163 610 km²
Démocrature
Capitale : Tunis
Monnaie : dinar tunisien
12,4 millions de Tunisiens
La diaspora compte plus de 1 million de personnes.
Bordée par 1 148 km de côtes sur la Méditerranée, la Tunisie partage 1 495 km de frontières terrestres avec deux pays : 1 034 km avec l’Algérie à l’ouest et 461 km avec la Libye au sud-est.
Le relief compte des montagnes au nord et à l’ouest (la dorsale tunisienne prolongeant le massif de l’Atlas, le djebel Chambi culminant à plus de 1540 m). Ailleurs, il est constitué d’une plaine littorale et d’une zone semi-désertique dans la partie méridionale. Tempéré au nord, le climat est aride au sud.
Plus de 98 % de la population est arabe ; Berbères, Européens et Juifs sont moins de 2 %. La langue officielle est l’arabe, mais le français reste parlé par les deux tiers des habitants.
Plus de 99 % des habitants sont musulmans sunnites (essentiellement de rite malikite).
Devenu indépendant en 1956, le royaume de Tunisie se distingue aussitôt par l’instauration d’un Code du statut personnel qui donne à la femme une place inédite dans le monde arabe : œuvre de Habib Bourguiba, Premier ministre et leader du Néo-Destour (fondé en 1934, par scission du Parti libéral constitutionnel), il abolit notamment la polygamie, crée une procédure judiciaire pour le divorce et n’autorise le mariage qu’avec le consentement mutuel des deux époux. Le code entre en vigueur en 1957, année au cours de laquelle la monarchie est abolie : la Tunisie devient une république, dont Bourguiba est élu Président en novembre 1959. En 1962, par crainte de représailles arabes après la fin de la guerre d’Algérie, plus de cinq mille Juifs quittent le pays. Ils sont encore dix mille à en faire autant en 1967, après l’incendie de la grande synagogue de Tunis, liée à la guerre qui oppose Israël et les pays arabes.
Entretemps, le pays est devenu un régime à parti unique d’obédience collectiviste : le Parti socialiste Destourien (PSD) a remplacé le Néo-Destour et le gouvernement a lancé l’étatisation de la quasi-totalité de l’économie. Cette politique prend fin en 1969, à la suite d’émeutes contre la collectivisation des terres dans le Sud tunisien. Affaiblie économiquement, la Tunisie projette un temps de fusionner avec la Libye au sein d’une République arabe islamique, mais ce projet échoue en 1974. L’année suivante, après avoir purgé l’aile gauche du PSD, Bourguiba se décrète Président à vie. Trois ans plus tard, le régime réprime avec dureté une grève générale lancée, contre la dégradation des conditions de vie, par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) : conduite par le chef des renseignements, Zine el-Abidine Ben Ali, la répression – connue sous le nom de Jeudi noir – fait entre quarante et deux cents morts.
Début 1980, le régime doit faire face à une autre menace : une opération militaire menée depuis la Libye, sanctuaire du Font national des forces progressistes fondé par des partisans d’un opposant tunisien, assassiné en 1961 en Allemagne par les services de Bourguiba. Bénéficiant de l’appui des régimes libyen mais aussi algérien, quelques centaines d’hommes pénètrent jusqu’à Gafsa (l’antique Capsa), au centre de la Tunisie, mais la ville est rapidement reprise après des combats ayant fait une quarantaine de morts.
En revanche, la situation politique et sociale ne cesse de se dégrader, sur fond de clientélisme, de corruption et de luttes de succession, face à la santé chancelante de Bourguiba. La restauration du multipartisme, en 1981, n’y change rien, les résultats des législatives étant falsifiés. Fin 1983, la répression d’« émeutes du pain » font au moins soixante-dix morts, peut-être le double. La situation favorise la montée de l’islamisme, qui vise notamment la communauté juive. En 1985, un soldat tunisien, chargé de la protection de l’emblématique synagogue de la Ghriba, dans l’île de Djerba, y tue cinq personnes : l’attaque survient quelques jours après le bombardement, par les Israéliens, du QG de l’Organisation de libération de la Palestine, réfugiée à Tunis.
