L’Afrique centrale et équatoriale avant les indépendances modernes

Des royaumes Kongo jusqu’au Katanga et à l’Oubangui, l’histoire ancienne et coloniale des deux Congo, du Gabon, de l’Angola et de la Centrafrique.

S’étendant sur 3,7 millions de km² de part et d’autre de l’équateur, le bassin du Congo se situe au carrefour du monde Saharo-sahélien au nord, du golfe de Guinée à l’ouest, des pays du Zambèze au sud et de la région des Grands lacs à l’est. Cette position lui a valu d’attirer, entre 2000 AEC et 500 EC, des populations qui s’imposent aux Pygmées déjà présents : elles viennent du Nord-Est de l’Afrique (Soudanais, Nilotiques) et surtout des zones frontalières des actuels Nigeria et Cameroun (les Bantous). Le fleuve Congo est le deuxième d’Afrique après le Nil par sa longueur (4 700 km) et possède le débit le plus élevé au monde, après celui de l’Amazone. Dénommé Lwalaba dans son cours supérieur (sur le haut plateau du Katanga, à la frontière des actuelles Zambie et République Démocratique du Congo), il s’écoule du sud vers le nord jusqu’à Kisangani (au nord-est de la RDC). Il prend ensuite la direction de l’ouest, pour se jeter dans l’océan Atlantique. La partie s’écoulant entre Kisangani et Mbandaka (capitale de la province congolaise d’Équateur) est appelée le Haut-Congo. Celle qui va de Mbandaka au lac Pool Malebo (la région de Kinshasa/Brazzaville) porte le nom de Moyen-Congo : elle a pour grands affluents l’Oubangui (qui longe la frontière avec l’actuelle République centrafricaine) sur la rive droite et le Kasaï sur la rive gauche. Enfin, le Bas-Congo – domaine des peuples Kongo et Téké – est la portion s’écoulant jusqu’à l’embouchure. Le fleuve et ses affluents traversent la deuxième plus grande forêt tropicale humide du monde.


Arrivées du nord, à partir du VIe siècle, des populations bantoues créent des petits États, d’abord sur la rive droite du fleuve Congo, à proximité de son embouchure : c’est le cas des royaumes Loango, Kakongo, Ngoyo fondés par différentes tribus du groupe Bakongo. D’autres ne s’arrêtent pas là : ayant franchi le cours d’eau, elles fondent sur sa rive gauche le royaume du Kongo, aux alentours du XIIIe siècle. Celui-ci se présente sous la forme d’une confédération très organisée, qui associe plusieurs petits royaumes au Zita-Dya-Nza (le « nœud du monde »), dans lequel se trouve la capitale Mbanza-Kongo, où siège le Mwene (ou Manikongo), dirigeant suprême des Bakongo. Dans son expansion maximale, la confédération s’étend sur au moins 300 000 km², depuis le nord de l’Angola jusqu’au sud-ouest du Gabon, en passant par le sud du Congo-Brazzaville et l’extrémité occidentale de la république démocratique du Congo.

Le royaume entretient un commerce fructueux avec les Portugais qui séjournent dans sa capitale dès les années 1480 et envoient des missionnaires et des artisans la décennie suivante. S’étant fait baptiser, le roi Nzinga Nkuwu obtient du Portugal qu’il lui envoie des arquebusiers, afin de défaire de riches voisins eux aussi Bantous, les Téké, qui exploitent des mines de fer et de cuivre au nord du Kongo. Installées sans doute depuis le VIIe siècle sur les hauts plateaux de la région, les tribus Téké se sont coalisées, entre le XVe et le XVIe siècle, pour former le royaume Tio (ou encore Batéké ou Anzico), centré sur le Pool Malebo (sur le cours inférieur du fleuve Congo). Durant tout le XVIIe siècle, il se heurte au Kongo qui convoite ses mines.


