AFRIQUE

Les Berbères

Les premiers habitants de l’Afrique du Nord y sont encore une quarantaine de millions, plus ou moins reconnus par les pouvoirs arabes.

SOMMAIRE


Une galaxie de peuples et de langues

Issu du grec et repris dans toutes les langues, le terme « berbère » désigne les « gens dont on ne comprend pas la langue », c’est-à-dire les étrangers, et par extension, les peuples « non-civilisés ». Eux-mêmes se désignent comme Imazighen, pluriel du nom Amazigh dont la signification est sujette à plusieurs interprétations : homme libre, noble, valeureux… Ils sont considérés comme les premiers occupants de l’Afrique du Nord, même si plusieurs hypothèses les font venir d’ailleurs, en particulier d’Anatolie et du Proche-Orient, en raison des caractéristiques de leurs langues, dites tamazight : elles appartiennent en effet à la vaste famille chamito-sémitique (ou afro-asiatique), dont font également partie l’arabe, l’égyptien ancien ou encore les langues tchadiques et couchitiques…

Au nombre d’environ quarante de millions, les « Berbères » constituent des communautés dispersées, sédentaires ou semi-nomades, vivant dans une zone de l’Afrique septentrionale couvrant quelque 5 millions de km² : elle va de l’oasis de Siwa, à l’ouest de l’Égypte, jusqu’au sud du Sahel et aux Canaries, dans l’Atlantique. Près de la moitié des Berbères se trouvent au Maroc (où ils représentent plus de 30 % de la population), plus de 35 % en Algérie (plus de 20 % de la population) et 5 % en France, pays d’émigration. Le plus souvent bilingues, principalement en arabe, ils s’expriment dans des parlers fortement distincts les uns des autres. La plus répandue des langues tamazight est le chleuh (tachelhit en berbère), parlé par environ 8 millions de personnes dans la plus grande partie de l’Atlas marocain : sud-ouest du Haut Atlas, Anti-Atlas et Souss. Dans l’ensemble du Moyen Atlas, ainsi que dans la partie centrale et orientale du Haut Atlas, 4 à 5 millions de personnes s’expriment en tamazight du Maroc central.

Viennent ensuite les dialectes « zénètes » tels que le rifain (tarifit) parlé par trois millions de personnes dans le nord-est du Maroc, ainsi que par les habitants d’un îlot situé entre la frontière marocaine et la ville algérienne de Tlemcen. A cette famille appartiennent aussi le chaouia (tacawit) et le mozabite (tumẓabt). Le second est classé en risque d’extinction (environ 200 000 locuteurs dans la vallée du Mzab, à 600 km au sud d’Alger), ce qui n’est pas le cas du premier : il est parlé par 2 millions de personnes vivant dans l’est algérien (Aurès et régions avoisinantes) et dans des zones dispersées d’Algérie centrale. Le groupe berbérophone algérien le plus important est celui des Kabyles. Parlant la langue éponyme (taqbaylit), ils sont 5 à 6 millions : 60 % en Kabylie même (région à l’est d’Alger) et 40 % dans les grandes villes, en particulier dans la capitale.

Les dialectes berbères sont beaucoup moins parlés dans les autres pays du Maghreb : par environ 600 000 personnes en Libye (dans le Djebel Nefousa au nord-ouest) et par moins de 100 000 en Tunisie (en particulier dans quelques villages de l’île de Djerba). En Mauritanie, au Sahara occidental et dans quelques zones du nord du Sénégal subsistent également quelques milliers de locuteurs d’une langue en voie de disparition, le zenaga : elle a été largement remplacée par le hassaniya, qui est issue du mélange de l’arabe des bédouins Beni Hassan avec quelques emprunts berbères ; c’est la langue des Maures, Arabo-Berbères qui (avec les Haratine ou « Maures noirs ») représentent 70 % de la population mauritanienne. Aux Canaries, les Guanches berbérophones ont été assimilés par les Espagnols, mais n’ont pas totalement disparu : ils pèsent entre 15 et 30 % du patrimoine génétique des Canariens modernes et des traces d’eux ont été trouvées jusqu’à Porto-Rico et en République dominicaine, du fait de leur déportation au moment de la colonisation des Antilles par Madrid.

Restent les Touareg (ou Kel Tamasheq, ceux de langue tamasheq) qui vivent dans les immensités désertiques ou arides du Sahara et du Sahel, du sud de l’Algérie (Tamanrasset) et du sud-ouest de la Libye (Fezzan) jusqu’au nord du Burkina-Faso, en passant par les parties septentrionales du Mali et du Niger (cf. Les Touareg). Les parlers touareg ont conservé l’alphabet originel berbère, le tifinagh. Dans le Maghreb, il a été modernisé en néo-tifinagh, concurremment à l’alphabet arabe.


