505 370 km²
Monarchie constitutionnelle
Capitale : Madrid
Monnaie : l’euro
47,3 millions d’habitants (Espagnols)


L’Espagne compte 4 964 km de côtes : 2 058 km sur la mer Méditerranée à l’est et le reste sur l’océan Atlantique (au nord-ouest, au sud-ouest et dans l’archipel des Canaries). Elle partage près de 1 953 km de frontières terrestres avec cinq pays : 646 avec la France et 63 avec Andorre au nord, 1 224 avec le Portugal (avec lequel elle partage la péninsule ibérique) à l’ouest, 1,2 km avec l’enclave britannique de Gibraltar à l’extrême-sud et 18,5 km avec le Maroc (enclaves de Ceuta et Melilla).
L’Espagne revendique une co-souveraineté sur Gibraltar, territoire de 6,8 km² et 30 000 habitants qui dépend de l’Angleterre depuis 1704 ; cette solution a été rejetée par 98,5 % des Gibraltariens, lors d’un référendum organisé en 2002. Madrid conteste également la souveraineté portugaise sur les îles Selvagens (un petit archipel inhabité de moins de 3 km², au nord des Canaries). Inversement, le Portugal ne reconnait pas l’administration de la municipalité d’Olivenza par l’Espagne, pas plus que le Maroc ne reconnait la souveraineté espagnole sur les enclaves nord-africaines de Ceuta et Melilla (150 000 habitants sur 19 et 12,3 km²) et sur les quelques îlots qui leur sont rattachés. Cf. Territoires et frontières disputés.
L’histoire des conflits entre la France et les différents royaumes espagnols (cf. La formation des pays ibériques) a laissé trois vestiges territoriaux : à l’est du massif pyrénéen, la ville de Llívia – ancienne capitale de la Cerdagne – est enclavée en territoire français. A l’ouest, le pays de Quint – 25 km² à cheval sur les haute et basse Navarre – est une possession espagnole, dont la jouissance a été attribuée à des agriculteurs français. Le cas de l’île des Faisans, située à proximité de l’embouchure du fleuve Bidassoa, est encore plus étonnant : ses 6820 m² sont administrés alternativement par la France et l’Espagne, avec un changement d’administration tous les six mois.
Le relief espagnol est constitué de plaines et plateaux surmontés de chaînes montagneuses plus ou moins hautes : les Pyrénées qui marquent la frontière avec la France au nord, la cordillère Cantabrique au nord-ouest, les monts Ibériques au nord-est de Madrid, les sierras du système central (se prolongeant au Portugal) et les différentes cordillères Bétiques au sud. Le plus haut sommet ne se trouve pourtant pas dans la partie continentale, mais dans l’île canarienne de Tenerife (un volcan culminant à 3 715 m). Selon les régions, le climat est de type méditerranéen (voire semi-aride dans certaines zones du sud-est) ou océanique.
Outre Ceuta et Melilla (qui ont le statut de communes autonomes), le territoire espagnol est composé de dix-sept Communautés autonomes (sans que le pays soit pour autant une fédération) : quinze sont continentales et deux insulaires (les Baléares, 4 992 km² en Méditerranée et les Canaries, 7 447 km² et plus de 2 millions d’habitants, à une centaine de kilomètres des côtes occidentales du Maroc). Sept de ces communautés – dans lesquelles subsistent parfois d’influents mouvements séparatistes – bénéficient de transferts de compétences supérieurs aux autres : la Généralité de Catalogne, le Pays-Basque, la Galice, la communauté forale de Navarre, la communauté Valencienne, l’Andalousie et les Canaries. S’y ajoute le cas particulier du Val d’Aran – la haute vallée de la Garonne, peuplée de moins de 10 000 habitants – qui bénéficie d’un statut de semi-autonomie au sein de la Catalogne.