Dans les savanes du sud de la forêt équatoriale, les Luba s’organisent en chefferies, voire en royaumes tels que le Kalundwe. Vers 1500, peut-être avant, son roi est tué par un neveu, qui fonde ce qui va devenir l’Empire Luba. Centré sur le nord et l’est de l’actuel Katanga, autour du lac Boya, il étend sa sphère d’influence sur les environs. Les Phiri, d’origine Luba, arrivent aux alentours de 1400 aux abords du lac Malawi, où ils vont fonder les États Maravi (cf. Pays du Zambèze). Dans le courant du XVe, d’autres Luba prennent la direction de l’ouest, dans l’actuel Kasaï ; leur mélange avec les populations locales donne naissance aux Luba Lubilanji, de langue tsiluba, distincts des Luba du Katanga, de langue kiluba.

C’est au Kasaï que, vers 1600, la fille d’un chef Ruund (ou Lunda du nord, royaume fondé vers 1500) se marie avec un chasseur venu de la cour des Luba. Leur union aboutit à la création d’un deuxième grand État, l’Empire Lunda. D’autres Lunda vont essaimer dans les territoires environnants, en particulier le long de la rivière Kwango : au début du XVIIe, ils fondent le royaume de Kasanje sur le cours supérieur et le royaume des « Yaka » sur le cours inférieur. D’autres encore descendent plus au sud, aux abords du Zambèze, et y créent le royaume des Lozi ainsi que des chefferies chez les Luena.


Au Kongo, pour se concilier les bonnes grâces portugaises, l’un des fils Nzinga Nkuwu reconstruit sa capitale en pierres et la rebaptise Sao Salvador. A l’inverse, il tente de s’opposer à la capture massive d’esclaves à laquelle se livrent les Lusitaniens, d’abord pour peupler leur île de Sao Tomé, puis pour faire tourner les exploitations sucrières de leur colonie du Brésil. Mais le Portugal passe outre cette opposition et traite directement avec l’aristocratie et les vassaux du Kongo ou bien avec des voisins tels que le Loango des Vili (sous-groupe des Kongo). Environ quatre millions de personnes seront razziées dans la région pour alimenter la traite transatlantique. Affaibli, le royaume perd même sa capitale, conquise en 1568 par les Yaka. Acculé, le Manikongo n’a pas d’autre ressource que de faire appel à l’aide portugaise.

A la même période, les Portugais commencent à s’intéresser au voisin méridional, et principal rival, du Kongo : le royaume du Ndongo, peuplé d’Ovimbundu (ou Mbundu), dont le roi porte le titre de ngola (d’où viendra le nom d’Angola). Après l’installation de colons de Sao Tomé sur l’île de Loanda, les Portugais construisent un forteresse sur la terre ferme qui sera à l’origine de la future capitale angolaise (à partir de 1627). La recherche toujours croissante d’esclaves conduit des trafiquants européens et métis, les pombeiros, à attaquer le royaume. A partir de 1624, la résistance est conduite par une reine, « Ana » Nzinga. Adeptes de pratiques rituelles – telles que l’infanticide et le cannibalisme – elle dirige personnellement les opérations militaires contre les Portugais, tout en se livrant à une intense activité diplomatique vis-à-vis des Hollandais, qui occupent temporairement Luanda en 1641. Dans l’incapacité de vaincre le Portugal, elle se replie dans le royaume du Matamba (au nord-est de l’actuel Angola), un vassal du Kongo qu’elle avait annexé en 1631. Au sud de Luanda, les Portugais fondent la ville de Benguela, mais ne s’avancent pas dans l’arrière-pays peuplé d’Ovimbundu.

La situation régionale se stabilise dans les années 1650, le Matamba et le Kasanje conservant leur indépendance, mais participant aux razzias d’esclaves de plus en plus loin à l’intérieur des terres. A l’inverse, la tutelle portugaise s’accroît sur le Kongo, à la suite d’une expédition montée par des colons portugais d’Angola (en 1655) pour s’emparer de ses mines. Vaincu, le mwene est décapité. Son successeur se retrouve à la tête d’un État fantoche, à la merci de Lisbonne. En revanche, d’autres royaumes sont fondés, au début du XVIIe, par des tribus du groupe Myéné, dans l’actuel Gabon : les Orungu dans le delta du fleuve Ogoué et les Mpongwe un peu plus au nord, jusqu’à l’estuaire du Komo.