Des « Libyques » aux Romains

Les travaux paléontologiques et archéologiques font remonter à la préhistoire l’ancienneté de la présence « berbère » en Afrique du Nord, de l’Homme de Mechta el-Arbi (environ 12 000 ans AEC) aux « Proto-méditerranéens » de la civilisation Capsienne (7 000-5 000 ans AEC) et aux foyers néolithiques du Sahara et du Maghreb (6 500-2 000 ans AEC). A la fin du deuxième millénaire AEC, les Grecs mentionnent la présence de populations berbères qu’ils qualifient de « Libyques » depuis l’ouest de l’Égypte jusqu’à l’Atlantique. Aux XIIIe et XIIe siècles, leurs confédérations (les Libous et les Meshouesh ou Ma) se livrent à des incursions si fréquentes en Égypte, que les pharaons ne trouvent pas d’autre solution que de les fixer comme auxiliaires en Moyenne et Basse-Egypte, où elles constituent de puissantes chefferies. A l’aube du Xe siècle, l’Égypte connait même l’avènement d’un pharaon « libyen », suivi de deux dynasties de même origine. A l’autre extrémité de la Méditerranée, les Phéniciens (des Sémites) ont commencé à implanter des comptoirs commerciaux sur les côtes marocaines au XIe siècle et algériennes au siècle suivant. L’intérieur des terres reste en revanche aux mains de tribus berbères rivales, les Numides.

A partir de -480, l’arrière-pays de l’actuelle Tunisie commence toutefois à être colonisé par les Phéniciens qui ont fondé l’importante colonie de Carthage. Face à eux, ces Carthaginois trouvent des fédérations de tribus berbères parfois organisées en royaumes : la Maurétanie des Maures dans le nord du Maroc actuel (Mauri étant le nom que leur ont donné les Romains), ainsi que les royaumes Numides des Masaesyles au nord de l’Algérie et des Massyles au voisinage de Carthage. D’autres tribus continuent à nomadiser, comme les Gétules dans le sud de l’Atlas et les Garamantes dans le Fezzan.

A la fin du IIIe siècle, certaines fédérations se retrouvent impliquées dans les guerres que se livrent Carthage et Rome pour le contrôle de la Méditerranée occidentale. En -202, les Romains l’emportent à Zama, dans le nord-ouest de la Tunisie, avec l’aide de Massinissa, roi des Massyles. En récompense, il reçoit le royaume des Masaesyles – qui s’étaient alliés aux Carthaginois – ainsi que la Tripolitaine. A la disparition de Carthage, vaincue lors de la troisième guerre punique (-149 à -146), les Romains récupèrent leurs colonies et créent la province d’Africa (inspirée de la tribu berbère des Afridi, peut-être liée aux Banu Ifren, cf. infra). La romanisation reste cependant limitée aux régions côtières et aux villes ; l’intérieur reste aux mains de tribus nomades ou semi-nomades, désignées sous le nom générique de Mazices (transcription du berbère Imazighen).

Dans le même temps, la mort de Massinissa (-148) engendre des troubles dynastiques et la partition de la Numidie. Le royaume est réunifié en -112 par son petit-fils Jugurtha qui, pour parvenir à ce résultat, a dû éliminer le protégé des Romains en Numidie orientale. Rome ne laisse pas le meurtre impuni et se venge avec l’aide de son vassal, le roi de Maurétanie Bocchus 1er, qui trahit son gendre Jugurtha et le livre aux Romains (-104). La Numidie se retrouve coupée en deux : la partie orientale est transformée en Royaume client des Romains, tandis que la partie occidentale forme un royaume de Grande Maurétanie, comprenant le nord du Maroc, ainsi que le centre et l’ouest d’Algérie, avec l’actuelle Cherchell pour capitale. Les deux entités n’échappent pas à la partition dans les décennies suivantes : la Numidie orientale (en -88) et la Maurétanie entre les deux petits-fils de Bocchus 1er (-49). De son côté, Rome a occupé la Tripolitaine et s’est fait céder la Cyrénaïque par l’Égypte.

Comme d’autres régions du bassin méditerranéen, le Maghreb devient un champ de bataille entre chefs romains. En -46, Jules César – allié au mercenaire Publius Sittius, soutenu par des Maures et des Gétules – l’emporte sur les partisans de son ennemi Pompée, appuyés par les deux rois de Numidie orientale. Les vaincus s’étant suicidé, leurs royaumes sont redécoupés : la partie la plus à l’est devient la province d’Africa Nova et la partie la plus à l’ouest est partagée entre la Maurétanie et la Principauté autonome que Sittius a constituée autour de Cirta (la future Constantine). En -33, l’extinction de la lignée des Bocchus entraîne le passage complet de la Maurétanie sous domination romaine. Six ans plus tard, la Numidie maurétanienne est regroupée avec l’Africa Nova, l’Africa Vetus (autour d’Utique, ancienne rivale de Carthage) et la Confédération Cirtéenne au sein d’une province d’Afrique proconsulaire (à laquelle la Tripolitaine sera adjointe au siècle suivant). Un royaume de Maurétanie, vassal de Rome, est en revanche restauré en -25, au profit du Numide Juba II.

