ASIE, Extrême-Orient et haute Asie

Le Tibet, un haut plateau agité

La longue histoire tibétaine alterne indépendances partielles et périodes de soumission aux voisins mongols et chinois.

Entouré de très hauts systèmes montagneux – Pamir et Karakorum à l’ouest, Kunlun au nord, monts Tanglha et chaînes méridiennes au sud-est, Himalaya au sud – le plateau tibétain s’étend sur quelque 3 500 000 km², à une altitude moyenne de 4 000 mètres, du Cachemire indien à l’ouest jusqu’au Sichuan chinois à l’est, en passant par la région chinoise du Tibet proprement dit. Il est composé de trois grands domaines :

  • le haut Tibet (ou « plaine du Nord ») s’étend sur quelque 800 000 km², des Kunlun au Transhimalaya (que les Chinois appellent chaîne des Gangdisi) ; il est constitué d’une succession de chaînes sédimentaires, orientées d’ouest en est (dont certaines culminant à 6 000 mètres), entre lesquelles s’ouvrent de larges vallées à plus de 4 500 mètres d’altitude ;
  • le Tibet oriental est constitué d’un faisceau de vallées situées entre des hauts plateaux de 3 500 à 5 000 mètres d’altitude, eux-mêmes dominés par des chaînes cristallines dépassant 6 000 mètres ; c’est dans ces vallées que descendent quelques-uns des grands fleuves asiatiques (Salouen, Mékong et Yangzi) ;
  • le Tibet méridional correspond à la vallée du Brahmapoutre supérieur (Yarlungzangbo), ouverte entre les Gangdisi et l’arc himalayen ; avec sa capitale Lhassa, cette zone concentre les trois-quarts de la population sédentaire du Tibet. Les autres habitants pratiquent l’élevage, parfois nomade, de yacks et autres moutons dans les pâturages des montagnes et des hauts plateaux.

SOMMAIRE

Moines tibétains. Crédit : hbieser / Pixabay

Le royaume Tibétain est fondé, à la fin du VIème siècle, par unification de plusieurs principautés indépendantes. C’est à cette époque que le roi Songtsen Gampo – qui a pris une princesse chinoise pour épouse – construit le Palais du Potala, à Lhassa. S’étendant au nord-est jusqu’au Koukou Nor (l’actuel Qinghai), le nouvel Etat s’implante aussi au nord (dans l’actuel Xinjiang), au cour des années 660, avant d’en être chassé par les Chinois dans les années 690.

Les Tibétains prennent leur revanche soixante-dix ans plus tard. Alors en pleine apogée – ils sont même alliés au Nanzhao et aux Arabes qui viennent de battre les Chinois – ils saccagent la capitale chinoise (763), prennent le corridor de Gansu et mettent fin au protectorat d’Anxi à la fin du VIIIème.  Mais, vingt ans après avoir signé un traité de paix avec les Chinois (en 822), l’Empire du Tibet disparait, à la suite de heurts entre les pratiquants des croyances chamanistes traditionnelles (le bön) et les adeptes du bouddhisme indien qui, après être devenu religion officielle, se retrouve quasiment éradiqué. « L’ère de la fragmentation » se traduit par la naissance ou la renaissance de principautés multiples, telles que le Mustang au nord du Népal ou le Ladakh, le Zanskar et le Gugé au voisinage du Cachemire (cf. Les royaumes himalayens).

C’est depuis ces régions du « Tibet occidental » que, au milieu du XIème, le bouddhisme revient en force au Tibet central, sous la houlette du moine indien Atusa : assorti d’un respect des croyances traditionnelles, le lamaïsme tibétain se réclame du Vajrayana (véhicule de diamant), une école distincte des « grand » et « petit » véhicules nés en Inde[1]. Professant la possibilité d’atteindre une pleine réalisation spirituelle « en un corps et une vie », il est enseigné par des gourous que les Tibétains nomment « bla-ma » (dont provient le nom de lama donné aux prêtres bouddhistes locaux). La propagation de la religion est favorisée par l’afflux de moines bouddhistes qui, à l’époque, fuient le nord-ouest de l’Inde envahi par les musulmans.

[1] Au fil des siècles, le lamaïsme tibétain s’impose du Ladakh à la Mongolie, en passant par le Bhoutan et le Sikkim.


