Pologne

Pologne

Millénaire, la Pologne a réussi à survivre au cycle infernal des divisions et des occupations.

312 685 km²

République semi-présidentielle

Capitale : Varsovie

Monnaie : le zloty

38,8 millions de Polonais

Ouverte sur la mer Baltique au nord (440 km de côtes), la Pologne partage 2 865 km de frontières terrestres avec sept pays : 467 avec l’Allemagne à l’ouest, 517 avec la Slovaquie et 699 avec la Tchéquie au sud, 375 avec la Biélorussie et 498 avec l’Ukraine à l’est, 209 avec l’enclave russe de Kaliningrad et 100 avec la Lituanie au nord-est. Pologne et Lituanie sont séparés par une mince bande de terre, le corridor de Suwalki, qui ne sépare la Biélorussie pro-russe de Kaliningrad que d’environ 65 km à vol d’oiseau.

Le territoire polonais est dominé par la plaine d’Europe du Nord, bordée au sud par les massifs des Sudètes et des Carpates qui forment une frontière naturelle avec la Tchéquie et la Slovaquie. Le point culminant (à près de 2500 m) se trouve dans les monts Tatras, partie la plus élevée de toutes les Carpates, arc montagneux de 209 000 km² qui court du nord-est de l’Autriche jusqu’au centre-ouest de la Roumanie en passant par l’ex-Tchécoslovaquie, le sud de la Pologne et l’Ukraine. Le climat est de type tempéré, avec des hivers relativement sévères. La Pologne compte deux fleuves principaux : à l’ouest l’Oder qui (avec son affluent la Neisse) marque la frontière avec l’Allemagne et à l’est la Vistule, qui prend sa source en haute-Silésie et se jette à Gdansk, dans la Baltique, après avoir traversé Cracovie et Varsovie. Administrativement, le pays est divisé en une quinzaine de voïvodies, correspondant à la plupart de ses grandes régions historiques : Mazurie au nord-est, Mazovie (avec Varsovie) au centre-est, basses-Carpates (Galicie occidentale) au sud-est, Petite-Pologne (avec Cracovie) au sud, haute et basse Silésie au sud-ouest, Grande-Pologne au centre-ouest et Poméranie le long de la Baltique. Cf. Encadré : Poméranie et Prusse.

La population est extrêmement homogène, polonaise à près de 97 % La minorité la plus « nombreuse » est celle des Silésiens (un peu plus d’1 % de personnes, dont la langue est considérée comme différente du polonais), loin devant les Allemands et les Ukrainiens. Le polonais est la langue officielle mais, outre le silésien, la Pologne en reconnait une quinzaine d’autres : le cachoube (langue slave de Poméranie), le lemko (ruthène des Carpates), le romani, le tatar, l’arménien, plusieurs parlers judaïques (hébreu, yiddish, karaïme) et les langues des sept pays limitrophes.

Sur les 87 % d’habitants déclarant une religion, la quasi-totalité se disent chrétiens, dont près de 85 % catholiques.

L’une des plus anciennes cultures connues est celle de Lusace, établie de 1300 à 500 avant l’ère chrétienne (AEC) au centre-ouest de la Pologne : son origine est des plus incertaines (pré-germanique, proto-slave, thraco-illyrienne…). Au tout début de l’ère chrétienne, des peuples germaniques arrivent de Scandinavie : installés dans le nord de la Pologne, puis sur les bords de la Vistule, les Goths sont suivis des Ruges, des Gépides et des Vandales, établis entre Oder et Vistule entre le Ier et le IIIe siècle. Originaires du nord du Jutland danois, les Vandales Sillings auraient donné leur nom à la Silésie[1], où ils auraient absorbé un peuple germano-celte déjà présent, les Lugiens. Une autre partie des Vandales, les Hasdings (venus du golfe d’Oslo) gagne l’actuelle Slovaquie. Dans les siècles suivants, ces différentes populations migrent en direction de l’Europe danubienne, jusqu’en Espagne pour les Vandales, en mer Noire et en Italie pour les Goths. Leur départ laisse la place, au début du VIe siècle, à des Slaves (surnommés Wendes par les germanophones), un peuple Indo-européen dont le cœur géographique est alors la Polésie, région de bois, de marais et de steppes à cheval sur les actuelles Pologne et Biélorussie. De là, les historiens slaves considèrent qu’ils se seraient différenciés en essaimant dans toutes les directions, en particulier sur le versant est et nord des Carpates, jusqu’au bassin de l’Elbe. A l’est, les Slaves voisinent avec d’autres Indo-européens, installés de plus long date : les Baltes Borusses (ou Prutènes) entre le Niemen et la Vistule, ainsi que les Lituaniens.