Malgré ces différents épisodes, la domination romaine reste contestée. Par les Gétules, qui se révoltent en 17 EC, ce qui pousse les Romains à mener des expéditions dans le sud Saharien et le Fezzan. En 40, c’est la Maurétanie qui se soulève, après l’assassinat supposé de son roi par l’empereur Caligula. La révolte ayant finalement été matée, la Maurétanie est de nouveau annexée par Rome et découpée en deux provinces (en 47) : la Maurétanie césarienne (en Algérie centrale, occidentale et Kabylie, avec Césarée, Cherchell, comme capitale) et la Maurétanie tingitane (dans le nord Maroc, avec pour ville principale Tingis, future Tanger). En revanche, les Romains n’occupent ni le Rif ni l’Atlas, où opèrent des rebelles Maures. En 69, ils obtiennent toutefois une victoire sur les Garamantes. L’agitation berbère en Numidie et Maurétanie reprend au milieu du IIIe siècle. En 293, la Maurétanie césarienne est divisée en deux, la partie orientale devenant la Maurétanie sitifienne (centrée autour de l’actuelle ville algérienne de Sétif).

Aux IVe et Ve siècles, l’Afrique romaine – dans laquelle Rome a introduit le christianisme – est agitée par un mouvement théologique et social qui prend rapidement son essor chez les Berbères : le donatisme. Il émane de l’évêque de Casae Nigrae en Numidie, Donat le Grand, qui juge invalides les sacrements délivrés par les évêques s’étant compromis lors de la persécution des chrétiens par l’empereur Dioclétien, en 304-305. Dans cette même région, les conciles de Carthage condamnent, en 411 et 418, le pélagianisme : il est l’œuvre d’un ascète et moine britton qui rejette le péché originel et soutient que l’homme peut assurer son salut par ses seuls mérites. Ces doctrines, déclarées hérétiques, sont ardemment combattues par Augustin, théologien et évêque d’Hippone (l’actuelle Annaba en Algérie), lui-même partiellement Berbère.

De nouvelles révoltes maures éclatent dans les dernières décennies du IVe siècle contre l’Empire romain. Celle du prince Gildon est réprimée par le généralissime Stilicon, mais les soulèvements se répètent tellement que Constantinople – nouvelle capitale de l’Empire – finit par se désintéresser des deux Maurétanie, beaucoup moins importantes à ses yeux que l’Afrique proconsulaire.


La parenthèse Vandale

En 429, de nouveaux envahisseurs se présentent en Kabylie romaine, alors en proie à une guerre civile : les Vandales, des Germains repoussés d’Espagne par les Wisigoths (cf. La formation des pays ibériques). Leur pression est telle que, en 435, l’Empire romain doit leur concéder un foedus sur le nord de la Numidie, la Proconsulaire Occidentale et la Maurétanie sitifienne. Mais les Vandales ne s’arrêtent pas là : après avoir pillé Carthage, ils occupent la Tripolitaine et, surtout, débarquent en Sicile. Pour les arrêter, Constantinople leur confère, en 442, un nouveau statut de fédérés qui débouche sur la création d’un royaume Vandale sur toute la Proconsulaire, l’ouest de la Tripolitaine et l’est de la Numidie. Le reste demeure possession de l’Empire mais, dans la pratique, il est aux mains de royaumes berbères romanisés, que les Vandales doivent affronter aux Ve et VIe siècles. Parmi les plus célèbres figurent le vaste royaume des Maures et des Romains, basé autour d’Altava dans l’ouest de la Maurétanie césarienne, le royaume des Aurès et le royaume de l’Ouarsenis fondé dans les montagnes du nord-ouest de l’Algérie : ayant pour capitale Tahert (« la lionne », en référence aux lions de l’Atlas) au sud-est d’Oran, il se distingue par ses nécropoles royales, les djeddars. Un autre royaume fait parler de lui, celui des Laguatans (ou Lawâta) de Cyrénaïque et de Tripolitaine ; dans les années 520, leur chef Cabaon remporte une victoire qui lui permet de s’affranchir des Vandales.

Plus au sud, l’introduction au 1er siècle du dromadaire venu d’Arabie favorise le développement du commerce caravanier. Au Ve siècle, les Lemtouna – des Berbères Sanhadja – fondent la ville d’Aoudaghost, au sud-est de l’actuelle Mauritanie : elle constitue un « port terrestre » ouvert sur les richesses de l’ouest africain, telles que l’or et les esclaves.

En 533-534, une cinquantaine d’années après la disparition de l’Empire romain d’Occident, les troupes de l’Empire d’Orient, commandées par Bélisaire, s’emparent du royaume Vandale, qui est transformé en province d’Afrique (Ifriqiya en arabe), correspondant aujourd’hui à la Tunisie, nord-est de l’Algérie et à la Tripolitaine. Réfugiés chez les Berbères nomadisant dans l’Atlas et le nord du Sahara, les derniers résistants Vandales sont éliminés quelques années plus tard. Constantinople ne contrôle pas pour autant l’hinterland : dans les décennies suivantes, elle doit affronter les révoltes de chefs berbères qui refusent de passer de la férule des Germains à celle des Romains d’Orient. C’est le cas du royaume des Maures et des Romains qui, battu en 578, éclate en petites principautés.