L’entrée dans l’orbite sino-mongole

Dans la seconde moitié du XIIIème, le supérieur d’un monastère bouddhiste tibétain est envoyé auprès de l’empereur Yuan pour éviter que son pays ne soit dévasté par les Mongols. Devenu conseiller religieux du souverain de Chine, il en profite pour se faire nommer vice-roi du Tibet. En 1275, son neveu se voit même octroyer formellement le pouvoir temporel sur les treize districts du Tibet central, inaugurant ainsi le premier gouvernement théocratique du pays.

La chute de la dynastie Yuan conduit le Tibet à s’affranchir de la tutelle des empereurs de Chine. Mais l’ambiance religieuse qui prévaut dans la région est toujours tendue. Cette fois, elle oppose des « lignées » bouddhistes : d’un côté les « Bonnets rouges » (ou Karmapa, dont le chef prend le titre de panchen-lama au milieu du XVème) et de l’autre les « Bonnets jaunes » (ou Guélougpa, « vertueux »), partisans d’un retour à une vie religieuse plus stricte, plus conforme aux enseignements d’Atisa. A la fin du XVIème, les Jaunes se placent sous la protection de l’Empereur Dayanide (Mongols orientaux) qui crée le titre de « dalaï-lama[1] » en faveur de leur chef.

En 1640, ce sont des Mongols occidentaux, les Khosuts, qui interviennent au Tibet central, alors divisé entre Tsang et Ü [2], pour défendre le cinquième dalaï-lama, chef des Bonnets jaunes. Les Rouges ayant été écartés, et les derniers tenants de la religion bön battus au Tibet central, le dalaï-lama hérite de tous les pouvoirs, y compris les responsabilités politiques que lui cède son suzerain mongol en 1642. En pratique, il attribue à un Jaune le titre de panchen-lama et délègue les affaires temporelles à un régent, tandis que les Khosuts assurent la protection militaire du Tibet[3]. Quand le « Grand Cinquième » se retire pour méditer jusqu’à sa mort, l’intérim est assuré par le régent. Celui-ci conforte le pouvoir tibétain – en prenant le Tibet occidental au Ladakh, à la suite d’une guerre menée entre 1681 et 1684 – tout en s’efforçant de rester neutre entre les deux puissances régionales de l’époque : l’Empire sino-mandchou des Qing et le khanat des Mongols Dzoungars.

Cette émancipation croissante n’est pas du goût du nouveau khan Khosut : en 1702, il fait tuer le régent et tente d’installer son propre dalaï-lama. Le chef des Dzoungars profite de cette crise pour investir et piller Lhassa en 1717. L’occupation est toutefois de courte durée : les Qing interviennent trois ans plus tard, chassent les Dzoungars et rétablissent le dalaï-lama choisi par les Tibétains, tout en confiant le pouvoir temporel à un Conseil d’État composé des chefs de la haute aristocratie. En 1727, l’écroulement de ce régime est suivi d’une violente guerre civile dont sort victorieux un noble du Tsang, qui devient souverain du Tibet avec l’appui de l’empereur mandchou de Chine. La paix dure près de vingt ans. Mais, en 1750, son successeur, soupçonné d’intriguer contre son protecteur, est tué par les ambans, représentants de l’Empereur qui sont à leur tour massacrés par la foule. L’ordre est finalement rétabli par le dalaï-lama qui redevient chef de l’Etat, à la tête d’un gouvernement représentant les deux grandes forces du pays (grands monastères et aristocratie), sous la surveillance des ambans et l’autorité d’un régent chinois, quand le dalaï-lama est mineur.

[1] Lama « océan de sagesse » au sens d’universel.

[2] Les grandes régions du Tibet historique sont le Ngari Korsum à l’ouest, l’Ü et le Tsang au centre et le Dokham (comprenant l’Amdo et le Kham) au nord et à l’est.

[3] C’est à cette époque, entre 1645 et 1688, qu’est reconstruit le Palais du Potala à Lhassa, que la foudre avait en partie détruit au IXème siècle.