Le premier État polonais, le duché de Pologne, naît dans le dernier tiers du Xe siècle, lorsque le Polane Miezko 1er, régnant dans la région centrale de Poznan (Posnanie ou « Grande Pologne »), unifie d’autres tribus slaves telles que les Vislanes du sud (région de Cracovie ou « Petite Pologne »), puis les Mazoviens (région de Varsovie) et les Poméraniens (sur les bords de la Baltique). Il rallie également les Slézanes de Basse-Silésie (au sud-est, près de Wroclaw) qui, après avoir été soumis au royaume de Grande-Moravie étaient passés sous la tutelle des princes de Bohême (cf. Origines de la Tchécoslovaquie). Converti au christianisme, afin d’échapper à l’emprise de l’Empire germanique, Miezko 1er fonde la dynastie des Piast, dont le deuxième représentant est son fils Boleslas 1er. Suivant les pas de son père, le nouveau duc entreprend de convertir les païens de la Baltique : la mission est confiée à Adalbert, ancien évêque de Prague, qui meurt en martyr. Boleslas s’attaque ensuite à la Moravie qui, comme le sud de la Pologne, est passée dans le giron de la Bohême tchèque, vassale de l’Empire germanique. Celui-ci entre donc en guerre contre le duché polonais. Après une douzaine d’années de combats, une paix est signée en 1018 : l’Empire conserve la Bohême, mais il doit reconnaître l’indépendance de la Pologne et ses conquêtes de la Moravie, mais aussi de la marche de Misnie et de la Lusace (le pays des Slaves Sorabes ou « Serbes blancs ») le long de l’Elbe. Fort de ses succès, Boleslas le vaillant lance même une offensive contre la Rus’ de Kiev et s’empare de la Ruthénie rouge (la Galicie orientale, région actuelle de Lviv en Ukraine). Se sentant suffisamment puissant pour échapper à la tutelle des Empires germanique et chrétien d’Orient, il se fait couronner roi en 1025, sans même attendre l’autorisation du pape : l’intronisation a lieu dans la cathédrale de Gniezno, la capitale polonaise.

[1] Le nom de Silésie pourrait aussi provenir des Slaves Slézanes (cf. infra).


L’heure de la fragmentation

Décédé peu après son couronnement, Boleslas n’a pas de successeurs de son envergure. En 1031, la Rus’ de Kiev reprend la Ruthénie rouge et l’Empire germanique remet la main sur la Misnie et sur les haute et basse Lusace (qui seront annexées une quarantaine d’années plus tard par la Bohême). Dans la décennie 1030, la Pologne rétrograde même au rang de duché, sous suzeraineté germanique, et perd la Silésie (annexée par la Bohême) ainsi que la Mazovie (qui fait sécession). Les deux régions sont reconquises au milieu du XIe, mais l’embellie est de courte durée : la Pologne entre dans une période de troubles et subit de nouvelles pertes territoriales, dont l’indépendance de la Poméranie dans les années 1060. Reprise entre 1116 et 1121, la région est alors découpée : la Poméranie orientale (ou Pomérélie, avec Gdansk) est placée sous administration polonaise directe et la Poméranie occidentale (ou antérieure, avec Szczecin ou Stettin) transformée en vassale du duché de Pologne. Entretemps, le centre politique de ce dernier s’est déplacé de Gniezno à Plock, en Mazovie.

A la mort de Boleslas III, l’État polonais est divisé entre ses fils et donne naissance à quatre duchés autonomes : le duché de Silésie (capitale à Wroclaw) et ceux de Grande Pologne (capitale à Poznań), de Mazovie et de Sandomierz. En tant qu’aîné, le duc de Silésie a prépondérance sur ses trois frères et règne aussi sur la Petite Pologne (Cracovie) et sur les Poméranie. Du moins jusqu’à 1164, date à laquelle le duché de Poméranie occidentale passe sous la coupe du duché de Saxe, avant de devenir un État vassal de l’Empire germanique dix-sept ans plus tard, afin d’échapper aux convoitises du margraviat du Brandebourg (en pointe dans la lutte contre les peuples païens de la Baltique) et du royaume de Danemark : celui-ci domine alors l’île côtière de Rügen et soumet brièvement la Poméranie au tournant des XIIe et XIIIe siècles. A partir de 1295, la Poméranie occidentale va connaître près de deux siècles de division entre les différentes branches de la Maison dite des Griffons (en raison de son emblème).

Poste avancé de l’Occident catholique romain, la Pologne se trouve à la croisée des mondes orthodoxe (la « Russie » kiévienne), païen (les Baltes ne sont toujours pas christianisés) et même turco-mongol : dépourvu de solides frontières naturelles, le pays est en effet exposé aux invasions, dont celle de la Horde d’or mongole qui saccage le territoire polonais, entre 1248 et 1275. Affaiblie, la Pologne devient une des cibles privilégiées du Drang nach Osten, la poussée germanique vers l’est : du XIIe au XIVe siècle, elle voit arriver des centaines de milliers de Saxons, Westphaliens, Rhénans, Hollandais, Flamands et autres Franconiens, poussés par la recherche de terres disponibles et le désir d’affranchissement. Dévastés eux-aussi par les invasions des Mongols, la Silésie et l’Est du royaume de Hongrie sont également repeuplés par des colons de langues germaniques.

D’autres « Allemands » prennent pied dans la future Prusse orientale, à la demande du duché de Mazovie. Ne parvenant pas à convertir les Borusses et autres Baltes occidentaux, malgré la formation d’un ordre chargé de cette mission – les Frères de Dobrzyń – le duc fait appel aux chevaliers Teutoniques, un ordre militaro-religieux qui, depuis son retour des croisades en Terre Sainte, a pour mission de coloniser les terres païennes situées entre la Vistule et le golfe de Finlande. L’entreprise est couronnée de succès, puisque les derniers récalcitrants sont soumis et exterminés dans la seconde moitié du XIIIe siècle. En l’an 1300, tous les Baltes occidentaux sont sous l’autorité de l’État monastique des chevaliers teutoniques.


