Situés en bordure de la mer du Nord et de la Manche, les « plats pays » (30 m d’altitude moyenne aux Pays-Bas et 180 m en Belgique) sont habités durant la dernière période glaciaire. Au fil des siècles, plusieurs peuples s’y installent et s’y mélangent : des Celtes venus de la moyenne vallée du Rhin au Sud, ainsi que des Germains tels que les Frisons et les Chauques (au Nord), les Bataves et les Chamaves (à l’embouchure du Rhin). A partir de 57 AEC, Jules César conquiert la région, du moins au sud de la Meuse et du Rhin, ce qui en fait la frontière nordique de l’Empire romain. C’est lui qui donne le nom de Belgae à la tribu celte lui ayant opposé le plus de résistance. Les Romains construisent les premières villes et introduisent l’écriture. Vers 15 EC, Dresus occupe le territoire des Bataves jusqu’à Zuiderzee et en fait des auxiliaires, qui se révolteront en 69-70. En revanche le domaine des Frisons reste en dehors de l’Empire romain. A partir du IIIe siècle, l’appauvrissement de leurs terres les pousse à se livrer à des actes de piraterie qui les conduiront, jusqu’au Ve siècle, sur les côtes de la Gaule, de la Bretagne insulaire (où ils serviront d’auxiliaires aux envahisseurs Anglo-Saxons) et de la Bretagne péninsulaire.
Aux environs de 200, les Germains occidentaux forment deux ligues : les Alamans (« tous les hommes ») sur le Rhin moyen et les Francs (« libres ») sur le Rhin inférieur. A partir de 250, la frontière romaine du Rhin ne peut plus être maintenue. Des Francs, dits Saliens, lancent des expéditions dévastatrices à travers la Gaule ; finalement vaincues en 288, ces tribus sont installées par les Romains dans « l’île des Bataves » (entre le Lek et le Waal), sur la rive gauche du Rhin. Mais, à mesure que l’armée romaine s’affaiblit, les Francs s’infiltrent plus avant dans les Pays-Bas méridionaux : en 358, ils s’installent en Toxandrie (Brabant septentrional) et reçoivent le statut de fédérés de Rome. Au tournant des années 406-407, des Vandales, Suèves et Alains font irruption sur le Rhin et le Danube et chassent les légions romaines. Défendant leur territoire, les Francs Saliens en profitent pour remplir le vide laissé par les Romains ; s’étant emparés de Tournai (dans le Hainaut), ils en font leur capitale. Le nom de Belgique donné à la région à l’époque romaine disparait. Il ne réapparaîtra qu’au XVIe siècle, lorsque les lettrés, écrivant en latin, retrouveront l’appellation de César.
Durant la période mérovingienne, Clovis établit le premier royaume Franc, qui s’étend jusqu’au Rhin. Après sa mort, son domaine est divisé en deux : l’Austrasie – allant de la Frise à l’Alémanie – et la Neustrie ; la frontière nord-sud qui sépare les deux territoires traverse la Belgique actuelle. C’est de cette période que datent les premières séparations entre dialectes germaniques et romans, séparations qui seront globalement figées vers le XVIe siècle (cf. Encadré). C’est aussi à cette époque que les peuples occupant le sud des Pays-Bas commencent à être christianisés, christianisation à laquelle résistent les Saxons (le nom pris par les confédérations Chauques germaniques de la mer du Nord) et les Frisons, établis sur les côtes allant de l’Escaut jusqu’à la Weser et à la péninsule danois du Jutland. Les rétifs finissent toutefois par être soumis par les Francs, entre les années 730 et 803[1].
