Mauritanie

Mauritanie

A cheval sur le Maghreb et le Sahel, le pays reste caractérisé par la domination des Maures blancs sur les Noirs.

1 030 700 km²

République islamique présidentielle

Capitale : Nouakchott

Monnaie : l’ouguiya

4,3 millions de Mauritaniens

Ouverte sur l’Atlantique à l’ouest (avec 754 km de côtes), la Mauritanie partage près de 5 000 km de frontières terrestres avec quatre pays : 460 avec l’Algérie au nord-est, 1 561 avec le Sahara occidental occupé par le Maroc au nord, 2 236 avec le Mali à l’est et au sud-est et 742 km avec le Sénégal au sud (le long du fleuve homonyme ). Son relief est majoritairement plat, à l’exception de quelques collines centrales culminant à 915 m. Le climat est désertique.

Essentiellement concentrée dans la capitale, ainsi que dans la ville de Nouadhibou (sur la baie d’Arguin au nord) et le long du fleuve Sénégal, la population descend pour un peu moins d’un tiers des premiers habitants de la région : connus sous le nom de Beydane, ce sont des Maures blancs issus du métissage entre Berbères et conquérants arabes (cf. L’histoire du Maghreb). Les deux tiers restants sont des populations d’origine sub-saharienne, qui se divisent en deux catégories. Environ 40 % sont des Haratines, Maures noirs de langue arabo-berbère descendant d’anciens esclaves des Beydane ; ils incluent la petite communauté de pêcheurs Imraguen, vivant le long de la côte nord, issue du peuple originel des Bafours. Les Négro-africains sont environ 30 % : essentiellement originaires du sud et ne parlant pas arabe, ils appartiennent à plusieurs groupes ethniques également présents dans les pays voisins (les Peuls, les Soninké héritiers de l’ancien empire médiéval du Ghana, les Wolof, les Bambara). Les Beydane (eux-mêmes très hiérarchisés) sont en haut de l’échelle sociale et accaparent la plupart des pouvoirs et richesses, les Haratines étant les moins bien lotis. La langue officielle est l’arabe, qui est pratiqué sous une forme dialectale intégrant de nombreux mots berbères : le hassaniya. Le fulbe des Peuls, le soninké et le wolof ont le statut de langue nationale.

100 % des Mauritaniens sont musulmans, l’islam étant la religion officielle du pays.

Ancienne colonie française, la Mauritanie accède à l’indépendance en 1960, mettant fin aux prétentions du Maroc, qui ambitionnait de récupérer le territoire pour reconstituer le « Grand Maroc » pré-colonial. Chef d’État d’une république présidentielle, l’avocat Moktar Ould Daddah instaure un régime à parti unique, le Parti du peuple mauritanien (PPM), issu de la fusion des quatre principales formations politiques. Il fait également de l’arabe la seule langue officielle, ce qui génère des troubles passagers dans le Sud, peuplé par des Noirs.

Ould Daddah est renversé en 1978, victime d’une famine provoquée par la sécheresse et des conséquences économiques de la guerre déclenchée par le Front Polisario contre le partage du Sahara espagnol entre le Maroc et la Mauritanie. Après que les indépendantistes Sahraouis ont mené des attaques contre des villes du nord, et même contre Nouakchott, l’armée s’empare du pouvoir et négocie avec le Polisario. En vertu de l’accord de paix signé l’année suivante, la Mauritanie renonce à toute présence au Sahara occidental.