Dominations arabes et indépendances

A partir de 642, l’Afrique du Nord subit une demi-douzaine de vagues successives d’incursions arabes venues de l’est. Elles émanent des Omeyyades, la dynastie musulmane qui domine le Moyen-Orient. En un demi-siècle, ses troupes s’emparent de la Cyrénaïque et de la Tripolitaine, de l’Ifriqiya (où est fondée Kairouan, « la place d’armes ») et de l’Algérie, malgré la résistance des Berbères : d’abord celle du chef Koceïla, puis de la Zénète Dihya, que les Arabes vont baptiser la Kahina (« la devineresse »). Après sa mort dans les Aurès, au tout début du VIIIe, les Omeyyades s’emparent du Maroc et dominent l’ensemble du Maghreb. Non seulement les principaux chefs berbères sont soumis, mais ils fournissent aussi des troupes aux envahisseurs, en particulier les Lawâta. Les contingents berbères forment le gros des forces de Tariq ibn Ziyad, lorsqu’il se lance en 711 à la conquête de la péninsule ibérique. Quarante-cinq ans plus tard, les trois quarts de l’Espagne et du Portugal sont unifiés dans un Émirat de Cordoue, dirigé par des descendants des Omeyyades.

La mixité des troupes ne s’accompagne pas pour autant d’une diffusion rapide de l’arabe. Elle favorise en revanche la propagation de l’islam… mais parfois sous des formes hétérodoxes : le soufisme – qui pratique le culte des saints – et le kharidjisme, de rite sufrite ou ibadite. Séparés des sunnites dès 657, les kharidjites sont partisans de l’élection de leur chef au mérite, et non par succession. Ils comportent plusieurs tendances, dont les plus importantes sont les sufrites (ou kufrites) et les ibadites (cf. L’islam et ses chapelles). Ces deux variantes vont se propager parmi certaines des tribus berbères qui, à l’époque, sont regroupées en trois grandes confédérations : les Zénètes (dont font partie les Maghrawa et les Banu Ifren ou Ifrénides), les Sanhadja ou Zenaga (dont les Lemtouna du sud Marocain et les Kutama d’Ifriqiya) et les Masmouda du « Maghreb extrême », le Maroc actuel (dont les Berghwâta et les Ghomara).

Sous la pression des Arabes, certains Berbères s’enfuient vers le Sud pour échapper à la soumission. Leur métissage avec les Noirs africains donne naissance, au VIIe siècle, à la dynastie Dia qui fonde l’Empire Songhaï, en aval de la boucle du Niger. Au siècle suivant se développe le royaume africain du Ghâna, qui profite de l’ouverture des pistes transsahariennes par les Berbères Sanhadja et les Touareg pour faire commerce de l’or des mines du Bambouk (haut Sénégal), en échange du sel saharien et d’autres marchandises.

De 739 à 742, les kharidjites fomentent des émeutes contre les gouverneurs arabes du Maghreb, quelques années avant la chute des Omeyyades de Damas en 750 et leur éviction par les Abbassides de Bagdad. Les différentes communautés du Maroc et de l’Algérie actuels profitent de la situation pour fonder des États indépendants et repousser les occupants pour environ trois siècles : la domination des Abbassides s’arrête à l’est algérien, avant Constantine. En 755, une tribu sufrite du sud tunisien s’empare même de Kairouan, mais sa violence est telle qu’elle est évincée et massacrée par des ibadites de Tripolitaine, conduits par un imam d’origine persane. Les gouverneurs abbassides ayant repris la ville en 761, Ibn Rustom doit se replier vers l’ouest : élu imam par l’ensemble des tribus berbères ibadites locales, il fonde l’Imamat rustémide vers 776, en érigeant une ville nouvelle à Tahert pour en faire sa capitale. Au nord du Maroc, les Banu Ifren, de rite sufrite, établissent le royaume de Tlemcen qui, dès 789, doit faire allégeance aux Idrissides : fondée par des chiites zaydites chassés de Médine, cette dynastie s’est affirmée en recevant le soutien de multiples tribus berbères (Awraba, Zouagha, Luwata, Miknassa, Ghomara…). De 789 à 808, elle fonde la ville de Fès. Sur la côte atlantique du Maroc, dans l’actuelle région de Casablanca, dominent les Berghwâta.

Les Berbères confirment aussi leur emprise sur les routes transsahariennes. En 757, des Zénètes de rite sufrite, les Meknassa, fondent le carrefour caravanier de Sijilmassa, dans l’oasis de Tafilalet, au sud-est du Maroc. Vers 800, les Sanhadja instaurent l’Empire Amazigh ou royaume d’Aoudaghost dans le sud-est mauritanien. Durant des siècles, eux et les Touareg sont les maîtres du trafic caravanier transsaharien, assurant le transport d’or, de sel, mais aussi d’esclaves. Sur 17 millions d’Africains razziés par les trafiquants musulmans du VIIe au XIXe siècle, des rivages de l’Atlantique jusqu’à la péninsule arabique, environ 7,4 millions auraient été déportés à travers le Sahara (dont 4 millions entre 650 et le XVe siècle), 1,6 M seraient décédés au cours du voyage et 400 000 restés dans les oasis. Au fur et à mesure de leur progression vers le Sud sahélien, les tribus berbères se métissent, culturellement et ethniquement, avec les populations arabes et noires d’Afrique sub-saharienne (Peuls, Songhaï, Djerma…).