En 843, le traité de Verdun divise l’Empire franc en trois : la Francie occidentale (futur royaume de France), la Francie médiane (allant de la Frise au centre de l’Italie) et la Francie orientale (communément nommée Germanie, noyau du futur Saint-Empire romain germanique). A la mort de son roi Lothaire, en 855, la Francie médiane est divisée entre ses trois fils : les Pays-Bas septentrionaux font alors partie de la Lotharingie, tout comme les territoires de la Belgique et du nord de la France actuels situés à l’est de l’Escaut. La Lotharingie ayant à son tour disparu en 869, les terres belgo-néerlandaises sont divisées de part et d’autre de l’Escaut entre la Francie orientale et la Francie occidentale. Mais, de 840 à 880, la majeure partie des Pays-Bas est occupée par des Vikings du Jutland, dont la suprématie prend fin en 920, quand le roi de Germanie, le Saxon Henri Ier, libère Utrecht. Au milieu du Xème siècle, la Lotharingie est divisée en deux duchés : celui de Basse-Lotharingie représente les Pays-Bas actuels, entre Meuse et Rhin, celui de Haute-Lotharingie deviendra la Lorraine.
Une fois les Vikings chassés, la société revit. Dès avant l’an 1000 apparaissent les signes de l’expansion démographique qui durera jusqu’en 1350. Dans les Pays-Bas méridionaux (la Belgique actuelle), ce phénomène s’accompagne du développement du commerce. A l’inverse, une grande partie de l’ouest des Pays-Bas est alors à peine habitée. Vers 1000, les fermiers flamands et d’Utrecht commencent à acheter les terres marécageuses, à les assécher et à les cultiver. Les premières digues apparaissent en Frise. Des fermes indépendantes qui ne font pas partie de villages sont construites, ce qui est alors unique en Europe.
L’ensemble des Pays-Bas ayant été intégré dans le Saint-Empire germanique, formé en 962, l’Empereur intronise des évêques, également investis d’un pouvoir temporel, pour briser le pouvoir des seigneurs locaux. Jusque vers 1100, l’entité la plus puissante du Nord est l’évêché impérial d’Utrecht, Liège et Cambrai étant ses homologues au Sud. Fondée en 980, la principauté épiscopale de Liège restera indépendante plus de huit cents ans. Dès le IXe siècle, d’autres entités politiques indépendantes, menant leur propre politique internationale et économique, se développent aux confins de la Francie occidentale et du Saint Empire : au Nord les comtés de Gueldre et de Hollande (« terre boisée », qui met la fin sur la Frise au XIIe), au Sud ceux de Hainaut, de Namur et du Limbourg (futur duché), ainsi que le duché de Brabant qui contrôle l’axe commercial majeur allant d’Anvers et Bruges jusqu’à Cologne. Un peu avant le milieu du XIe apparaît aussi le comté de Luxembourg, dont le siège est la ville éponyme bâtie autour d’une forteresse construite en 963.
Le plus puissant des seigneurs de la région est alors Baudoin, souverain du comté de Flandre, dont les possessions s’étendent de la rive ouest de l’Escaut jusqu’à Lille et Arras. Limités dans leur expansion territoriale au Sud par les comtes de Normandie, les comtes de Flandre se rabattent sur l’est de l’Escaut et contraignent le Saint Empire à les accepter comme vassaux. La puissance du comté devient telle que le royaume de France essaie de l’annexer, sans succès : les troupes royales sont sévèrement battues par les seigneurs de Flandre en 1302. Dix ans plus tard, le comte Henri VII de Luxembourg accède à l’une des plus hautes distinctions de l’époque, en étant élu empereur du Saint-Empire romain germanique. Sa Maison règnera sur l’Empire et sur la Bohême jusqu’en 1437, quasiment sans interruption. En 1354, l’Empereur germanique profite de sa situation pour élever son comté au rang de duché de Luxembourg.
[1] Certains Frisons ont déjà quitté la région : entre 450 et 500, ils ont profité de leurs excellentes connaissances maritimes pour s’établir sur les côtes de Bretagne (Angleterre) et d’Armorique.
De la tutelle bourguignonne à la domination austro-espagnole
En 1384, à la mort du dernier comte de Flandre, ses terres (Flandre, Artois et comté ardennais de Rethel) passent dans le giron du duc de Bourgogne, le Valois Philippe le Hardi. En 1428, la Hollande et la Zélande entrent à leur tour dans l’orbite bourguignonne, suivies du Brabant deux ans plus tard, du Luxembourg en 1441, ainsi que du Hainaut, du Boulonnais, de la Picardie et d’une partie du Limbourg. Ces « pays de par deçà » (par opposition aux « pays de par-delà » que forment la Bourgogne proprement dite et ses possessions environnantes) demeurent au sein des États bourguignons jusqu’à leur démantèlement, consécutif à la mort du duc Charles le Téméraire en 1477.
