Anatolie, ASIE

Les peuples « turcs »

Environ cent soixante-dix millions de personnes dans le monde parlent une langue « turcique », dont 40 % en Turquie proprement dite ; les autres vivent de l’Europe orientale jusqu’à la Sibérie.

Les premiers Turcs sont mentionnés par les Chinois, dès le deuxième millénaire AEC, sous le nom de Tujue (ou Türüks), dans les steppes situées entre la Chine du Nord et le lac Baïkal. Ce sont des nomades, pasteurs, chasseurs et excellents cavaliers qui vivent sous la tente, organisés en tribus et en clans placés sous l’autorité d’un khan (chef). Durant des siècles, eux et les peuples apparentés (Xiongnu et Huns, Avars d’Europe) se livrent à une suite ininterrompue de migrations vers l’Asie centrale (surnommée « Turkestan »), la Perse, le Caucase, la Russie, l’Anatolie et les Balkans.

La langue des Türük est à la base du groupe que les linguistes qualifient de « turc commun ». Y figurent aussi celles des peuples qui leur succèdent en Chine et en Asie centrale, les Ouïghours et les Karlouks (fondateurs de l’Etat karakhanide) dont découlent l’ouïghour moderne ainsi que l’ouzbek, mais de façon très indirecte : toutes deux ont en effet subi de fortes influences extérieures, notamment iraniennes.

Appartiennent également au « turc commun » les langues de deux vagues successives de peuplement.

La première vague est celle des Oghouz, qui s’installent en Perse, en Anatolie et dans le Caucase. Selon la légende, leur fondateur aurait eu six fils ayant donné naissance à vingt-quatre tribus dont seraient issus les Petchenègues et la galaxie des « Turcomans » (confédérations des Moutons noirs et des Moutons blancs, dynasties des Seldjoukides, familles régnantes des Séfévides, des Afchars et des Qadjars en Perse, des Ottomans et des Karamanides en Anatolie). Les Oghouz se scindent en deux à partir de la seconde moitié du XIIIème siècle : les Turcomans (ou Turkmènes) demeurent au nord du Khorasan ou bien gagnent la Perse et l’Anatolie, tandis que les Petchenègues essaiment vers les rivages nord de la mer Noire où ils se heurtent aux Kiptchak et aux Khazars. Les tribus oghouz ont donné naissance aux peuples turcs occidentaux contemporains : Turcs anatoliens (dont la langue inclut de nombreux termes arabes et persans), Azéris, Turkmènes du Moyen-Orient, Gagaouzes de Moldavie, Kachkaïs du sud iranien et Turcs du Khorasan.

La deuxième vague arrive à partir du XIIIème siècle aux côtés des envahisseurs mongols, dont ils composent la majeure partie des troupes. Ils grossissent les rangs des populations turques déjà implantées et imposent leurs langues dans les khanats mongols : le turc djaghataï en Asie centrale, à partir du règne de Tamerlan (c’est notamment la langue de Babur, fondateur de l’Empire Moghol en Inde, mais aussi celle dont dérivent l’ouïghour et l’ouzbek modernes) et le kiptchak dans le khanat de la Horde d’or (dont les habitants sont dénommés « Tartares » en Occident). De ce dernier dérivent le tatar, le bachkir, le kazakh et le kirghiz, toujours en usage dans l’espace post-soviétique.

Un groupe de langues turciques ne fait en revanche pas partie du « turc commun » : celles du groupe Oghour, auquel appartiennent les Bulgares qui essaiment alors entre Volga et bas-Danube (cf. Russie) et les Khazars, présents entre la Caspienne et la mer Noire du VIIème au Xème siècle (cf. Caucase). La seule langue moderne qui en descende est le tchouvache, parlé sur les bords de la Volga.

Au début du XXème siècle, un intellectuel turc, Ziya Gögalp, développe une doctrine, le « pantouranisme », qui prône le regroupement au sein d’une entité politique commune de tous les individus de race et langue turques vivant « du Bosphore au Baïkal ». Tous appartiendraient à une terre unique dénommée Touran, mot d’origine iranienne qui désigne de manière vague les zones nomades situées au nord de l’Iran. Centrée sur le « panturquisme », cette doctrine va inspirer plusieurs dirigeants turcs (cf. Turquie & Asie centrale).

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