Dans le Maghreb, la puissance des Abbassides continue de se fragmenter tout au long du IXe siècle, fragmentation à laquelle n’échappe pas le royaume Idrisside. A Kairouan, un chef militaire du Khorasan fonde la dynastie des Aghlabides, sunnites melkites dont le rayonnement culturel et religieux s’exerce sur tout le Maghreb. En Tripolitaine règnent les Tulunides d’Égypte (868-905).


Parenthèse Fatimide et fractionnement

Ce fragile édifice s’écroule au Xe siècle, à partir de la fondation de la dynastie des Fatimides par des chiites ismaéliens ayant dû fuir la Syrie. Alliés aux Kutama de Petite Kabylie, ils provoquent la chute des royaumes Aghlabide (en 910) et Rustémide (en 911). Pour leur échapper, les Ibadites majoritairement Zénètes des hauts plateaux s’enfuient vers une région du nord saharien, le Mzab , d’où vient leur surnom de Mozabites. En 913-914, les Fatimides s’emparent de la Tripolitaine, puis de la Cyrénaïque, mais échouent aux portes de l’Égypte. Ils mettent alors le cap à l’ouest, s’emparent de Fès et soumettent les souverains Idrissides[1] et de Sijilmassa (922). En 959, ils atteignent les côtes atlantiques du Maroc, ce qui leur permet de contrôler quasiment toute l’Ifriqiya et le Maghreb. Les seuls à avoir légèrement contrarié leur expansion sont les Omeyyades d’Espagne, qui ont réussi à prendre Tanger et Ceuta.

Ayant finalement réussi à s’emparer de l’Égypte, en 969, les Fatimides confient le Maghreb à un gouverneur Sanhadja, qui s’émancipe de ses maîtres et fonde la dynastie Ziride. Il se dote d’une nouvelle ville pour capitale : Alger (Al-Jazaïr, « les îles » en arabe). Suprême affront, il rompt avec le chiisme. Pour se venger, les Fatimides suscitent des révoltes de Kutama, mais sans succès. Au Maroc, les Banu Ifren et les Maghrawas profitent de la situation pour reprendre le contrôle du Royaume de Tlemcen. En Tripolitaine, les Banu Khazrun (des Maghrawa) prennent leur indépendance au tout début du XIe (elle durera jusqu’en 1146). Dans le sud mauritanien, l’État berbère d’Aoudaghost est conquis vers 990 par le Ghâna, qui a repris de la vigueur et s’étend le long des fleuves Sénégal et Niger.

En 1015, le royaume Ziride se fractionne. Sa branche Hammadide s’émancipe et domine l’Algérie orientale, non sans conflits avec son voisin. Les deux royaumes ayant fait allégeance aux Abbassides de Bagdad (en 1047), les Fatimides lancent contre eux des confédérations de bédouins d’Égypte, venus de la péninsule arabique : les Beni Hilal ou Hilaliens en Ifriqiya, les Beni Sulaym en Cyrénaïque et Tripolitaine, ou encore les Beni Maqil. Bien que numériquement faibles, ces apports vont modifier le fonctionnement des sociétés berbères, repoussant les limites de l’agriculture vers les côtes et appauvrissant tout le haut plateau algérien. Au besoin, les principautés berbères utilisent ces envahisseurs comme supplétifs, pour régler leurs conflits internes. En 1058, une alliance des Hammadides et des Hilaliens provoque la chute du royaume Ifrénide de Tlemcen. Sous la pression, les dynasties se replient sur le littoral : les Zirides à Mahdia sur la côte tunisienne (dont ils seront chassés par les Normands en 1148) et les Hammadides à Bougie. Dans tout l’intérieur, le nomadisme reprend ses droits.

[1] Les derniers Idrissides à tomber, en 972, sont ceux du Rif, sous les coups des Omeyyades de Cordoue.

Marrakech. Crédit : Paul Macallan / Unsplash

Almoravides et Almohades

Vers 1040, le pouvoir au Maghreb bascule vers l’ouest, avec l’affirmation des Lamtouna de l’actuel Sahara occidental. Fondateurs de l’Etat d’Anbiya au IXe siècle, ils prennent le nom de Mourabitoun, c’est-à-dire « gens des ribat », des monastères fortifiés. Sunnites de rite malékite – et non kharidjites – ces « Almoravides » franchissent le haut-Atlas, s’attaquent aux Berghwâta qu’ils jugent hérétiques, prennent Sijilmassa, Fès et Aoudaghost, entre 1054 et 1055, ce qui leur permet de contrôler la route transsaharienne menant au Ghâna, qu’ils soumettent en 1078. Après avoir construit leur capitale à Marrakech (1062), ils s’emparent de Ceuta et traversent la Méditerranée : en 1086, ils reprennent la majeure partie du sud espagnol (al-Andalus) qui, une cinquantaine d’années plus tôt, avait éclaté en émirats rivaux, du fait des dissensions entre chefs berbères et arabes. L’Empire Almoravide s’étend alors de l’Espagne au Niger, mais il va s’effondrer, victime de ses défaites militaires (en 1125 devant le roi d’Aragon) et de son rigorisme religieux.