Sur le plan intérieur, les putschs militaires (réussis ou avortés) se succèdent, tandis que les opposants à la domination des Beydane et à l’arabisation du pays se regroupent au sein de Forces de libération africaine de Mauritanie (Flam), qui opèrent depuis le territoire sénégalais. En décembre 1984, un coup d’État porte au pouvoir le colonel Ould Taya, Chef d’état major des armées. Sa présidence est marquée une tentative de putsch d’officiers Noirs (en 1987) et par de très graves tensions avec le Sénégal, déclenchées par un incident frontalier entre des bergers peuls mauritaniens et des paysans soninké sénégalais, en avril 1989. L’intervention de l’armée mauritanienne dans un village du Sénégal ayant fait deux morts, des émeutes meurtrières prennent pour cibles des commerçants mauritaniens à Dakar et dans d’autres villes. En réaction, des violences éclatent à Nouakchott et dans d’autres cités, contre les Sénégalais mais aussi contre les Négro-africains mauritaniens, les Haratine participant à la chasse aux côtes des Maures blancs. Les affrontements de part et d’autres font des centaines de morts et des dizaines de milliers de déplacés, dont au moins cinq cents fonctionnaires civils et militaires mauritaniens tués par leurs compatriotes. Entre 1989 et 1991, quelque 90 000 Noirs sont expulsés de la Mauritanie vers le Sénégal et le Mali, leurs biens et leurs terres étant saisis ; en sens inverse, Dakar pousse 160 000 Mauritaniens à regagner leur pays.

En dépit de la crise économique générée par ces évènements, Ould Taya se maintient au pouvoir et amorce même un début de libéralisation économique et politique. Ainsi, la liberté de la presse et le multipartisme (à l’exception des partis islamistes) sont instaurés par la Constitution de 1991. Réélu en 1992, le chef de l’État l’est également en 1997 (l’opposition ayant boycotté le scrutin), puis en 2003, quelques mois après de violents affrontements entre ses troupes et des soldats putschistes. Dans les faits, la démocratisation du pays reste très partielle. Dominé par la tribu, très minoritaire, du Président, le régime multiplie les arrestations dans les rangs de l’opposition, accusée d’être financée par des pays étrangers (l’Irak baasiste, la Libye, le Burkina-Faso), dont l’hostilité à la Mauritanie est d’autant plus grande qu’elle a établi des relations diplomatiques avec Israël, fin 1999. D’autres mouvements d’opposants se voient reprocher des comportements racistes et extrémistes parce-qu’ils défendant les Négro-africains et les descendants d’esclaves, alors que le régime mauritanien a clairement choisi de tourner le dos à l’Afrique de l’ouest et au Sahel : entré dans la Ligue arabe en 1973, il a adhéré à l’Union du Maghreb Arabe en 1989 et s’est retiré de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest ( Cedeao) en 1999.


Le pouvoir d’Ould Taya prend fin en 2005 : il est renversé par un de ses anciens fidèles, longtemps responsable de la Sûreté nationale. La junte s’étant engagée à « mettre en place de véritables institutions démocratiques », la Constitution est révisée (notamment pour limiter à deux le nombre de mandats présidentiels) et des élections organisées en mars 2007. Elles voient le succès de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, premier civil élu lors d’une élection multipartite et régulière. Le nouveau régime s’efforce de régler la question noire en favorisant le retour au pays de milliers de Négro-Mauritaniens chassés à la fin des années 1980 et en faisant voter (à l’unanimité) une loi qui punit sévèrement l’apologie et la pratique de l’esclavage. Officiellement abolie durant la colonisation française, puis en 1981, l’exploitation d’être humains concernerait encore 100 000 personnes, dont certaines expédiées dans les pays de la péninsule arabique.

Mais le Président Abdallahi ne va pas au bout de son mandat : il est déposé, en août 2008, par son chef d’état-major particulier, le général Mohammed Ould Abdel Aziz, qui figurait dans les rangs des putschistes de 2005. Le chef d’État est déchu pour plusieurs raisons : ses absences trop fréquentes du pays, son soutien trop marqué aux Négro-mauritaniens (à laquelle la majorité de la population demeure sourdement hostile), son rapprochement avec les islamo-conservateurs (« bêtes noires » des militaires) et l’implication de son épouse dans une affaire de détournement de fonds. A la tête d’un Haut Conseil d’État (HCE), le nouvel homme fort du pays annonce une nouvelle élection, à laquelle il participe en juillet 2009. Bénéficiant de ses actions en faveur des plus démunis (baisse des prix des produits de première nécessité, construction de routes, adduction d’eau et électrification…) et d’une fraude massive, Aziz remporte les présidentielles dès le premier tour, avec plus de 52 % des voix. Il est réélu en 2014 avec près de 82 %, l’opposition ayant appelé au boycott du scrutin. Entretemps, les Flam ont connu une scission qui a conduit la faction ayant renoncé à la lutte armée à faire son retour au pays, sous la forme d’un parti politique.

