Cameroun

Cameroun

Le Cameroun est gouverné depuis plus de quarante ans par le même autocrate, régulièrement réélu dans des conditions contestées.

475 440 km²

République autoritaire

Capitale : Yaoundé

Monnaie : franc CFA

31 millions de Camerounais

Le pays compterait 3 millions d’étrangers, principalement Nigérians et Tchadiens.

Ouvert sur le golfe de Guinée au sud-ouest (avec 402 km de côtes et le grand port de Douala), le Cameroun partage 5 018 km de frontières avec six pays : 183 avec la Guinée équatoriale et 349 avec le Gabon au sud, 494 avec le Congo-Brazzaville au sud-est, 901 avec la République centrafricaine à l’est, 1 116 avec le Tchad au nord-est (dont une partie des eaux du lac éponyme) et 1 975 km à l’ouest avec le Nigeria (qui lui dispute la péninsule de Bakassi, cf. Territoires disputés).

Surnommé « l’Afrique en miniature » — en raison de sa diversité climatologique, minière, géographique, humaine, linguistique et culturelle — le Cameroun s’étend sur 1 200 km entre la bordure méridionale du Sahel au nord et la limite septentrionale de la forêt équatoriale du bassin du Congo au sud. L’ouest du pays est constitué de hauts-plateaux, que domine le mont Cameroun, volcan actif culminant à 4 070 mètres. A l’est prédomine une forêt équatoriale. Le climat varie de tropical, voire aride, au nord à équatorial au sud.

Aucun des 250 groupes ethniques du pays n’est majoritaire. Le plus nombreux est celui des Bamiléké et de leurs voisins Bamoun (22 %) vivant sur les plateaux de l’ouest. Suivent les Biu-Mandara de langues tchadiennes au nord (un peu plus de 16 %), les populations musulmanes septentrionales (Arabes, Choa, Haoussa et Kanouri 13.5%), les peuples bantous des forêts tropicales des côtes et du sud (Beti/Fang, Bassa, Douala, Manguissa/Mbam, environ 13 %), les « Grassfields » (habitants des savanes du nord-ouest) et les Adamawa-Ubangi (un peu moins de 10 % chacun), les pygmées Baka (3 %), les « Kirdi » des montagnes du nord (mot de la langue peul signifiant « païen », utilisé pour qualifier des petites ethnies animistes de langues tchadiennes)… Eu égard à la diversité linguistique de la population (une vingtaine de langues principales), les langues officielles sont le français et l’anglais (parlé essentiellement dans les régions en partie sécessionnistes de l’ouest).

Les deux tiers de la population sont chrétiens (dont 33 % de catholiques) et environ 31 % musulmans (principalement dans l’extrême-nord et dans l’Adamaoua, frontalier de la Centrafrique). L’animisme, souvent mêlé à d’autres cultes, concerne entre 3 et 5 % des habitants.

Le Cameroun français devient la première des colonies d’Afrique à laquelle Paris accorde l’indépendance, en janvier 1960, sous la présidence de Ahmadou Ahidjo. Fils d’un chef Peul, il anime l’Union camerounaise, la formation qui regroupe les modérés hostiles à l’Union des populations du Cameroun (UPC). Fondée par des syndicalistes à la fin des années 1940, pour obtenir l’indépendance du Cameroun et la réunification de ses parties française et britannique (cf. Le Cameroun anglophone), l’UPC a déclenché – en pays Bassa et Bamiléké – une insurrection armée sévèrement réprimée par l’armée française. En 1958, son Secrétaire général a été exécuté dans la forêt où il se cachait et son cadavre traîné de village en village, avant d’être inséré dans un bloc de béton.

Au lendemain de l’indépendance, en 1961, l’ONU décide de consulter sur leur avenir les habitants du Cameroon (la partie demeurée britannique). L’indépendance étant exclue, deux choix leur sont proposés : le rattachement à la jeune république du Cameroun ou bien au Nigeria, qui est également devenu souverain (en octobre 1960). Au Northern Cameroon, largement musulman, une majorité d’électeurs vote en faveur de l’adhésion à la Fédération nigériane, dominée par des élites adeptes de l’islam. A contrario, plus de 70 % des votants du Southern Cameroon, anglophone mais majoritairement chrétien et animiste, optent pour le rattachement au Cameroun francophone, dont les dirigeants sont surtout chrétiens (à l’exception d’Ahidjo). Le Cameroun devient alors une République fédérale associant le Cameroun oriental (l’ancienne colonie française) sur plus de 90 % du territoire et le Cameroun occidental (la partie méridionale de l’ex-Cameroon britannique) sur moins de 10 %.

