390 757 km²
République présidentielle autoritaire
Capitale : Harare
Monnaie : l’or du Zimbabwe
17 millions de Zimbabwéens
Dépourvu d’accès maritime, le Zimbabwe est enclavé entre quatre pays, avec lesquels il partage 3 229 km de frontières : 1 402 km avec le Mozambique à l’est, 763 km au nord-ouest avec la Zambie (le long du fleuve Zambèze), 230 km avec la République sud-africaine au sud et 834 km avec le Botswana au sud-ouest. Il n’est séparé de la bande de Caprivi, en Namibie, que par quelques centaines de mètres de territoire botswanais.
Le relief se présente sous la forme d’un haut plateau, qui est bordé de montagnes culminant à un peu plus de 2590 m à l’est. A peine 20 % du pays sont situés à moins de 900 m d’altitude. Le climat est tropical, plus tempéré en altitude.
Près de 81 % de la population est d’ethnie Shona, 11 % Ndebele (ou Matabele) et 7 % membre d’autres peuples africains, également présents dans les pays voisins (Chewa, Kalanga, Khoi-San, Sotho, Tonga, Tswana, Venda et Xhosa). Les Blancs ne représentent plus que 0,2 à 0,3 % de la population. Le pays compte seize langues officielles, dont l’anglais utilisé dans les affaires.
85 % des Zimbabwéens déclarant une religion se disent chrétiens. Près de 79 % appartiennent à des Églises de la mouvance protestante, essentiellement pentecôtiste : 15 % à 40 % seraient membres de sectes apostoliques, qui intègrent des croyances traditionnelles au sein d’une doctrine pentecôtiste. Environ 5 % pratiquent des cultes africains.
Ayant refusé d’accorder davantage de pouvoirs à sa majorité noire, comme le réclamait la Grande-Bretagne, la minorité blanche de Rhodésie du sud proclame unilatéralement son indépendance en 1965. Non reconnue par Londres et par l’ONU, cette déclaration de souveraineté ne l’est pas davantage par les deux principaux mouvements noirs du pays : l’Union populaire africaine du Zimbabwe (Zapu) fondée en 1962 par le syndicaliste Joshua Nkomo et l’Union nationale africaine du Zimbabwe (Zanu) créée l’année suivante par Robert Mugabe. Tous deux se dotent d’une branche armée, mais ne parviennent pas à unifier leurs forces pour des raisons ethniques : la Zapu représente les Ndebele du Matabeleland (au sud) et la Zanu la majorité Shona. Le chef du gouvernement rhodésien, Ian Smith, profite de ces divisions pour rallier des modérés noirs à l’idée d’un gouvernement multiracial. C’est ainsi que l’évêque méthodiste Muzorowa, victorieux des élections de 1979, devient Premier ministre d’un pays qui prend le nom de Rhodésie-Zimbabwe (en référence au royaume qui dominait la région entre les XIIIe et XVe siècles, cf. Les pays du Zambèze).
Cette évolution ne convainc ni la communauté internationale, ni la guérilla qui s’intensifie et provoque le départ de nombreux colons blancs : en 1976, la Zanu et la Zapu ont en effet fini par mettre de côté leurs divergences et par s’unifier dans un Front patriotique. Pour sortir de l’ornière, Londres réunit les différents protagonistes en 1979 et parvient à obtenir un accord reconnaissant l’existence de droits pour la minorité blanche, dont la conservation d’une partie de ses propriétés et l’attribution de sièges au Parlement. Les élections organisées l’année suivante consacrent la large victoire de la Zanu, dont le chef devient Premier ministre d’un gouvernement de réconciliation nationale, qui proclame l’indépendance du Zimbabwe.
Mais les relations de la Zanu, pro-chinoise, se dégradent rapidement avec la Zapu pro-soviétique. Accusé de fomenter un coup d’État, avec l’aide de l’Afrique du sud, Nkomo est démis de ses fonctions de vice-Président en 1982. La même année, le régime engage la répression contre les Ndebele du Matabeleland : l’opération « Gukurahundi » – terme shona qui désigne les pluies emportant les vestiges de la dernière moisson – fait une vingtaine de milliers de morts. Entraîné par des Nord-Coréens, le bataillon chargé des opérations commet les pires atrocités (telles que l’introduction de plastique enflammé dans le sexe des femmes).
