Pour les Européens qui colonisent l’Afrique, la haute Guinée comprend les régions allant de la Guinée-Bissau jusqu’au Liberia et la basse Guinée correspond à la zone s’étendant d’Abidjan jusqu’au Cameroun. Aujourd’hui, il s’agit des républiques de Côte d’Ivoire, du Ghana (sans aucun rapport territorial et historique avec l’Empire médiéval du même nom, situé au Sahel), du Togo, du Bénin, du Nigeria et d’une partie du Cameroun. Ces États sont peuplés de centaines d’ethnies parlant des langues Yoruba, Edo, Igbo, Gur ou Voltaïques (Bariba, Koulango, Sénoufo), Gbe (Adja, Fon, Ewé…), Kwa (Akan et assimilés : Ashanti, Fanti, Agni, Baoulé, Gonja…).
L’ensemble est baigné par un ensemble de fleuves se jetant dans le golfe de Guinée (ou ses sous-golfes du Bénin et du Biafra) notamment, d’ouest en est : la Comoé en Côte d’Ivoire, la Volta (et les Volta blanche et noire) au Ghana, le Mono (entre le Togo et la république du Bénin), le Bénin (dans l’État nigérian d’Edo), le Niger et son principal affluent la Bénoué (qui prend sa source dans le massif de l’Adamaoua au nord du Cameroun).
La première cité d’importance créée dans les clairières défrichées au sein de la forêt vierge, est celle de Ilé-Ifè, au sud-ouest de l’actuel Nigeria. Fondée par le peuple Yoruba à une date qui demeure incertaine, peut-être entre 650 et 750, elle va fonder sa prospérité et son expansion sur le travail du fer et du verre. Victime d’un effondrement démographique au XIVe siècle, peut-être du à une épidémie de peste, la cité-Etat sert de modèle aux différentes structures étatiques que les Yoruba forment ou accompagnent dans la région. Ainsi, un descendant du fondateur d’Ifé aurait été le premier roi (alafin) de la cité d’Oyo, née au XIVe. S’en réclament aussi les cités-Etats d’Ijebu et d’Owo, qui s’affirment au XVe siècle, ainsi que le royaume de Ketou,que des Yoruba fondent entre le XIe et le XIVe siècle au sud-est de l’actuelle république du Bénin. En dépit de son nom, celle-ci n’a qu’un rapport très mince avec le royaume du Bénin, établi plus à l’est. Bien que fondé par les Edo[1], il est dirigé à partir du XIIIe siècle par des princes Yoruba, chargés de mettre fin aux interminables querelles entre autochtones. Les Yoruba vénèrent des divinités appelées orisha, qui sont voisines de celles des peuples de langue gbe : elles sont au cœur du culte vaudou, pratique qui consiste à essayer de se concilier des dieux ou des puissances invisibles pour s’assurer une vie heureuse.
Dans le sud de l’actuel Ghana, le peuple des Akan fonde au XIIIe siècle le royaume de Bono, au sud du coude de la Volta noire. La découverte, au siècle suivant, de riches gisements d’or sur le fleuve et dans les forêts du pays Akan favorise la croissance du royaume et la création du centre commercial de Begho, au nord du Bono, qui attire les commerçants Dioula de Djenné (au Mali), lesquels vont favoriser la diffusion de l’islam. Vers la fin du XIVe ou le début du XVe siècle, des habitants de Begho se dispersent et vont s’installer plus à l’ouest, près de modestes hameaux tels que Gotogo (Bondoukou) et Kpon (Kong), situés dans l’actuelle Côte d’Ivoire, qu’ils transforment rapidement en véritables villes, s’y enrichissant dans le commerce des noix de cola, des bœufs, des tissus et de la poudre d’or.
