Turkménistan

Turkménistan

Jaloux de son indépendance, assise sur ses ressources gazières, le Turkménistan est passé d’un Président autocrate à un autre.

488 100 km²

République autoritaire

Capitale : Achkhabad

Monnaie : le manat

5,4 millions de Turkmènes

Bordé par la mer Caspienne à l’ouest (près de 1 800 km de côtes) et le fleuve Amou Daria à l’est, le Turkménistan partage 3 700 km de frontières avec quatre pays : près de 380 km avec le Kazakhstan au nord, un peu plus de 1 600 km avec l’Ouzbékistan au nord-est, un peu plus de 990 km avec l’Iran au sud et un peu plus de 740 avec l’Afghanistan au sud-est.

Plus de 70 % de son territoire est couvert par le désert du Karakoum (« sables noirs » qui s’étend également en Ouzbékistan) : il est traversé par le plus long canal du monde (1 375 km), creusé dans les années 1950-1960 pour relier l’Amou-Daria à la Caspienne et développer les cultures de coton. De ce fait, la population vit sur moins de 10 % de la superficie du pays. La capitale est située au sud, au pied des montagnes du Kopet Dag (culminant à plus de 2 900 m). Le climat est de type continental sec (sauf sur les bords de la Caspienne), avec des hivers modérés et des étés très chauds.

85 % des habitants sont d’ethnie turkmène. Le reste du peuplement se répartit entre Ouzbeks (5 %), Kazakhs (5 %) et Russes (4 %).

89 % de la population est musulmane (sunnite) et 9 % orthodoxe, seules ces deux religions étant reconnues officiellement. Le pays connait une petite minorité zoroastrienne.

Ancien premier secrétaire du Parti communiste local et président de la République soviétique turkmène depuis octobre 1990, Saparmourad Niazov est élu président du Turkménistan indépendant, en juin 1992, avec 99,5 % des suffrages. Il est candidat unique et le restera, excluant toute démocratisation, au nom de la stabilité d’un régime potentiellement menacé par les rivalités historiques opposant les sept grandes confédérations tribales turkmènes. Marqué par la répression des opposants, son pouvoir mêle clientélisme tribal et dirigisme économique, sur fond de forte rente gazière. Celle-ci n’est pas réinvestie dans le cœur de l’économie, mais dans des grands travaux d’infrastructures, aéroports mais aussi mosquées et palais présidentiels. Un culte mégalomaniaque de la personnalité est en effet la caractéristique majeure de Niazov. Auteur du Rukhnama, qui fait office d’histoire officielle du pays, le Turkmenbachy (« père des Turkmènes ») est omniprésent : il apparait en médaillon incrusté dans toutes les émissions télévisées ainsi que sur la monnaie locale ; son nom est donné à une ville, à un port sur la Caspienne et à un aéroport, à des avenues et des mosquées, à sa marque de vodka préférée ; ses œuvres sont envoyées dans l’espace…

De nouveau plébiscité en 1994, il se fait finalement nommer Président à vie, fin 1999, par le Parlement dont il nomme tous les membres. En matière de politique étrangère, le potentiel gazier du pays – qui possède des réserves parmi les plus importantes du monde – lui permet de mener une politique très indépendante, dite de « neutralité positive ». Elle lui permet d’échapper largement aux critiques occidentales sur sa gouvernance, notamment après la vague d’arrestations qui suit l’attentat auquel il échappe en novembre 2002. La réalité de cette action est d’ailleurs sujette à caution, puisque commise avec des armes légères alors que le Président se déplaçait en voiture blindée. Elle permet en tout cas d’arrêter, le jour de Noël, un ancien vice-Premier ministre et chef de la diplomatie passé à l’opposition : il est accusé de complot, avec des complicités en Ouzbékistan, pays avec lequel le Turkménistan entretient des relations difficiles au sujet des eaux de l’Amou Daria. Lors de son procès, tenu en une journée, sont diffusés des « aveux » dignes de la plus pure tradition stalinienne : l’opposant y dit avoir agi, depuis la Russie, « sous l’influence de l’alcool », niant l’existence de toute opposition turkmène et présentant Niazov comme « un don du ciel pour le peuple du Turkménistan ». Il est condamné à la prison à vie, le Parlement ayant opportunément adopté, le jour même du procès, un amendement constitutionnel portant la peine maximale dans le pays de vingt-cinq ans de prison à la détention à perpétuité.