En 1987, Mugabe s’affranchit des accords de Lancaster House et supprime les sièges réservés aux Blancs. Il instaure un régime présidentiel qui devient régime à parti unique quand, après une réconciliation avec Nkomo, la Zanu absorbe la Zapu et devient la Zanu-PF. Toute démocratie disparait de la vie électorale, en dépit de la réintroduction du multipartisme dès 1990. Mugabe est systématiquement reconduit à la tête de l’État, à l’issue d’élections entachées de fraudes massives et accompagnées d’exactions commises par les « terror teens » (des jeunes chômeurs formés militairement par la ZANU-FP) contre l’opposition. Le régime s’acharne en particulier contre Morgan Tsvangirai, qui dirige le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) fondé en 1999, à l’initiative des syndicats.
Sur le plan économique, le régime pratique une politique qui ruine littéralement le pays : clientélisme, dépenses publiques éhontées, administration pléthorique, redistribution erratique des terres… 50 000 fermiers Blancs possédant davantage de terres, souvent plus fertiles, que 6,5 millions de paysans Noirs, Mugabe engage en 2002 une réforme agraire « accélérée » dont les conséquences sont catastrophiques : non seulement les nouveaux propriétaires, souvent des caciques du régime, ne cultivent pas leurs exploitations, mais 300 000 familles noires – qui travaillaient dans les fermes des Blancs – se retrouvent au chômage. Le revenu par habitant devient inférieur à ce qu’il était avant l’indépendance et les trois quarts de la population, confrontée aux ravages du sida, se retrouvent sous le seuil de pauvreté, souvent victimes de malnutrition. Ancien « grenier » de l’Afrique australe, le pays en est réduit à importer massivement du maïs sud-africain tandis que au moins deux millions de Zimbabwéens partent travailler à l’étranger, où ils sont parfois victimes de violences xénophobes (notamment en Afrique du sud). L’hyperinflation (cinq cent milliards pour cents !) est telle que des billets en milliards de dollars zimbabwéens sont mis en circulation en 2008, avant de se dévaluer en quelques jours : la liasse de billets nécessaires à l’achat de papier toilette en arrive à être plus épaisse que le produit acheté !
Face à cette situation, le régime s’engage dans une « fuite en avant » tous azimuts : distribution de l’aide alimentaire aux fidèles du régime, passage à tabac de fermiers blancs, retrait du Commonwealth (dont le pays était suspendu depuis 2002), envoi du quart de l’armée au Zaïre, en proie à la guerre civile (cf. Les guérillas sans fin de la RDC), pour « piller » ses richesses minières… En 2005, le pouvoir détruit des quartiers entiers dans les bidonvilles d’Harare et de plusieurs villes, au motif de lutter contre le marché noir et de rétablir l’ordre ; en fait, l’objectif poursuivi est de réduire des zones favorables à l’opposition et de provoquer le retour de centaines de milliers d’habitants dans les campagnes, réputées moins « agitées ».
En 2008, le MDC remporte les législatives et arrive en tête au premier tour des présidentielles. Mais Tsvangirai renonce à se présenter au second, après que l’armée et les milices gouvernementales, sous le slogan « win or war », ont tué plusieurs dizaines de militants de son parti : ainsi, la femme d’un chef local a été brûlée vive, après avoir eu les pieds et une main coupés. Ayant dénoncé les conditions du scrutin, la SADC (l’organisation de l’Afrique australe) pousse les différents camps à négocier : la Zanu-PF et les deux factions rivales du MDC signent un accord de partage du pouvoir qui permet à Tsvangirai de devenir chef d’un gouvernement de coalition début 2009. La stabilisation politique permet un léger redressement de l’économie, toutefois fragilisé par l’entrée en vigueur d’une loi « d’indigénisation », en vertu de laquelle les plus grosses entreprises étrangères implantées dans le pays devront transférer 51 % de leurs parts à des Zimbabwéens. En mars 2013, le Premier ministre parvient même à organiser un référendum (plus de 94 % de « oui ») sur la limitation des pouvoirs présidentiels. Mais la réforme ne sera pas mise en œuvre : en juillet suivant, Tsvangirai est largement battu par Mugabe, dans des conditions de nouveau frauduleuses. Alors que le taux d’inscription des électeurs avoisine 100 % dans les campagnes, il dépasse à peine les deux tiers dans les zones urbaines, davantage acquises à l’opposition.
