ASIE, Sous-continent indien

Maldives

La santé économique de l’archipel est menacée par l’islamisme et l’instabilité politique, entre influences chinoise et indienne.

298 km²

République présidentielle

Capitale : Malé

Monnaie : la rufiyaa (roupie)

450 000 Maldiviens

Situé à plus de six cents kilomètres du sud-ouest de l’Inde et sept cent cinquante du Sri Lanka, l’archipel est formé de quelque 1 200 îles coralliennes – dont moins de 200 habitées – s’étirant sur plus de 800 kilomètres du nord au sud, jusqu’à l’équateur[1], sans le moindre relief. Le climat est tropical, chaud et humide.

Le peuple maldivien a des origines diverses ; il est issu de multiples et anciens contacts avec tous les pays riverains de l’océan Indien. La langue officielle, d’origine indo-européenne, est le divehi ou mahl proche du cinghalais. L’islam sunnite est la religion d’État.

[1] Cette position géographique conduit les Maldives à revendiquer une délimitation des eaux septentrionales de l’archipel britannique des Chagos.

Crédit : Ibrahim Asad / Pexels

En 1968, trois ans après l’indépendance, le sultanat est aboli et remplacé par une république. En mars 1976, les derniers soldats britanniques quittent le pays, les accords attribuant la défense de l’archipel à la Grande-Bretagne étant devenus caducs.

Deux ans plus tard, le premier président de la République cède le fauteuil présidentiel à Maumoon Abdul Gayoom qui va le conserver trente ans : en l’absence de tout parti politique, il est le seul candidat aux cinq élections au suffrage universel qui se déroulent tous les cinq ans. Menacé par un coup d’État en 1988, il fait appel à l’Inde pour se maintenir au pouvoir. A la fin de la décennie suivante, il change d’orientation et signe un accord de défense avec la Chine, ce qui est vécu comme une provocation par New-Delhi, les Indiens considérant que l’archipel fait partie de leur sphère d’influence. Une nouvelle fois menacé par son opposition, Gayoom arrête plusieurs dizaines de personnes et instaure l’état d’urgence en août 2004.

En 2008, il est finalement contraint d’organiser un scrutin présidentiel pluraliste, qui est remporté par un opposant de longue date, Mohamed Nasheed. D’inspiration libérale, le gouvernement est progressivement accusé de corruption, de dérive autoritaire et de mauvaise gestion financière, alors que la situation économique du pays se dégrade : l’activité touristique, principale ressource des îles, ralentit et le chômage des jeunes augmente. Au printemps 2011, des manifestations éclatent, sans doute téléguidées par Gayoom et par les islamistes : à l’automne, leur parti Adhaalath quitte la coalition gouvernementale. En février 2012, de nouveaux troubles secouent le pays et contraignent Nasheed à la démission, après que la police et les forces d’élite de l’armée ont rejoint les manifestants. Le vice-Président accède à la tête de l’État et promet un gouvernement d’union nationale, tandis que des heurts se produisent dans la capitale et sur plusieurs îles de l’archipel, où des postes de police et des bâtiments gouvernementaux sont saccagés. La médiation proposée par l’Inde s’avère un échec et Nasheed est finalement arrêté en octobre.

Après moult reports, dus à des recours d’opposants devant la Cour suprême et à des manifestations d’hostilité des forces de l’ordre, le Président déchu est finalement autorisé à se présenter aux présidentielles de novembre 2013. Il y est battu par Abdulla Yameen, demi-frère de Gayoom et candidat d’un camp islamo-conservateur de plus en plus puissant. Sous la houlette d’étudiants formés en Arabie Saoudite et au Pakistan, le wahhabisme et le salafisme se sont en effet développés dans un archipel de tradition musulmane soufie et modérée : dénonciation de l’accueil de touristes israéliens et des « comportements indécents » des clients dans les hôtels et les spas, destruction de statues bouddhiques au musée de Malé (témoins du passé de l’archipel avant l’instauration de l’islam au XIIe siècle), port croissant du voile islamique voire de la burqa… Sitôt élu, le nouveau Président donne satisfaction à cet électorat en rétablissant la peine de mort (suspendue avant même l’indépendance) et en fixant à dix ans l’âge de la responsabilité criminelle (voire sept ans pour la prise de drogue et d’alcool).

