322 463 km²
République présidentielle
Capitale : Yamoussoukro[1]
Monnaie : franc CFA
30 millions d’habitants, dont 75 % d’Ivoiriens et 25 % de Burkinabé, Guinéens, Maliens…
[1] Yamoussoukro est la capitale officielle depuis 1983, mais Abidjan demeure la capitale administrative, économique et diplomatique.
Ouverte sur le golfe de Guinée au sud (515 km de côtes), la Côte d’Ivoire possède 3 458 km de frontières terrestres avec cinq pays : 720 avec le Ghana à l’est, 545 avec le Burkina Faso et 599 avec le Mali au nord, 816 avec la Guinée et 778 avec le Liberia à l’ouest. Couvert de forêts et de savanes, le relief est majoritairement plat, à l’exception de quelques montagnes à l’ouest (culminant à un peu plus de 1750 m). Le climat est tropical et semi-aride à l’extrême-nord.
Le pays compte une soixantaine d’ethnies, parlant autant de langues, dont beaucoup sont présentes dans les pays voisins. Aucune n’est majoritaire. Les ethnies les plus nombreuses sont celles du groupe Akan (38%, dont les Agni et les « Lagunaires » du sud-est, ainsi que les Baoulé du centre). Elle sont suivies des Mandés ou Mandingues du nord et du sud (31 %, dont les Malinké du nord-est et les Yacouba ou Dan et les Gouro du centre-ouest), des Gour ou Voltaïques (22%, dont les Lobi, ainsi que les Sénoufo et leurs cousins Koulango, « ceux qui n’ont pas peur de la mort« ) et des Kru (9 %, dont les Bété du sud-ouest). La langue officielle est le français, mais la plus parlée est le dioula, langue véhiculaire du groupe mandingue, proche du bambara. La population vit en grande majorité dans le sud du pays.
Sur environ 80 % de la population déclarant une religion, 43 % sont de confession musulmane, essentiellement sunnite : l’islam est particulièrement présent au sein des ethnies du nord et des immigrés. Majoritaire chez les natifs de Côte d’Ivoire, le christianisme compte 34 % d’adeptes, dont un peu plus de la moitié sont catholiques ; il est surtout pratiqué au centre, à l’est et au sud. Les animistes sont officiellement moins de 4 %, mais sans doute plus nombreux du fait du mélange pouvant exister entre rites traditionnels et autres religions. Ainsi, les Bété sont animistes et/ou chrétiens.
La colonie française de Côte d’Ivoire devient indépendante en 1960, sous la présidence de Félix Houphouët-Boigny, député et ministre français et maire d’Abidjan, né vers 1905 dans un village du centre du pays, au sein d’une famille Baoulé. Il est élu avec près de 99 % des voix au lendemain de l’indépendance et se fait réélire largement tous les cinq ans, à la tête de son Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Fervent francophile, il conserve des liens étroits avec l’ancien colonisateur, en particulier pour développer l’économie, fortement basée sur la culture et l’exportation de cacao et de café. Mais ce « miracle ivoirien », qui vaut à la Côte d’Ivoire de devenir un des pays les plus prospères et développés d’Afrique occidentale, commence à donner des signes de faiblesse au milieu des années 1980.
La stagnation économique se double d’un début de crise politique, alimentée par la santé déclinante du « Vieux » et par l’introduction forcée du multipartisme : celui-ci favorise en effet des affirmations identitaires et ethniques que « Houphouët » avait su maintenir sous le boisseau de son parti unique, en alliant les Akan et les Voltaïques dans l’exercice du pouvoir. Les rivalités entre gens du nord, du centre et du sud s’incarnent notamment dans les personnes du Premier ministre Alassane Ouattara (un Mandingue descendant des empereurs Kong), du dauphin désigné du Président (le Baoulé Henri Konan Bédié) et de l’opposant historique Laurent Gbagbo (un Bété).
A la mort de « FHB », en 1993, Konan Bédié lui succède en tant que Président de l’Assemblée nationale. Deux ans plus tard, il se fait élire formellement et remporte plus de 96 % des voix face à une opposition divisée, dont une partie avait appelé au boycott. Sous couvert de relancer l’économie – mais surtout pour bloquer l’accès aux plus hautes fonctions des populations musulmanes du nord, à commencer par Ouattara dont l’origine ivoirienne est contestée – le nouveau chef d’État instaure diverses dispositions qui renforcent le concept « d’ivoirité » : une révision du Code électoral impose aux candidats à la présidence de prouver leur double ascendance ivoirienne (alors que durant la période précédente, les cartes d’identité avaient été largement distribuées à la majorité des étrangers vivant sur le territoire national) et une réforme foncière stipule que seuls les Ivoiriens de souche peuvent posséder des terres. Konan Bédié n’ayant pas, comme son prédécesseur, choisi son Premier ministre parmi les « nordistes », ceux-ci se regroupent autour de Ouattara : son Rassemblement des Républicains (RDR) fédère les « Dioulas », à savoir les nord-Mandingues et les « Voltaïques », qu’ils soient Ivoiriens de naissance ou venus de l’étranger. De son côté, le Front populaire ivoirien (FPI) de Gbagbo rassemble les ethnies estimant avoir été lésées sous Houphouët : les Kru / Bété, les sud-Mandingues (Yacouba, Gouro) et les Akan autres que les Baoulé.
