238 391 km²
République semi-présidentielle
Capitale : Bucarest[1]
Monnaie : le leu
18 millions de Roumains

[1] La « ville de la joie » selon un mot roumain d’origine Dace.

Ouverte sur la mer Noire au sud-est (225 km de côtes), la Roumanie partage 2 844 km de frontières terrestres avec cinq pays : 601 avec l’Ukraine et 683 avec la république indépendante de Moldavie au nord et nord-est, 424 avec la Hongrie au nord-ouest, 531 avec la Serbie au sud-ouest et 605 avec la Bulgarie au sud.
La Roumanie moderne résulte de la fusion de trois régions historiques (cf. Balkans et bas-Danube) qui sont aussi des régions géographiques. Le plateau de Transylvanie, qui occupe le centre du pays, est séparé de la plaine méridionale de Valachie par les Alpes de Transylvanie (où culmine le sommet principal, à plus de 2540 m) ; à l’est, il est séparé du plateau de Moldavie par la chaîne des Carpates orientales. La Moldavie roumaine, dite occidentale, constitue la plus grande partie de l’ancienne principauté médiévale de Moldave (le reste formant la république Moldave et une toute petite partie de l’Ukraine). Le climat roumain est tempéré.
La Transylvanie borde l’Ukraine au nord, la Hongrie à l’ouest et la Serbie au sud-ouest. Au nord, l’ancienne Marmatie forme la Ruthénie subcarpathique en Ukraine et le Maramureș en Transylvanie. À l’ouest, l’ancienne Crișana est partagée entre la Transylvanie, et plus à l’ouest encore, la Hongrie, où elle s’appelle Körösvidék. Au sud-ouest, l’ancien Banat est partagé entre la Transylvanie, et plus au sud-ouest encore, la Serbie, où elle s’appelle Voïvodine. Les « Saxons » ayant largement quitté le pays pour rejoindre l’Allemagne au début des années 1990, la population transylvaine contemporaine (sept millions), majoritairement orthodoxe, se compose principalement à 71 % de Roumains, 18 % de magyarophones (Hongrois et Sicules) et 4 % de Roms.
89 % de la population se déclare d’ethnie roumaine et 6 % de culture magyare (dont un tiers de Sicules et la petite minorité des Csángós). Officiellement, les Roms sont un peu plus de 3 %, mais leur nombre réel oscillerait entre 5 et 11 %. La langue officielle est le roumain, dont le moldave est considéré comme une variante. Plus de 95 % des Roumains sont chrétiens (orthodoxes à plus de 85 %).

Bien que dirigée par un roi allemand (Ferdinand Ier de Hohenzollern-Sigmaringen), la Roumanie a choisi le camp de l’Entente contre le Reich et l’Autriche-Hongrie en août 1916, ce qui lui permet – à la différence de ses voisins bulgare et hongrois – de faire partie des vainqueurs de la Première guerre mondiale et d’en sortir territorialement renforcée : la superficie de la « Grande Roumanie » passe de 137 177 km2 (en 1913) à 295 049 km2 (en 1920), grâce à l’obtention de la Bessarabie, de la Bucovine et de la Moldavie orientale (russes), de la Dobroudja méridionale bulgare, ainsi que de la Transylvanie et d’une partie du Banat hongrois, à l’ouest et au nord-ouest. Dans un pays rural à près de 80 %, la force politique principale est le Parti national paysan, mais d’autres mouvements apparaissent dans les villes, d’inspiration sociale-démocrate, marxiste ou nationale-chrétienne. De cette dernière mouvance relève la Légion de l’Archange Michel, surnommée la Garde de Fer. Dans les années 1930, cette formation intégriste et xénophobe assassine deux Premiers ministres et se livre à diverses violences vis-à-vis des Juifs, des Roms ou des représentants de mouvements démocrates. En 1938, le roi Carol II abolit ce qui restait de démocratie parlementaire, se dote des pleins pouvoirs et engage l’armée dans de violents combats contre les « Légionnaires » de la Garde de fer et les militants du parti pro-nazi de la minorité allemande. Descendants des colons venus protéger les marches du royaume de Hongrie contre les Tatars et les Turcs au Moyen-Age (cf. Hongrie), les Allemands sont alors 750 000 en Roumanie, notamment dans les villes fortifiées qu’ils ont construites, comme Sibiu et Brasov (Kronstadt).
