110 860 km²
République socialiste
Capitale : La Havane
Monnaie : peso cubain
11 millions de Cubains
La superficie intègre les 121 km² de la base de Guantánamo, possession de Cuba louée depuis 1903 par les États-Unis.
Au carrefour des Bahamas et de la Floride états-unienne (à 150 km) au nord, du Yucatan mexicain (à 208 km) à l’ouest et de Haïti à l’est, le pays est un archipel formé de l’île de Cuba (la plus grande des Antilles, 104 945 km²), de l’île de la Jeunesse (ex-île des Pins) et de plus de 4 000 îlots (ou cayes). Il compte 3 735 km de côtes et 28,5 km de frontière terrestre avec l’enclave américaine située dans la baie de Guantánamo, au sud-est.
Près de 80 % du relief de Cuba est constitué de plaines et de plateaux. Les deux principales chaînes de montagnes sont la Sierra Maestra au sud-est (qui culmine à 1974 m au pic Turquino) et l’Escambray au centre. Le climat est tropical.
La population est blanche à 64 %, métisse ou mulâtre à 27 % et noire à 9 %. La langue officielle est l’espagnol. La deuxième la plus parlée est le créole haïtien, en raison de la forte immigration venue de ce pays.
En l’absence de données officielles sur les affiliations religieuses, le nombre de chrétiens est estimé à 59 % et celui des adeptes de religions populaires afro-américaines (comme le palo mayombe et la santeria) à 18 %.
Comme à la Jamaïque et dans de nombreuses autres îles, la colonisation espagnole consécutive à la découverte de l’île par Christophe Colomb provoque la disparition de la quasi-totalité des populations autochtones (Ciboney et Taino). Des esclaves sont importés d’Afrique pour cultiver le café, la canne à sucre et le tabac, mais Cuba devient surtout l’escale des flottes espagnoles convoyant les richesses du Mexique et du Pérou jusqu’en Espagne. Brièvement occupée par les Britanniques en 1762, l’île est rendue à Madrid l’année suivante, en échange de la Floride. Au carrefour des XVIIIe et XIXe siècles, Cuba voit arriver de nombreux planteurs français fuyant la guerre d’indépendance à Haïti. Il en résulte l’arrivée de plus de sept cent vingt mille esclaves entre 1792 et 1860, davantage qu’au cours des deux siècles précédents (l’esclavage sera aboli entre 1886 et 1888).
En 1868, Cuba se révolte contre la tutelle de Madrid, sous la conduite de Carlos Manuel de Céspedes. Matée au bout de dix ans, cette rébellion est suivie d’une véritable guerre d’indépendance entre 1896 et 1898. Les autorités militaires espagnoles y répondent en mettant en place des camps de « reconcentration », dans lesquels 400 000 civils sont déportés, afin de priver les rebelles de tout soutien dans les campagnes. 100 000 Cubains meurent des suites de cette politique. Voyant leur approvisionnement en sucre cubain menacé par le conflit, les États-Unis interviennent et déclarent la guerre à l’Espagne en 1898. Battus, les Espagnols doivent reconnaître l’indépendance cubaine (et céder Porto Rico aux Américains). Après trois ans et demi d’occupation américaine, la République de Cuba devient indépendante en 1902, mais les États-Unis demeurent très présents. Un article de la Constitution cubaine prévoit les conditions de leur maintien dans le pays (jusqu’en 1934) et Washington obtient, en 1903, un bail incessible qui permet aux Américains de conserver une base dans la baie de Guantánamo[1].
[1] Depuis 1994, la base de Guantánamo accueille une prison de haute sécurité pour les « combattants illégaux » capturés par les Américains à travers le monde.
La première dictature cubaine voit le jour dès 1925, sous les traits de Gerardo Machado, ancien général de la guerre d’indépendance soutenu par les États-Unis. Renversé en 1933, il est remplacé par un gouvernement qui entreprend de mettre en œuvre des réformes, dont le caractère national et social déplait aux Américains. Ceux-ci soutiennent alors la junte militaire qui s’empare du pouvoir en 1934, sous la direction du métis Fulgencio Batista. Six ans plus tard, l’ancien colonel putschiste remporte les élections présidentielles, à la tête d’une coalition hétéroclite réunissant conservateurs, sociaux-démocrates et communistes, face au candidat du Parti révolutionnaire cubain. Mais, en 1944, c’est ce dernier qui est élu Président, devant le poulain de Batista, qui avait choisi de ne pas se représenter. Ce n’est que partie remise. Voyant qu’il ne pourra revenir au pouvoir par la voie des urnes, Batista s’en empare en 1952, à la faveur d’un coup d’État soutenu par la CIA américaine. Démocrate durant son premier mandat, il instaure une dictature violemment anticommuniste lors du second. Il fait aussi de l’île un havre de paix pour la mafia italo-américaine Cosa Nostra, qui investit dans les casinos et pratique le blanchiment d’argent à grande échelle.