Loin de restaurer la démocratie, le régime se durcit. En témoigne l’adoption, en 2017, d’une loi qui punit de mort le blasphème et l’apostasie, autant de gages donnés à une mouvance islamiste en progression. En décembre 2013, le parti des Frères musulmans, Tawassoul, est arrivé en deuxième position aux élections législatives et municipales, derrière le parti présidentiel. Surtout, la Mauritanie n’a pas échappé aux métastases du djihadisme dans le Sahel. Entre 2005 et 2011, des groupes plus ou moins liés à al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) ont pris pour cibles des soldats mauritaniens, mais aussi des touristes et des travailleurs humanitaires occidentaux ; certains sont tués, d’autres enlevés contre rançon et meurent parfois en détention. Les opérations sont menées notamment par le Mujao (Jamat Tawhid Wal Jihad Fi Garbi Afriqqiya, Mouvement pour l’unité du Jihad dans l’ouest africain) qui regroupe les « non Arabes » d’Aqmi, Touareg, Peuls, Songhaï… En 2008, le chef d’Aqmi appelle le peuple mauritanien à la guerre sainte contre des dirigeants « apostats », ceux-ci ayant fait de la lutte contre le terrorisme une de leurs priorités majeures. Dans un pays de longue tradition nomade, des postes sont érigés aux frontières du pays et des opérations sont lancées contre les islamistes, y compris contre des camps situés sur le sol malien. Les insurgés se réfugient en particulier dans la forêt de Wagadou, proche de la ville de Néma, au sud-est. Les relations entre les deux pays frontaliers se dégradent : en mars 2022, la Mauritanie accuse l’armée malienne d’avoir tué des ressortissants mauritaniens, lors d’une opération de sécurisation de la frontière ; en août suivant, un rapport de l’ONU accuse effectivement l’armée malienne et des « soldats blancs » (ses mercenaires russes) d’être impliqués dans la mort d’une trentaine de civils, très majoritairement Mauritaniens, dans la région de Ségou, voisine de la frontière mauritanienne.


En 2019, Aziz respecte la Constitution et ne brigue pas de troisième mandat. Les Mauritaniens élisent Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, un ancien ministre de la Défense ayant contribué à sécuriser le pays (aucun attentat n’y ayant été commis depuis 2011). Ayant fait campagne en faveur d’une meilleure gouvernance, il est élu avec 52 % au premier tour, lors d’un scrutin jugé libre et transparent par la plupart des observateurs. Engagé dans une politique d’apaisement avec ses voisins et de protection sociale (création d’une assurance maladie universelle), il prend ses distances avec son prédécesseur qui est condamné, en 2023, à cinq ans de prison pour blanchiment et enrichissement illicite.

En revanche, « la question noire » reste sensible : quinze jours avant les élections législatives de 2023, les grandes villes du pays sont secouées par de violentes émeutes, consécutives à la mort d’un jeune Négro-Mauritanien, arrêté par la police à Nouakchott. Les tensions réapparaissent lorsque, à l’issue du scrutin, la présidence de l’Assemblée nationale échoit à Mohamed Ould Meguett, ancien directeur de la sécurité nationale, puis chef d’état-major général des armées. L’opposition et les militants négros-mauritaniens accusent ce proche de Ghazouani d’avoir participé au massacre de soldats négro-mauritaniens de 1989-1991, lorsqu’il était chef des transmissions. Le Président sortant n’en est pas moins réélu en juillet 2024, avec 56 % des voix au premier tour.

Crédit photo : maxos_dim / Pixabay