En 1940, lâché par la France (qui a signé l’armistice avec l’Allemagne hitlérienne) et par une Grande-Bretagne affaiblie, le royaume roumain doit se résoudre à abandonner à l’URSS, ainsi qu’à la Bulgarie et à la Hongrie (alliés de Berlin), les territoires récupérés à l’issue de la Première guerre mondiale. Allié provisoirement à la Garde de fer, le général Antonescu dépose le roi et établit un régime totalitaire, désigné du nom d’État national légionnaire, qui rejoint les forces de l’Axe. Un demi-million de soldats allemands sont bientôt stationnés dans le pays, dans lequel les Juifs, les Roms et les démocrates sont traqués sans relâche, victimes de pogroms et d’exécutions sommaires. Antonescu est finalement renversé en août 1944 par le Conseil national de la résistance formé par les mouvements de partisans, les dirigeants des partis politiques démocrates interdits et le roi Michel (Mihai 1er). Près de 500 000 Roumains sont alors engagés contre l’Allemagne nazie, principalement aux côtés des Russes. Mais l’engagement initial de la Roumanie aux côtés d’Hitler, notamment contre l’URSS à partir de 1941, l’exclut du camp des vainqueurs. Si elle récupère la Transylvanie du nord hongroise, elle perd près de 60 000 km² (Bucovine, Bessarabie moldave, raion de Herta, Dobroudja du sud[1]) et quatre millions d’habitants : trois millions sont devenus citoyens soviétiques ou bulgares et un million sont morts (dont un tiers de Juifs). Quelque 100 000 Allemands s’enfuient et 80 000 sont arrêtés par les Soviétiques et déportés en Sibérie. Leurs biens vont être nationalisés par le nouveau régime.
[1] Le territoire de la « Grande Roumanie » est aujourd’hui partagé entre la Roumanie (80 %), la république de Moldavie (11 %), l’Ukraine (6 %) et la Bulgarie (3 %).
Comme d’autres pays d’Europe orientale, la Roumanie est occupée par l’Armée rouge et bascule dans le camp soviétique. Le gouvernement pro-communiste mis en place en mars 1945 est confirmé, en novembre 1946, par des élections caractérisées par de larges irrégularités, des intimidations et des assassinats ciblés. L’opposition est interdite et le roi contraint d’abdiquer en décembre 1947 : la « monarchie communiste » devient la République populaire roumaine, puis la République socialiste de Roumanie à partir de 1965. Cette année-là, Nicolae Ceaușescu accède à la tête du pays en devenant secrétaire général du Parti communiste roumain, puis chef de l’État deux ans plus tard. A partir de 1971, il instaure un régime extrêmement totalitaire, sans doute inspiré des modèles chinois et nord-coréen. Il repose sur une police politique extrêmement brutale (la Securitate) et sur un fort culte de la personnalité : Ceausescu se décerne les titres de Conducător (« guide », comme Antonescu), de « génie des Carpates » et de « Danube de la pensée ». National-communiste, il poursuit la politique d’indépendance vis-à-vis de Moscou entamée par son prédécesseur (avec le retrait des troupes soviétiques dès 1958) : refus de réprimer le « Printemps de Prague » en 1968, relations avec la Yougoslavie titiste, les États-Unis et Israël, soutien aux terroristes palestiniens d’Abou Nidal et allemands de la « bande à Baader »… Il monétise également l’émigration des Allemands vivant encore dans le pays, qui sont autorisés à partir, à condition de rembourser les études qu’ils ont effectuées en Roumanie ; quelque 200 000 personnes profitent de ce « marché ». Les Allemands ne sont plus que quelques dizaines de milliers.
Ce commerce n’empêche pas la situation économique de se dégrader fortement dans les années 1980. Ayant adhéré au Fonds monétaire international pour obtenir des crédits importants, le régime rembourse sa dette en privilégiant massivement les exportations, au détriment de la demande intérieure. Le chauffage et l’éclairage viennent à manquer et la faim fait son apparition, alors que le pays avait atteint l’autosuffisance alimentaire dans les années 1970. Les hôpitaux deviennent des mouroirs et, du fait d’une politique très nataliste (dont l’interdiction de la contraception), de nombreuses familles abandonnent leurs enfants. L’aggravation des conditions de vie est telle que des grèves surgissent dans les mines et les usines, en dépit des risques encourus. Alors que le bloc communiste se lézarde à la fin de l’année 1989, Ceausescu refuse toute réforme du régime et, au mois de décembre, ses forces de l’ordre tirent sur des manifestants dénonçant l’expulsion d’un pasteur hongrois à Timisoara. Les affrontements gagnent la capitale, où l’essentiel des forces armées fraternise avec les insurgés. Le couple présidentiel prend la fuite mais il est capturé par les militaires et fusillé, après un « procès » aussi expéditif que les procédures habituellement utilisées contre les victimes du régime. On estime à 2 millions de personnes le nombre de Roumains tués, emprisonnés, déportés ou déplacés entre 1945 et 1989 ou bien victimes des disettes, du manque de chauffage et de produits médicaux, ainsi que de l’emploi massif de prisonniers pour les travaux dangereux. 90 000 personnes –enseignants, médecins, politiciens, prêtres, etc– seraient morts derrière les barreaux et 10 000 auraient été exécutées et enterrées sommairement.
Après la chute de Ceausescu, le pouvoir échoit à un Front de salut national (FSN), dirigé par des communistes lassés des dérives du régime. La nouvelle constitution, adoptée fin 1991, consacre le recyclage d’une large partie de l’ex-nomenklatura communiste au sein du nouvel appareil d’État. Pour garder les rênes et empêcher l’opposition non-communiste de tirer un bénéfice de la « révolution », l’aile conservatrice du FSN organise des descentes de mineurs de la vallée du Jiu sur Bucarest, afin de terroriser la population. Dès 1992, le FSN éclate entre réformateurs et orthodoxes : chef d’État intérimaire, le leader des conservateurs Ion Iliescu est réélu à deux reprises à la Présidence de la république (avec un intermède démocrate-chrétien entre 1996 et 2000).