Le pouvoir du dictateur est contesté par Fidel Castro, un jeune avocat engagé en politique qui, en 1953, organise un assaut contre la caserne de Moncada, à Santiago de Cuba. Mais l’opération est un fiasco. Emprisonnés, Fidel et son cadet Raúl sont extradés au Mexique, où ils font la connaissance d’un jeune rebelle argentin, Ernesto Guevara. Tous trois débarquent en 1956 à Cuba, à la tête de quelques dizaines d’hommes, rapidement vaincus. Les rescapés se réfugient dans la Sierra Maestra, où ils recrutent des centaines de paysans pauvres, victimes de grands propriétaires terriens. En parallèle, la brutalité du régime de Batusta et de son armée lui valent d’être progressivement abandonné par les États-Unis. L’envoi de 10 000 soldats contre Castro est inutile : la rébellion s’empare de Santiago, deuxième ville du pays, à l’automne 1958 et entre à La Havane en janvier 1959, après la fuite du dictateur, parti avec plusieurs millions de dollars.
Castro devient Premier ministre d’un gouvernement provisoire qui, dans un premier temps, recueille l’assentiment des Américains. Mais cette reconnaissance ne dure pas. Le régime ayant rétabli la peine de mort, il se livre à des milliers d’arrestations et prononce des centaines de peines capitales, parmi les partisans de Batista, mais aussi au sein de l’opposition démocratique. La plupart des exécutions sont supervisées par Guevara, depuis son QG de la forteresse de la Cabaña. De 1959 à 1965, les frères Castro doivent même affronter la rébellion d’une partie de leurs anciens compagnons d’armes dans le massif de l’Escambray.
Ayant compris que la seule force véritablement organisée du pays est le Parti communiste, le régime castriste s’en rapproche et met en œuvre une importante politique de nationalisation et d’expropriations (y compris des biens de la mafia), accompagnée de redistributions de terres, de hausses des salaires, d’interdiction des ségrégations raciales et de répression de toute opposition au PC, seul parti autorisé. Convaincus que le pouvoir a basculé dans le camp communiste, les Américains adoptent alors un certain nombre de sanctions, telles que la non livraison de pétrole aux raffineries, encore américaines, installées à Cuba. Les conséquences sont immédiates : La Havane nationalise ces compagnies et importe du pétrole d’URSS. En parallèle, la CIA arme et entraîne des centaines d’exilés anti-castristes qui, en 1961, débarquent sur une plage au sud de l’île, la Baie des cochons. Éventée par les services cubains et soviétiques, l’opération est un échec cuisant. En réaction, le numéro un soviétique, Khrouchtchev décide de placer des missiles nucléaires à Cuba, afin de dissuader les États-Unis de toute tentative d’agression. Les Américains ayant découvert la construction des rampes de lancement, le Président Kennedy instaure un blocus de l’île en 1962. Malgré les pressions de Castro, l’URSS renonce finalement à son projet, en échange de la promesse américaine de ne plus attaquer Cuba.
En revanche, l’embargo économique, commercial et financier décrété par les États-Unis demeure en vigueur, en vertu d’une loi de 1917 sur « le commerce avec l’ennemi ». Il aggrave une situation déjà dégradée par l’exil massif de certaines professions, la gestion collectiviste de l’économie et le coût de certains secteurs tels que l’armée. Soutenue par les Soviétiques, l’armée cubaine dépasse les 200 000 hommes et devient un important moyen d’action extérieure pour le régime de La Havane. Après avoir soutenu indirectement plusieurs guérillas communistes sur les continents américain et africain, Cuba intervient directement sur certains théâtres d’opération : en 1975 en république populaire d’Angola (contre les rebelles de l’Unita et leurs alliés de l’Afrique du sud de l’apartheid), en Éthiopie ou encore au Nicaragua (en soutien du régime sandiniste).
La Havane profite également de la qualité de ses formations pour pratiquer une active politique de coopération, consistant à fournir des dizaines de milliers de médecins, ingénieurs ou architectes à des dizaines de pays à travers le monde. Au-delà de son impact diplomatique, cette stratégie fournit des devises précieuses à un pays qui, outre l’embargo américain, souffre de l’arrêt de l’aide soviétique (du fait de la disparition de l’URSS) et de la chute de son industrie sucrière. Ainsi, le Venezuela fournit du pétrole à Cuba à « prix d’ami », en échange de l’aide que le régime castriste lui fournit en matière de santé, de formation militaire, de surveillance des infrastructures et même de sport. Quant à la Chine, elle devient le deuxième partenaire commercial du pays en important son nickel, devenu le premier produit d’exportation.