Sa fille ayant épousé le Habsbourg Maximilien Ier, l‘ancien comté de Flandre, le sud des Pays-Bas et le Luxembourg passent aux mains des archiducs d’Autriche, puis de l’Empire germanique quand Maximilien devient empereur. L’expansion territoriale de la Maison autrichienne se poursuit quelques années plus tard par l’union de Philippe le Beau avec Jeanne la Folle, héritière de la Castille et de l’Aragon espagnols. La Frise, la Drenthe, les régions d’Utrecht, de Groningue et des Ommelanden sont rattachées progressivement au domaine des Habsbourg, parfois dans la douleur : des révoltes éclatent à Gand et des privilèges sont accordés au Brabant, à la Hollande, à la Flandre et à Namur afin de maintenir le calme. La dernière province rétive, la Gueldre, est soumise en 1543. Les « pays d’en bas » (Nederlanden) – par opposition aux « pays d’en haut » autrichiens – s’étendent alors du comté de Frise jusqu’à celui d’Artois au sud. En 1549, ces « dix-sept Provinces » sont formellement unifiées par un édit – la « Pragmatique sanction » – pris par l’Empereur germanique et roi d’Espagne Charles Quint, lui-même natif de Gand ; seule Liège reste à part. Sept ans plus tard, Charles Quint abdique et partage ses domaines entre son frère et son fils : c’est ainsi que les Pays-Bas « autrichiens » échoient au roi d’Espagne, Philippe II, et deviennent les Pays-Bas espagnols.
Lors des XVe et XVIe siècles, un théologien originaire de Rotterdam, Erasme, publie divers ouvrages humanistes ; ce nouveau mouvement de pensée, qui met l’homme au centre des préoccupations, est rapidement suivi dans l’Europe entière grâce à l’imprimerie, libre dans le pays. La diffusion de nouvelles idées, celles de la Réforme luthérienne puis de Jean Calvin, va entraîner la dégradation des rapports entre les anciennes provinces bourguignonnes et Philippe II d’Espagne, catholique intransigeant et partisan d’une forte centralisation de ses possessions, jusqu’alors coutumières d’une large autonomie. La révolte prend un tour violent en 1566, lorsque les plus radicaux des protestants s’en prenant au culte des saints et à leur représentation sous forme d’images ou de statues. Couplée au meurtre de prêtres, cette « Furie iconoclaste » éclate dans la région de Dunkerque et se propage comme une traînée de poudre jusqu’à Anvers, Amsterdam et Groningue, sur fond de mauvaises récoltes agricoles. Pour protester contre l’absolutisme et l’instauration de l’Inquisition, des membres de la petite noblesse soumettent un certain nombre de doléances à la régente, installée à Bruxelles. Qualifiés de « gueux » par la haute noblesse locale, ils ne sont pas écoutés ; certains sont même persécutés voire exécutés sur les ordres du duc d’Albe, envoyé par la Couronne espagnole pour rétablir l’ordre.
La guerre de Quatre-vingts ans
A partir de 1568, la révolte est conduite par Guillaume le Taciturne, un luthérien de l’éminente Maison d’Orange-Nassau auquel Charles Quint avait confié un commandement militaire. Parmi les insurgés, les plus actifs sont les Gueux de mer qui contrôlent les embouchures des fleuves et les côtes. Grâce à leur aide, beaucoup de villes de Zélande, de Hollande et d’Utrecht expulsent l’occupant. Proclamé stadhouder (chef des forces armées) des provinces libérées, Guillaume le Taciturne se convertit officiellement au calvinisme. La résistance aux Espagnols est notamment incarnée par les habitants de la ville hollandaise de Leyde, dont le courage leur vaudra d’accueillir la première université des Pays-Bas. Le mécontentement devient tel que le duc d’Albe se retire en 1574. Deux ans plus tard, ses successeurs parviennent à un accord (Pacification de Gand) avec les États généraux représentant les dix-sept provinces des Pays-Bas espagnols, en vue d’une plus grande tolérance religieuse et d’un statu quo administratif et fiscal. Pourtant, Philippe II s’obstine à appliquer une politique centralisatrice et spirituellement homogène à son royaume, désavouant implicitement ainsi l’accord de Gand. Les combats reprennent alors de plus belle. Partant du Luxembourg, les armées espagnoles reprennent le terrain tout en s’assurant de la conversion des sujets réformés à l’Église catholique. Un flot d’immigrants religieux gagne alors le Nord, renforçant ainsi le visage calviniste des provinces septentrionales et accentuant le catholicisme du sud.