Au XVIIIe siècle, l’Empire Lunda se lance dans une politique de conquête qui vise les mines de cuivre et de sel du Katanga central. Dans les années 1750, le chef des expéditions militaires fonde même un État vassal en pays Bemba, au sud-ouest du lac Tanganyika, auquel les Portugais donnent le nom de royaume de Kazembe. Le royaume des Luba s’étend aussi considérablement au XVIIIe siècle, en absorbant progressivement le royaume de Kikondja au sud, celui de Kalundwe à l’ouest et un certain nombre de tribus au sud-est de la région. Cette conquête militaire conduit des populations à quitter la région pour conserver leur indépendance, notamment les peuples du bassin inférieur de la rivière Luvua qui fondent l’État Shila près du lac Mweru (au sud du Tanganyika).

Plus au nord, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, des populations de langues adawama-oubanguiennes refoulent ou assimilent les tribus bantoues vivant sur les bords de l’Oubangui. Se désignant comme Ngbandi (du nom d’un de leurs chefs), ces piroguiers prennent le contrôle du commerce sur le fleuve et y imposent leur langue sous une forme simplifiée, le songo (aujourd’hui langue officielle de la République centrafricaine, RCA). Plus à l’est, les Zandé s’installent au XVIIe entre le Mbomou et l’Uélé, les deux principaux affluents de l’Oubangui. Idéalement placées entre les routes sahariennes et les voies maritimes des océans Atlantique et Indien, les populations vivant dans le nord de l’actuelle RCA deviennent, au début du XVIIIe siècle, la cible des raids esclavagistes menés par les grands États musulmans du Kanem-Bornou, du Ouaddaï et du Darfour. Au siècle suivant, les razzias atteignent le bassin de l’Oubangui et frappent en particulier les Gbaya et les Banda, eux aussi originaires de l’actuel Soudan. Les rafles sont notamment opérées par le sultanat du Dar-el-Kouti, vassal du Ouaddaï formé dans les années 1830, au nord-est de l’actuelle RCA. Au cours de la décennie 1860, des commerçants arabes à la recherche d’ivoire et d’êtres humains atteignent le pays des Zandé qui, durant un demi-siècle, vont jouer le rôle de fournisseurs des esclavagistes. Comme au Tchad, cette période va laisser des traces dans les relations entre ethnies centrafricaines.

L’interdiction de la traite par les Portugais (en 1836) provoque la chute des royaumes (Yaka, Matamba, Kasenje) qui en étaient les principaux bénéficiaires. En déclin depuis les années 1840, du fait de l’émigration des Ovimbundu vers le nord et vers le royaume Lunda, le Kasenje est annexé par le Portugal en 1852. Les bénéficiaires de la nouvelle donne sont ceux qui se livrent au trafic d’ivoire : la demi-douzaine de petits États Ovimbundu (tel celui de Bihe) et surtout les Tchokwé, peuple de culture Lunda installé au XVIIIe dans la région reculée des sources de la rivière Kasaï et de son affluent Kwango, pour échapper à la traite esclavagiste. Dotés d’armes à feu, ces chasseurs d’éléphants mènent des raids de plus en plus lointains à l’Est, jusque dans le royaume Kazembe et chez les Lozi de la haute vallée du Zambèze. Vers 1880, les Tchokwé prennent le contrôle de l’Empire Lunda.