En 2004, la Roumanie rejoint l’OTAN, puis l’Union européenne (en 2007), sous la houlette d’un nouveau Président : le libéral et démocrate Traian Băsescu, qui a triomphé du candidat du Parti social-démocrate (PSD, nouveau nom des conservateurs de l’ex-FSN). Mais le chef de l’État n’a pas de majorité parlementaire et, au printemps 2012, une procédure de destitution est engagée contre lui. Celui qui mène la chasse est un ancien haut gradé de la Securitate, sénateur devenu homme d’affaires et patron de presse. L’institution qui est en réalité visée à travers le Président est le parquet anti-corruption (DNA) qui a condamné plusieurs ministres (dont l’ex-Premier ministre Năstase), députés, préfets et hauts fonctionnaires jusqu’alors réputés intouchables. Par référendum, 87 % des votants se prononcent pour la destitution, mais le résultat est invalidé par la Cour constitutionnelle, moins d’un électeur sur deux s’étant déplacé pour voter, malgré les efforts déployés par le gouvernement pour gonfler la participation (inscription de milliers de morts sur les listes, vote des Roumains de l’étranger…). En décembre 2013, la plus haute juridiction du pays prend une autre décision contraire aux intérêts de la nomenklatura : elle juge imprescriptibles les crimes commis sous l’ancienne dictature ce qui conduit, par exemple, à la condamnation à vingt ans de prison de l’ancien commandant de la prison de Ramnicu Sarat, surnommée « l’enfer du silence » sous la dictature.
Fin 2014, la Roumanie se redonne un chef d’État « allemand », en la personne de Klaus Iohannis, maire libéral de Sibiu, élu face au Premier ministre sortant, candidat du PSD. Protestant et représentant de la petite minorité allemande du pays, le nouveau Président incarne la lutte contre la corruption, qu’il a mise en œuvre dans sa ville et qui a séduit les électeurs, dont ceux de la diaspora : le taux de participation atteint 60 % , du jamais vu depuis les années 1990. Mais lui non plus n’a pas de majorité parlementaire. A l’été 2018, les sociaux-démocrates le contraignent à démettre la responsable du parquet national anti-corruption, qui a envoyé un millier de personnes devant les tribunaux, rien qu’en 2017. La décision provoque des manifestations monstres dans la population, y compris dans la diaspora (dont l’argent envoyé à leur famille représente cinq milliards d’euros). L’année suivante, le chef du PSD est emprisonné pour trafic d’influence et sa Première ministre renversée par une motion de censure : elle est remplacée par un gouvernement libéral pro-européen, mais minoritaire. Fin 2019, Iohannis est réélu avec près de deux tiers des suffrages, mais doit encore compter avec une majorité parlementaire instable, d’autant plus que son propre Parti national-libéral (PNL) est traversé par des dissensions. En 2021, il confie d’ailleurs le gouvernement à une alliance composée du PSD et de dissidents du PNL.
En novembre 2024, le premier tour des présidentielles (suivi par un peu plus de 52 % des électeurs) marque un effondrement des partis traditionnels. Le candidat du PNL obtient moins de 9 % et celui du PSD, le Premier ministre sortant, est éliminé : avec 19,15 % des voix, il est devancé de 0,2 % par la centriste de l’Union pour sauver la Roumanie (USR) et plus largement par le national populiste Calin Georgescu (23 %). Cet admirateur du Russe Poutine est aussi un nostalgique de la Roumanie pro-nazie, raison pour laquelle il avait été évincé du parti d’extrême-droite Alliance pour l’union des Roumains (AUR, dont le leader obtient un peu moins de 14 %). Les résultats de ce premier tour sont annulés par la Cour constitutionnelle, les services de renseignement ayant démontré l’utilisation frauduleuse de réseaux sociaux par Georgescu, potentiellement à l’initiative de la Russie. Entretemps, les législatives (suivies par plus de 52 % des votants, soit 20 % de plus qu’en 2020) voient une nette progression de l’extrême-droite anti-européenne et pro-russe : l’AUR, arrivée deuxième, et d’autres formations dépassent 32 %. Pour rester à la tête du gouvernement, le PSD (arrivé premier, mais avec seulement 23 %) repasse une alliance avec le PNL et y associe l’USR ainsi que les partis de la communauté hongroise (UDMR, Union démocrate magyare de Roumanie) et des autres minorités ethniques (GPMN). Contesté pour s’être maintenu au pouvoir, en attendant la nouvelle élection présidentielle (prévue en mai), le Président Iohannis démissionne en février 2025. L’intérim est assuré par le Président (libéral) du Sénat. Le même mois, Georgescu est inculpé pour « fausses déclarations » sur les sources de financement de sa campagne électorale.
Photo : le Palais du peuple, plus grand palais en pierre du monde (350 000 m²), construit sous Ceausescu par destruction ou déplacement de 20 % du centre historique de Bucarest.