Jouant de la méfiance des catholiques envers les protestants, le duc de Parme, représentant de l’Espagne, orchestre l’Union d’Arras de 1579, dans laquelle les provinces francophones méridionales reconnaissent officiellement la souveraineté de Madrid. En réaction, les sept provinces révoltées du nord (Hollande, Zélande, Utrecht, Overijssel, Groningue, Gueldre, Frise) forment la même année l’Union d’Utrecht, qui va déboucher sur la naissance de la République des sept provinces unies des Pays-Bas, État fédéré dont la Hollande est, de loin, le membre le plus influent. Le processus d’émancipation politique est complété en 1581 par l’Abjuration de La Haye, qui déchoit Philippe de Habsbourg de tous ses droits sur les Pays-Bas, en raison des exactions qu’il y a ordonnées. Alors que Guillaume le Taciturne est assassiné en 1584, les combats se poursuivent au profit de l’Espagne qui réussit à reconquérir la Flandre et le Brabant et à les rattacher aux Pays-Bas espagnols. Une trêve est finalement signée en 1609 entre les États généraux des Provinces-Unies et l’Espagne : elle reconnait l’indépendance de facto des sept provinces septentrionales.
Celles-ci parviennent même à conserver certains des territoires, majoritairement catholiques, conquis lors du conflit : la Flandre zélandaise (au sud de la Zélande), le Brabant septentrional et quelques petits territoires du Limbourg autour de la ville de Maastricht, elle-même placée sous la double tutelle des États généraux et de la Principauté de Liège. Rattachés directement au gouvernement d’Amsterdam, ces pays dits de la Généralité jouent un rôle de tampon avec les Pays-Bas restés espagnols et catholiques, la Belgica Regia, future Belgique. En principe « gelé » pour douze ans, le conflit reprend en 1618, dans le cadre de la Guerre de Trente ans qui oppose, à travers toute l’Europe, les Habsbourg et leurs alliés catholiques aux États protestants, soutenus par la France qui s’inquiète de l’expansionnisme du Saint-Empire. La guerre prend fin en 1648, par la signature des traités de Westphalie ; dans un traité additionnel, signé à Münster, l’Espagne reconnait formellement l’indépendance des Provinces-Unies.
Le « siècle d’or » des Provinces-Unies
Dès lors, entre 1584 et 1702, les Provinces-Unies entrent dans la période du « Siècle d’or » (Gouden Eeuw), caractérisé par une prospérité économique sans équivalent dans une Europe en crise, par un dynamisme culturel dont la peinture est le meilleur exemple et par une urbanisation précoce, doublée d’un essor démographique soutenu en Hollande et Zélande. La liberté de culte qui y règne attire les profils les plus divers, en particulier les écrivains et les érudits. De nombreux individus chassés des autres pays d’Europe pour des raisons religieuses s’installent dans le pays, qui porte l’image d’un État riche et tolérant. Bientôt, Amsterdam atteint un niveau de vie bien supérieur à celui de Paris, la métropole bénéficiant de la richesse apportée par ses colonies.