Au XIIIe ou XIVe, des envahisseurs – probablement venus de l’est du lac Tchad – établissent leur domination dans le nord du Ghana actuel, sous la forme du royaume Mamprusi, qui essaime pour donner naissance aux royaumes de Dagomba et de Nanumba. Le Mamprusi s’étend sur la majeure partie des régions septentrionales du Ghana, sur des parties du Nord du Togo et jusqu’au Burkina Faso. Le Dagomba, au nord de l’actuel Ghana, couvre également des portions du Burkina Faso, du nord-est de la Côte d’Ivoire et du nord-ouest du Togo. Au XVe siècle, le Dagomba essaime à son tour vers le nord de l’actuel Burkina, où il donne naissance à de nouveaux royaumes (cf. Sahel). Du mélange de ces envahisseurs avec les populations locales naît le peuple Moose (Mossi en français).
Au XIVe siècle, au sud du Togo, débute l’âge d’or du royaume de Tado. Il s’est développé à partir d’une ville fondée, vers l’an 1000, par le peuple Adja, dans la « Grande clairière », le nom donné à la forêt défrichée entre Accra (Ghana actuel) et Porto-Novo (à la frontière des actuels Bénin et Nigeria).
Au XVe, des guerriers chassés du sud-est du Ghana, à la suite de conflits de succession au trône, arrivent dans la région de Bondoukou. Ces Abron, proches des Akan, y fondent le royaume de Gyaman, après en avoir expulsé les habitants Koulango. Plus au sud, le long du littoral ghanéen, s’étirent les petits royaumes des Fanti, issus d’une migration d’une partie des Akan du Bono vers le sud-est. Très décentralisés, ces États sont cependant organisés au sein d’une confédération informelle, destinée à les protéger des prétentions de leurs voisins plus puissants.
[1] Le royaume médiéval du Bénin et la ville actuelle de Benin city (au Nigeria) tirent leur nom des Bini, une des tribus Edo.
En 1471, les Portugais atteignent le littoral des royaumes Fanti qu’ils dénomment Côte de l’Or. En plus de faire commerce du métal jaune, les Lusitaniens revendent des esclaves, capturés ailleurs en Afrique, qui sont utilisés par les Akan pour défricher la forêt et mettre à jour de nouveaux gisements. En 1472, les envoyés de Lisbonne sont au royaume du Bénin, qui a prospéré dans le commerce de l’ivoire, du poivre puis des esclaves et qui s’est étendu jusqu’aux frontières orientales de l’actuelle république du Bénin. Dans les années 1470, les Portugais explorent aussi le fond du Golfe de Guinée : ils y « découvrent » l’île de Fernando Poo qu’ils délaissent, du fait de l’hostilité des autochtones Bubi, au profit des îles inhabitées de Sao Tomé, Principe et Annobon. Ils trouvent aussi un estuaire qu’ils vont baptiser « rivière des crevettes », nom à l’origine de celui de Cameroun. C’est là que s’installe, à la fin du XVIe siècle, le peuple Douala, qui vendra des esclaves et de l’ivoire aux Européens aux siècles suivants, activités auxquelles se livrent aussi les Ndowé du Rio Muni (le littoral de l’actuelle Guinée équatoriale).
Les expéditions portugaises ont en effet attiré d’autres pays d’Europe, qui se font concurrence : les Hollandais et les Britanniques, mais aussi les Suédois, les Brandebourgeois et les Danois (à Accra) édifient des forts sur le littoral et nouent des alliances avec les royaumes Fanti rivaux. L’activité esclavagiste, destinée à la traite transatlantique des Européens, est si intense au sud du Bénin actuel que la région va recevoir le nom de « Côte des esclaves« . Les razzias d’être humains sont particulièrement pratiquées par les royaumes d’Allada et de Ouidah, que des migrants Ewé et Yoruba ont établis au XVe siècle.