Dans le sud du bassin congolais, le royaume Kazembe est défait vers 1869 par Msiri, un aventurier du peuple Nyamwezi (ou Yeke, originaire de Tanzanie) faisant commerce d’ivoire avec le sultanat de Zanzibar ; pour mener à bien ses activités, il s’est allié avec Mirambo, un autre chef Nyamwezi contrôlant la route terrestre entre le lac Tanganyika et l’océan Indien, ainsi qu’avec le seigneur de guerre et marchand d’esclaves swahili Tippo Tip, qui a établi son sultanat d’Utetera (1860–1887) sur l’est du Congo et une partie de l’Ouganda. Grâce à sa victoire sur le Kazembe; Msiri conforte son propre royaume de Garenganze (ou de Yeke) qui s’étend dans le sud-est de l’actuel Katanga, riche en mines de cuivre. Plus à l’ouest, l’Empire Luba se désagrège dans les années 1870 (jusqu’à se scinder en deux en 1889), victime des guerres de succession que se livrent divers prétendants armés par Msiri ou bien par des marchands arabo-swahilis ou des aventuriers portugais.


Dans la dernière décennie du XIXe siècle, tous ces acteurs locaux vont s’effacer, du fait de l’irruption sur la scène régionale d’un nouvel acteur, le roi des Belges Léopold II qui désire « une colonie pour la Belgique« . Les Français étant déjà présents au Gabon et sur le Bas-Congo jusqu’au Pool, le souverain confie à l’explorateur anglais Stanley la mission de signer des traités avec des rois du bassin congolais. En 1884-1885 se tient la Conférence de Berlin, qui partage l’Afrique entre pays européens. Elle reconnait entre autres les droits revendiqués par le Portugal sur l’Angola et une partie des territoires Lunda, le Mozambique et même l’Afrique centrale : l’explorateur Serpa Pinto n’a-t’il pas « découvert » le lac Nyasa en 1877-1879, avant le Britannique Livingstone ? Mais Lisbonne n’a pas les moyens de ses ambitions et doit abandonner la future Rhodésie à Londres (cf. Les pays du Zambèze). De même, grâce au soutien de l’Allemagne – soucieuse de freiner les ambitions britanniques dans la région – une partie des royaumes peuplés de Kongo échoit au roi de Belgique : il reçoit, à titre privé, l’immense État indépendant du Congo (EIC), qui s’étend de l’estuaire du fleuve Congo jusqu’aux Grands lacs d’Afrique orientale.

Une autre partie des territoires Kongo est attribuée à la France, dont la pénétration dans la région a débuté avec l’explorateur italo-français Savorgnan de Brazza. C’est lui qui, en 1880, a signé avec le makoko (souverain) des Tékés un traité plaçant le royaume Tio sous suzeraineté française ; Brazza établit un poste dans un village, qui sera l’embryon de la future Brazzaville. Sur le littoral, le lieutenant de vaisseau Cordier fonde Pointe-Noire, après avoir fait reconnaître la souveraineté de la France sur le royaume de Loango. Incluant le Gabon, la colonie française du Congo est créée en 1891. Dans ses plus grandes dimensions, elle regroupera un moment le Moyen-Congo (futur Congo-Brazzaville), le Gabon et les actuels Centrafrique et Tchad. L’exploitation de ses ressources (caoutchouc, sucre, bois précieux, ivoire) débute quelques années plus tard.

De leur côté, les Portugais renforcent leur emprise sur ce qui reste du royaume Kongo : indirectement en 1888, quand le roi Pedro V demande leur assistance militaire en échange de sa vassalité ; puis définitivement en 1914, après avoir maté une révolte. Entre 1883 et 1885, d’autres territoires peuplés de tribus Kongo sont passés sous protectorat portugais, après la signature d’accords entre leurs rois et le souverain lusitanien : c’est le cas du Ngoyo et du Cabinda, partiellement issu des royaumes Kakongo et Loango (dont la majeure partie est passée au Congo français). Surnommé le « Congo portugais », le protectorat de Cabinda est distinct de la colonie que le Portugal a fondée en Angola : il en est séparé par un corridor que Lisbonne a laissé au Congo belge, afin que ce dernier ait un accès à l’Atlantique. A la fin du XIXe siècle, le Portugal achève son action colonisatrice par l’annexion du Matamba et la soumission des Ovimbundu (1890-1904), puis des Lunda (1894-1926).


