langue parlée majoritairement par les Norvégiens, le boksmal (« langue des livres », ex-riksmal, « langue du royaume », jusqu’en 1929) est en effet fortement apparentée au danois ; elle cohabite avec le nynorsk (« néo-norvégien », ex-landsmal, « langue du pays »), qui fait la synthèse de dialectes ruraux. Les différentes tentatives d’unifier les deux langues ont toutes échoué. Pour en savoir plus : https://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/norvege-2_histoire.htm
En 1920, à la suite de la découverte de charbon, la Norvège fait reconnaître ses droits sur l’archipel arctique du Svalbard (Spitzberg et île aux Ours, 62 000 km²), sans doute découvert au XIIe siècle (puis redécouvert par le Hollandais Barents en 1596) mais peu fréquenté depuis, sauf par des pêcheurs de baleines. En vertu du traité de 1920, une quarantaine de pays ont le droit d’exploiter les ressources naturelles du Svalbard « sur un pied d’égalité absolu » avec la Norvège.
En 1940, l’occupation du Danemark continental par l’Allemagne nazie accélère le processus d’émancipation de l’Islande. Dotée d’une Constitution depuis 1874 et en union personnelle avec le royaume danois depuis 1918 – Copenhague ne conservant que la diplomatie et les finances – l’île, occupée par les Anglo-Américains, proclame son indépendance, qui devient effective en 1944. Quatre ans plus tard, le Danemark accorde un statut d’autonomie interne aux Féroé, puis au Groenland en 1979 (avec un élargissement en 2008). Cf. Particularismes étatiques.
Les deux territoires sont membres, comme les quatre pays scandinaves et la Finlande, d’un Conseil nordique, créé en 1952. En revanche, ils n’appartiennent pas à l’Union européenne, à laquelle ont adhéré le Danemark en 1973 et la Suède en 1995 (comme la Finlande), mais ni la Norvège, ni l’Islande. Tous sont en revanche membres de l’OTAN : à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Suède a abandonné (comme la Finlande) sa position traditionnelle de neutralité et adhéré en 2023 à l’organisation atlantiste.