Niazov disparaît prématurément en décembre 2006, victime d’une crise cardiaque à l’âge de soixante-six ans. Ironie du sort, il avait fait adopter en 2002 une loi qui reportait à 85 ans l’âge officiel de la vieillesse. Assemblée de « sages », mi-communiste mi-traditionnelle, le Conseil populaire décide de soumettre au vote le choix entre six candidats membres du régime, y compris le vice-Premier ministre assurant l’intérim présidentiel. Bien que la Constitution interdise une telle candidature, Gourbangouli Berdimoukhamedov est élu Président de la République en février 2007, avec 89 % des 98,7 % de votants.

Prêtant serment sur le Coran et le Rukhnama, il le fait toutefois supprimer des programmes scolaires fin 2008, de même qu’il fait disparaître nombre de signes célébrant la gloire de son prédécesseur. Il introduit aussi un semblant d’ouverture démocratique : des prisonniers politiques sont libérés et la Constitution de septembre 2008 accroit les pouvoirs du Parlement et introduit le multipartisme ; une dizaine de candidats indépendants peuvent ainsi participer aux législatives de décembre suivant. Il tente aussi de relancer une économie mise à mal par Niazov, en particulier pour assurer l’autosuffisance alimentaire du pays. Le secteur de santé bénéficie de la réouverture d’hôpitaux en province et du recrutement de personnel qualifié, à la faveur d’une réforme totale du système éducatif : du primaire au supérieur, la durée de toutes les études est prolongée. Fermée par Niazov, qui voyait en elle un dangereux contre-pouvoir, l’Académie des sciences est rouverte.

Le nouveau chef d’Etat poursuit en revanche la politique extérieure de son prédécesseur. Achkhabad – qui n’est membre d’aucune des organisations sécuritaires ou économiques mises en place par Moscou[1] – s’affranchit de la Russie chaque fois que possible, notamment pour l’acheminement de son gaz : la Chine en est ainsi devenue sa première cliente, grâce au gazoduc construit de 2007 à 2009 en direction du Xinjiang ; un autre tronçon est en construction vers l’Iran, avec lequel le Turkménistan est déjà relié par une voie ferrée.

Sur le plan politique, l’ouverture n’est que de façade : Berdymoukhamedov est réélu en février 2012 avec plus de 97 % des suffrages, face à une demi-douzaine de « rivaux » dont le choix n’a pas été clairement explicité. Fin 2013, les premières élections parlementaires « pluralistes » confrontent en réalité le Parti démocratique présidentiel à une myriade de formations proches du pouvoir (Parti des industriels et des entrepreneurs, organisations de syndicats, de femmes, de jeunes et de citoyens). Un culte de la personnalité en remplace progressivement un autre. En septembre 2016, une révision constitutionnelle porte de cinq à sept ans la durée de l’exercice présidentiel et supprime la limitation du nombre de mandats, ainsi que la limite d’âge pour se présenter. En février suivant, le Président est réélu avec 97,7 % des voix. Mais, cinq ans plus tard, il annonce son retrait au profit de son fils quadragénaire, Serdar, qui sort vainqueur de la présidentielle de mars 2022 avec 73 % des voix.

[1] Membre fondateur de la CEI, le Turkménistan n’en est plus que membre associé.

Photo : le cratère de l’enfer dans le Karakoum. Crédit : Snowscat / Unsplash