La présidence de plus en plus autoritaire de Konan Bédié divise aussi au sein de l’armée : en décembre 1999, il est renversé par un coup d’État dirigé par le général Robert Guéï, membre de l’ethnie Yacouba, qu’il avait limogé en 1995. Ayant écarté les candidatures de ses principaux rivaux, le « père Noël en treillis » pense remporter la présidentielle d’octobre 2000, mais il est devancé par Gbagbo dont il refuse de reconnaître la victoire. La répression des manifestations de protestation qui s’ensuivent, ainsi que les affrontements entre militants du FPI et partisans de Ouattara font au moins trois cents morts. Finalement, Guéï doit abandonner le pouvoir et le céder à Gbagbo, qui instaure un gouvernement d’union nationale. Non seulement le RDR n’en fait pas partie, mais ses militants déclenchent de nouveaux heurts meurtriers fin 2000, quand la candidature de Ouattara aux législatives est rejetée, toujours pour les mêmes raisons (l’exercice de hautes fonctions administratives dans le passé pour le compte du Burkina). Dans le nord, les « dozos » (chasseurs traditionnels qui sauraient traverser les murs et se rendre invisibles) s’emparent d’administrations, de gendarmeries et de commissariats.
De nouveaux troubles éclatent en septembre 2002. Des militaires tentent de s’emparer du pouvoir à Abidjan, Bouaké (la deuxième ville du pays, au centre) et Korhogo (la « capitale » du nord). La reprise en main de la grande ville du sud par les forces présidentielles s’accompagne de l’élimination physique de certains opposants dont Guéï soupçonné, sans doute à tort, d’être l’instigateur du coup de force. Repoussés d’Abidjan, les mutins sont en revanche solidement implantés dans la moitié nord du pays. Certains sont des anciens militaires, partisans de Ouattara, qui ont été chassés de l’armée au nom du mouvement « TSO » (tout sauf Ouattara) et se sont réfugiés au Burkina-Faso et au Mali, où ils ont bénéficié de soutien ; c’est le cas du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI). D’autres, venus du Liberia et appuyés par des pillards Libériens, sont plutôt des fidèles de Guéï, à l’image du MJP (Mouvement pour la justice et la paix) et du MPIGO (Mouvement populaire ivoirien du Grand-Ouest) qui s’emparent de Man, en direction de la « boucle du cacao ». Les trois formations, qui fusionnent en Forces nouvelles (FN), en arrivent à occuper la moitié du pays. Liée par un accord de défense avec la Côte d’Ivoire, la France intervient… diplomatiquement. En janvier 2003, elle obtient la signature d’accords qui maintiennent Gbagbo au pouvoir, mais prévoient aussi l’entrée des opposants au gouvernement et le déploiement d’une force d’interposition franco-africaine.
Mais, prétextant que Paris lui a forcé la main, Gbagbo rechigne à appliquer les accords et mobilise son armée et ses milices des Jeunes patriotes. La répression d’une marche dénonçant l’enlisement du processus de paix fait une centaine de morts, avant que les forces loyalistes ne bombardent des populations civiles dans l’ouest et que la plupart des ministres d’opposition ne soient limogés. La crise atteint son paroxysme en novembre 2004 quand deux avions ivoiriens bombardent, soi-disant « par erreur », la base française de Bouaké, y tuant dix personnes. A Abidjan, des blindés français tirent sur la foule hostile qui les encerclait, car pensant que Paris préparait un coup d’État ; entre une vingtaine et une soixantaine de personnes sont tuées. La crise n’épargne pas la rébellion : à Bouaké et Korhogo, des combats meurtriers opposent les partisans d’Ibrahim Coulibaly, un des principaux chefs rebelles, à ceux de Guillaume Soro, le chef politique des Forces nouvelles. A l’ouest, la « chasse aux Dioulas » reste pratiquée par les Guéré et les Yacouba, favorables au régime, sur fond de contrôle des cultures de café et de cacao : elle est menée par des milices telles que le Miloci (Mouvement de libération de l’ouest) et le FLGO-CI (Front de libération du Grand-ouest de la Côte d’Ivoire). Largement composé de réfugiés Libériens, le second ira aussi combattre le Président du Liberia, Charles Taylor, qui soutient les rebelles nordistes ivoiriens.
La situation ne s’apaise véritablement qu’en mars 2007, avec la signature d’un accord entre Gbagbo et Soro, sous l’égide du Président burkinabé Compaoré et de la communauté catholique Sant’Egidio. Signé à Ouagadougou, le texte proclame une amnistie, prévoit l’intégration des rebelles dans l’armée et le démantèlement de leur zone, ainsi que la nomination de Soro comme chef d’un gouvernement d’union nationale (juste avant qu’il ne réchappe d’un attentat meurtrier à la roquette sur l’aéroport de Bouaké).