Au siècle suivant, un autre État est fondé par un peuple du groupe Akan, à la confluence des rivières Volta (centre-nord de l’actuel Ghana) : le royaume Gonja. Plus à l’est, au nord du pays Yoruba, le peuple voltaïque des Bariba forme le royaume de Borgou (ou Nikki). Bien qu’associant des principautés parfois rivales, il prospère grâce à sa situation géographique entre les centres commerciaux de Begho et de Kano (en pays Haoussa, cf. Sahel). C’est là que se réfugie l’alafin d’Oyo, lorsqu’il entre en conflit avec les Nupé, qui ont établi un royaume entre le fleuve Niger et son affluent la Kaduna, après s’être émancipés de leurs voisins Igala (installés au sud du confluent entre le Niger et la rivière Benue). Ayant reconstitué ses forces et s’étant doté d’une cavalerie, le souverain d’Oyo reconquiert ses terres vers 1600. Au cours des décennies suivantes, il soumet les Yoruba du nord, puis les petits États yoruba allant jusqu’à la côte, à l’ouest de Lagos.
Plus à l’ouest, le royaume de Todo a éclaté, donnant naissance aux dynasties Fon d’Allada (XVIe) et Ewé de Notsé (XVIe ou XVIIe). Au début du XVIIe, le royaume Fon d’Allada éclate en trois entités : Allada, Adjatché (que les Portugais appellent Porto-Novo) et Abomey. Rebaptisé royaume de Danhomè (francisé en Dahomey), le troisième s’étend vers le sud à partir de 1720, conquiert Allada et s’empare même de Ouidah, dont les Européens avaient fait un important port esclavagiste. Seule Porto-Novo reste indépendante et devient un port majeur de la traite d’esclaves, au même titre que Lagos et le golfe du Biafra.
A l’extrême nord-est de la Côte d’Ivoire actuelle, les Koulango s’organisent, au début du XVIIe siècle, au sein d’un État centralisé : le royaume de Bouna, fondé par le fils d’un prince Dagomba et d’une mère Lorhon. Ils y côtoient un autre peuple du groupe Gur, les Sénoufo : originaires des zones frontalières des actuels Mali et Burkina-Faso, ils se sont établis dans le nord ivoirien entre le Xe et le XVe siècle, avec la chefferie de Korhogo comme communauté principale.
Au Ghana, le royaume de Bono achève de se désintégrer au milieu du XVIIe, victime de la sécession de plusieurs de ses provinces. C’est le cas de celle d’Agona, où des Akan, les Denkyira, se sont installés vers le XIVe siècle. S’étant déclaré indépendant au XVIe, le royaume de Denkyira intègre d’abord, vers 1650, la fédération mise en place – dans la deuxième moitié du XVe siècle – par d’autres Akan, les Adansi. Le Denkyira vole ensuite de ses propres ailes : ayant imposé tribut à ses anciens alliés dès 1659, il engage une politique d’expansion destinée à prendre le contrôle de mines d’or et de routes, au point de couvrir un important territoire incluant la partie occidentale de la Côte de l’Or et l’intérieur des terres. Il y domine, avec les États Fanti, le commerce d’or avec les Européens, tandis que celui du Ghana oriental est contrôlé par d’autres Akan, ceux du royaume d’Akwamu, né au au XVe siècle, au nord du fort portugais d’Elmina. Vers 1600, leur territoire s’étend jusqu’au nord d’Accra, domaine du peuple Ga-Adangbe (dont le royaume traditionnel du Ga Nkran, dirigé par des prêtres, a donné son nom à Accra). Longtemps rassemblés en petites unités, les Ga entament au XVIIe siècle un processus d’unification, mais, à la fin du même siècle, ils passent largement sous la dépendance de l’Akwamu.