En 1145, une secte Masmouda de l’Anti-Atlas, née une vingtaine d’années plus tôt, se révolte : non moins rigoristes que les Almoravides, ses partisans se nomment Almohades (« ceux qui professent l’unité divine »). Déferlant sur le Rif, ils prennent Fès, s’installent à Marrakech et débarquent en 1146 dans al-Andalus, que les royaumes chrétiens d’Espagne commençaient à reconquérir. Les Almoravides survivants s’enfuient aux Baléares. Six ans plus tard, les Almohades défont les derniers Hammadides, ainsi que les tribus arabes alliées des Fatimides. Mais plutôt que de les écraser, ils préfèrent installer les Beni Hilal et les Beni Sulaym au Maghreb occidental, pour conquérir la côte Atlantique, ainsi que les steppes du sud et de l’est de l’Atlas, ce qui permet d’assimiler les tribus berbères ou de les repousser sur les hauteurs. Les Almohades repoussent aussi les Normands de Sicile (qui avaient mis à profit les difficultés des Zirides pour reprendre toutes les villes entre Tripoli et Tunis) et conquièrent l’Ifriqiya. Ils doivent y faire face aux révoltes fomentées par les Almoravides des Baléares (les Beni Ghaniya), du moins jusqu’à ce que ces derniers soient chassés de l’archipel espagnol en 1203.

En 1212, les royaumes chrétiens d’Espagne infligent une sévère défaite aux Almohades, dont l’empire se disloque aussi au Maghreb. En 1229, leur branche de Tunis prend son indépendance sous le nom d’Hafsides, six ans avant que des Zénètes n’établissent leur dynastie Zianide (ou Abdalwadide) au Maghreb central, avec Tlemcen pour capitale. Dans le « Maghreb al-Aqsa » (le Maroc actuel), le pouvoir est pris par d’autres Zénètes, les Beni Marin, qui fondent la dynastie Marinide (1258), avec Fès pour capitale. Les derniers bastions Almohades à tomber sont ceux de Marrakech et Tinmel (1269), même si des Masmouda parviennent à rester indépendants au Sud. Au Sahel, la dislocation de l’Empire Almohade provoque la conquête du royaume du Ghâna par le roi du Sosso et l’affirmation de l’Empire du Mâli.


Domination ottomane et unification du Maroc

Entre 1337 et 1347, les Marinides parviennent à unifier une large partie du Maghreb, en s’emparant de Tlemcen et du Royaume Abdalwadide, puis de l’Ifriqiya Hafside. Mais cette domination est de courte durée et les Marinides se replient sur le Maroc dès 1358 : l’Ifriqiya est partagée en trois principautés Hafsides (Tunis, Bejaia et Constantine, qui seront réunifiées à partir de 1370) et Tlemcen reprise par les Abdalwadides. En Mauritanie, des Beni Maqil arabes se superposent aux Sanhadja à partir du XIIIe siècle, donnant naissance au dialecte arabo-berbère. Tout au long du XVe siècle, les côtes marocaines et sahariennes voient par ailleurs s’implanter les Portugais et les Espagnols. A partir de 1402, ceux de Castille ont commencé à conquérir les îles Canaries. La résistance des autochtones Guanches, des Berbères non islamisés, est vaincue en 1495 et leur peuple assimilé. Dans le Sahel, les Touareg s’emparent de Tombouctou (en 1434) mais la reperdent une trentaine d’années plus tard, victimes de la renaissance du royaume Songhaï.

Après une quarantaine d’années de rivalités internes, les Marinides disparaissent en 1465. Ils sont remplacés, au centre et à l’ouest du Maroc, par les Wattasides, une branche des Beni Marin qui passe sous la suzeraineté des Turcs Ottomans en 1526, mais ne parviendra pas pour autant à conserver ses terres. Elle doit en effet affronter les Saadiens, un mouvement de marabouts arabes originaire du sud de l’Atlas qui a déclaré la guerre sainte aux Européens et veut émanciper la région de la tutelle ottomane. En 1549, la dynastie saadienne (ou zaydanide) chasse les Wattasides du pouvoir et refoule les Masmouda dans l’Atlas. En 1580, les Saadiens ont conquis tout le Maroc et, les années suivantes, s’aventurent jusqu’à Tombouctou et Gao.

