Angola

Angola

La rente pétrolière ne suffit pas à enrichir un pays soumis à vingt-sept ans de guerre civile et cinquante ans de domination sans partage du même parti.

1 246 700 km²[1]

République présidentielle

Capitale : Luanda

Monnaie : le kwanza

37 millions d’Angolais

[1] Dont un peu moins de 7 300 km² pour l’exclave de Cabinda, nichée à environ soixante km au nord de l’Angola, entre les deux Congo.

Ouvert sur l’Atlantique (1 600 km de côtes), l’Angola partage 5 369 km de frontières terrestres avec quatre pays : 231 km avec la République du Congo dit Brazzaville (dans l’exclave de Cabinda) et 2 646 km avec la République démocratique du Congo (dont 225 à Cabinda) au nord ; 1 065 km avec la Zambie à l’est et 1 427 km avec la Namibie au sud.

L’étroite plaine littorale s’élève rapidement, sous la forme d’un haut plateau culminant à plus de 2 600 mètres. Semi-aride au sud et le long de la côte, le climat est plus tempéré au nord, alternant saisons sèche et humide.

Le portugais est de facto la langue officielle d’un pays qui ne compte pas de groupe ethnique majoritaire[1]. Le plus nombreux est celui des Ovimbundu (ou Mbundu du sud, 37%), devant les Kimbundu (Mbundu du nord, 25%) et les (Ba)kongo (13%, également présents dans les Congo voisins). Les Métis sont 2 % et les Européens 1 %. Six de la trentaine de langues bantoues parlées ont le statut de langue nationale : umbundu, kikongo, kimbundu, tchokwé (7 %), nganguela et kwanyama. Les Angolais réfugiés aux Congo, durant la guerre civile, ont également ramené au pays l’usage d’une autre langue bantoue, le lingala.

Sur les Angolais déclarant une religion, 41 % sont catholiques et 38 % protestants de multiples obédiences, y compris syncrétiques : le tocoïsme (né en 1949 en Angola) et le kimbanguisme, qui en est proche et dont le centre se trouve en RDC. 5 % de la population déclare pratiquer des cultes traditionnels, en réalité beaucoup plus développés, mais mélangés au christianisme.

[1] En l’absence de recensement depuis 2014, tous les chiffres sont des estimations.

L’Angola accède à l’indépendance en novembre 1975, après l’arrivée d’un pouvoir démocratique chez le colonisateur portugais. Mais, dès le mois de juillet, de graves tensions apparaissent entre les mouvements ayant mené la guerre d’indépendance. Animé par des métis et soutenu par les populations citadines du littoral et les Mbundu de l’arrière-pays de Luanda, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) expulse de la capitale ses deux rivaux : le Front national de libération (FNLA), qui recrute principalement chez les Kongo du nord, et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), à forte composition Ovimbundu et populaire parmi les populations intérieures. De doctrine marxiste, le MPLA proclame la République populaire d’Angola avec son chef, Agostinho Neto, comme chef de l’État.

Les deux mouvements évincés engagent alors une guerre de reconquête : le FNLA jusqu’en 1978 et surtout l’Unita de Jonas Savimbi, soutenue par l’Afrique du sud blanche (qui, à l’époque, domine encore la Namibie), avec l’appui des États-Unis. La guérilla reprend aussi ses activités dans l’enclave de Cabinda, avec le soutien des alliés locaux des Occidentaux, le Gabon et le Zaïre de Mobutu. Mais les insurgés se heurtent aux troupes du MPLA, armées par l’URSS et renforcées par des milliers de soldats cubains. L’Angola devient le théâtre d’une guerre par procuration entre l’Occident et le bloc communiste.