Prévues dans l’accord de 2007, les élections présidentielles se déroulent à l’automne 2010. Arrivés en tête au premier tour, Gbagbo et Ouattara (autorisé à se présenter après une révision du code électoral) se disputent le second. Au nom de la coalition que le PDCI a formée avec le RDR en 2005 (le RHDP, Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), Konan Bédié, arrivé troisième, se rallie à Ouattara. De ce fait, ce dernier l’emporte, mais le Conseil constitutionnel proclame la victoire de Gbagbo, après avoir invalidé des résultats électoraux du nord. Le pays se retrouvant avec deux Présidents, des combats éclatent en février 2011. A Abidjan, un « commando invisible » dirigé par « IB » Coulibaly s’attaque aux éléments pro-Gbago, tandis que les Forces nouvelles s’emparent de nouvelles positions dans l’ouest et que Gbagbo arme des milices tribales. Rebaptisées Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), les troupes fidèles à Ouattara – dont les Forces nouvelles, puisque Soro est devenu Premier ministre – s’emparent sans coup férir du port de San Pedro et de Yamoussoukro, grâce au ralliement de la police, de la gendarmerie et de la grande majorité du commandement militaire. Dans l’ouest, les combats s’accompagnent du massacre de centaines de civils par les forces de Gbagbo, les chefs militaires (« com-zones ») des ex-FN et leurs supplétifs libériens respectifs. Les massacres de loin les plus importants (y compris d’enfants et de vieillards) visent l’ethnie des Guéré, considérée comme favorable au Président sortant.
Fortement retranché dans la résidence présidentielle, Gbagbo n’en est délogé par les FRCI qu’avec l’appui des forces de l’ONU et les troupes françaises de l’opération Licorne. Le chef de l’État vaincu est envoyé en résidence surveillée dans le nord, tandis que les forces de Ouattara éliminent les dernières poches de résistance, y compris celles venant de leurs rangs : ainsi, Coulibaly est abattu pour avoir refusé d’intégrer son « commando invisible » à l’armée nationale. Au total, les violences post-électorales auraient fait près de 3 000 morts. La situation n’est d’ailleurs pas stabilisée en 2012, en particulier dans le sud-ouest frontalier du Liberia (où une demi-douzaine de Casques bleus sont tués) et dans certains quartiers d’Abidjan (où des postes de police sont attaqués par des hommes lourdement armés). Le désarmement des ex-rebelles et le jugement éventuel de certains de leurs chefs demeurent également des sujets sensibles.
En mars 2016, la Côte d’Ivoire est frappée pour la première fois par la violence djihadiste qui endeuille le Sahel ; près de vingt personnes sont mortellement mitraillées par des assaillants du groupe Aqmi dans la station balnéaire de Grand-Bassam, fréquentée par les expatriés et la bourgeoisie locale.
Largement réélu en octobre 2015, Ouattara fait adopter un an plus tard une nouvelle Constitution qui enterre « l’ivoirité » et reconnait le pouvoir des rois et chefs coutumiers. La situation sécuritaire du pays, elle, demeure précaire. Au premier semestre 2017, le gouvernement doit faire face à une série de mutineries militaires à Bouaké, Korhogo, Man, San Pedro et Gagnoa, les mutins exigeant des primes et une amélioration de leurs conditions de travail. La situation politique se tend aussi : le PDCI rompt son alliance avec Ouattara, suivi de Soro. Devenu Président de l’Assemblée nationale, l’ancien chef de la rébellion aspire à concourir à la prochaine présidentielle, mais préfère annoncer sa candidature depuis la France, après avoir été accusé de « tentative d’atteinte à l’autorité de l’État », à la suite de la découverte d’armes au siège de son parti. En 2020, Soro est condamné à vingt ans de prison pour une autre affaire : l’achat de sa résidence privée avec des fonds publics, lorsqu’il était Premier ministre.
Ouattara estimant que la limite de deux mandats a été remise à zéro par la nouvelle Constitution, il annonce sa candidature à la présidentielle. Coïncidant avec l’incapacité de Soro et Gbagbo à se présenter, l’annonce déclenche des violences à caractère ethnique (une trentaine de morts) : elles opposent des « Dioulas » pro-gouvernementaux à des opposants Baoulé à Daoukro (fief de Bédié), Agni, Abouré, Dida… Ouattara est finalement réélu à 94 %, avec une participation de 54 % malgré le boycott de l’opposition. Tous les partis concourent en revanche aux législatives de mars 2021, largement remportées par le RDHP, devenu le successeur du RDR en tant que parti présidentiel.
La même année, le chef de l’État reçoit des preuves de réconciliation de la part de Gbagbo. Blanchi des accusations de crime contre l’humanité qui pesaient sur lui, du fait des évènements de 2011, l’ancien Président fait son retour sur la scène politique : exclu du FPI, qui s’est recentré, il fonde sa propre formation, panafricaine et socialiste, le Parti des peuples africains Côte d’Ivoire (PPA-CI). Les élections locales et régionales de l’automne 2023 confirment la recomposition du paysage : le RHDP arrive largement en tête devant le PPA-CI et le PDCI, alliés dans de nombreuses localités, tandis que le FPI est laminé.