En février 2015, Nasheed est de nouveau arrêté, puis condamné à treize ans de prison pour « terrorisme ». En juillet suivant, le Parlement vote une loi anti-terroriste, visant notamment la violence islamiste. Cela vaut au Président et à son vice-Président d’être menacés de mort par le groupe Daech (État islamique), s’ils ne retirent pas ce texte. Ne l’ayant pas fait, Yameen réchappe de l’explosion de son bateau en septembre, alors qu’il rentrait du pèlerinage de La Mecque avec son épouse, laquelle est blessée dans l’attentat. Pourtant, ce ne sont ni les islamistes ni l’opposition qui sont mis en cause, mais le vice-Président qui est arrêté, le mois suivant, pour haute trahison. Sur le plan international, le régime signe, fin 2017, un accord de libre-échange avec la Chine, dans le cadre des nouvelles « routes de la soie » promues par Pékin[1].

Un nouvel imbroglio politique survient à l’été 2017 : pour éviter que l’opposition ne devienne majoritaire au Parlement et ne puisse renverser le Président, la Cour suprême invalide l’élection d’une douzaine de députés dissidents du parti présidentiel ; en échange, le régime promet de nouvelles élections dans les six mois. La promesse n’ayant pas été tenue, les hauts magistrats font preuve d’indépendance début 2018 : non seulement ils réintègrent les députés exclus, mais ils annulent les condamnations prononcées en 2015 contre Nasheed et ses proches. La réaction de Yameen est immédiate : en février, il fait arrêter son demi-frère Gayoom, accusé de dissidence, ainsi que le Président de la Cour suprême, laquelle revient finalement sur ses décisions.

Cet épisode laisse des traces puisque, aux présidentielles de septembre 2018, Yameen est nettement battu par son challenger de l’opposition : moins connu que l’ancien Président Nasheed (qui, du fait de sa condamnation, ne pouvait se présenter), Mohamed Solih a bénéficié du soutien de larges secteurs de l’opinion, dont la faction du parti au pouvoir restée fidèle à Gayoom. Sans remettre en cause les projets envisagés avec la Chine – malgré le risque de fort endettement qu’ils font courir au pays – le nouveau chef d’État essaie de rééquilibrer les relations des Maldives avec l’Inde et les États-Unis. Mais l’instabilité politique demeure, attisée par la lutte contre la corruption que tente de mener le nouveau pouvoir : devenu chef du Parlement, Nasheed est grièvement blessé, en mai 2021, dans un attentat à la moto piégée attribué aux islamistes.

D’abord associé au Parti démocratique maldivien (MDP) au pouvoir, Nasheed le quitte, en dénonçant la faiblesse du gouvernement vis-à-vis de ses alliés islamistes. Affaibli par cette scission, Solih échoue à se faire réélire en septembre 2023. Il est nettement battu, au second tour, par le maire de la capitale, Mohamed Muizzu, candidat du Congrès national du peuple (NPC) de Yameen, lequel ne pouvait se présenter du fait de sa condamnation à onze ans de prison pour corruption et blanchiment d’argent. Muizzu obtient 54 % des voix, à l’issue d’un scrutin auquel 85 % des électeurs ont participé.

Ouvertement pro-chinois, comme son mentor, le nouveau Président accuse l’Inde de vouloir nuire aux Maldives, en développant le tourisme dans son archipel voisin des Laquedives. Il ordonne également à New-Delhi de retirer ses quelques dizaines de soldats, qui étaient chargés d’exploiter des avions, de provenance indienne, destinés à la surveillance des côtes. En mars 2024, le régime annonce la signature d’un « accord sur la fourniture d’une assistance militaire par la Chine », tandis que New-Delhi remplace ses personnels militaires par des civils. Jusqu’alors dépourvu de majorité parlementaire, le Président Muizzu se rattrape largement aux législatives d’avril 2024 : le PNC remporte les trois quarts des sièges. Quelques jours plus tôt, la Haute Cour de justice avait ordonné un nouveau procès dans l’affaire Yameen, estimant que celui tenu en 2022 n’avait pas été équitable.

[1] La moitié des porte-conteneurs mondiaux passent dans les eaux des Maldives.

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