Sud-africaine (république)

Sud-africaine (république)

Le géant d’Afrique australe continue à souffrir des séquelles du régime d’apartheid et de la corruption.

1 219 090 km²

République parlementaire

Capitale : Pretoria, dans la municipalité de Tshwane[1]

Monnaie : le rand

60,5 millions de Sud-Africains

[1] Le Parlement siège au Cap et les institutions judiciaires à Bloemfontein et à Johannesburg (Cour constitutionnelle).

Comptant 2 798 km de côtes (sur les courants froids de l’Atlantique à l’ouest et les courants chauds de l’océan Indien à l’est), le RSA partage 5 244 km de frontières terrestres avec six pays : 1106 km avec le royaume enclavé du Lesotho, 438 km avec le Eswatini et 496 km avec le Mozambique à l’Est, 230 km avec le Zimbabwe, 1 969 km avec le Botswana et 1 005 km avec la Namibie (du Nord-Est au Nord-Ouest).

Le territoire sud-africain inclut les deux îles volcaniques de l’archipel subantarctique du Prince Edouard (345 km²), situées à 1 730 km au sud-est des côtes sud-africaines. Elles sont inhabitées, à l’exception de quelques chercheurs vivant sur l’île Marion. Pour le relief et le climat, cf. Afrique australe.

Plus de 81 % des Sud-Africains sont Noirs, un peu plus de 7 % Blancs, plus de 8 % « Coloured » (métis) et un peu moins de 3 % Indo-asiatiques. Les Zoulous représentent plus d’un quart de la population, devant les Xhosa (15 %), Pedi (10 %), Tswana ou Sotho occidentaux (9 %), Sotho du nord (8 %), Tsonga (4 %), Swazi ou Swati (3 %), Venda, Ndebele, Khoi… Certaines de ces ethnies sont plus nombreuses en Afrique du sud que dans leur patrie : c’est le cas des Tswana (de l’ex-Transvaal et du Cap) par rapport à ceux du Botswana, des Sotho de l’ex-Transvaal par rapport aux Sotho méridionaux du Lesotho, des Swazi par rapport à ceux du Eswatini. Parmi les Blancs, environ 60 % sont des afrikaners, descendants de colons venus des Pays-Bas, y compris des huguenots (protestants) français qui y avaient trouvé refuge. Outre l’anglais, les langues officielles sont l’afrikaans et celles des neuf principales ethnies noires.

Minoritaires dans les provinces du Cap-Occidental (Le Cap) et du Cap-Nord (la plus vaste avec près de 373 000 km²), les Noirs sont nettement majoritaires dans les sept autres : Le Cap oriental, l’État libre (ex-Orange, capitale Bloemfontein), le KwaZulu-Natal (capitale Durban), le Gauteng (la plus petite, un peu plus de 18 000 km² autour de Johannesburg), le Limpopo, le Mpumalanga et le Nord-Ouest. Les quatre dernières sont les héritières de l’ex-Transvaal.

Plus de 85 % de la population déclare être chrétienne, essentiellement protestante : les membres d’Églises africaines (comme celles du mouvement zioniste) sont au moins 25 %, loin devant les pentecôtistes et les autres obédiences. Les adeptes de religions traditionnelles sont environ 8 %, les musulmans moins de 2 % et les hindous un peu plus d’1 %.

Bien que dominion britannique (cf. Particularismes étatiques), l’Union sud-africaine (née en 1910) est dominée par les Afrikaners, qui constituent plus de la moitié de l’électorat, sachant que la quasi-totalité de la population non-blanche n’a pas le droit de voter. Les Africains ont par ailleurs l’interdiction d’acheter des terres en dehors de certains territoires, qui ne couvriront jamais plus de 15 % du pays. A l’époque, le pays compte 4 millions de Noirs, 1,3 million de Blancs, 525 000 Métis et 150 000 Indiens. En 1910, le Parti sud-africain (SAP), favorable à la réconciliation avec les anglophones, remporte les premières élections et, par fidélité à l’Empire britannique, participe à la première Guerre mondiale aux côtés de Londres. C’est à cette occasion que les troupes d’Afrique du sud s’emparent du Sud-ouest africain (future Namibie), alors aux mains des Allemands. Mais le SAP perd les élections de 1924, au profit d’une formation qui défend en priorité les droits des Afrikaners : le Parti national (NP). C’est ce dernier qui fait de l’afrikaans la deuxième langue officielle du pays (aux côtés de l’anglais), à la place du néerlandais.