Les deux autres sources majeures de revenus sont le tourisme (majoritairement canadien) et les « remesas », l’argent que les émigrés envoient à leur famille restée au pays. La crise économique et la répression de tous les opposants (y compris d’anciens proches du régime) ont provoqué l’exil d’environ deux millions de Cubains, dont les trois quarts vivent en Floride. La crise atteint un pic en 1994, quand 37 000 « balseros », essaient de rallier les États-Unis sur des embarcations de fortune (les balsas). Les deux pays trouvent un accord dit du « pied sec, pied mouillé » : les migrants qui sont parvenus à toucher le sol américain se voient offrir des facilités pour rester aux États-Unis, tandis que ceux qui ont été interceptés en mer sont renvoyés à Cuba.
En 2006, la maladie pousse le « Lider maximo » à abandonner le pouvoir (il décèdera dix ans plus tard). Raúl succède à son frère et devient officiellement Président du Conseil d’État et du Conseil des ministres deux ans plus tard. Tout en réaffirmant son hostilité au capitalisme, il n’en annonce pas moins une centaine de mesures destinées à remettre l’économie sur les rails, sur le modèle du « socialisme à la chinoise » qui mêle libéralisme économique et dictature politique. L’initiative privée se voit ainsi favorisée dans le tourisme, l’immobilier et l’agriculture (l’île important plus de 70 % de sa consommation alimentaire). En vue de supprimer plus d’un million de postes dans le secteur public, près de deux cents métiers sont également ouverts à l’initiative privée, qui bénéficie d’un accès facilité au crédit bancaire. Mais nombre de réformes n’atteignent pas leur objectif : ainsi, plus de la moitié des terres agricoles restent en friche, les paysans usufruitiers n’ayant pas reçu les moyens de les cultiver, ni de commercialiser correctement leur production.
Le début de mandat de Raúl est également caractérisé par un réchauffement des relations avec les États-Unis, en particulier sur l’assouplissement des restrictions de voyages, des conditions d’exil et des transferts d’argent des Cubano-Américains vers l’île. Le contexte s’y prête avec, d’un côté, un régime cubain qui commence à pâtir des difficultés de son sponsor vénézuélien et, de l’autre, une nouvelle génération d’Américano-Cubains désireux de développer les échanges avec l’île de leurs parents. Des relations diplomatiques sont rétablies en 2014 et le Président démocrate Obama effectue même une visite officielle en 2016, la première d’un chef d’État américain dans l’île depuis 1928. Mais les choses se dégradent à nouveau, avec l’élection à Washington du conservateur Trump ; dénonçant notamment les relations entre Cuba et la dictature vénézuélienne, il durcit même les sanctions contre l’île, ce qui freine la fréquentation touristique américaine et les investissements étrangers.
En 2018, le dauphin quinquagénaire de Raúl Castro, Miguel Diaz-Canel, lui succède à la tête de l’État. Bien que très orthodoxe, il laisse la loi entériner les changements économiques introduits depuis 2010. Le « rôle du marché » et « la propriété privée » sont reconnus dans la Constitution, laquelle rappelle toutefois le caractère « socialiste du système politique, économique et social » et « le rôle directeur du PCC ». En 2021, Raúl Castro se retire définitivement de la scène politique et abandonne le secrétariat général du PCC à Diaz-Canel, dans un contexte économique toujours très dégradé. Des manifestations d’une ampleur inédite éclatent dans une quarantaine de villes, contre la pauvreté et pour la liberté. Près de huit cents personnes sont inculpées pour sédition et vols et certaines condamnées à des peines allant jusqu’à trente ans de prison. En 2023, Diaz-Canel, unique candidat, est réélu à la tête de l’État.
Sur le plan économique, les effets de l’embargo ajoutés à l’incurie du gouvernement poussent des dizaines de milliers de Cubain (peut-être 850 000 en trois ans) à continuer à fuir vers les États-Unis. L’île en est arrivée à importer du sucre et les carences multiples (en outils, semences, fertilisants) provoquent de graves insuffisances alimentaires (et en eau) que ne compensent pas les carnets d’alimentation (libretas) donnés à chaque famille. En octobre 2024, la panne de la plus grande centrale électrique du pays plonge toute la population dans le noir. Du fait de l’embargo, le gouvernement rencontre des difficultés croissantes pour se fournir en combustible et en pièces nécessaires au fonctionnement et à la réparation des installations vieillissantes du pays.