La lutte contre les islamistes est menée par Ben Ali, nommé ministre de l’Intérieur puis Premier ministre en octobre 1987. Le mois suivant, il dépose Bourguiba pour sénilité, « coup d’État médical » pacifique qui est plutôt bien accueilli par la population. Le putschiste met notamment en avant le fait que, grâce à lui, le pays n’a pas basculé dans la violence islamiste – à la différence du voisin algérien – fût-ce au prix de milliers d’arrestations dans les rangs de l’organisation Ennahda (Mouvement de la renaissance). En 1988, Ben Ali remplace le PSD par son propre parti, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). L’année suivante, il est élu Président avec plus de 99 % des voix. Étouffant toute opposition, bien au-delà des cercles islamistes, il frôle même les 100 % au scrutin de 1994 et obtient près de 99,5 % à celles de 1999, malgré la présence inédite de deux concurrents. En 2002, il fait adopter par référendum une extension de ses pouvoirs : report de l’âge demandé pour se présenter, suppression de la limite de trois mandats (introduite en 1988) et immunité judiciaire à vie. Quelques semaines avant, un nouvel attentat – cette fois au camion piégé – a visé la synagogue de la Ghriba, provoquant la mort de dix-neuf personnes dont quatorze touristes allemands. Au premier semestre 2008, c’est à nouveau la cité minière de Gafsa qui fait l’actualité, avec des grèves contre le chômage et la pauvreté. Leur répression s’accompagne de morts, d’arrestations et d’actes de torture. Malgré tout, Ben Ali est une nouvelle fois réélu en 1999, en passant pour la première fois sous la barre des 90 %.
Mais cette quatrième réélection est son chant du cygne. Le chômage massif des jeunes, la pauvreté, l’inflation des produits alimentaires et la corruption de son clan et de celui de son épouse (les Trabelsi) ont créé un climat insurrectionnel qui éclate en décembre 2010 dans la région centrale de Sidi Bouzid, à la suite de l’immolation d’un jeune vendeur de fruits et légumes dont les autorités avaient confisqué la marchandise. Les émeutes et les affrontements meurtriers entre habitants et forces de l’ordre se propagent à tout le pays et même au-delà, donnant naissance à un mouvement qualifié de Printemps arabe. Les promesses de Ben Ali, en particulier de ne pas se représenter en 2014, ne suffisent pas à ramener le calme. Le chef de l’État s’enfuit en janvier 2011, avec 1,5 tonne de lingots d’or, laissant la place à un gouvernement d’union nationale, ouvert à l’opposition, mais dont les ministres du RCD sont progressivement exclus, avant la dissolution pure et simple du parti. La « révolution de la dignité », comme l’appellent les Tunisiens, a fait quelque trois cent trente morts.
En février 2011, la direction du gouvernement intérimaire échoit à un ancien ministre influent de Bourguiba, Béji Caïd Essebsi. Mais, à l’élection de l’Assemblée constituante en octobre, c’est Ennahda qui profite de l’émiettement des partis pour arriver en tête et former un gouvernement avec deux formations nationalistes de gauche. Cette équipe doit faire face aux affrontements tribaux, sans doute entretenus par des partisans de l’ancien régime, en particulier dans le bassin minier de Gafsa, sur fond de chômage chronique.
Elle doit surtout enrayer la montée en puissance de groupes islamistes, venus de Libye et parfois formés en Afghanistan (où le commandant Massoud fut tué par deux Tunisiens). Salafistes et djihadistes s’en prennent à des œuvres d’art, à des universités, à des mausolées soufis. En septembre 2012, des émeutiers incendient l’ambassade des États-Unis. En février suivant, l’un des chefs du Front populaire, une coalition de gauche, est assassiné à son domicile tunisois. L’enquête conduit à l’arrestation de salafistes, liés à une Ligue de la protection de la révolution, considérée comme une milice d’Ennahda. En mai 2013, des combats opposent les forces tunisiennes à un groupe de djihadistes armés, Okba Ibn Nafaa (nom du conquérant musulman de la Tunisie), retranchés dans le massif forestier du mont Chaambi, près de Kasserine et de la frontière algérienne. Des affrontements meurtriers ont également lieu avec le groupe Ansar al-Charia dans la banlieue de Tunis et, en juillet 2014, deux attaques de postes de surveillance de l’armée sur le mont Chaambi font une quinzaine de morts chez les militaires, le plus lourd bilan enregistré par l’armée depuis l’indépendance.