De la réunification à l’union avec la Lituanie

En Pologne, la dignité royale a été restaurée en 1295, après deux siècles d’anarchie féodale qui ont vu exister jusqu’à vingt-quatre duchés autonomes en 1250. A partir de 1304, Ladislas 1er, de la dynastie Piast, réunifie les Petite et Grande Pologne, mais ne parvient à récupérer ni la Mazovie (dont les principautés restent largement indépendantes), ni la Silésie (fragmentée en multiples duchés reconnaissant la suprématie du roi de Bohême), ni la Pomérélie (Poméranie orientale). Cette dernière a été cédée en 1308 aux chevaliers Teutoniques, que les seigneurs polonais avaient de nouveau appelé à l’aide pour contrecarrer une invasion des margraves de Brandebourg. L’Ordre monastique fait de la Pomérélie le cœur de ses territoires, puisqu’il transfère sa capitale de Venise à Marienbourg, sur le delta de la Vistule. Lorsque Casimir III succède à son père sur le trône polonais, il prend donc la tête d’un pays encore morcelé et privé de son littoral sur la Baltique. En 1335-1348, après des décennies de contentieux, il doit se résoudre à abandonner toute prétention sur la Silésie : la plupart des duchés Silésiens restent dirigés par des Piast[1], mais sous la suzeraineté du royaume de Bohême (qui les annexera progressivement jusqu’au milieu du XVe). Cette concession permet au roi polonais de concentrer ses forces contre les Ruthènes et de leur prendre la principauté de Halicz (Galicie, avec sa capitale Lwów, aujourd’hui Lviv). Huit ans plus tard, Casimir III – devenu le Grand – conclut un traité de paix avec les chevaliers Teutoniques : l’accord reconnaît la souveraineté de l’Ordre sur la Pomérélie, mais permet à la Pologne de récupérer la Cujavie et la région de Dobrzyń, voisines de la Mazovie. Lorsque le roi décède, la Pologne a doublé son territoire et repris de l’importance sur la scène européenne, diplomatique comme culturelle : l’Université de Cracovie, capitale depuis 1320, a été fondée en 1364.

Mais Casimir n’a pas laissé d’héritier de sorte que, en 1370, la couronne polonaise passe au roi de Hongrie Louis Ier, membre de la Maison d’Anjou-Sicile. A sa mort, douze ans plus tard, les deux royaumes sont censés être transmis à sa fille aînée, mais la noblesse polonaise ne l’entend pas ainsi : souhaitant mettre fin à l’union avec la Hongrie, elle désigne la deuxième fille de Louis comme souveraine. Devenue reine de Pologne, Hedwige signe en 1385 l’accord de Krewo avec le grand-duché de Lituanie voisin, alors en pleine expansion (son domaine s’étend jusqu’à Kiev et au centre de l’Ukraine actuelle, cf. Pays finno-baltes) : les deux États restent distincts, mais sont détenus en union personnelle par leurs souverains. L’année suivante, la reine polonaise épouse le grand-duc lituanien Ladislas II Jogaila (Jagellon), qui se convertit au christianisme et monte sur le trône de Pologne à la disparition de sa femme. Les deux pays unis forment alors le plus vaste État d’Europe. Par le jeu des alliances et des guerres de succession, les Jagellon règnent même un temps sur la Bohême (1471-1526) et sur la Hongrie (de 1440 à 1444, puis de 1490 à 1526).

La conversion au christianisme de Ladislas est une mauvaise nouvelle pour les chevaliers Teutoniques, dont l’expansion en Baltique orientale a été officiellement dictée par la nécessité de convertir les Baltes encore païens. C’est à ce titre que l’Ordre domine non seulement la Pomérélie, mais aussi toutes les régions maritimes bordant le nord-est de la Pologne et le nord de la Lituanie, ce qui lui permet de contrôler le littoral de la Baltique ainsi que les embouchures des trois plus importants fleuves de ses voisins : la Vistule, le Niemen et la Daugava. En 1409, le soutien des Lituaniens et les Polonais à un soulèvement survenu en Samogitie teutonique déclenche une guerre. L’année suivante, les troupes des chevaliers sont lourdement battues à Tannenberg (Grunwald), défaite dont l’Ordre ne se relèvera jamais, ni humainement, ni financièrement.

Trente ans plus tard, plus de soixante-dix seigneurs et villes se rebellent contre le despotisme des moines-chevaliers. Soutenue par la Pologne, cette Ligue de Prusse (en référence aux anciens Borusses) remporte la guerre dite de Treize ans. En 1466, le domaine Teutonique est scindé en deux parties : la Pomérélie, le port hanséatique de Dantzig (Gdansk), Marienbourg et quelques zones avoisinantes comme la Varmie (Ermland) prennent le nom de Prusse royale, domaine uni personnellement au souverain polonais sans faire juridiquement partie de son royaume. Les Teutoniques conservent la Prusse orientale jusqu’à Memel (au-delà du Niemen), avec Königsberg (future Kaliningrad) comme centre politique. Mais, en 1525, l’adhésion du grand maître des chevaliers à la réforme luthérienne entraîne une sécularisation des biens de l’Ordre : la Prusse orientale devient le duché de Prusse (ou Prusse ducale), vassal de la Pologne.

[1] Le dernier duc Piast de Silésie meurt en 1675.


La montée en puissance du péril prussien

A la différence de la plupart de ses voisins orthodoxes ou luthériens, la Lituanie reste dans l’orbite de l’Église romaine. Il est vrai que la culture polonaise catholique y a supplanté les traditions lituaniennes, sauf dans l’ouest Samogitien. L’autonomie du grand-duché lituanien s’estompe progressivement et Vilnius elle-même est devenue une ville majoritairement peuplée de Polonais, en plus d’une minorité juive si active qu’elle vaut à la cité le surnom de « Jérusalem de Lituanie ». En paix depuis plusieurs décennies, l’ensemble polono-lituanien voit en revanche monter les périls à ses frontières, à partir de la fin du XVe siècle : au sud, les Ottomans et leurs alliés Tatars s’emparent des possessions lituaniennes sur les bords de la mer Noire ; à l’ouest, la Moscovie étend ses frontières jusqu’à Smolensk. Pour y faire face, les Diètes des deux pays décident de renforcer leur unité : en 1569, l’Union de Lublin consacre la naissance de la République aristocratique des Deux Nations, dans laquelle la Pologne va jouer un rôle de plus en plus prédominant. Par ricochet, la plus grande partie des possessions lituaniennes de Ruthénie méridionale (Volhynie, Podolie, région de Kiev) deviennent propriétés de la Pologne. En 1596, la capitale du nouvel État est établie à Varsovie (en remplacement à la fois de Cracovie et de Vilnius, Wilno en polonais, dans laquelle une université de langue polonaise a été fondée un peu plus tôt).