De son côté, l’EIC consolide son pouvoir à l’Est, notamment au Katanga que convoite le Sud-Africain Cecil Rhodes ; il y parvient avec l’élimination de Misri en 1891. La même année, une guerre oppose la Force publique (l’armée du Congo) aux Arabo-Swahili de Tippo Tip, auquel un accord avait concédé, quatre ans plus tôt, le commerce de l’ivoire à l’est de la rivière Lomami. Victorieux, l’EIC met la main sur l’actuelle province du Maniema. Entre 1894 et 1897, Léopold profite de la révolte Mahdiste au Soudan (cf. De la Nubie au Soudan) pour étendre son territoire au nord-est, en annexant l’enclave de Lado (qui sera restituée en 1910 et partagée entre l’Ouganda britannique et le Soudan anglo-égyptien). De 1895 à 1900, la Force publique doit également affronter les multiples révoltes des Batetela, une ethnie très présente dans l’armée vivant entre le fleuve Congo et son affluent Lomami.

Dans le même temps, les Français ont remonté le cours du Congo et de ses affluents, l’Oubangui et la Sangha (qui traverse la RCA du nord au sud). Ils ont fondé la ville de Bangui (en 1889) puis, grâce à des traités signés avec des chefs Gbaya, obtenu la souveraineté sur l’ouest des savanes. Au sud, la frontière avec l’EIC est fixée sur l’Oubangui et le Mbomou. En 1896, les Français alliés aux Gbaya mettent fin aux visées expansionnistes des Peuls islamistes de l’Adamaoua (dans l’actuel nord-Cameroun) en leur infligeant une lourde défaite. Quatre ans plus tard, ils éliminent, aux frontières du Cameroun et du Tchad, le seigneur de guerre Rabah, un trafiquant d’esclaves arabo-soudanais qui s’était taillé, dans les années 1880, un royaume au nord-est de l’actuelle RCA : installé en 1887 au Dar-Kouti, il avait ensuite soumis un autre vassal du Ouaddaï, le Dar-Rounga, avant de s’avancer dans les sultanats du sud-Tchadien (cf. Sahel).

En 1903, les territoires français situés entre l’Oubangui et le Tchad deviennent la colonie d’Oubangui-Chari. La France y applique un modèle d’administration similaire à celui mis en œuvre par l’EIC : la sous-traitance à des compagnies privées qui recourent au travail forcé des populations pour collecter le latex et l’ivoire. Ce régime s’avère extrêmement meurtrier au Congo où des millions de personnes meurent de leurs conditions de travail, de mauvais traitements et de maladies. La réprobation internationale est si forte que, en 1908, le roi Léopold doit laisser le royaume de Belgique annexer l’EIC, qui devient la colonie du Congo belge. En Oubangui-Chari, l’esclavage est interdit dans les années 1910, mais les compagnies privées continuent à recourir à une main d’œuvre forcée de travailler.


D’abord réduite aux zones côtières, la colonisation portugaise de l’Angola s’intensifie après l’arrivée au pouvoir de l’autocrate Salazar à Lisbonne, en 1926. L’exploitation des diamants et du café provoque l’arrivée de dizaines de milliers de colons, tandis que la quasi-totalité des Africains est soumise (comme au Mozambique) au régime particulier de l’indigénat, qui favorise notamment le travail forcé.

Au Congo français, la construction d’une ligne de chemin de fer entre Pointe-Noire et Brazzaville provoque les premières révoltes autochtones. Elles sont dues au recrutement forcé de travailleurs (jusqu’au Cameroun et en Oubangui-Chari) et aux conditions de travail qui feront 15 000 à 20 000 victimes entre 1921 et 1934. A partir de 1926, un mouvement commence à militer en faveur de l’émancipation des Noirs : il est dirigé par André Matswa, un ancien sergent de l’armée française qui sera arrêté et mourra en détention en 1942. En Oubangui-Chari, les Gbaya se révoltent en 1928 contre le recrutement de travailleurs pour construire le Congo-Océan, mais aussi contre la domination des ennemis Peuls, auxquels les Français ont délégué la gestion de certains territoires. Lancée dans le bassin de la Sangha par Karinou, un médecin et fétichiste traditionnel, la guerre du Kongo-Wara s’étend sur une petite partie des colonies du Congo et du Cameroun : également connue sous le nom de « guerre des manches de houes » (en raison du bâton sacré distribué aux combattants), elle ne prend fin qu’en 1932-1933.

