Si la violence entre groupes humains est consubstantielle à leur existence (cf. Christophe Darmengeat in Casus belli, la guerre avant l’État), la formation de structures étatiques n’a fait qu’amplifier son ampleur. Bon an mal an, une cinquantaine de pays sont en situation de conflit dans le monde moderne. Le nombre des déplacés dépasse 117 millions de personnes en 2025, soit un doublement en dix ans. L’intensité et la nature des affrontements varient fortement d’un pays à l’autre, entre guerres interétatiques (Russie-Ukraine) et contestations de frontières (souvent issues de la décolonisation), guerres civiles et insurrections de groupes armés (Soudan, Birmanie, Palestine), djihadisme et violences confessionnelles (Sahel, Somalie, Syrie), banditisme (Haïti, cartels mexicains), violences politiques et électorales, ces multiples causes pouvant se cumuler. Pour en savoir plus : Index des conflits de l’ONG Acled / Tracer des frontières de D. Périer et JD. Veber
Les conflits les plus meurtriers ayant jamais existé sont les deux Guerres mondiales. Celle de 1939-1945 a fait entre 60 et 70 millions de morts, dont 45 millions de civils (au rang desquels figurent les 6 millions de Juifs exterminés lors de la Shoah) ; la première guerre, de 1914-1918, a tué 18,6 millions de personnes, dont 9,7 millions de soldats.
La plupart des autres hécatombes se sont produites en Asie. Les conquêtes mongoles (1207-1472) ont fait entre 30 et 60 millions de morts et celles de Tamerlan (1369-1405) entre 15 et 20. Les guerres civiles chinoises ont également été très meurtrières : entre 25 et 35 millions de morts lors de la révolte d’An Lushan sous la dynastie Tang (755-783), environ 25 millions lors de la chute des Ming (1616-1662), de 20 à 30 millions lors de la rébellion Taiping sous les Qing (1851-1864), peut-être 8 à 12 millions lors de la révolte des Dounganes (Hui et autres minorités musulmanes, de 1862 à 1877), autour de 5 millions lors de la rébellion des Turbans jaunes (184-205) et plus de 6 millions lors de la guerre entre nationalistes et communistes (1946-1950).
En Europe, la guerre de Trente ans à fait 4 à 10 millions de morts (entre 1618 et 1648), le Temps des troubles en Russie 4 millions de victimes (de la faim et des pillages, entre 1598 et 1613, de la fin des Riourikides à l’avènement des Romanov), le Déluge 4 millions (invasion et occupation par la Suède de la Pologne-Lituanie, de 1655 à 1666), les guerres napoléoniennes entre 3 et 6,5 millions et la guerre civile russe entre 8 et 20 millions de morts (de 1917 à 1922). En Amérique, la révolution mexicaine (1910-1917) a fait environ 2 millions de victimes, deux fois plus que la guerre de sécession aux Etats-Unis.
Les conflits récents les plus meurtriers sont la guerre de Corée (1950-1953, environ 4 millions de morts et disparus, dont plus de la moitié de civils), les guerres du Vietnam (1959-1975, plus de 4,5 millions de morts) et la deuxième guerre du Congo (1998-2003, entre 4 et 5 millions de décès dus aux combats, aux maladies et à la faim). Les multiples guerres sécessionnistes du Sud-Soudan (1964-1973, puis 1983-2005) ont tué 2 millions de personnes, la guerre Iran-Irak (1980-1988) autour d’1 million et les guerres contre l’occupation soviétique de l’Afghanistan entre 500 000 et 2 millions. Suivent diverses guerres de libération et d’indépendance (Angola, Mozambique, Biafra, Érythrée, Bangladesh).
Les autres évènements les plus meurtriers de l’Histoire sont la conquête de l’Amérique par les Européens (70 millions de morts), la famine du « Grand bond en avant » chinois entre 1959 et 1961 (entre 30 et 45 millions), celle de l’Holodomor au début des années 1930 en Ukraine (entre 2,5 et 5 millions de décès) et la colonisation européenne de l’Océanie (plus de 2,5 millions de victimes). Ils devancent des drames tels que les massacres des Khmers rouges au Cambodge (1,5 à 2 millions de morts, entre 1967 et 1978), le génocide des Arméniens de Turquie (dans les années 1915) et des Tutsis du Rwanda (années 1990). En Afrique, entre 25 et 50 millions de personnes ont été victimes de l’esclavage pratiqué par les négriers musulmans (à partir du VIIe siècle), par les trafiquants européens (du XVIe au XIXe) et lors de razzias et de guerres entre royaumes et chefferies rivaux (cf. ci-dessous). Dans l’actuelle République démocratique du Congo, l’esclavage et le travail forcé ont provoqué la mort d’au moins 10 millions d’habitants entre 1885 (fondation de l’État du Congo, propriété personnelle du roi de Belgique) et 1908 (transformation du pays en colonie belge).
Existant depuis plus de 6 000 ans, l’asservissement d’êtres humains tient son nom du latin médiéval sclavus, déformation de slavus, en référence au fait que, durant le haut Moyen Âge, de nombreux Slaves furent réduits en esclavage, notamment par les Byzantins. Le continent le plus touché dans l’histoire par cette pratique a été l’Afrique. Entre 6 et 12 millions d’Africains auraient été razziés par des négriers musulmans entre les VIIe et XIXe siècles et acheminés, notamment via le Sahara, vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Environ 4 millions d’Africains auraient également été razziés sur les bords de l’océan Indien (dont la moitié au XIXe siècle), par les musulmans, ainsi que par les Européens, sans compter ceux exploités dans les plantations arabo-swahili locales à partir du XVIIIe. Entre 13 et 15 millions (dont environ deux millions décédés pendant la traversée) auraient été déportés par les Européens vers le continent américain (traite transatlantique) entre 1514 et 1866 : 39 % vers le Brésil, 18 % vers les Antilles et Guyane britanniques, 17 % vers les Antilles et Guyane françaises, un petit peu moins vers les colonies espagnoles, moins de 5 % vers l’Amérique du Nord et un peu moins de 6 % vers les possessions hollandaises et danoises. Lancé par les Néerlandais (principalement vers les territoires de l’Espagne), le commerce triangulaire est dominé, à partir du XVIIIe siècle, par les Anglais, suivis des Portugais et des Français. Lorsque l’esclavage fut définitivement aboli par la France et le Royaume-Uni, dans la première moitié du XIXe siècle, 30 % des propriétaires d’esclaves étaient soit des métis, soit des esclaves affranchis. La plupart des esclaves étaient razziés par d’autres tribus noires, qui les revendaient ensuite aux esclavagistes ou les conservaient pour leur propre usage : le chiffre de la traite intérieure africaine est inconnu, mais estimé à plusieurs millions d’individus. En comptant les victimes des guerres de captures et des mauvais traitements subis lors des razzias, environ 50 millions d’Africains auraient été arrachés à leur continent en dix siècles. Source : Les routes de l’esclavage.
NB : de nombreux chiffres sont des estimations, du fait de l’ancienneté des époques concernées, de l’imprécision des données et des différends, parfois idéologiques, entre historiens.