Mais, au tout début du XVIIIe, d’autres Akan s’affirment à l’arrière du littoral ghanéen : les Ashanti. En 1701, ces guerriers dotés d’armes à feu – partis du petit royaume (oman) de Kumansi – défont et vassalisent le Denkyira, dont ils étaient tributaires. Ils infligent également des défaites aux royaumes Akan du centre, l’Akuapem des Akyem, et de l’est, l’Akwamu. Ce dernier est alors à son apogée : pour fuir la pression Ashanti, ses troupes ont traversé la Volta en direction de l’est, pris possession de Ouidah et conquis l’arrière-pays des Ewé en 1707, puis celui des Akan Kwahu trois ans plus tard ; l’Akwamu s’étend alors sur plus de 350 kilomètres le long de la côte. De leur côté, les Ashanti conquièrent ce qui reste du Bono ainsi que le royaume Gyaman des Abron (dans les années 1730), puis les royaumes non Akan et rivaux de Gonja et Dagomba (au milieu du XVIIIe). Formée d’oman conservant leur autonomie, sous l’autorité de l’asantehene de Kumasi, la Confédération Ashanti domine la zone comprise entre la vallée de la Volta à l’est et celle de la Comoé à l’ouest. C’est une société esclavagiste alimentée par les guerres, les tributs versés par les États soumis et les razzias opérées chez les peuples voisins, en particulier chez les Ewé qui ont quitté Notsé et se sont dispersés en petits royaumes, entre la vallée du Mono et la basse vallée de la Volta.
En revanche, la Confédération Ashanti ne parvient pas à dominer le littoral, les royaumes Fanti résistant avec l’aide des Britanniques. En 1730, l’Akuapem déclenche une guerre victorieuse contre le royaume Akwamu, qui aboutit à la formation de trois nouveaux États alliés des Ashanti : l’Akyem Abuakwa à l’ouest, l’Akyem Kotoku au centre et l’Akuapem à l’Est. D’autres Akan migrent vers l’ouest, dans les savanes de l’actuelle Côte d’Ivoire : c’est le cas des Agni qui forment le royaume Sanwi à la fin du XVIIe, à l’est du cours inférieur de la Comoé. Quelques décennies plus tard, certains Agni migrent pour fuir la montée en puissance des Ashanti et fondent l’Indiéné (ou Ndenye) entre la Comoe et la frontière ivoiro-ghanéenne. C’est pour des raisons similaires que les Baoulé bâtissent leur propre royaume vers 1750 dans la région centrale de Sakassou, après en avoir expulsé les Senoufo et les Gouro. A l’extrême-nord, la ville commerçante de Kong devient le centre de l’État fondé, vers 1710, par la dynastie Dioula des Ouattara ; l’Empire Kong, de plus en plus décentralisé, s’étend sur une large partie du Burkina, jusqu’au sud du Mali.
A partir de 1780, le royaume d’Oyo commence à décliner, face aux Yoruba du nord, aux Nupé et aux Bariba, la plupart musulmans. Le déclenchement du djihad par le Peul Ousmane dan Bodio dans le pays Haoussa va lui être fatal : à la fin des années 1810, le vice-roi d’Ilorin (au nord du pays Yoruba) rejoint l’insurrection musulmane et sa région devient un des émirats du sultanat de Sokoto (cf. Sahel), au même titre que le royaume des Nupé. Vaincu, l’alafin d’Oyo s’enfuit plus au sud, où il fonde une nouvelle ville d’Oyo.
A l’est, un Peul lié à dan Bodio instaure l’émirat de Yola, dans un massif montagneux de l’actuel Cameroun. Moddibo Adama essaie aussi de subjuguer le royaume Mandara (né vers 1500 dans les monts homonymes), mais ce dernier résiste et demeure dans l’orbite de son grand voisin septentrional, le Kanem-Bornou (cf. Sahel). Au préalable, les envahisseurs avaient repoussé les populations peuplant cet Adamaoua (« pays d’Adama ») : les Mboum vers l’est et les Chamba vers l’ouest. Au XVIIIe siècle, ces derniers avaient eux-mêmes chassé les Fang qui vivaient dans la savane, sur la rive droite de la Sanaga ; refoulés dans les forêts du sud, ils atteignent le bas Ogooué gabonais vers 1900. Plus à l’ouest s’étend le Grassland, vaste région de savane des hauts plateaux volcaniques qui serait le foyer d’origine des Bantous, partis peuplés l’Afrique orientale et australe il y a environ 5 000 ans. D’autres peuples s’y sont ensuite installés, tels que les Bamoun (dont le royaume aurait établi à la fin du XIVe) et leurs voisins « Bamiléké[1]« , populations originaires de la vallée du Nil qui seraient arrivées dans la région vers le XIIe siècle et sont organisées en chefferies.