Ce contexte provoque un recul d’Ennahda aux législatives de l’automne 2014. Elles sont remportées par Nidaa Tounes (Appel de la Tunisie), le parti formé par Essebsi avec des démocrates laïcs – inquiets d’une islamisation de la société (même si Ennahda a renoncé à introduire la charia dans la nouvelle Constitution) – mais aussi avec d’anciens bourguibistes et même des benalistes. Le mois suivant, Essebsi remporte les présidentielles, avec un peu plus de 56 % des voix au second tour, devenant le premier président tunisien issu d’une élection démocratique et transparente.
La situation économique ne s’arrange pas pour autant et des milliers de mouvements de protestation contre la vie chère et le chômage se déroulent dans tout le pays à partir de 2015. La situation sécuritaire n’est pas meilleure. En 2015, l’organisation État islamique (et sa branche locale Jund Al-Khalifa) revendiquent une série d’attaques sanglantes : contre le musée tunisois du Bardo (une vingtaine de touristes tués), contre un hôtel d’une station balnéaire proche de Sousse (une quarantaine de morts) ou encore contre un bus de la Garde présidentielle (une douzaine de soldats tués).
Début 2016, Nidaa Tounes perd sa première place au Parlement, après la scission d’une vingtaine de ses députés, mécontents du tournant conservateur qu’a pris par le parti, notamment en s’alliant avec Ennahda pour gouverner. Dans le même temps, la formation islamiste opère un aggiornamento : se définissant comme « démocrate musulmane », elle affirme ne plus être la branche tunisienne des Frères musulmans et renoncer à ses activités de prédication religieuse (dawa). Ainsi composée, l’alliance gouvernementale donne des signaux contradictoires : politiquement conservatrice (en ralentissant au maximum les poursuites et enquêtes contre les anciens milieux d’affaires benalistes), elle prend aussi des décisions modernistes telles que l’interdiction du « mariage réparateur » après un viol ou l’autorisation des unions de femmes tunisiennes avec des non musulmans (unions qui étaient interdites depuis 1973). L’attelage Nidaa Tounes / Ennahda explose en septembre 2018, les islamo-conservateurs continuant à gouverner avec Tahya Tounès (Vive la Tunisie), la formation qui regroupe les dissidents du camp Essebsi.
Essebsi étant mort en juillet 2019, à l’âge de 92 ans, des scrutins sont organisés à l’automne. Leurs résultats traduisent la lassitude des Tunisiens vis-à-vis de la classe politique. Aux législatives, aucun des multiples partis n’approche de la majorité et Ennahda perd 10 % de voix. Aux présidentielles, la victoire revient à Kaïs Saïed, un constitutionnaliste sexagénaire, nationaliste et conservateur. En juillet 2021, le chef de l’État s’appuie sur un article de la Constitution de 2012 pour démettre le gouvernement et suspendre le Parlement, avec l’appui des chefs de l’armée et de la police. Annonçant son intention de légiférer par décrets et de diriger le parquet, il multiplie les arrestations dans les rangs d’Ennahda. L’année suivante, un référendum – auquel n’ont participé que 30 % des inscrits – instaure un régime présidentiel et inscrit la Tunisie laïque dans « l’oumma islamique ».
Sur le plan international, Tunis se rapproche de l’Algérie (à la fureur du Maroc), refuse une aide du FMI et lance, en février 2023, une violente diatribe contre les migrants sub-sahariens, accusés de menacer l’identité arabe et musulmane du pays. Les violences qui en découlent sont telles que des centaines de Sénégalais et autres Ivoiriens s’empressent de regagner leur pays.
Saïed est réélu en octobre 2024, avec près de 91 % des voix, après avoir empêché la plupart de ses rivaux de concourir et même fait emprisonner un des deux candidats qui se présentaient contre lui. Mais la participation n’a même pas atteint 30 %.
Photo de « une » : le ribat de Monastir. Crédit : Bedis El Acheche / Pexels