Mugabe va signer sa chute fin 2017, lorsqu’il limoge son vice-Président Emmerson Mnangagwa. La disgrâce de celui qui l’homme de toutes les basses besognes du régime (au point d’avoir été surnommé « le crocodile ») traduit la montée en puissance de Grace Mugabe, la secrétaire personnelle du Président, devenue sa deuxième femme. Redoutant que le vieux chef d’État n’abdique en faveur de sa jeune épouse – devenue titulaire d’un doctorat de philosophie en trois mois – et que celle-ci ne purge les vétérans de la guerre d’indépendance, le chef de l’armée déploie ses troupes dans Harare, avec l’aval probable de la Chine, premier partenaire économique du pays et inquiet de sa potentielle dérive. Exclu de la Zanu-PF, Mugabe est contraint à la démission. Devenu chef d’État, Mnangagwa poursuit la politique autoritaire de son prédécesseur : le gouvernement qu’il constitue est formé de militaires et de caciques de la Zanu-PF ayant lâché Mugabe. Ainsi, l’important ministère de l’agriculture (donc de la réforme agraire) est confié à l’ancien chef du bataillon Gukurahundi.
Les élections générales de juillet 2018 consacrent l’élection de Mnangawa (avec 50,8 % des voix) et la victoire de la Zanu-PF aux législatives : le parti gouvernemental a une fois de plus bénéficié du vote des campagnes, alors que le successeur de Tsvangirai, décédé en février, l’emporte à Bulawayo, capitale du Matabeleland, mais aussi dans la capitale. L’annonce des résultats législatifs provoque des heurts qui sont sévèrement réprimés à Harare par l’armée et les milices du parti présidentiel : les violences ayant été attribuées au MDC, certains de ses dirigeants sont arrêtés ou pourchassés et certains de ses militants tabassés. Les arrestations, y compris préventives, se multiplient en 2019, après que la très forte augmentation du prix de l’essence a provoqué des manifestations et des pillages dans tout le pays. La situation économique est aggravée par la sécheresse (qui diminue la récolte de maïs et la production hydroélectrique) et par les baisses de livraison sud-africaines, du fait d’impayés. L’introduction d’une énième nouvelle monnaie n’y change rien : l’inflation avoisine les 500 % !
Mnangagwa est réélu en août 2023, avec près de 53 % des suffrages contre 44% au candidat de la Coalition des citoyens pour le changement (CCC) qui a réussi à réunir les factions rivales du MDC. L’opposition dénonce de nombreux problèmes logistiques (bureaux non ouverts, électeurs non-inscrits…) et des fraudes : même les observateurs de la SADC jugent « certains aspects du scrutin non conformes » aux principes de l’organisation régionale. Le régime n’en poursuit pas moins sa gestion autoritaire et solitaire. En février 2024, le débauchage de députés de l’opposition permet au parti présidentiel d’obtenir la majorité des deux tiers lui permettant, si nécessaire, de modifier la Constitution. Deux mois plus tard entre en vigueur une nouvelle monnaie, dont l’adossement à des métaux précieux est censé empêcher sa dépréciation.
Photo : les chutes Victoria sur le Zambèze ; partagées avec la Zambie, elles constituent la plus grande cataracte du monde avec leurs 1 700 mètres de large et 108 mètres de haut.