De 1558 à 1583, Lituaniens et Polonais restent parfaitement unis lors des guerres de Livonie qui mettent aux prises les grandes puissances de la Baltique. Sous la royauté d’Étienne Báthory (voïvode de Transylvanie qui a été choisi comme roi en 1575, après la mort du dernier des Jagellon) puis de membres de la famille royale suédoise des Vasa (de 1587 à 1648) , ils reprennent Smolensk et Novgorod et occupent même Moscou (de 1610 à 1612). Avec leurs alliés Suédois, les Polonais prennent également aux Russes Riga et toute la Livonie, mais les perdent une quarantaine d’années plus tard, quand le roi de Suède, pourtant lui aussi Vasa, se retourne contre eux ; la Pologne ne conserve que la « Livonie intérieure » (la partie sud-est). Au nord de la Lituanie, le duché de Courlande-Sémigalie parvient à conserver une certaine indépendance, mais comme vassal de la République des Deux Nations (bien qu’il soit de confession luthérienne) ; il le restera jusqu’au dernier dépeçage de la Pologne. En Prusse ducale, le duc est mort en 1618 sans héritier mâle survivant, ce qui entraîne un changement de propriété de son territoire : le duché de Prusse revient à l’électeur de Brandebourg (gendre du défunt), sous la forme d’une union personnelle entre deux États sans continuité géographique et aux statuts différents, l’un vassal de la Pologne (jusqu’en 1657) et l’autre relevant de l’Empire germanique.

Un autre décès, celui du duc de Poméranie occidentale, entraîne un nouveau partage de son domaine (qui avait été brièvement réunifié en 1478, puis de nouveau divisé en 1532 et à nouveau reformé en 1622). Le duché de Poméranie occidentale est partagé en deux : la Suède, qui avait occupé la région durant la guerre de Trente ans, récupère l’ouest (ou Poméranie antérieure suédoise, avec Szczecin et l’île de Rügen), tandis que l’est (ou Poméranie ultérieure) est attribué à la Prusse-Brandebourg, puissance montante qui deviendra royaume un peu plus tard (cf. Origine des pays germanophones). À partir de cette époque, le terme de « Prusse » va englober des territoires ne faisant pas partie de la Prusse originelle. Au sud du Brandebourg, les traités de Westphalie (qui marquent la fin de la guerre de Trente Ans, en 1648) attribuent la Lusace au duché de Saxe voisin .


Les dépeçages successifs de la Pologne

Restée à l’écart de cet épouvantable conflit, la Pologne-Lituanie doit en revanche compter avec l’appétit grandissant de ses voisins. En 1653, les Russes – aidés des Cosaques du bassin du Dniepr (Ruthènes de Galicie demeurés orthodoxes, cf. Slaves orientaux)attaquent la République des Deux nations et s’emparent de Smolensk, Novgorod et Vilnius. Les hostilités cessent pour repartir de plus belle : de 1655 à 1658, les Suédois, devenus une puissance militaire majeure, ravagent toute la Pologne, à l’exception de Dantzig et Lwów, période que les Polonais qualifient de « Déluge ». En 1672, ce sont les Ottomans qui attaquent le territoire polono-lituanien. Le pays ressort en partie amoindri de cette vingtaine d’années de conflits : outre sa suzeraineté (assez théorique) sur le duché de Prusse, il a perdu Kiev et la rive gauche du Dniestr (au profit des Russes) et la Podolie (centre-ouest de l’Ukraine) au profit des Turcs. La Pologne reprend néanmoins cette dernière en 1699, sous la direction du roi Jean Sobieski, gentilhomme polonais qui a commandé l’armée et s’est illustré, en 1683, en chassant les Ottomans qui assiégeaient Vienne. Malgré quelques revers, la République des Deux Nations reste un pays immense, qui s’étend du sud de l’actuelle Lettonie jusqu’à la Moldavie sous suzeraineté ottomane, en longeant la rive droite du Dniepr à l’est, à proximité de Smolensk et Kiev, et la Poméranie prussienne à l’ouest. La seule enclave qui empêche son territoire d’être d’un seul tenant est la Prusse orientale, coincée entre Dantzig et la Courlande, sur le littoral de la Baltique.

