ASIE, Grand Moyen-Orient

Emirats arabes unis

Abu Dhabi et ses partenaires sont devenus des acteurs diplomatiques majeurs au Moyen-Orient et en Afrique musulmane.

83 600 km²

Monarchie absolue

Capitale : Abu Dhabi[1]

Monnaie : dirham émirati

9,9 millions d’habitants dont 12 % d’Emiriens ou Emiratis.

[1] Mais la plus grande ville est Dubaï.

Fédération de sept émirats (cf. infra), les EAU s’étendent sur plus de 650 km de côtes (largement constituées de marais salants) le long de la rive sud du golfe Persique et environ 90 km le long du golfe d’Oman : connue sous le nom de côte d’Al Batinah, cette partie se prolonge côté omanais.

Largement désertique ou semi-désertique – au sud et à l’ouest d’Abou Dhabi, les dunes se fondent dans le désert saoudien de Rub al-Khali (« le quartier vide ») – le territoire compte 457 km de frontière avec l’Arabie saoudite et 410 km avec le sultanat d’Oman au sud, dont il est séparé par les monts Al Hajar. Dans ce secteur, l’émirat de Fujaïrah compte une particularité géographique : il inclut une enclave du sultanat d’Oman, Madha, à l’intérieur de laquelle se trouve l’enclave émiratie de Nahwa.

Un peu plus de 20 % de la population est arabe (les Emiratis, ainsi qu’un peu plus de 10 % des étrangers, essentiellement égyptiens). Les 78 % d’autres immigrés proviennent très majoritairement du sous-continent indien et des Philippines.

Plus de 75 % de la population est musulmane, à raison de 63 % de sunnites et 12 % de chiites. Les chrétiens sont environ 9 %, les hindouistes et bouddhistes 10 %, les autres religions (farsi, bahaï, druzes, sikhs…) moins de 5 %.

Dans la première moitié des années 1950, les milices tribales de la Côte de la trêve et celles d’Oman entrent en conflit avec les troupes saoudiennes qui occupent l’oasis de Buraïmi. Une fois les Saoudiens chassés, la zone est partagée par les Britanniques entre le sultanat omanais et Abu-Dhabi. L’affaire trouve sa conclusion, en 1974, par la signature d’un accord entre l’Arabie saoudite et les émirats de la Côte de la trêve, devenus indépendants trois ans plus tôt sous le nom d’Emirats arabes unis.

A défaut d’avoir pu rallier Bahreïn et le Qatar, comme l’espérait Londres, la Fédération compte sept monarchies absolues, dont trois possèdent des gisements pétroliers (Abu Dhabi, Charjah et Dubaï, ancien port actif dans le commerce de l’or) faisant vivre les quatre autres (Ajman, Fujaïrah, Oumm al Qaïwaïn et Ras al-Khayma, entré en 1972). Le plus riche et le plus vaste, Abu Dhabi (87 % du territoire) est jalousé par son voisin de Dubaï, avec lequel un équilibre institutionnel a toutefois été trouvé. Malgré le traçage effectué par les Britanniques avant leur retrait, les émirats se disputent aussi la souveraineté de certaines zones, en particulier dans les montagnes d’Al Hajar.

Quelques jours avant leur indépendance, les Emirats perdent un chapelet d’îles situées à la sortie du détroit d’Ormuz (entre le Golfe arabo-persique et la mer d’Oman), donc considérées comme stratégiques puisque 25 % de la consommation mondiale de gaz naturel liquéfié et 20 % de la consommation mondiale de pétrole transitent par ce passage. Elles sont revendiquées par l’Iran qui, après avoir dû renoncer à ses prétentions sur la plus grande des îles régionales, Bahreïn, entend en revanche faire valoir ses droits sur des terres dont il considère qu’elles appartiennent plus ou moins directement à la Perse depuis l’Antiquité. A peine les Britanniques partis, l’armée iranienne occupe les Grande et Petite Tomb en novembre 1971 et installe même des troupes dans la première (l’autre restant inhabitée). S’agissant des six îles d’Abou Moussa, l’Iran se montre d’abord plus arrangeant, puisqu’il reconnait la souveraineté d’Abu Dhabi, en échange du droit d’y baser une garnison. Mais cette reconnaissance est de courte durée : en 1980, les Iraniens expulsent toutes les personnes travaillant pour le compte des Emirats sur l’île principale (12 km², 2 000 habitants), avant d’occuper purement et simplement l’archipel en 1992. Pour avoir un accès direct sur la mer d’Oman, sans passer par le détroit d’Ormuz, les EAU ont mis en service, en 2012, un oléoduc reliant leurs champs pétroliers d’Abu Dhabi et de Dubaï à l’émirat méridional de Fujaïrah. Cela n’a pas empêché le conflit entre les Iraniens et les pétromonarchies arabes de se déplacer géographiquement : en juin 2019, c’est directement en mer d’Oman que des pétroliers ont été victimes d’explosions mystérieuses.