Ce fédéralisme prend fin en 1972. Cette année-là, Ahidjo – qui a fait de l’Union nationale camerounaise (UNC) un parti unique en 1966 – convoque un référendum constitutionnel qui instaure la « République unie du Cameroun ». Cette décision intervient un an après l’élimination définitive de l’Armée de libération nationale du Kamerun, la branche armée de l’UPC, pourchassée depuis l’indépendance par les forces camerounaises, aidées d’instructeurs militaires français. De 1955 à 1971, le conflit a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, leur nombre exact étant toujours indéterminé. A la suite de la révision constitutionnelle, l’ex-Southern Cameroon se retrouve divisé en deux provinces, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.


Contre toute attente, Ahidjo abandonne la présidence en 1982, à seulement cinquante-huit ans, officiellement pour raison de santé. Il cède le pouvoir à son Premier ministre et dauphin Paul Biya (un catholique issu d’ethnies du sud-Cameroun francophone), tout en conservant la direction de l’UNC. Mais la cohabitation ne dure que quelques mois et, en avril 1983, l’ancien Président doit s’exiler en France. Un an plus tard, il est condamné à mort par contumace (et mourra à Dakar en 1989), après un putsch raté de ses partisans de la Garde présidentielle. Élu officiellement chef de l’État, Biya transforme l’UNC en Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), qui demeure parti unique.

Avec l’instauration du multipartisme, en 1990, le Président affronte pour la première fois des concurrents aux présidentielles de 1992. Il l’emporte difficilement, avec 40 % des voix au premier tour, 4 % seulement devant celui qui va devenir son principal opposant, John Fru NDi, leader du Social democratic front (SDF) originaire de Bamenda (la ville la plus peuplée du Cameroun anglophone). L’introduction du multipartisme a en effet fait resurgir la question du fédéralisme : le SDF et d’autres mouvement réclament le retour à un État fédéral, dans lequel les droits des anglophones seraient mieux respectés par les dirigeants et fonctionnaires francophones. En 1997, puis en 2001 et 2011, des mouvements de contestation agitent les zones anglophones et sont sévèrement réprimés.

Échaudé par son élection de justesse en 1992, Biya s’organise pour remporter largement les scrutins suivants, en 1997, 2004 et 2011. L’opposition et des gouvernements occidentaux mentionnent des irrégularités à chaque élection. En 2008, il a amendé la Constitution pour pouvoir se représenter en 2011, ce qui a alimenté des troubles meurtriers, lors d’une manifestation du SDF à Douala et de pillages et contre l’envolée des prix des carburants. Le Président, qui séjourne souvent en Suisse, s’appuie également sur un système qui respecte de grands équilibres entre ethnies : le pouvoir politique aux mains de l’ethnie présidentielle, les Fang (chrétiens) de la région de Yaoundé, qui le partagent avec les Peul musulmans de l’Adamaoua et les Kirdi animistes de l’extrême-nord, tandis que les Bamiléké dominent la vie politique.


A partir de 2013, le nord-Cameroun, frontalier du Nigeria et du lac Tchad, doit compter avec les exactions des djihadistes du mouvement nigérian Boko Haram. De nouvelles violences mortelles ont également lieu le 1er octobre 2017, date anniversaire de l’unification des deux Cameroun : les indépendantistes anglophones l’utilisent pour proclamer leur République indépendante d’Ambazonie et commencer des opérations armées qui visent, en priorité, les représentants francophones du pouvoir central (fonctionnaires, enseignants, élus…, cf. Le Cameroun anglophone). Face aux insurrections anglophone et islamiste, Yaoundé signe en 2022 un accord de coopération militaire avec la Russie portant sur l’échange d’informations et sur la formation.

En 2018, Biya a été confortablement réélu pour un septième mandat, devenant (à 85 ans) un des plus vieux dirigeants en exercice dans le monde. Seule la région du littoral, avec Douala, voit l’opposition arriver en tête, à l’issue d’une campagne au cours de laquelle les médias officiels ont largement stigmatisé les Bamiléké, l’ethnie du principal opposant. En 2023, la découverte du corps torturé d’un journaliste critique du pouvoir provoque une crise politique, sur fond de rivalités entre clans préparant la succession de Biya. L’enquête conduit à l’arrestation du chef des opérations spéciales des services de renseignement intérieur et d’un important homme d’affaires, protégé de deux piliers du régime.