La tension entre communautés ne commence vraiment à monter qu’au lendemain de la seconde Guerre mondiale, quand l’industrialisation du pays s’accompagne de son urbanisation et de la forte croissance des populations noires dans les villes. En 1946, des grèves de mineurs sont fortement réprimées, ce qui favorise la véritable émergence d’un mouvement de défense des Noirs : le Congrès national africain (ANC), héritier du Congrès national indigène sud-africain fondé en 1912 par une partie de la petite intelligentsia noire. La même année 1946, l’Union sud-africaine passe outre les recommandations de l’ONU et traite le Sud-ouest africain comme s’il était sa cinquième province.


En 1948, le Parti national remporte les élections sur un programme qui préconise la ségrégation entre Blancs et Noirs. La mise en œuvre de cette politique d’apartheid s’accompagne de la suppression du droit de vote dont bénéficiaient encore certains Coloured du Cap. Elle se traduit aussi par la transformation des « réserves » noires en territoires plus ou moins autonomes, avec le soutien de certaines élites locales : les bantoustans, l’idée étant que chaque grande ethnie en ait un. Des années 1960 au début des années 1980, plus de trois millions de Noirs vont être déplacés de force dans ces dix homelands.

Le combat contre cette pratique de « développement séparé » alimente une concurrence politique au sein de la communauté noire, avec l’émergence du Congrès panafricain d’Azanie (PAC). C’est lui qui, pour devancer l’ANC, lance en 1960 un mouvement de manifestations non violentes destiné à réclamer l’abrogation des « passeports intérieurs » imposés aux travailleurs Noirs. Les revendications prennent un tour dramatique à Sharpeville, un township (banlieue) du Transvaal, où une soixantaine de manifestants meurent sous les balles d’une police dépassée. L’affaire vaut à Pretoria une réprobation internationale, y compris de Londres.

Dès l’année suivante, en 1961, le régime sud-africain en tire les conséquences et organise un référendum qui consacre l’abolition de la monarchie. L’Afrique du sud devient la République sud-africaine (RSA) et quitte le Commonwealth britannique.

La même année, l’ANC lance une lutte armée, via sa branche militaire Umkhonto we Sizwe (MK, le « fer de lance de la nation » en zoulou) alliée au Parti communiste (SACP). En 1964, l’ANC et d’autres organisations sont interdites et plusieurs de leurs dirigeants sont exilés ou emprisonnés, comme Nelson Mandela, un avocat Xhosa qui est un des chefs du MK. Deux ans plus tard, le Premier ministre Hendrik Verwoerd est assassiné en pleine session parlementaire, mais son meurtrier n’est pas Noir : c’est un Métis qui sera interné pour troubles psychiatriques.

La disparition du « père » de l’apartheid n’empêche pas le processus de ségrégation de se renforcer. En 1970, les ethnies noires perdent la citoyenneté sud-africaine, au profit de celle de leur bantoustan. Quatre homelands deviennent même « indépendants », à partir de 1976 (mais sans obtenir la moindre reconnaissance internationale) : le Transkei et le Ciskei (de part et d’autre du fleuve Kei) pour les Xhosa, le Bophuthatswana et le Venda. En dépit des efforts du régime, le système demeure cependant incomplet, puisque la très grande majorité des Noirs continue à résider à la périphérie des grandes villes de la RSA, dont elles constituent la main d’œuvre principale.

La création des homelands permet cependant aux Blancs de nouer des alliances avec certains caciques africains. C’est le cas dans le bantoustan autonome du KwaZulu. Son Premier ministre, le prince Mangosuthu Buthelezi, est un dissident de l’ANC qui a fondé sa propre formation, l’Inkhata Freedom party (IFP), héritière d’une organisation culturelle fondée dans les années 1920 pour défendre les traditions zoulous. Dans les années 1980, l’Inkhata[1] devient même un supplétif du régime dans sa lutte contre l’ANC : armé par les unités anti-terroristes de la police, il reçoit aussi l’appui de groupes paramilitaires blancs lors de la guerre civile qui oppose les Zoulous du Natal à la fin de la décennie (10 000 morts).

[1] Chez les Zoulous, Inkatha désigne le bandeau que l’on ajuste sur sa tête afin de pouvoir transporter des chargements divers.

Entretemps, un nouvel accès de fièvre est survenu en 1976, lorsque le gouvernement a essayé d’imposer l’enseignement de l’afrikaans (considéré comme la « langue de l’apartheid ») dans les écoles noires, en plus de l’anglais et des langues traditionnelles. Parti de Soweto, une banlieue au sud de Johannesburg, le mouvement de protestation des élèves gagne plusieurs villes du pays. Sa répression fait plus de cinq cents morts. Affaibli par les sanctions économiques et politiques que la communauté internationale lui a imposées en raison de ses pratiques, le régime commence à lâcher du lest. Après la suppression du passeport intérieur, il instaure un parlement tricaméral, ouvert aux Indiens et aux Coloured.