Le reste du Maghreb est aux mains des Ottomans qui, en 1554, ont défait les Abdalwadides et établi leur autorité sur tout l’ouest et le centre de l’Algérie actuelle. En 1574, ils ont mis fin au royaume Hafside réunifié et repris Tunis, que les Espagnols avaient conquis près de quarante ans plus tôt. Au XVIIe, les pachas ottomans de Tripoli soumettent la Cyrénaïque et, sans les soumettre, imposent tribut aux Beni Mohammed du Fezzan. En Kabylie et dans les Aurès, le pouvoir des Turcs reste en revanche fragilisé par les révoltes chroniques de tribus berbères.

Au Maroc, des Sanhadja retrouvent brièvement le pouvoir, au milieu du XVIIe. A la faveur du morcellement de l’émirat Saadien, leur confrérie soufie de Dila (fondée au XVe au Moyen-Atlas) domine tout le Maroc central, y compris Fès et Meknès. Mais, dès 1668, elle doit l’abandonner à la nouvelle dynastie marocaine montante : les Alawites ou Chérifiens. Ces descendants de nomades arabes, arrivés du Hedjaz au début du XIIIe, réunifient le Maroc, qu’ils dirigent toujours aujourd’hui. A compter de la fin du XVIIe, plus aucun Berbère sédentaire ou semi-nomade n’est dirigé par un des siens : le pouvoir est exercé par des Arabes au Maroc, par les Ottomans en Algérie et en Tunisie et par les Espagnols dans quelques enclaves.


De l’occupation européenne aux indépendances

D’autres Européens prennent le relais, à partir de 1830 : les Français qui conquièrent d’abord le pays turc, c’est-à-dire les zones littorales, puis l’intérieur de l’Algérie entre 1839 et 1847, malgré la résistance d’un lointain descendant des Idrissides, l’émir Abd el-Kader. En 1871-1872, l’armée française doit affronter la rébellion des Mokrani, dont les chefs appartiennent à la tribu kabyle des Beni Abbes, fondateurs de la dynastie Hafside. La révolte touche jusqu’à un tiers de l’Algérie, mais elle se conclut par une défaite des insurgés, des déportations et des expropriations de terres au profit de colons français.

Au Maroc, les Espagnols ont récupéré Sidi Ifni, au sud d’Agadir, à l’issue de la guerre de Tétouan (1859-1860). En 1884, la Conférence de Berlin reconnait cette annexion, ainsi que la domination de l’Espagne sur la colonie de la Seguia el-Hamra (face aux Canaries) et sur le Rio de Oro, dans l’actuel Sahara occidental. Lorsque la France établit un protectorat sur le Maroc, en 1912, elle confie 47 000 km² de territoires marocains à Madrid : la « zone de Tarfaya », entre Sidi Ifni et le « Sahara espagnol », ainsi que l’extrême-nord, dont le Rif, une région accidentée et boisée, traditionnellement rétive à toute autorité centrale. L’occupation est très mal vécue par les Berbères rifains qui se rebellent sous la direction d’Abdelkrim, un ancien officier de l’administration espagnole. Après avoir infligé une sévère défaite à l’armée occupante à Anoual en 1921, ils proclament quatre ans plus tard une éphémère république du Rif. Madrid ne reprend le contrôle de la situation, en 1925, qu’après des années de combats ayant fait 90 000 morts et blessés, dont plus de la moitié dans les rangs espagnols. Elle le fait grâce au gaz sarin fourni par les Allemands et aux dizaines de milliers de soldats engagés par la France, Paris redoutant que les tribus berbères ne menacent les autorités arabes qu’elle soutient au Maroc.

En Algérie, les Kabyles sont peu nombreux dans l’armée coloniale française, qui recrute surtout dans les tribus arabes. Ils sont en revanche très engagés dans la lutte pour l’indépendance. Né à la fin du XIXe siècle, un courant « berbériste » se développe au sein du mouvement nationaliste algérien, y compris dans la communauté ayant migré en France : ainsi, le petit-fils d’Abd el-Kader préside l’Etoile nord-africaine née en 1926, dans l’orbite du parti communiste française. Tenants d’une « Algérie algérienne », les « berbéristes » s’opposent aux partisans d’une Algérie « arabo-musulmane », jusqu’au sein des organisations qui ont succédé à l’ENA, le Parti populaire algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés démocratique. L’opposition sourde entre Berbères et « Arabes » ne disparaît pas à l’indépendance, les nouveaux pouvoirs maghrébins choisissant d’ignorer leurs minorités pour mieux consolider leurs jeunes nations.