Mais la Pologne n’en a pas fini avec les périodes de troubles. A la mort de leur compatriote Sobieski (en 1696), les Polonais choisissent de nouveau un souverain étranger (la monarchie n’étant plus héréditaire, mais élective) : le puissant prince-électeur de Saxe auquel la Russie s’allie, dans l’espoir de chasser les Suédois de la région. L’opération est d’abord un échec, puisque la Suède occupe la Pologne (de 1701 à 1709), oblige le prince Auguste II à renoncer aux couronnes polonaise et lituanienne et mène ses troupes jusqu’à la mer Noire, en soutien aux Cosaques révoltés contre les Russes. Mais le roi suédois et ses alliés sont battus en 1709. Au terme de cette seconde guerre du Nord, la Russie récupère des territoires suédois sur la Baltique (cf. Pays finno-baltes), rétablit l’électeur de Saxe sur le trône polonais et exerce sa tutelle sur le pays pour des décennies. En 1738, à l’issue de la guerre de Succession de Pologne, Saint-Pétersbourg impose le fils d’Auguste II comme roi, contre Stanislas Leszczynski, beau-père du roi de France. De son côté, en 1720, la Suède a dû abandonner à la Prusse une partie de la Poméranie antérieure (dont Stettin). En 1742, le royaume prussien s’est également enrichi de la majeure partie de la Silésie (qui, en 1526, était passée des mains du royaume de Bohême à celles des Habsbourg d’Autriche, sous la forme d’un duché autonome).

Au début du XVIIIe siècle, l’église catholique polonaise démarre un processus de « contre-Réforme » qui transforme la République des Deux Nations, jusque-là l’un des États d’Europe les plus tolérants, en un terrain de chasse aux non-catholiques (protestants polonais, orthodoxes et même gréco-catholiques biélorusses ou ukrainiens, juifs). En 1764, la Russie appuie l’élection sur les trônes polonais et lituaniens d’un noble originaire de Petit-Pologne, Stanislas Antoine Poniatowski, ancien amant de la future impératrice Catherine. Hostile à la mainmise persistante des Russes sur la Pologne, une partie de la noblesse catholique se rebelle et se ligue au sein de la confédération de Bar (une petite ville de Podolie). La situation prenant des allures de guerre civile, les Russes interviennent, suivis des deux autres puissances de la région : l’Autriche et la Prusse (qui s’est considérablement agrandie en quelques décennies et a notamment acquis la Silésie en 1763). En 1772, les trois pays se partagent une partie des territoires de la République des Deux nations. Le royaume prussien assure la continuité territoriale de ses possessions en Prusse orientale et en Poméranie occidentale en prenant le contrôle de la Prusse royale (qui deviendra ensuite la province de Prusse-Occidentale) : la Pomérélie (sauf Dantzig qui reste enclave polonaise), la Varmie et le Kulmerland (pays de Chelmno) ; l’Autriche récupère les deux Galicie, occidentale (polonaise, au sud de la Vistule) et orientale (ruthène) ; quant-à la Russie, elle s’empare de la Livonie intérieure qui était demeurée polonaise et des possessions lituaniennes au nord et à l’est de l’actuelle Biélorussie (Polotsk…).

Bien qu’affaibli, le roi Stanislas II ne désarme pas et engage son pays dans une politique de réformes qui le voient créer le premier ministère d’instruction publique d’Europe (en 1773) et faire rédiger une Constitution d’essence libérale. C’en est trop pour les magnats (la haute noblesse) qui font appel aux Russes. En 1793, la Pologne-Lituanie subit son deuxième partage, cette fois entre les seules Russie et Prusse : la seconde reçoit la Grande-Pologne ainsi que Dantzig ; la première prend Minsk et la Biélorussie centrale, la Podolie, la Volhynie orientale (au nord-ouest de l’actuelle Ukraine) et la Polésie voisine. Une partie des Polonais se révolte l’année suivante, mais l’insurrection est rapidement réprimée et la Pologne définitivement dépecée : Varsovie, la Mazovie et la Podlachie vont à la Prusse qui, avec la Posnanie, crée la région de Prusse méridionale ; la Petite-Pologne (avec Cracovie et Lublin) rejoint l’Autriche et la Russie met la main sur la Lituanie, la Courlande, la Volhynie occidentale et la Biélorussie occidentale. En 1796, les trois pays signent un traité qui décrète que « la dénomination du royaume de Pologne (est) pour toujours supprimée« .


La lente renaissance d’un État polonais

A l’occasion des guerres napoléoniennes, l’empereur français reconstitue un État polonais allié, sous le nom de grand-duché de Pologne. Mais l’expérience s’achève à la chute de Napoléon 1er, essentiellement au bénéfice de la Russie. Elle reconstitue même un royaume de Pologne vassal (dit « royaume du Congrès »), aux côtés de la « Russie occidentale » formée par des terres polono-lituaniennes conquises lors des partages. En échange de sa domination, Saint-Pétersbourg fait quelques concessions à ses alliés : une république de Cracovie est érigée (afin de ne pas créer de zone russe à la frontière immédiate de l’Autriche), tandis que la Posnanie et Toruń (ancienne ville hanséatique, sur la Vistule, et cité natale du physicien Nicolas Copernic) sont restituées à la Prusse. Celle-ci récupère aussi les derniers vestiges de la Poméranie suédoise, dont la principauté de Rügen.

Comme dans le reste de la Russie, l’autoritarisme du régime provoque la naissance d’oppositions et génère des insurrections. Celle de 1831 est sévèrement réprimée, comme celle qui suit en 1863, à Varsovie et en Lituanie. Les rares réformes introduites sont supprimées et le nom même de Pologne remplacé par Pays de la Vistule. L’usage du polonais est pourchassé, la petite noblesse déportée dans le Caucase, les biens de l’Église catholique confisqués, les évêques emprisonnés ou exilés… Une relative libéralisation est restaurée à partir des années 1880. Les relations sont davantage pacifiées dans les parties polono-lituanienne annexées par l’Autriche, empire multiethnique et pluri-confessionnel : la langue polonaise est reconnue dans les deux Galicie et la noblesse polonaise, de confession catholique, est bien accueillie à la cour de Vienne ; en 1860, un Galicien devient même Premier ministre. Le seul îlot de résistance est brisé en 1846, avec l’annexion de la République de Cracovie, après une dizaine d’années d’agitation. A la fin du siècle, des dizaines de milliers de Polonais partent travailler dans les bassins miniers de Silésie, de la Ruhr allemande et du nord de la France.