En 1990-1991, le nouveau président sud-africain Frederik de Klerk va encore plus loin : après avoir finalisé le passage de la Namibie à l’indépendance (sous l’égide de l’ONU), il légalise l’ANC et les autres mouvements noirs, libère Mandela, abolit les dernières lois de l’apartheid et entame un processus de transition constitutionnelle. Celui-ci aboutit, en 1994, aux premières élections tenues au suffrage universel, sans distinctions raciales ou censitaires. L’ANC ayant remporté plus de 60 % des suffrages, Mandela est élu Président de la république par la nouvelle assemblée constituante (une nouvelle Constitution entrant en vigueur en 1996), avec de Klerk comme vice-Président. Le pays réintègre aussi le Commonwealth, restitue l’enclave de Walvis Bay à la Namibie et dissout les homelands, qui sont réintégrés dans les neuf nouvelles provinces du pays. Foncièrement hostile à la disparition de son bantoustan, Buthelezi finit quand même par rejoindre le processus électoral de 1994 ; il devient ministre de l’Intérieur du gouvernement d’unité nationale que Mandela a formé, pour réconcilier les multiples composantes de ce qu’il appelle « la nation arc-en-ciel » .

Comme il s’y était engagé, « Madiba » (son surnom Xhosa) n’effectue qu’un seul mandat et laisse son vice-Président Thabo Mbeki lui succéder aux élections de 1999. Mais, pas plus que Mandela (qui décèdera fin 2013), le chef de l’État lui aussi Xhosa ne parvient à remédier aux profondes inégalités de richesse et de développement héritées de l’apartheid : logement, emploi, accès à l’énergie et aux soins… Démis de ses fonctions en 2008, pour insuffisance de résultats, Mbeki est remplacé par le Zoulou Jacob Zuma, ancien vice-Président entre 1999 et 2005. Mais lui non plus ne parvient pas à juguler la crise que continue à traverser l’immense majorité de la population noire. Pire, ce représentant de l’aile gauche de l’ANC ternit l’image du mouvement lorsque, en 2012, la police tire sur des mineurs de platine en grève (une trentaine de morts). Visé par des affaires de corruption, au profit d’entrepreneurs d’origine indienne, Zuma est poussé à la démission par des dissidents de l’ANC (les Combattants pour la liberté économique, EFF), mais aussi par le SACP et la centrale syndicale Cosatu, membres de la coalition gouvernementale.

Zuma est remplacé par Cyril Ramaphosa, Président du parti et représentant de son aile libérale. Venda d’origine modeste né à Soweto, ce syndicaliste devenu homme d’affaires est formellement élu en 2019, mais avec le plus faible score jamais obtenu par l’ANC (moins de 60 %). Le Parlement venait pourtant de faire voter une loi de redistribution des terres, censée compenser les lacunes de la réforme agraire votée en 1994 (corruption et manque de formation des nouveaux propriétaires Noirs). En 2018, plus de 70 % des propriétés individuelles sont encore aux mains de Blancs, à peine moins qu’à la fin de l’apartheid (85 %). Les terres collectives (60 % du total) appartiennent à l’État, à des entreprises (notamment minières), ainsi qu’à des communautés locales (par exemple dans les anciens bantoustans) et à des trusts (comme celui du roi de la nation Zoulou).

Comme souvent, les frustrations de la population se retournent contre les étrangers. Comme en 2008, puis en 2015, une vague de xénophobie se déclenche contre les migrants venus d’Afrique australe ou du reste du continent. Pillages et meurtres font jusqu’à cinquante victimes par jour en 2018-2019, contraignant des pays comme le Nigeria à rapatrier leurs ressortissants. Une nouvelle vague de violence survient en juin 2021 quand Zuma est arrêté et emprisonné pour corruption. Les heurts entre ses partisans (Zoulous) et ceux (Venda) de Ramaphosa font plus de trois cents morts.

En mai 2024, l’ANC perd sa majorité absolue aux élections générales, en obtenant à peine plus de 40 % des votes. Le parti est victime d’une nouvelle baisse de la participation, mais aussi de la concurrence de l’EFF et surtout du MK. La nouvelle formation fondée par Zuma (en reprenant le nom de la branche armée de l’ANC) frôle la majorité absolue au Kwazulu-Natal et dans la province voisine du Mpumalanga. Obligé de former une coalition pour être reconduit, Ramaphosa exclut toute alliance avec ses dissidents de gauche et choisit une voie « centriste » en gouvernant avec l’Alliance démocratique (AD, multiraciale, arrivée deuxième et majoritaire au Cap-occidental), l’IFP Zoulou, des petits partis de centre gauche et même le FF Plus, un parti identitaire blanc. Cette solution empêche la formation de Zuma (libéré pour raisons médicales) de diriger le Kwazulu-Natal.

Photo de « une » : la ville du Cap. Crédit : Sharonang / Pixabay