Du côté belge, la colonie a mis fin aux abus les plus flagrants de l’EIC, mais elle a continué sa politique d’exploitation intensive des richesses locales, qui lui assure une forte expansion économique : le cuivre du Katanga, les diamants du Kasaï, l’or de la Province orientale au nord-est et le latex, dopé par le développement de l’automobile. Les mouvements anti-coloniaux s’y expriment principalement sous une forme religieuse. En 1921, le guérisseur Simon Kimbangu crée l’Église de Jésus-Christ sur la terre, qui rencontre un fort retentissement chez les Bakongo. Emprisonné dès 1923, il meurt en détention vingt-huit ans plus tard, mais le kimbanguisme lui survit. Dans les années 1940, l’extension du travail forcé (pour soutenir l’effort de guerre des Occidentaux contre les nazis) provoque des troubles à Matadi, près de l’estuaire du Congo, et dans la province centrale du Kasaï.

Côté français, les premiers mouvements nationalistes apparaissent après la deuxième Guerre mondiale, sur des bases ethniques : le Mouvement socialiste africain (MSA) recrute principalement chez les Mbochi du nord, quand l’Union démocratique de défense des intérêts africains (UDDIA) de l’abbé Fulbert Youlou s’appuie principalement sur les Kongo. Vainqueur des élections territoriales, le second prend la tête d’un gouvernement provisoire dont la capitale passe de Pointe-Noire à Brazzaville (jusqu’alors capitale de toute l’Afrique équatoriale française). Mais la nomination de l’abbé ne fait pas l’unanimité et, en janvier 1959, des affrontements opposent ses opposants et ses partisans. Larmée française intervient pour empêcher une guerre civile et consolider le pouvoir de Youlou, qui remporte les élections et parvient à rallier le MSA. Il devient Président quand le Congo-Brazzaville accède à l’indépendance en août 1960.

Colonie à part entière depuis 1904, le Gabon devient indépendant à la même époque, mais dans des conditions pacifiques : son Premier ministre (et nouveau Président) Léon Mba avait même demandé, en vain, qu’il devienne un département français d’outre-mer. L’Oubangui-Chari accède également à la souveraineté en 1960, sous le nom de République centrafricaine. Le Congo belge fait de même, en juin 1960, après la survenue d’émeutes indépendantistes dans la capitale Léopoldville, en 1959.

En Angola, les premiers mouvements indépendantistes apparaissent dans la seconde moitié des années 1950, en ordre dispersé et sur des bases ethniques. Marxiste, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) est animé par des métis et soutenu par les populations citadines du littoral et les Mbundu de l’arrière-pays de Luanda ; de son côté, le précurseur du Front national de libération (FNLA) recrute principalement chez les Kongo du nord. En 1966, il est victime d’une scission qui conduit à la formation de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), à forte composition Ovimbundu et populaire parmi les populations intérieures qui dénoncent l’omniprésence des gens du littoral. Une insurrection naît également en 1960 à Cabinda, après la découverte de pétrole au large des côtes cabindaises et le rattachement du protectorat à la colonie angolaise, en dépit de leur discontinuité territoriale. En 1963, les mouvements séparatistes s’unissent au sein du Front de libération de l’enclave de Cabinda (FLEC). Déclenchées en 1961, les insurrections nationalistes aboutissent en 1975 à l’indépendance de l’Angola, Cabinda compris, après le retour d’un pouvoir démocratique à Lisbonne.