Dans les dunes d’Abu Dhabi. Crédit : ahmad / Unsplash

Dans ce contexte, le prince-héritier d’Abu Dhabi Mohammed ben Zayed, dit « MBZ » (dirigeant de fait la Fédération, depuis l’accident cérébral de son demi-frère en 2014) se montre un allié fidèle de l’Arabie saoudite : il l’a suivie aussi bien dans la guerre engagée au Yémen contre les rebelles Houthis que, en juin 2017, dans la rupture avec le Qatar, considéré comme trop favorable à l’Iran chiite. Néanmoins, les EAU peuvent aussi adopter une voie diplomatique distincte. On le voit au Yémen où ils soutiennent les séparatistes sudistes contre le gouvernement pro-saoudien d’Aden, jugé trop lié aux Frères musulmans que les Emirats abhorrent.

Très investis dans le « soft power », comme le rival qatari (investissements dans le sport, la culture, le transport aérien et maritime…), Abu Dhabi et Dubaï développent une politique militaire et commerciale très active en mer Rouge (avec des infrastructures dans les ports d’Assab en Erythrée et de Berbera au Somaliland), ainsi que sur les côtes africaines de l’Océan indien, en concurrence avec la Turquie, le Qatar, la Chine…. ce qui conduit notamment Abu Dhabi à soutenir les entités séparatistes somaliennes contre le pouvoir central, soutenu par ses rivaux musulmans. La même rivalité est à l’œuvre en Libye, où les Emirats soutiennent ouvertement la rébellion du général Haftar. En août 2020, ils annoncent même une normalisation de leurs relations diplomatiques avec Israël, contre une suspension des nouveaux projets d’annexion nourris par l’Etat hébreu en Cisjordanie. Ce faisant, les Emirats suivent les recommandations américaines destinées à endiguer l’influence iranienne dans la région, quitte à rompre avec la doctrine élaborée par l’Arabie saoudite en 2002 : le roi Abdallah avait alors lié la normalisation des relations entre les pays arabes et Israël à la création d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967. Les Emirats arabes unis affichent également leurs ambitions spatiales, en tant que numéro un du monde arabe dans ce domaine : en juillet 2020, une fusée japonaise envoie en direction de Mars une sonde de confection émiratie.

Un an plus tard, les Emirats affichent leur indépendance croissante vis-à-vis de Riyad en réclamant une augmentation de leur quota de production pétrolière, alors que les Saoudiens souhaitaient au contraire diminuer les volumes produits pour faire monter les prix. Dans leur stratégie diplomatique tous azimuts, les EAU rétablissent des liens avec le régime syrien, ainsi qu’avec l’Iran fin 2021, ce qui ne les empêche pas d’accueillir, juste après, la première visite sur leur sol d’un Premier ministre israélien. Durant l’automne, l’armée émiratie et son homologue bahreïnie avaient participé à des exercices navals et aériens, sous l’égide du commandement régional américain, le Centcom. En janvier 2022, les Emirats payent pour la première fois sur leur propre sol leur engagement au Yémen : trois travailleurs indiens et pakistanais sont tués par l’explosion de camions-citernes, provoquée par des drones des rebelles yéménites, à proximité des installations de stockage de la société pétrolière nationale à Abou Dhabi.

Le pays poursuit par ailleurs sa stratégie d’indépendance diplomatique vis-à-vis de la nouvelle présidence démocrate des États-Unis : ainsi reçoit-il, en mars, le Président syrien en visite officielle. Il ne suit pas davantage les consignes américaines de boycott de la Russie, consécutives à son invasion de l’Ukraine, et pour cause : paradis fiscal, généreux et opaque, pour les placements financiers et immobiliers, Dubaï héberge les biens de nombreux oligarques russes, ainsi que de personnes recherchées ou condamnées pour diverses activités criminelles dans le monde.

A la disparition de son frère, en mai 2022, Mohammed ben Zayed est porté à la tête des EAU, confirmant de facto la suprématie de la dynastie Khalifa d’Abu Dhabi. Même si, en théorie, un autre monarque peut prétendre à la Présidence de la Fédération, celle-ci revient toujours à l’émirat le plus puissant. Le seul susceptible de lui faire de l’ombre, Dubaï, a dû rentrer dans le rang après la crise financière de 2008 : son puissant secteur immobilier et financier n’avait été sauvé que grâce aux pétrodollars d’Abu Dhabi. En témoignage de reconnaissance, Dubaï avait donné le nom de Burj Khalifa à la plus haute tour du monde (828 m) inaugurée en 2008.

En mai 2022, les Émirats franchissent un nouveau pas en direction d’Israël, en signant le premier accord de libre-échange jamais signé par l’État hébreu avec un pays arabe. Devenus le quatrième investisseur mondial en Afrique, les EAU y poursuivent leurs achats de terres et leurs accords sécuritaires tous azimuts, parfois avec des pays qui s’opposent les uns aux autres : l’Éthiopie, l’Érythrée, le Tchad, la Somalie… Au Soudan, ils soutiennent la rébellion des forces paramilitaires d’Hemetti, dont les mines d’or approvisionnent le marché de Dubaï, au même titre que certains minerais précieux provenant de zones de guerre en Afrique centrale (RD du Congo, Centrafrique).

Photo de une : Dubaï. Crédit : Wael Hneini / Unsplash

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