Au Dahomey, la traite est redevenue une activité importante au tournant des XVIIIe et XIXe, sous l’impulsion de négriers brésiliens. Cela conduit le roi à mener d’importantes guerres pour capturer des esclaves. Mais il est battu par deux fois par les Yoruba d’Abeokuta (1851, 1864) et se heurte aux Britanniques, qui lui imposent de mettre fin à l’esclavagisme. Comme substitut au trafic d’être humains, Londres développe le commerce de l’huile de palme dans la première moitié du XIXe siècle. L’exploitation, particulièrement intense dans le delta du Niger et les estuaires environnants, vaut à la région le surnom de « Rivières de l’huile ». Le commerce s’appuie sur les nombreuses communautés autonomes du pays I(g)bo et sur les petites cités-Etats portuaires, de type monarchique ou républicain, qui ont fleuri chez les multiples peuples du delta aux XVIIe et XVIIIe siècles : Warri (pour les Itsekiri), Bonny (Ibibio), Brass (Ijaw), Calabar (Efik)…
Dans l’actuel Ghana, les Ashanti ayant fini par vaincre les Fanti en 1806-1807, se retrouvent directement confrontés aux troupes de Londres. Leur gouverneur venu de Freetown ayant été défait et tué en 1824, les Britanniques organisent leur riposte. Après avoir racheté les forts danois (1850) puis hollandais (1872) du littoral, ils mettent à sac Kumasi en 1874 et font de la Côte-de-l’Or une colonie. A l’intérieur, les Ashanti parviennent à résister, mais perdent leur influence sur le Gonja et le Dagomba. Cette résistance prend fin en 1896 : l’asantehene de Kumasi est exilé et le pays Ashanti transformé en protectorat du Royaume-Uni. Londres récupère également la partie occidentale du Dagomba (qui était passé sous la domination des Ashanti). La partie orientale échoit au protectorat que les Allemands ont établi au Togo, en 1884. Très actifs sur le littoral, les commerçants du Reich sont également présents dans l’estuaire de Douala, où ils signent d’abord des traités, avant qu’une véritable conquête militaire ne débute en 1885. Le nord du Cameroun allemand (Kamerun) ne sera vraiment « pacifié » qu’en 1914.
Dans les années 1870, les Britanniques – auxquels les Portugais ont abandonné les côtes nigérianes depuis le début du XVIIIe siècle – ont pris le contrôle du pays Yoruba, en proie aux rivalités entre ses grandes cités de Lagos, Ibadan et Abeokuta. En 1885, ils placent les « Rivières de l’huile » sous protectorat. Douze ans plus tard, ils conquièrent l’Empire Edo du Bénin (déclinant depuis le XVIIIe), soumettent l’émirat d’Ilorin et imposent un protectorat au royaume des Nupé, en exploitant les dissensions entre les diverses factions nupé et peules qui se disputent le pouvoir. De leur côté, dans les années 1840, les Espagnols signent des traités avec les chefs Ndowé du Rio Muni et prennent effectivement possession de Fernando Poo (que les Portugais leur avaient officiellement cédée en 1778, en échange de territoires au Brésil).
Plus à l’ouest, la pression des Européens sur le Dahomey s’est accrue, depuis que la France a signé un traité de protectorat avec le roi de Porto-Novo (1863) et que l’Allemagne s’est installée au Togo. Les relations entre Abomey et Paris s’étant dégradées, la France capture le roi Béhanzin et s’empare de son royaume en 1894. La même année, les Français prennent possession du Borgou et, l’année suivante, atteignent le Gourma. Ils doivent aussi compter avec Samory Touré, un chef de guerre qui a entrepris de reconstituer un Empire Malinké. Commencée dans les années 1860, sa conquête l’a conduit jusqu’à la frontière de la Côte d’Ivoire et du Burkina, où il a mis fin à l’Empire de Kong en 1897. Les troupes françaises mettent fin à son entreprise l’année suivante ; capturé, Touré est exilé au Gabon. A l’époque, Paris a commencé à s’implanter en Côte d’Ivoire en signant des traités avec des chefs locaux, d’abord sur le littoral, puis à l’intérieur. Au début du XXe, la conquête prend une tournure plus militaire et ne s’achève qu’en 1918, après la soumission des Baoulé et des Agni.