Lhassa. Crédit : hbieser / Pixabay

Une autonomie de plus en plus limitée

Cet équilibre institutionnel vole en éclats quand se présente la menace des Gurkha : maîtres du Népal depuis la fin des années 1760, ils entrent en conflit en 1788 avec Lhassa, principalement pour des raisons économiques. Ils acceptent finalement de se retirer en échange du versement d’un tribut, mais celui-ci n’ayant pas été entièrement acquitté, ils reviennent trois ans plus tard. L’Empereur de Chine prend alors les choses en main : son armée repousse les Gurkha jusqu’à Katmandou et leur impose la signature d’un traité de paix et le versement d’une rente annuelle. En parallèle, il instaure une gouvernance du Tibet dans laquelle le pouvoir des lamas est réduit au profit des aristocrates et des légats impériaux. L’accès de la région est par ailleurs interdit aux étrangers.

Ce système de tutelle prend fin quand le treizième dalaï-lama s’empare du pouvoir, en 1895. Mais il doit s’enfuir en Mongolie, huit ans plus tard, après la conquête de Lhassa par les Britanniques, soucieux d’éviter que le Tibet, voisin immédiat de leur Empire des Indes, ne tombe sous l’influence des Russes. En 1906, Londres change son fusil d’épaule et reconnaît la suzeraineté de la Chine sur la région, contre la promesse qu’aucun autre pays (sous-entendu la Russie) ne s’y implantera. Le dalaï-lama fait son retour trois ans plus tard, mais doit s’enfuir en Inde dès l’année suivante, quand la dynastie des Qing, au pouvoir en Chine, annexe Lhassa et le Tibet oriental. Il revient finalement au Tibet en 1911, lorsque ses sujets mettent à profit la révolution chinoise pour expulser les occupants. Pour sortir de l’impasse, les Anglais proposent aux Chinois et aux Tibétains de signer, en 1914, la convention de Simla qui instaure un « Tibet extérieur » (l’U-Tsang) autonome sous administration tibétaine et un « Tibet intérieur » (Amdo et Kham) dans lequel l’autorité du dalaï-lama se limite aux questions spirituelles. Mais, bien que les deux zones soient sous suzeraineté chinoise, Pékin refuse de reconnaître ce dispositif qui a également fixé la frontière entre l’Empire des Indes et le Tibet : le tracé de la « ligne Mac Mahon » place notamment sous influence britannique le petit royaume du Sikkim et le nord himalayen de l’Assam [1]. En pratique, durant la guerre civile qui oppose les nationalistes aux communistes en Chine, l’U-Tsang est indépendant de facto, tandis que les provinces périphériques sont sous le joug de seigneurs de la guerre chinois (l’Amdo entre les mains d’une famille Hui du Qinghai et le Kham dans celles des militaires dirigeant le Sichuan).

Quand le dalaï-lama disparait en 1933, dix ans après la fuite du panchen-lama en Chine, le régent part à la recherche de son successeur : la tradition, datant du XIIIème siècle, veut qu’il s’agisse d’une réincarnation dans un enfant (le tulkou) qui, une fois éduqué et majeur, deviendra le grand maître. Du fait des pressions exercées sur lui par les Chinois et les Anglais, le régent ne trouve l’héritier qu’en 1940, sous les traits d’un enfant natif du Qinghai : Tenzin Gyatso. Celui-ci est encore adolescent quand les troupes communistes mettent fin à l’indépendance largement fictive de la province et pénètrent dans sa partie orientale, à l’automne 1950.

[1] Le futur Etat indien de l’Arunachal Pradesh, que les Chinois revendiquent en tant que « Tibet du sud » (cf. Article sur les relations sino-indiennes).


Fin de l’indépendance et sinisation forcée

En vertu du traité qui est signé en mai 1951, le Tibet hérite d’un statut d’autonomie qui préserve ses institutions ; en réalité, il est placé sous la tutelle directe de la Chine, comme en témoigne le déploiement de l’Armée populaire à Lhassa. Pour Pékin, la région est en effet de la plus haute importance stratégique, comme l’indique son nom chinois de Xizang (« réservoir de ressources naturelles de l’ouest ») : zone tampon avec l’Inde, elle est aussi le berceau des grands fleuves que sont le Yangzi, le Mékong et le Brahmapoutre.