Décédé en 1979, Neto est remplacé par José Eduardo Dos Santos, lui aussi membre du MPLA. La guerre civile est alors à son comble. Comptant toujours plus de soldats cubains (jusqu’à cinquante-cinq mille) et des instructeurs soviétiques, l’armée angolaise étend son rayon d’action et soutient la Swapo, le mouvement qui lutte pour l’indépendance de la Namibie. Inversement, l’armée sud-africaine mène des incursions sur le territoire angolais, ce qui permet à l’Unita de progresser vers l’est et le nord-est du pays et de mettre la main sur des gisements de diamants proches de la province congolaise du Kasaï. Les deux camps se neutralisant, au prix de lourdes pertes (dix-mille morts à la bataille de Cuito Canavale), un accord de paix est signé en 1988 : il prévoit le retrait immédiat des soldats sud-africains et le départ échelonné, jusqu’en 1991, du contingent cubain, ainsi que l’indépendance de la Namibie.


Au passage, le régime de Luanda change d’orientation politique et économique. Se présentant comme le « parti de l’avant-garde de la classe ouvrière » jusqu’à la mort de Neto, le MPLA opère une transition progressive vers le libéralisme au début des années 1990, privatisant des entreprises et rendant ses biens à l’Église catholique. Affaibli par le retrait des troupes cubaines et le démantèlement de l’Union soviétique, il s’engage aussi dans un processus de négociations avec l’Unita qui, malgré la perte du soutien de la République sud-africaine (engagée dans la suppression du régime d’apartheid), poursuit sa guérilla avec succès. Les discussions aboutissent à la signature des accords de paix d’Estoril et de Bicesse (1991), qui prévoient notamment la formation d’une armée nationale, l’abandon du marxisme-léninisme (et la disparition du terme « populaire » dans le nom de la république) et l’instauration du multipartisme.

A l’automne 1991, le premier tour de l’élection présidentielle voit Dos Santos arriver devant Savimbi. L’Unita dénonçant des fraudes, les forces spéciales du MPLA massacrent plusieurs de ses cadres, ainsi que des milliers de Bakongo, à Luanda. A la suite de cette « Toussaint rouge », la rébellion reprend les armes. Un protocole d’accord de paix est signé à Lusaka en 1994, mais les affrontements ne cessent pas. Ils se déplacent même au Zaïre (république démocratique du Congo), l’Unita combattant aux côtés de l’armée zaïroise de Mobutu contre les rebelles de Kabila, soutenus par le régime angolais. Ce n’est qu’en 1998-1999 que les forces gouvernementales prennent un avantage décisif sur l’Unita, qui a perdu le soutien des États-Unis : non seulement le régime de Luanda s’est converti au libéralisme, mais Washington a un besoin croissant de pétrole, dont l’Angola est devenu un producteur majeur.

La guérilla dépose finalement les armes en 2002, après la mort de Savimbi, tué par l’armée angolaise, de même que son successeur le mois suivant. L’accord de paix signé en 2004 acte le désarmement du mouvement et sa transformation en parti politique. En un quart de siècle, la guerre civile a fait 1,5 million de morts et déplacé 4 millions de personnes.


En 2008, le MPLA remporte 80 % des sièges lors des premières législatives tenues depuis seize ans. Cela lui permet de modifier la Constitution pour que Dos Santos – au pouvoir depuis 27 ans sans jamais avoir été élu _ puisse continuer à diriger le pays. La révision intervient en 2010 : sa principale disposition est l’élection du chef de l’État par le Parlement, et non plus au suffrage universel. C’est dans ce cadre que Dos Santos est élu en 2012, le MPLA ayant remporté le scrutin législatif avec près de 75 % des voix, contre 18 % à l’Unita.

En 2013, un incident armé se produit à la frontière congolaise, en dépit du soutien accordé dans le passé au Président Sassou Nguessou pour se maintenir au pouvoir à Brazzaville. Quelque 500 soldats angolais occupent pendant quelques jours cinq localités congolaises et y capturent une quarantaine de soldats, en réaction à la permissivité dont Brazzaville ferait preuve vis-à-vis des rebelles Cabindais et à ce que Luanda considère comme une occupation illégale de son territoire.