La première Guerre mondiale opère une nouvelle redistribution des territoires. Alliés, les Empires allemand (héritier de la Prusse) et austro-hongrois se partagent dès 1915 le royaume russe de Pologne. Ils s’efforcent, par ailleurs, de mobiliser le maximum de Polonais contre la Russie, mais la mobilisation s’avère moins massive qu’escomptée. En parallèle, les Occidentaux s’engagent à restaurer une Pologne indépendante, dotée d’un accès à la mer, ce qui est fait après l’armistice de 1918. La deuxième République polonaise[1] est présidée par Józef Piłsudski, chef du Parti socialiste polonais natif de Vilnius qui, après avoir été incarcéré sous le tsar, s’était illustré en formant des Légions polonaises engagées aux côtés des alliés Austro-Allemands, avant qu’ils ne l’emprisonnent en 1917. Également chef des armées, Piłsudski se distingue en battant l’Armée rouge en 1919, en faisant progresser ses troupes jusqu’à Vilnius et Minsk et en s’emparant de la Galicie orientale (la Galicie occidentale ayant déjà rejoint la Pologne, pour ne pas être intégrée à la jeune république tchécoslovaque).

Le traité de Versailles (1919) rétablit une partie des droits de la Pologne : l’Allemagne lui restitue la Posnanie et la Pomérélie, de sorte que la Prusse orientale, qui reste allemande, n’a plus de continuité territoriale avec le reste du Reich. Elle en a d’autant moins que, malgré sa très forte population germanophone, Dantzig devient une ville libre sous mandat de la Société des Nations (SDN). En revanche, de nombreux points territoriaux ne sont pas réglés : la frontière avec l’Union soviétique (en Biélorussie et en Ukraine), la Haute-Silésie (de longue date germanique, mais peuplée de nombreux Polonais venus travailler dans les mines), le secteur de Teschen (en Silésie autrichienne, près des sources de la Vistule) revendiqué par la Tchécoslovaquie, toute la région de Vilnius réclamée par la Lituanie et enfin deux zones situées au sud de la Prusse orientale (zones germanophones qui voteront, en 1920, votent en faveur de leur rattachement à l’Allemagne).

Désireux de retrouver leurs frontières de 1772 (avant le premier partage), les Polonais lancent une nouvelle offensive contre l’Armée rouge en 1920. D’abord victorieuse, elle est rapidement enrayée et la Pologne ne se sort de la contre-offensive soviétique qu’avec le soutien de la France. Le traité de Riga, signé en 1921, est favorable à Varsovie qui obtient des terres situées très à l’est de la ligne Curzon (du nom du diplomate britannique chargé, en 1919, de délimiter les territoires « exclusivement polonais« ). En janvier 1922, la Pologne annexe la région de Vilnius, dont elle avait chassé les troupes lituaniennes à l’automne 1920. Cette année-là, les Occidentaux ont tranché le sort de la région de Teschen (Cieszyn), la moitié est allant à la Pologne et la moitié ouest à la Tchécoslovaquie (bien que peuplée de nombreux Polonais). En 1921, la SDN effectue également un partage de la Haute-Silésie, livrée à des affrontements réguliers entre volontaires polonais et corps-francs allemands.

[1] La première république étant celle des Deux nations.


Nouveau partage et barbarie nazie

Promu maréchal, Piłsudski ne se présente pas à l’élection présidentielle de 1922, mais s’empare du pouvoir quatre ans plus tard, à la faveur de la grave crise économique que traverse le pays. S’appuyant sur l’armée, Piłsudski met en place un régime très autoritaire que deux de ses collaborateurs prolongent après sa mort (en 1935), sous le nom de « dictature des colonels ». D’abord conciliant avec Hitler (en lui laissant prendre le contrôle de la partie ouest de Teschen), ce gouvernement est le premier à lui dire « non » : en mars 1939, il refuse que Dantzig soit réincorporé à l’Allemagne et qu’un corridor soit créé sur le sol polonais pour relier la Prusse orientale au reste du territoire allemand. Berlin réplique le 1er septembre suivant : les troupes nazies franchissent la frontière et s’avancent sans encombre jusqu’à la Vistule tandis que, côté soviétique, l’Armée rouge se déploie « pour protéger les Biélorusses et les Ukrainiens« . De fait, les deux pays se sont entendus, à la fin du mois d’août (dans le pacte Molotov-Ribbentrop), pour effectuer un nouveau partage de la Pologne, ainsi que des pays Baltes. La Pologne en tant qu’État disparaît donc pour la quatrième fois de son histoire, partagée cette fois-ci entre l’Allemagne (216 219 km2) et l’Union soviétique (172 171 km2), dont la sphère d’influence comprend aussi la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie et la Finlande. Le régime nazi annexe une partie du territoire qu’il contrôle et instaure dans une petite moitié une administration subordonnée, le « Gouvernement général ».