Mais une partie de la population – moines et nomades en tête – vit très mal la diffusion des idées communistes, en particulier en ce qui concerne la collectivisation des terres et l’enseignement. A partir de 1955, des révoltes éclatent dans le Kham et donnent naissance, l’année suivante, à des mouvements de guérilla qui se propagent dans toute la région autonome, parfois avec l’appui de la CIA américaine. En mars 1959, une rumeur évoquant le possible enlèvement du dalaï-lama par les militaires chinois pousse le gouvernement tibétain à renier l’accord d’autonomie de 1951 et à proclamer l’indépendance. Après la chute de deux obus dans le périmètre du palais d’été, le dalaï-lama s’enfuit dans le nord de l’Inde, accompagné d’environ 100 000 fidèles (dont l’élite de la société tibétaine), tandis que Pékin instaure la loi martiale, mate la révolte et confie le pouvoir au panchen-lama. L’année suivante, le premier ministre indien Nehru autorise la formation d’un gouvernement tibétain en exil à Dharamsala.

Après la destitution du panchen-lama, une Région « autonome » tibétaine est rétablie en 1965. Mais elle ne comprend que l’U-Tsang, agrandi de la moitié occidentale de l’ex-province du Xikang, tandis que le reste du Tibet historique est démembré : l’ancienne région de l’Amdo est attribuée aux provinces avoisinantes du Qinghai et du Gansu ; quant aux préfectures autonomes d’Aba et de Ganzi (appartenant à l’ancienne région du Kham), elles sont rattachées au Yunnan et au Sichuan. De ce fait, moins de 45 % des six millions de Tibétains de Chine vivent dans la région autonome du Tibet. Comme l’ensemble du pays, le Tibet connait les affres de la Révolution culturelle chinoise. Les moines sont persécutés et de nombreux monastères saccagés ou détruits. Malgré les dénégations de Pékin, la politique menée par la Chine au Tibet historique y aurait fait entre 200 000 et 500 000 morts entre 1950 et 1979.

La situation s’assouplit au début des années 1980 et Lhassa s’ouvre au tourisme étranger. Mais des émeutes ayant éclaté en 1987-1989, Pékin instaure la loi martiale et lance la campagne « Yan da » (frapper fort), sous la direction du patron du PCC au Tibet, Hu Jintao, futur Président de la République chinoise. La capitale n’est rouverte qu’en 1992. Entretemps, le dalaï-lama – qui a obtenu le Prix Nobel de la paix en 1989 – a proposé que le Tibet devienne une entité autonome associée à la Chine, mais sa demande est restée lettre morte. En 1995, Pékin fait emprisonner un enfant de trois ans, reconnu au Tibet comme le nouveau panchen-lama, pour le mettre « à l’abri » de tentatives d’enlèvement par ses fidèles en exil. Cinq ans plus tard, le bureau gouvernemental des affaires religieuses est chargé de désigner un nouveau « Gyalwa Karmapa », chef de la plus ancienne école du bouddhisme tibétain (les Bonnets noirs, karma-kagyu) et à ce titre numéro trois du lamaïsme. Malgré la surveillance dont il faisait l’objet, celui qui était titulaire de ce titre de « manifestation de l’activité de tous les Bouddhas » a en effet réussi à rejoindre le gouvernement tibétain en exil, en effectuant 700 km à pied via des cols à 5 000 mètres d’altitude.

Ce contexte religieux tendu est aggravé par la sinisation à marche forcée de la région qu’effectue le régime communiste. En 2007, une organisation internationale de défense des droits de l’homme accuse le gouvernement chinois d’avoir forcé 700 000 bergers tibétains à quitter leurs hauts plateaux depuis 2000, au Tibet et dans les zones de peuplement tibétain du Ganzu, du Sichuan et du Yunnan, au motif de les civiliser en les urbanisant et de reboiser certains pâturages afin d’éviter l’érosion des sols. Pékin joue aussi la carte du désenclavement économique de la région. En juillet 2006, la Chine rouvre un passage mythique de l’ancienne « route de la soie » vers l’Inde : le poste-frontière de Nathu La, perché à plus de 4 500 mètres, qui était fermé depuis la guerre sino-indienne de 1962. L’événement intervient un an après la signature d’un « partenariat stratégique pour la paix et la prospérité » entre Pékin et New-Delhi : la Chine y reconnaissait l’annexion indienne du Sikkim, tandis que l’Inde reconnaissait le caractère chinois du Tibet et s’engageait à interdire aux Tibétains réfugiés sur son sol de se livrer à des activités anti-chinoises. En juillet 2006, est également inaugurée la liaison ferroviaire la plus haute du monde entre Golmud (au Qinghai) et Lhassa : grâce à ce tracé de plus de 1 100 km, culminant à 5072 m et franchissant plus de 2 600 ponts, Lhassa n’est plus qu’à deux jours de train de la capitale chinoise.