Ville berbère au Maroc. Crédit : Mauro Lima / Unsplash

Des reconnaissances à petits pas

En Algérie, l’arabisation à marche forcée entreprise par le FLN provoque l’arrestation, pour séparatisme, d’Hocine Aït Ahmed qui, au nom du pluralisme, a quitté le parti unique pour fonder son propre Front des forces socialistes (FFS). Mise sous l’éteignoir par le coup d’État militaire de 1965, la question des droits de la minorité berbère resurgit en 1980 avec le « printemps kabyle » qui, depuis Tizi Ouzou dans le massif du Djurdjura en Kabylie, gagne Alger et mobilise des centaines de milliers de personnes. Sa répression fait des dizaines de morts, comme la célébration de son vingtième anniversaire en avril 2001 (le « printemps noir »). Le régime, qui avait déjà reconnu l’amazighité comme composante de l’identité algérienne (au même titre que l’arabité et l’islamité) en 1996, décide de lâcher du lest, alors que le pays sort à peine d’un violent soulèvement islamiste : en 2002, un article réécrit de la Constitution accorde au tamazight le statut de langue nationale, l’arabe demeurant seule langue officielle. Cette évolution a provoqué l’affaiblissement des représentants du mouvement berbère (FFS, RCD, clans arouch), les partisans du dialogue avec le pouvoir ayant pris le dessus sur les berbérophones plus radicaux. La situation reste toutefois inflammable : en 2014, la campagne électorale présidentielle s’achève par diverses manifestations violentes dans le pays, en particulier dans les Aurès et en Kabylie. De nouvelles échauffourées éclatent en avril, lorsque le régime interdit la célébration du 34ème anniversaire du « Printemps berbère », organisée par le Mouvement culturel berbère (MCB) et le Mouvement pour l’autonomie de la Kabyle (MAK-non agréé).

La tension est encore plus vive dans la région de Ghardaïa, où de violents affrontements opposent Mozabites et tribus arabes de rite malékite (sunnite) en 2013-2014. Vivant en quasi-autarcie dans leur vallée du Mzab (réseaux sociaux, banque, groupes d’auto-défense…), les premiers dénoncent les expropriations dont ils seraient victimes, avec la complicité des forces de l’ordre. En juillet 2015, l’apparition d’armes à feu dans les heurts provoque la mort d’une vingtaine de personnes. En février 2016, une nouvelle concession du pouvoir aboutit à la reconnaissance du tamazight comme langue officielle de l’Algérie, pour laquelle le sujet reste sensible. En août 2021, Alger rompt ses relations diplomatiques avec Rabat, le Maroc ayant évoqué le droit à l’autodétermination des Kabyles, par analogie avec la cause des Sahraouis – Maures du Sahara occidental – que défend l’Algérie.

Au Maroc, le pouvoir a longtemps laissé de côté la question berbère. A l’indépendance, en 1956, la monarchie interdit ainsi aux Rifains de se rendre en Algérie, encore française, où nombre d’entre eux travaillent comme saisonniers. Des émeutes contre la tutelle de Rabat surviennent en 1958 et 1959, puis en 1984 à Al Hoceima dans le Rif : leur répression conduit à une très forte immigration, en particulier vers la Belgique (sur les 700 000 musulmans du royaume belge, 500 000 seraient d’ascendance rifaine). Jusqu’en 1999, date de la mort d’Hassan II, la région ne bénéficiera d’aucun investissement… ce qui y favorise l’essor du trafic de drogue, la culture du cannabis y étant sept à seize fois plus rentable que celle d’autres plantes. En 1994, le souverain préconise toutefois l’enseignement dans toutes les écoles primaires des trois « dialectes marocains » (tarifit, tamazight et tachelhit). Son fils et successeur Mohammed VI va plus loin : en 2001, il annonce la création d’un Institut royal pour la culture amazighe, reconnaissance de l’identité « plurielle » du Maroc « bâtie autour d’affluents divers, amazighe, arabe, sub-saharien africain et andalou ». Mais la situation reste tendue, dans des régions économiquement en retard sur le reste du pays. Le violent séisme qui fait plus de six cents morts, en février 2004, dans la région d’Al Hoceima ravive le sentiment anti-marocain dans le Rif. Quatre ans plus tard, de violentes émeutes opposent des jeunes aux forces de l’ordre dans la ville berbère de Sidi Ifni, après un tirage au sort contesté pour l’embauche de trois personnes par la municipalité.

Face à l’agitation politico-sociale qui touche tout le monde arabo-musulman, Mohammed VI annonce en 2011 que le tamazight sera une langue officielle de l’État, l’unité du pays s’étant « forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazigh et saharo-hassanie » (au Sahara occidental). En 2017, le roi ordonne le retrait progressif des forces de l’ordre de tous les lieux publics symboliques d’Al-Hoceima, après la mort d’un vendeur de poissons, broyé par une benne à ordures en voulant récupérer la marchandise que lui avait confisquée la police. Les leaders du mouvement de protestation qui s’en est suivi sont toutefois condamnés à des peines allant jusqu’à vingt ans de prison.

En Libye, la révolution ayant conduit à la chute du dictateur Kadhafi, en 2011, a entraîné la multiplication des factions se disputant le pouvoir central. En échange de l’inclusion de la berbérité dans la future Constitution, les Berbères des Monts Nefousa ont plutôt pris partie pour le camp islamiste, au même titre que les Touareg qui souhaitent évincer leurs ennemis Toubous du sud libyen. Dans les autres pays sahéliens, Mali et Niger, les Touareg posent clairement la question de leur indépendance, quand ils ne se rallient pas au pouvoir central (cf. Les Touareg).


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