Des deux côtés, l’élite polonaise est éradiquée : des dizaines de milliers d’intellectuels, officiers fonctionnaires, religieux, propriétaires terriens sont déportés en URSS, voire assassinés comme dans le forêt de Katyń (4 000 morts au printemps 1940. La situation est encore pire à l’ouest, où les nazis considèrent les Polonais comme des « sous-hommes » : plus de 50 000 membres du clergé, de l’aristocratie, du corps enseignant et universitaire sont éliminés dès les premiers jours et deux millions de civils seront raflés et réduits au travail forcé dans le Reich. Tortures, pendaisons de masse et massacres de villages entiers deviennent quotidiens. À partir de l’été 1941, à la suite de la rupture entre l’Allemagne et l’URSS, la Pologne devient le terrain principal du génocide des Juifs mis en œuvre par le régime nazi. Confinée dans des ghettos surpeuplés et affamés, la communauté juive de Pologne, la plus importante du monde à l’époque, est anéantie à 97 %. Les chambres à gaz des camps d’extermination de Sobibór, Treblinka et surtout Auschwitz-Birkenau éliminent des millions de Juifs déportés de toute l’Europe, ainsi que plusieurs dizaines de milliers de Roms et de résistants. Des dizaines de milliers de civils Polonais sont également éliminés en Ukraine par les auxiliaires Ukrainiens des Allemands (« Shoah par balles »). En six ans, près de 20 % de la population polonaise a été éliminée : trois millions de catholiques et autant de juifs. A la fin de l’été 1944, la réduction de l’insurrection de Varsovie par les nazis fait à elle seule 200 000 morts et détruit 85 % de la ville. Présente aux portes de la ville, l’Armée rouge ne bouge pas, laissant aux Allemands le soin d’éliminer l’élite non communiste.


Tutelle soviétique et nouvelle indépendance

À la fin du second conflit mondial, la Pologne retrouve son indépendance, mais amputée de 75 711 km2 par rapport à son étendue de 1939, ce qui la ramène grosso modo à ses frontières du XIIIe siècle. D’un côté, elle reçoit environ la moitié de la Prusse orientale (l’autre moitié, avec Königsberg, étant attribuée à l’URSS), une partie de la Poméranie occidentale (avec Szczecin), ainsi que la majeure partie de la Silésie (à l’est de la ligne Oder-Neisse) ; toutes ces régions sont vidées de la quasi-totalité de leurs habitants allemands, qui ont été expulsés ou ont fui (tels ceux de Silésie en Haute-Lusace) et ont été remplacés par des Polonais. A contrario, la nouvelle Pologne voit sa frontière orientale déplacée de quelque 300 km vers l’ouest : la Galicie orientale et la Polésie (bassin de la rivière Pripiat) deviennent ainsi des territoires de l’URSS, laquelle impose à Varsovie le Comité polonais de libération nationale (PKWN), dominé par le Parti ouvrier, pro-communiste. La Pologne se transforme en république « populaire », partie prenante du traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle signé en 1955 par l’URSS et ses satellites d’Europe de l’est : le Pacte de Varsovie (pendant de l’OTAN, créée six ans plus tôt par les Américains).

Les premiers craquements surviennent en 1956, avec des manifestations massives qui contraignent les Soviétiques à accepter l’arrivée au pouvoir de Władysław Gomułka, un communiste réputé plus réformateur que ses prédécesseurs. Cela n’empêche pas les ouvriers des ports de Gdansk et Gdynia de se mettre en grève en décembre 1970, après des émeutes consécutives à l’augmentation des prix. La répression du mouvement ayant fait plus de quatre-vingt dix morts, Gomulka est évincé au profit de Edward Gierek qui mène, pendant près de dix ans, une politique de libéralisation relative, économique et diplomatique. En 1978, l’opposition polonaise trouve de nouvelles raisons d’espérer dans l’élection comme pape de Karol Wojtyła, archevêque de Cracovie, sous le nom de Jean-Paul II. Deux ans plus tard, le syndicat indépendant Solidarność (« Solidarité ») naît sur les chantiers navals de Gdansk, sous la direction Lech Wałęsa. Cette fois, le mouvement n’est pas réprimé et il est reconnu à contre-cœur par les autorités. Mais il progresse si vite – au point de regrouper plusieurs millions d’ouvriers, soutenus par des intellectuels réformateurs – que l’aile radicale du Parti ouvrier unifié polonais (PZPR) passe à l’action, au motif de juguler la crise économique et de prévenir une intervention soviétique en Pologne. Plus de dix mille leaders et militants syndicaux sont internés dans le cadre de la loi martiale instaurée par le général Jaruzelski, à la fin de l’année 1981.

Mais, malgré l’instauration de l’état de siège, le pouvoir ne parvient pas à étouffer la fronde syndicale et les revendications populaires. Jaruzelski doit se résoudre à organiser des tables rondes avec Solidarność. Elles aboutissent à la tenue d’élections législatives que remportent le syndicat et ses alliés. Promu Président de la république (un poste nouvellement créé), le général nomme une équipe communiste qui tient à peine deux mois. Le premier gouvernement non communiste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale entre en fonctions en août 1989, moins de trois mois avant la chute du mur de Berlin, élément déclencheur de l’effondrement du bloc communiste d’Europe de l’Est. La IIIe République polonaise est proclamée en janvier 1990 et Wałęsa élu Président. Mais son étoile pâlit. En 1993, alors que les dernières troupes russes quittent la Pologne, Solidarité perd les législatives. Deux ans plus tard, le président sortant est battu à la présidentielle par le leader du parti social-démocrate, fondé sur les ruines de l’ancienne formation communiste. Aleksander Kwaśniewski est réélu pour un deuxième mandat, au cours duquel la Pologne intègre l’OTAN en 1999 et adhère à l’Union européenne en 2004.