Drapeau du gouvernement tibétain en exil

Nouveaux troubles et reprise en main

En mars 2008, des manifestations éclatent à Lhassa (ainsi qu’au Gansu puis au Sichuan) : menées par des moines bouddhistes, elles dégénèrent en violences contre des commerces et des édifices appartenant à des Han et des Hui. Leur répression par la police chinoise fait quelques dizaines de morts, tandis que des groupes entiers de moines sont envoyés en centres « d’éducation légale », afin d’y suivre des programmes psychologiques de « rééducation ». Soutenu par les Etats généraux de la diaspora, le dalaï-lama hausse le ton en mars 2009, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la répression du soulèvement de Lhassa : il accuse Pékin d’avoir plongé les Tibétains dans « l’enfer sur Terre » et d’avoir provoqué la mort de « centaines de milliers » d’entre eux. Dans ce contexte, la Chine sécurise en 2010 sa frontière avec le Népal, afin d’éviter que ce pays ne devienne une base arrière pour les Tibétains ; les Chinois proposent notamment de payer l’entraînement des forces paramilitaires que Katmandou a accepté de déployer dans ses districts himalayens du Mustang et de Manar.

En mars 2011, malgré l’opposition du Parlement tibétain en exil, le dalaï-lama annonce son retrait de la vie politique, en faveur de son premier ministre, élu par les 85 000 Tibétains inscrits sur les listes électorales de Dharamsala. Ce faisant, Tenzin Gyatso restaure la distinction entre pouvoirs politique et religieux qui prévalait avant 1642 ; surtout, en déconnectant la gouvernance de « l’Etat tibétain » des aléas de la réincarnation religieuse du dalaï-lama, il prive Pékin de la faculté de nommer à l’avenir un dalaï-lama qui serait aussi le chef politique du Tibet. Né en exil à Darjeeling, le nouveau chef de gouvernement est un ancien dirigeant du Tibetan Youth Congress (que la Chine considère comme une organisation terroriste), fils d’un moine du Kham devenu guérillero dans les années 1950. En dépit de ce profil très anti-chinois, il affirme qu’il poursuivra « la voie moyenne » choisie par le dalaï-lama, à savoir « une véritable autonomie à l’intérieur de la Chine », voie qui est de plus en plus contestée dans la diaspora, au fur et à mesure que les violences augmentent dans les zones chinoises de peuplement tibétain.

Au début des années 2010, des troubles éclatent dans les préfectures tibétaines de Ganzi et Ngaba, au Sichuan, contre l’obligation de célébrer le Nouvel an chinois ou encore contre l’envoi de moines en rééducation. Ceux-ci succombent de plus en plus à une pratique rare dans le bouddhisme : l’immolation par le feu. En réaction à cette vague de suicides qui fait plusieurs dizaines de morts, religieux et laïcs, en trois ans, Pékin déploie des dizaines de milliers de policiers et de fonctionnaires dans toutes les régions tibétaines et adopte un dispositif juridique qui punit (de prison ou de perte d’emploi) toute personne soutenant le mouvement d’une façon ou d’une autre (assistance aux funérailles, dons aux familles des immolés…) ; la récupération des corps par les familles et les proches est également interdite et ceux qui tentent d’y contrevenir sont victimes de tirs à balles réelles, ce qui contribue à une forte diminution du nombre d’immolations. Sur le plan culturel, le régime supprime les collèges dans les bourgs, où il ne laisse subsister que des écoles primaires, afin de faciliter le remplacement de l’enseignement en tibétain par l’enseignement en chinois, y compris dans les campagnes. En novembre 2012, des milliers de manifestants défilent dans plusieurs villes du district de l’Amdo, au Qinghai, pour défendre la culture et l’enseignement tibétains ; le centre de peinture de Rebkong, situé dans cette province, devient un des piliers de l’agitation, au même titre que les villes de Ngaba (Aba en tibétain au Sichuan) et de Labrang (au Gansu).

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