ASIE, Grand Moyen-Orient

Le Golan, plateau convoité

Les deux-tiers de ce plateau, situé au sud de la Syrie, ont été occupés par Israël en 1967, lors de la guerre dite des Six Jours.

Bien que n’ayant jamais fait partie du territoire historique de « Eretz Israël », le Golan est considéré comme stratégique par l’Etat hébreu car abritant un des cours d’eau qui alimente le lac de Tibériade (lequel fournit 40 % de la consommation d’eau israélienne). Les quelque 1 200 km² occupés en 1967 ont donc été purement et simplement annexés par Israël en 1981, tandis que 510 km² restaient sous contrôle syrien. Entretemps, au lendemain de la guerre du Kippour en 1973, l’ONU avait obtenu d’instaurer une force d’interposition (la FNUOD) chargée de veiller au respect, par chacun des deux pays, de ses quotas militaires dans la zone. La partie occupée par Israël est habitée par un peu plus de 20 000 colons israéliens, en majorité agriculteurs, aux côtés d’environ 25 000 Druzes ayant en grande majorité conservé leur nationalité syrienne. Une bande de 360 km² est par ailleurs revendiquée par les Palestiniens, au motif qu’elle faisait partie du mandat britannique sur la Palestine.

En préalable à toute négociation, Damas exige un retrait de l’armée israélienne sur les frontières de juin 1967, et non un retour au tracé de 1949, lequel comportait des zones démilitarisées de part et d’autre de la frontière, zones que chacun des deux pays a grignotées progressivement. Dans la seconde moitié des années 1990, des négociations sont ouvertes entre Damas et Tel-Aviv, dans un esprit d’ouverture relative qui voit le premier ministre israélien préciser que la profondeur du retrait israélien du Golan serait fonction de la profondeur de la paix entre les deux pays. Finalement, elles échouent au printemps 2000, notamment parce-que Damas refuse que l’Etat hébreu conserve une bande de 400 à 500 m de large sur la rive nord-est du lac de Tibériade. Entretemps, Tel-Aviv a continué sa politique de colonisation dans le territoire (visant à y augmenter la population israélienne, alors voisine de 15 000 personnes) et a voté une loi soumettant toute décision concernant le Golan et la pais avec la Syrie à de larges majorités qualifiées, à la Knesset puis à un référendum, .

Fin 2012, la guerre civile syrienne déborde sur Israël : pour la première fois depuis 1974, un obus de mortier syrien tombe dans le nord d’Israël, à la suite de combats entre l’armée de Damas et des rebelles dans la zone démilitarisée du Golan. En juin 2013, des Casques bleus de l’ONU sont également blessés par des tirs entre belligérants. Les rebelles djihadistes sont en effet actifs dans la province de Quneitra, qui comprend la partie syrienne du Golan. Pour eux, l’objectif est double : combattre « l’ennemi sioniste », mais aussi entraîner l’armée israélienne dans le conflit, afin d’affaiblir les forces de Damas. Convaincu que l’Iran et le Hezbollah veulent ouvrir un nouveau front anti-israélien dans le Golan (a fortiori depuis que du pétrole y a été découvert en 2015), l’Etat hébreu riposte en bombardant, périodiquement, des cibles syriennes qu’il soupçonne de servir à réaliser des armes contre lui (missiles, drones ou charges chimiques) : convois militaires, centre de recherches scientifiques, dépôts de munitions, centre d’entraînement, stockages souterrains, batteries de missiles et même un avion de combat, le premier abattu depuis 1985. Progressivement, l’armée israélienne vise aussi des bases iraniennes en Syrie. Fin 2015, elle élimine, dans la banlieue de Damas, un ancien prisonnier libanais qui recrutait des miliciens dans sa communauté druze pour alimenter « La résistance syrienne pour la libération du Golan », un groupe soutenu par le Hezbollah. Damas, Homs, Lattaquié, Palmyre, Alep : l’armée israélienne frappe partout, depuis le Golan, mais aussi depuis le ciel libanais ou la Méditerranée. En septembre 2018, ceci conduit la défense antiaérienne syrienne à abattre par erreur, avec des missiles russes, un avion de reconnaissance russe avec tout son équipage ! Dans son souci d’afficher sa fermeté vis-à-vis de Téhéran, Israël reconnait même avoir bombardé, en 2007, un réacteur nucléaire qui était en construction dans la région de Deir ez-Zor, alors que cette information était soumise à embargo depuis plus de 10 ans. Israël agit aussi en fournissant des vivres, du carburant, des médicaments et des soins, voire de l’argent, à un certain nombre de groupes rebelles « modérés », en particulier ceux du Front sud.

De son côté, la Russie utilise de son influence pour que son « allié » iranien et ses protégés chiites ne se rapprochent pas trop du Golan et n’y construisent pas d’infrastructures militaires. Ainsi, un cessez-le-feu est signé, en juillet 2017, entre Damas et la rébellion pro-occidentale dans les provinces du sud-ouest. L’été suivant, Moscou impose que les territoires syriens frontaliers de la Jordanie et du Golan israélien soient repris par la seule armée du régime, sans ses supplétifs iraniens et chiites. Pour autant, pour ne pas contrarier exagérément Téhéran, le pouvoir russe rejette catégoriquement la demande israélienne d’instaurer une « zone tampon » de soixante kilomètres à sa frontière avec la Syrie.

En décembre 2021, cinq ans après avoir déclaré que le plateau « restera à jamais entre les mains israéliennes » (lors du premier conseil des ministres tenu dans le Golan), l’Etat hébreu annonce un plan de développement économique sans précédent de la zone, avec l’objectif d’y doubler la population israélienne en cinq ans. En juin suivant, son aviation frappe l’aéroport international de Damas, les Israéliens accusant l’Iran d’y faire atterrir des avions civils transportant des armes pour le Hezbollah libanais.

Crédit photo : Levi Meir Clancy / Unsplash

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