Le territoire est de taille modeste (cinquante-cinq îles représentant à peine 60 km² de terres émergées), mais ses 54 000 km² de surface maritime en font un véritable « porte-avion » dans l’océan Indien, à mi-chemin des côtes de la Tanzanie et de Sumatra, à 1 100 km au sud des Maldives, autant au nord-est de Maurice et 1 800 km à l’est des Seychelles.
Ces six atolls, dont le plus grand est celui de Diego Garcia, ont été peuplés à la fin du XVIIIe siècle par des descendants d’esclaves noirs de Madagascar et du Mozambique venus, avec leurs maîtres blancs, des colonies françaises des Mascareignes (Réunion et Maurice) : ils y exploitent le coprah, comme les travailleurs qui arriveront d’Inde un peu plus tard. Utilisées par les Français et les Anglais, les Chagos deviennent officiellement britanniques en 1814. Londres les rattache d’abord à sa colonie des Seychelles (sous le nom d’Oil islands), puis à celle de Maurice. La situation se complique quand cette dernière voit s’ouvrir la voie de l’indépendance : en échange de cette perspective (et de quatre millions de livres), les autorités autonomes de Maurice cèdent l’archipel au Royaume-Uni. Les Chagos deviennent une colonie britannique à part entière (le British Indian Ocean Territory, BIOT), à l’exception d’un chapelet d’îles restées seychelloises.
Dès la fin de l’année 1966, Londres concède un bail de cinquante ans (reconductible pour vingt ans de plus) aux États-Unis, qui à la faveur de deux traités supplémentaires militarisent les 44 km² de Diego Garcia. L’archipel a en effet pris une importance stratégique croissante, au fur et à mesure que les tensions montaient au Proche et au Moyen-Orient, dans la Corne de l’Afrique, dans le monde indo-pakistanais et dans le sud-est asiatique. Le gouvernement américain ayant exigé un « contrôle exclusif » sur le territoire, celui-ci est vidé de ses autochtones Afro-Indiens : entre 1967 et 1973, plusieurs centaines de Chagossiens (entre 800 et 2 000 selon les sources) quittent l’archipel, d’abord sur la base du volontariat, puis de la contrainte (notamment via la suppression croissante des ravitaillements venus de Maurice et des services publics, écoles et autres dispensaires). Ils partent s’installer aux Seychelles, à Maurice, aux îles Salomon et au Royaume-Uni, dans des conditions souvent précaires. Tout retour dans l’archipel leur est interdit, au mépris des conventions internationales dont Londres est pourtant signataire. Ceci va leur valoir d’obtenir des compensations financières et foncières de la part de Londres et de Port-Louis (en 1978 et 1982), ainsi que l’octroi de la nationalité britannique (en 2002).
Les procès n’en continuent pas moins de se multiplier devant les juridictions du Royaume-Uni, qui sort alors une parade pour éviter un retour des Chagossiens, dont le nombre est estimé à au moins 10 000 personnes : le classement de l’archipel et des eaux environnantes en réserve maritime naturelle, statut qui exclut toute exploitation marine et toute présence humaine (en dehors des 4 000 personnes travaillant déjà à Diego Garcia). Mais cette piste est rejetée par diverses instances judiciaires internationales qui, en 2019, enjoignent à Londres de « mettre fin (dans les plus brefs délais) à son administration de l’archipel des Chagos » et de le restituer à Maurice.
Des négociations entre les deux pays s’ouvrent en 2023, sous le regard des Seychelles, qui comptent une forte communauté chagossienne, et des Maldives, qui exigent une délimitation des eaux du nord de l’archipel. Un accord est finalement trouvé, en octobre 2024, entre les gouvernements britannique et mauricien : Londres reconnaît la souveraineté de Port-Louis sur la totalité des Chagos, mais conserve le droit d’exploiter la base de Diego Garcia pour quatre-vingt-dix-neuf ans, reportant d’autant le retour des Chagossiens sur cet atoll. Cette clause est d’ailleurs contestée par le nouveau gouvernement mauricien, issu des législatives de novembre.