C’est le chant du cygne de la gauche. En 2005, l’élection présidentielle est remportée par Lech Kaczyński, maire de Varsovie et candidat du parti Droit et justice (PiS), vainqueur surprise de Donald Tusk, candidat du parti libéral pro-européen Plate-forme civique (PO). Dirigé par le frère jumeau du Président, le gouvernement est fortement conservateur et catholique, comprenant notamment un dirigeant de la Ligue des familles polonaises (LPR) à l’Éducation nationale et plusieurs ministres du parti nationaliste Samoobrona (Autodéfense de la république de Pologne). Les libéraux reviennent au pouvoir, d’abord aux législatives en 2007 (en alliance avec le Parti paysan), puis à la présidentielle de 2010, consécutive à la mort accidentelle du Président : le scrutin est remporté par le candidat du PO face au frère du défunt. Cinq ans plus tard, le PiS reprend les rênes, en remportant la présidentielle avec Andrzej Duda, puis les législatives. Ce nouvel exercice est marqué par des relations difficiles avec l’Union européenne qui considère que la volonté gouvernementale de réformer sa Cour suprême représente « un risque clair d’une violation grave de l’État de droit ». Varsovie conteste par ailleurs la politique migratoire de l’UE, avec d’autant plus de vigueur que la Pologne est confrontée à l’afflux de centaines de milliers de réfugiés fuyant la répression politique en Biélorussie et la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine.

Aux législatives d’octobre 2023, suivies par près de 73 % des électeurs (un record depuis la chute du communisme), la coalition Droite unie perd sa majorité absolue à la Diète. Le PiS demeurant malgré tout le premier parti du pays, le Président Duda demande à un de ses membres de former le gouvernement, ce dont il s’avère incapable, même avec le soutien de la Confédération (alliance d’extrême-droite). La mission est alors confiée à Tusk, qui bâtit une équipe majoritaire réunissant sa Coalition civique (PO et alliés) et deux autres alliances électorales, La Gauche et Troisième voie (PSL et démocrates chrétiens). Le pouvoir continue à renforcer les moyens alloués à la Défense, ce qui fait de l’armée polonaise la plus nombreuse du continent européen (hors Russie et Ukraine). En mai 2024, la Pologne et les cinq autres membres de l’Otan voisins de la Russie tombent d’accord pour ériger une « muraille de drones » défensive, depuis la Norvège jusqu’à la Pologne, afin de se défendre contre les « provocations » du Kremlin. Varsovie annonce ainsi l’édification, d’ici à 2028, de 550 km de « fortifications » le long de ses frontières avec Kaliningrad et la Biélorussie.


POMÉRANIE & PRUSSE

Région « au bord de la mer » (la signification de son nom), la Poméranie est aujourd’hui à cheval sur l’Allemagne et la Pologne. Elle s’étend le long de la Baltique, depuis la baie de Poméranie sur l’Oder à l’ouest jusqu’à la baie de Gdansk, sur la rive gauche de la Vistule à l’est. Son histoire agitée débute vers 1120 lorsque, après une période d’indépendance, elle est découpée en deux zones qui vont vivre un destin différent : la Poméranie orientale et la Poméranie occidentale.

La Poméranie orientale ou Pomérélie (avec le port hanséatique de Dantzig, Gdansk en polonais) est d’abord placée sous administration directe de la Pologne, puis cédée en 1308 aux chevaliers Teutoniques ; en 1466, la Pomérélie, Dantzig, Marienbourg et quelques zones avoisinantes comme la Varmie (Ermland) deviennent un domaine uni personnellement au souverain polonais (sans faire juridiquement partie du royaume de Pologne) : il porte le nom de Prusse royale, en référence aux Borusses (ou Prutènes), ancien peuple local exterminé par les Teutoniques. Ces derniers conservent des possessions plus au nord, jusqu’à Memel (au-delà du Niemen) : elles sont connues sous le nom de Prusse orientale, puis de duché de Prusse (lors de la sécularisation des biens de l’Ordre en 1525) : d’abord vassal de la Pologne, il s’en émancipera après avoir été attribué, en 1618, à l’électeur de Brandebourg, État avec lequel il formera le royaume de Prusse.

A l’ouest, la Poméranie occidentale (ou antérieure, avec Szczecin) est d’abord un duché vassal de la Pologne, avant de rejoindre l’Empire germanique en 1181. A partir de 1295, il connait une suite de divisions et de reformations, jusqu’au décès du dernier représentant de la Maison régnante des Griffons. En 1648, la Poméranie occidentale est divisée en deux : la Suède récupère l’ouest (ou Poméranie antérieure suédoise, avec Szczecin et l’île de Rügen), tandis que l’est (ou Poméranie ultérieure) est attribué à la Prusse-Brandebourg. Les Suédois abandonneront une partie de leurs possessions poméraniennes à la Prusse-Brandebourg vers 1720 (et le reste en 1815). À partir de cette époque, le terme de « Prusse » va englober des territoires ne faisant pas partie de la Prusse originelle.

Le royaume prussien opère la jonction de ses possessions de Poméranie occidentale et de Prusse orientale (séparées par environ 150 km de territoire polonais) en 1772, lorsqu’il prend le contrôle de toute la Prusse royale, dont il fait sa province de Prusse occidentale ; Dantzig est récupérée un peu plus tard, en 1793. A l’issue des deux Guerres mondiales, la plupart de ces territoires sont revenus dans le giron de la Pologne : c’est le cas de la Pomérélie et d’une partie de la Poméranie occidentale (avec Szczecin), le reste demeurant allemand (un peu moins de 8 000 km², dont l’île de Rügen, fusionnés avec le Mecklembourg) ; en 1945, les 37 000 km² de la Prusse orientale ont été partagés entre la Pologne et l’oblast russe de Kaliningrad.

Lire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_de_Pom%C3%A9ranie

Photo : le port de Gdansk