En 2017, le MPLA remporte de nouveau les élections générales, mais avec un score en baisse (64 % des voix) et avec un nouveau chef d’Etat, Joao Lourenço, un apparatchik du parti, ancien général et ministre de la Défense. S’il a renoncé à se représenter, après trente-huit ans de mandat, et n’a pu imposer un membre de sa parentèle pour lui succéder, Dos Santos a néanmoins soigneusement balisé le pouvoir de son successeur, dans un contexte économique dégradé par la chute des cours du pétrole : il reste en effet Président du MPLA et ses fils et fille dirigent l’un le fonds souverain et l’autre la compagnie pétrolière nationale. Une loi interdit par ailleurs de changer les titulaires des ministères de sécurité. Pourtant, en novembre, le nouveau chef d’État démet la fille de son prédécesseur, considérée comme la femme la plus riche d’Afrique, dans un grand mouvement de remplacement de cadres dirigeants, destiné à montrer sa volonté de lutter contre la corruption et de trouver l’argent nécessaire au développement du pays. C’est ensuite le fils Dos Santos qui est arrêté et poursuivi pour corruption, ce qui conduit l’ancien Président à partir pour l’Espagne (il décède à l’été 2022).

Les effets escomptés de cette politique ne se produisent pas puisque, aux législatives de 2022, le MPLA dépasse à peine 51 %, contre un peu moins de 44 % à l’Unita. Le parti présidentiel conserve la majorité absolue au Parlement mais, perd la majorité des deux tiers lui permettant de voter seul certaines lois.


CABINDA : un pétrole très convoité

Rattachée à la colonie angolaise, alors qu’elle est de culture Kongo et en partie francophone (comme les deux pays dans lesquels elle est insérée), l’enclave de Cabinda est le poumon économique de l’Angola : entre son pétrole, ses minerais et ses bois, elle représente alors plus des trois quart des exportations du pays. A l’indépendance de l’ancienne colonie portugaise, les trois principaux mouvements angolais (MPLA, FNLA et Unita) signent d’ailleurs un accord qui déclare que le Cabinda est une « partie intégrante et inaliénable de l’Angola ». Le FLEC (Front de libération de l’enclave de Cabinda, né en 1963) poursuit donc sa propre lutte indépendantiste, avec le soutien du Zaïre et du Gabon pro-occidentaux. Face à lui, le MPLA déploie des soldats cubains, chargés de protéger les champs de pétrole de l’américain Chevron, que convoite le français Elf, exploitant du pétrole proche de Pointe-Noire (au Congo).

La disparition du zaïrois Mobutu, du régime d’apartheid et du fondateur de l’Unita modifient la donne, au même titre que la découverte de pétrole au large des côtes angolaises proprement dites. En 2006, alors que les combats entre indépendantistes et gouvernementaux ont fait environ trente mille morts, un accord de paix est signé, à Brazzaville, entre le gouvernement de Luanda et le Forum Cabindais pour le dialogue (FCD), qui regroupe des modérés du FLEC et des représentants de la société civile : il accorde un « statut administratif spécial » à l’enclave, incluant la promesse que les autorités locales seront associées aux décisions nationales prises à son sujet. L’accord est en revanche rejeté par les radicaux. En 2010, la principale faction (le FLEC-FAC Front le libération de l’État de Cabinda – Forces armées combattantes) et sa dissidence du FLEC-Position militaire revendiquent l’attaque commise contre l’équipe de football du Togo, alors qu’elle traverse l’enclave pour aller participer à la Coupe d’Afrique des Nations : le mitraillage de son bus fait trois morts. La situation demeurant instable, Luanda maintient 40 000 soldats dans l’enclave, soit environ un pour dix habitants. Pour en savoir plus

Photo de « une’ : vue nocturne de Luanda