Au même moment, les Britanniques rencontrent une situation de résistance identique dans le pays Ibo. Faute de structures politiques fortes – chez les Ibo où elles n’ont jamais existé, comme dans le pays Yoruba où elles se sont effondrées au XIXe siècle – Londres fait du sud nigérian un protectorat, aux côtés de la colonie de Lagos, alors que le Nord – structuré par l’ancien sultanat de Sokoto (cf. Sahel) – bénéficie du statut de l’indirect rule : les autorités locales y conservent un certain pouvoir, fût-ce sous l’autorité d’un gouverneur britannique. En 1914, l’ensemble du Nigeria devient une fédération, sous l’autorité du représentant de sa Gracieuse majesté, Frederick Lugard. Un régime voisin est appliqué à l’actuel Ghana : le pays Ashanti et le nord gardent des structures traditionnelles, tandis que le littoral de la Côte de l’Or conserve le statut colonial.
[1] Le nom de Bamiléké leur a été donné par les Allemands.
En 1919, après la Première guerre mondiale, Français et Anglais se partagent l’ancien Togo allemand, ce qui coupe en deux les territoires peuplés d’Ewé. A l’issue d’un référendum, le tiers occidental britannique est intégré au Ghana, qui devient indépendant en 1957, tandis que les deux-tiers orientaux demeurent sous tutelle française (cf. Togo). Un partage similaire s’applique au Kamerun allemand, dont la partie sous mandat de la France est additionnée à la colonie française du Cameroun et celle sous mandat britannique rattachée au Nigeria (cf. Le Cameroun anglophone).
Paris a opté pour une organisation différente de celle choisie par Londres : en 1895, les colonies ouest-africaines de la France, soit 4,7 millions de km², ont été regroupées au sein de l’Afrique occidentale française (AOF), dont la capitale est excentrée à Dakar, alors que ce domaine s’étend du Sénégal jusqu’au Niger et au Dahomey. A l’exception des habitants de quatre communes sénégalaises et d’un certain nombre de chefs et de fonctionnaires locaux, la quasi-totalité des autochtones n’a pas la citoyenneté française et est soumise au régime de l’indigénat qui prévoit, entre autres, la soumission au travail forcé. Celui-ci est aboli à partir de 1946, en même temps que se développe la représentation des Africains au sein de la classe politique et de l’administration. La même année, plusieurs dirigeants créent le Rassemblement démocratique africain, qui se divise rapidement entre partisans du fédéralisme (comme le Sénégalais Léopold Sédar Senghor) et tenants d’une autonomie accrue des Territoires d’outre-mer (comme l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, qui supporte mal la prédominance dakaroise, alors que la Côte d’Ivoire est le territoire le plus riche de l’AOF). Adoptée en 1956, la seconde voie est prolongée, deux ans plus tard, par la création d’une Communauté d’États membres, dont la France assure la diplomatie, la défense et la politique monétaire.
Ce dispositif est adopté, par référendum, par la quasi-totalité des anciennes colonies d’AOF, qui accèdent à l’indépendance en 1960, de même que le Nigeria. L’année suivante, la Fédération nigériane est agrandie d’une partie du mandat britannique sur l’ancien Kamerun allemand (peuplée très majoritairement de musulmans) ; l’autre partie (surtout chrétienne et animiste) choisit de rejoindre le Cameroun indépendant, mais en y défendant sa spécificité anglophone, y compris sous la forme d’un mouvement séparatiste (cf. Le Cameroun anglophone). La Guinée espagnole devient indépendante un peu plus tard, en 1968, sous le nom de Guinée équatoriale.