EUROPE

Géopolitique des « tubes », du Caucase à la Baltique et à la Sibérie

L’évacuation du pétrole, et surtout du gaz, de l’ancien espace soviétique est un sujet majeur, dans un environnement géopolitique fortement perturbé.

Moscou, qui lorgne les régions russophones d’Ukraine, cherche des voies alternatives au gazoduc Brotherhood qui traverse ce pays depuis les années 1960, en plus du Yamal qui passe par la Biélorussie et la Pologne. Ainsi, un « tube » a été construit sous la mer Baltique pour rejoindre l’Allemagne, sans passer par la Pologne et les pays baltes : le North stream 1, ouvert en 2011. Son doublement se heurte en revanche aux fortes réticences de certains Européens et des Etats-Unis, inquiets de l’aventurisme russe : sa mise en service est d’ailleurs gelée au printemps 2022, lorsque la Russie attaque l’Ukraine. Au sud, le Blue stream, desservant la Turquie via la mer Noire, a été inauguré en 2003. Un deuxième gazoduc de même nature, le South stream, avait été envisagé mais il a été abandonné, de même que le projet européen Nabucco qui ambitionnait de transporter le gaz de la mer Caspienne jusqu’au sein de l’UE (qui dépend à 30 % en moyenne du gaz russe et jusqu’à 90 % dans certains pays d’Europe centrale et orientale). A la place a été lancée la réalisation du Turkish stream, reliant le sud de la Russie à la Turquie européenne et dont le prolongement, via la Grèce et les Balkans occidentaux (le Tesla pipeline), rejoindrait l’Autriche. Le Kremlin use régulièrement de l’arme gazière : à la suite des sanctions adoptées par les Européens contre son invasion de l’Ukraine, il suspend ses livraisons à deux pays membres de l’OTAN, la Pologne (desservie par le Yamal) et la Bulgarie (via le Turkish stream). En septembre, les deux tronçons du North stream – arrêtés du fait de la guerre russo-ukrainienne, mais remplis de gaz – sont victimes d’une série de sabotages d’origine incertaine.

Dans ce contexte de tension, les pays de l’UE cherchent des voies alternatives, en particulier depuis la Norvège via un gazoduc passant sous la Baltique. En parallèle, Ankara – dont les relations avec Moscou fluctuent au gré des événements internationaux (cf. Turquie) – a soutenu la réalisation du Sud Caucasian pipeline (SCP), qui permet d’évacuer le gaz de son allié azerbaïdjanais sans passer par la Russie. Passant par Tbilissi, ce gazoduc relie Bakou à Erzurum. Il se prolonge par le TANAP (Trans-Anatolian natural gas pipeline), appelé lui-même à être prolongé jusqu’au sud de l’Italie par le TAP (Trans-Adriatic pipeline), via la Grèce et l’Albanie. Le SCP épouse le tracé de l’oléoduc BTC qui se poursuit, après Erzurum, jusqu’au port de Ceyhan, sur la côte sud de la Turquie. C’est par cette voie qu’est évacuée le pétrole azerbaïdjanais, lequel emprunte également les oléoducs reliant Bakou à deux ports de la mer Noire : Novorossiysk dans la région russe de Krasnodar et Supsa en Géorgie. Deux itinéraires qui présentent l’inconvénient de passer par des régions parfois troublées, la Tchétchénie et l’Ossétie.

La réalisation d’un oléoduc et d’un gazoduc, sous la Caspienne, sont également envisagés pour acheminer le pétrole et le gaz produits par le Turkménistan et le Kazakhstan, sachant qu’une partie de leur production prend déjà la direction de la Chine (cf. Asie centrale). Depuis 2019, le gazoduc Sila Sibiri (« Force de Sibérie ») dessert aussi le nord-est du territoire chinois, depuis un gisement situé dans la république sibérienne de Sakha (Iakoutie). En complément de ce tracé, et des livraisons de gaz naturel liquéfié à Pékin, la construction d’un deuxième Sila Sibiri, partant cette fois de Russie occidentale, est envisagée pour 2030. C’est également pour desservir la Chine, mais aussi l’UE, que la Russie et ses partenaires réalisent les installations de liquéfaction et de transport de gaz de la péninsule de Yamal située sur l’Arctique, au nord de la Sibérie occidentale.

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