En vertu d’un accord signé en 1907 entre la France – alors protecteur du Cambodge – et ce qui s’appelait encore le royaume de Siam, ce monument dédié à Shiva avait été déclaré cambodgien. Après le retrait français du Cambodge, en 1954, l’armée thaïlandaise fait fi du texte et occupe le temple, avant que la Cour internationale de justice ne valide l’accord franco-siamois en 1962. Cette décision reste toutefois contestée par la Thaïlande, dans la mesure où la frontière n’a jamais été clairement définie sur la ligne de crête des monts Dangrek, au sommet desquels trône le temple. Bangkok réclame donc la souveraineté sur cette zone de 4,6 km², avec comme argument supplémentaire que l’accès le plus simple au sanctuaire se trouve sur le sol thaïlandais. Au grand dam de Phnom-Penh, l’ex-Siam occupe par ailleurs quatre temples angkoriens ayant fait partie de l’ancien Empire khmer.
La tension remonte dans la seconde moitié de 2008, quand les deux pays mobilisent des troupes sur leur frontière proche du temple. En février 2011, des affrontements entre militaires rivaux font même une demi-douzaine de morts. Les tensions sont largement alimentées par un mouvement thaïlandais, l’Alliance populaire pour la démocratie (PAD), qui joue la surenchère de l’ultranationalisme sur une scène politique déjà très troublée (l’ancien premier ministre thaïlandais Thaksin est ainsi un proche du leader cambodgien Hun Sen). Fin avril, une trentaine de soldats sont tués lors de nouveaux combats à l’arme lourde, toujours autour de temples, mais cette fois dans la province thaïlandaise de Surin, à une cinquantaine de kilomètres de Preah Vihear.
Bien que Bangkok refuse toute autre solution que bilatérale, Phnom Penh fait de nouveau appel à la CIJ qui confirme, en 2013, son jugement de 1962 : le promontoire sur lequel est perché le temple est bien situé au Cambodge, mais le jugement est remis en cause par la Thaïlande, au motif qu’il est basé sur les cartes de 1907, moins précises que les cartes modernes. En mai 2025, un soldat cambodgien est tué par des militaires thaïlandais dans le « triangle d’émeraude », une zone contestée de la frontière à proximité du Laos. Le mois suivant, le Cambodge saisit la CIJ au sujet des quatre temples occupés par la Thaïlande. En juillet, Bangkok accuse son voisin d’avoir tué une quinzaine de civils, lors de bombardements en trois points des 250 km de frontière du sud-est thaïlandais. Les échanges de tirs font une trentaine de victimes, militaires et civiles, de part et d’autre de la frontière et contraignent des dizaines de milliers de personnes à s’enfuir. Aux aspects purement nationalistes du conflit s’ajoutent des rivalités politico-économiques : jadis proche de l’homme fort cambodgien Hun Sen, au grand dam du commandement militaire thaïlandais, le clan Shinawatra envisage d’implanter des casinos le long de la frontière avec le Cambodge, au risque de nuire aux intérêts de ceux qui prospèrent côté khmer, avec l’aval du régime de Phnom-Penh, y compris dans des activités mafieuses de cyber-fraude. Après quelques jours de combat, un fragile cessez-le-feu est signé sous l’égide de la Malaisie.