Reconnues par plusieurs pays européens (Angleterre, Suède, France, notamment) avant même 1648, les Provinces Unies se sont en effet affirmées comme une puissance majeure, notamment dans le domaine maritime. Elles ont notamment commencé à établir un vaste empire colonial soutenu par l’activité commerciale de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (Vereenigde Oostindische Compagnie ou VOC), créée en 1602. Les explorateurs du pays fondent de nombreuses colonies aujourd’hui connues sous d’autres noms, telles que l’Indonésie, l’Afrique du Sud, le Suriname, Taïwan, la Tasmanie ou encore la Nouvelle-Zélande. Le pays doit cependant parfois céder des territoires aux autres puissances : la Nouvelle-Néerlande (futurs États américains de New York et du New Jersey) et la Nouvelle-Hollande d’Australie sont intégrées à l’Empire britannique, la Nouvelle-Hollande brésilienne est rendue aux Portugais et la Nouvelle-Hollande en Acadie est donnée aux Français après la signature des traités de Nimègue avec le roi Louis XIV. La prospérité et la puissance commerciale des Néerlandais suscitent en effet la jalousie des Anglais – qui livrent trois guerres maritimes aux Provinces-Unies entre 1652 et 1674 – et des Français qui, entre 1672 et 1678, leur livrent la guerre de Hollande, notamment marquée par le siège de Maastricht au cours duquel meurt D’Artagnan. Retournement de l’histoire : les Provinces-Unies sont alors alliées à l’Espagne contre la France.
Les Pays-Bas espagnols ne sont pas en reste : à partir de 1635, ils sont régulièrement impliqués dans les guerres qui opposent les Habsbourg à la France, et y perdent quelque 40 % de leur territoire, surtout dans le sud-ouest de Flandre et du Hainaut : l’Artois passe à la France en 1659, Lille et Douai huit ans plus tard. Seule la protection des Provinces-Unies et de l’Angleterre[1] empêche le royaume français de les annexer totalement.
[1] Soutien des protestants anglais, Guillaume III d’Orange devient roi d’Angleterre en 1688
De la réunification à la sécession belge
Pendant la guerre de Succession d’Espagne (1702-1714), l’actuelle Belgique se retrouve divisée en deux : le Nord et le Centre sous gouvernement anglo-batave autour de Bruxelles et un gouverneur sous tutelle des Bourbon d’Espagne et de France à Namur. Finalement, en 1713, le traité d’Utrecht attribue les Pays-Bas du Sud et le Luxembourg à l’empereur autrichien Charles VI, qui y mène d’importantes réformes, dont toutes ne font pas l’unanimité. C’est ainsi qu’éclate la « révolte brabançonne » qui, en 1789, chasse les troupes autrichiennes et proclame les États-Belgiques-Unis, sur le modèle américain. Mais les révolutionnaires sont divisés et, dès l’année suivante, l’Autriche reprend possession des Pays-Bas méridionaux, avant de les perdre en 1795-1797 au profit de la France révolutionnaire. Au passage, celle-ci met fin à l’indépendance de la principauté de Liège et transforme le Luxembourg en département français des Forêts.
En janvier 1795, les troupes françaises se sont par ailleurs rendues maîtresses d’Amsterdam et d’Utrecht, ramenant dans leurs fourgons les « Patriotes » qui, en 1786, avaient essayé de remettre en cause les institutions de plus en plus monarchiques des Provinces-Unies. Une République batave, « sœur » de la République française, est instaurée la même année, tandis que Maastricht – perdant son vieux statut de condominium – devient le chef-lieu d’un département de la France révolutionnaire. Onze ans plus tard, Napoléon transforme la république batave en royaume de Hollande, qu’il confie à un de ses frères, avant de l’intégrer purement à son Empire en 1810.
Au Congrès de Vienne qui, en 1815, scelle la défaite de l’Empereur français, les grandes puissances décident de réunir à nouveau les Pays-Bas du Sud et du Nord au sein d’un seul État, le royaume uni des Pays-Bas (ou des Belgiques, en français). Ayant pour capitales La Haye et Bruxelles, il est placé sous l’autorité de Guillaume VI d’Orange qui devient roi sous le nom de Guillaume Ier. En compensation de la perte des territoires allemands de la Maison d’Orange, dont son berceau rhénan de Nassau, le roi des Belges devient également, à titre personnel, souverain des Luxembourgeois, le Congrès de Vienne ayant promu l’ancien duché au rang de Grand-duché de Luxembourg (en l’amputant de quelques terres attribuées à la Prusse rhénane). En revanche, les Pays-Bas réunifiés ne se voient attribuer qu’une petite portion de l’ancien duché du Limbourg : la majeure partie, à l’est d’Aix-la-Chapelle, est en effet donnée à la Prusse et ne quittera plus le giron allemand.
Mais la greffe entre les deux Pays-Bas ne prend pas. Catholique et plutôt libérale, plus industrialisée que les Pays-Bas commerçants du Nord et davantage peuplée (quatre millions d’habitants contre moins de trois millions), la Belgique supporte mal le règne d’un protestant qui, de surcroit, veut imposer le néerlandais comme seule langue officielle. Elle se soulève en 1830, dans la foulée de la révolution survenue à Paris. En septembre, ce mouvement aboutit à la création du royaume de Belgique, qui intègre le Luxembourg (sauf sa capitale éponyme, contrôlée par les Prussiens), ainsi que le Limbourg demeuré néerlandais, Maastricht comprise. Contrairement aux espoirs des gouvernants belges, la couronne n’est pas confiée à un souverain français mais à un prince germano-britannique, Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, qui entre officiellement en fonction en juillet 1831. En 1839, la jeune Belgique doit faire quelques concessions territoriales : si elle conserve la partie occidentale de ce qu’elle avait récupéré du Limbourg, elle doit en revanche rétrocéder Maastricht et la partie orientale à son voisin du Nord, devenu royaume des Pays-Bas[1]. De même, elle parvient à garder une grande moitié occidentale, plutôt romane, du Luxembourg, mais doit renoncer à la partie orientale, de langue germanique. Celle-ci forme le nouveau grand-duché de Luxembourg, qui retrouve donc l’indépendance, mais dans un format territorial réduit et dans un cadre progressif : il reste en effet membre de la Confédération germanique (jusqu’à ce qu’elle disparaisse en 1866) et demeure en union personnelle avec les Pays-Bas jusqu’en 1890.
[1] D’où l’existence de deux provinces du Limbourg, l’une belge, l’autre néerlandaise (en plus du Limbourg attribué aux Allemands en 1815). De même, les Pays-Bas comptent une province du Brabant et la Belgique deux (l’une néerlandophone, l’autre francophone).
Les langues des "Pays-Bas" Formellement unifiés par Charles Quint au XVIème siècle, les Pays-Bas forment en réalité un véritable patchwork linguistique. Au sud fleurissent des dialectes romans : picards au sud-ouest (Artois, Hainaut, Lille) et wallons[1] au sud-est (dans les régions de Namur et de Liège). La situation est encore plus complexe au nord, où sont parlés des dialectes germaniques, issus du bas francique[2] (flamand, brabançon, hollandais), du bas saxon (au nord-est), du moyen allemand (mosellan au Luxembourg), voire complètement distincts comme le frison occidental. Au Moyen-Age, le plus prospère de ces différents parlers est le flamand, eu égard à la richesse des villes drapières que sont Gand, Bruges et Ypres. Il perd son influence au XVème quand l'essor de Bruxelles et d'Anvers favorise l'essor du brabançon. Lui-même s'efface devant le hollandais, la scission des Provinces Unies s'accompagnant de la prédominance culturelle de celle qui est la plus riche, la Hollande. Complété d'éléments brabançons, le hollandais va servir de base à l'édification d'une langue écrite commune dans la première moitié du XVIIème : elle reçoit le nom officiel de néerlandais. Cela n'empêche pas la persistance de dialectes régionaux et le distinguo populaire qui est toujours effectué entre le hollandais (des Pays-Bas actuels) et le flamand (Vlaams, de la Flandre belge). Les "patois" wallons (liégeois, namurois et méridional au Luxembourg belge) demeurent également vivaces en Belgique francophone, où l'enseignement obligatoire du français a été instauré en 1920.
[1] Du germanique « walh » désignant des populations de langues romanes (ou celtiques comme les Gallois).
[2] Parler des Francs Saliens (distinct des moyen et haut francique dont dérivera l’allemand).