Près de 85 % des habitants sont de nationalité espagnole. Les minorités les plus nombreuses sont les Marocains (1,7 %) et les Roumains (1,2 %). La langue officielle de l’État est le castillan, dialecte originaire de Cantabrie qui s’est diffusé dans tout le pays au fur et à mesure que la Castille prenait l’ascendant sur les autres royaumes et principautés, quitte à connaître un certain nombre de variantes locales : le castillan moderne parlé dans les régions centrales de Castille-et-León, Castille-La Manche et Madrid, l’andalou, le murcien, le canarien…

Trois autres langues ont un statut co-officiel dans leurs Communautés respectives : le galicien, le catalan (officiel en Catalogne, ainsi qu’aux Baléares et dans la région de Valence, sous le nom de valencien) et le basque. Ce dernier est co-officiel, avec l’espagnol, dans le nord-ouest de Navarre et surtout dans les trois provinces de la Communauté du Pays basque (Euskadi en basque, un peu plus de 7 000 km²) : la Biscaye (capitale Bilbao, dans laquelle se situe l’enclave cantabrique de Valle de Verde), le Guipuzcoa (capitale San Sebastian) et l’Alava (capitale Vitoria, dans laquelle la communauté de Castille-et-León possède l’enclave en partie bascophone de Treviño). Dans le val d’Aran, l’aranais (dialecte gascon de la langue occitane) est langue co-officielle avec l’espagnol et le catalan. Deux autres langues sont reconnues, sans avoir de statut officiel : l’aragonais (ou « fabla », parlé dans quelques vallées pyrénéennes) et l’asturien (ou « bable », encore pratiqué dans la principauté des Asturies, nom officiel de la Communauté autonome locale). S’y ajoute le silbo, langue sifflée pratiquée dans l’île canarienne de Gomera : elle constitue un vestige du passé berbère de l’archipel, avant l’élimination et l’assimilation de sa population Guanche, d’origine Berbère.
Sur les 61 % d’habitants déclarant une religion, plus de 58 % sont catholiques.
Dans les années 1960, la dictature franquiste commence à montrer des signes de faiblesse. Elle est contestée par des manifestations ouvrières et des grèves, ainsi que par la violence de groupes d’obédience marxiste, les Grapo (Groupes de résistance antifasciste du premier octobre) et l’ETA basque ; en décembre 1973, celle-ci assassine Carrero Blanco, Premier ministre et dauphin présumé de Franco. Lâché par la puissante Église catholique, le dictateur abandonne le pouvoir à l’été 1974 et le cède à Juan Carlos de Bourbon qui est couronné roi d’Espagne : bien que jamais abolie (Alphonse XIII n’ayant pas abdiqué), la monarchie est restaurée, sous une forme démocratique et constitutionnelle. Facilitée par la mort de Franco fin 1975, la transition s’effectue en douceur : l’opposition négocie ainsi avec les secteurs modérés du franquisme une loi d’amnistie qui écarte la possibilité de poursuivre les auteurs de crimes commis pendant la dictature.
Un multipartisme se met en place, dominé par le Parti populaire (PP, conservateur-libéral) et le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE, social-démocrate). Tous deux gouvernent fréquemment avec des partis ou coalitions nationalistes, autonomistes voire indépendantistes, en échange d’avantages pour leur Communauté autonome : les Catalans de la fédération Convergence et Union (CiU, démocrate-chrétienne) et de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC, sociale-démocrate indépendantiste) ; les Basques du Parti nationaliste basque (EAJ-PNV, centre) et de la gauche abertzale (« patriote », dont la dernière représentation est la coalition Amaiur) ; le Bloc nationaliste galicien (social-démocrate) ; les partis d’Aragon et de Navarre, dont l’Union du peuple navarrais (libérale-conservatrice) ; la Coalition canarienne (centre droit) ; le Forum des Asturies ; le Parti Régionaliste de Cantabrie…
Depuis la crise économique et sociale ayant frappé l’Espagne en 2008 (comme de nombreux autres pays), des mouvements citoyens ont remis en question l’équilibre du bipartisme : aux législatives de décembre 2015, les deux grands partis obtiennent moins de 50 % des voix à eux deux (avant de redevenir majoritaires dès le scrutin anticipé qui se déroule six mois plus tard). Au centre est apparu le mouvement social-libéral Ciudadanos qui, après quelques années de succès électoraux, s’est effondré. A gauche émerge le collectif Podemos (gauche radicale), né du mouvement populaire des Indignés. Il bénéficie de relais régionaux (comme l’Initiative pour la Catalogne Verts) et s’allie à une coalition plus ancienne, la Gauche unie (IU, communiste et éco-socialiste, fondée en 1986). En perte de vitesse, Podemos a été dépassé par une nouvelle coalition de gauche, gravitant autour de Sumar, mouvement fondé en 2023 par une ancienne dirigeante du Parti communiste (PCE) : gouvernant l’Espagne avec le PSOE, la coalition Sumar associe de près ou de loin une vingtaine de formations (IU, Verts, Compromis valencien et petits partis madrilène, catalan, andalou, aragonais, basque, des Canaries et des Baléares…).
Fin 2018, pour la première fois depuis la fin de la transition démocratique et la dissolution du mouvement franquiste Fuerza Nueva, un parti d’extrême droite fait son entrée dans un Parlement d’Espagne, celui d’Andalousie, la région la plus peuplée du pays. En avril 2019, cette formation appelée Vox entre au Parlement national et devient la troisième force parlementaire aux législatives anticipées de novembre suivant. Fondée en 2013 par des dissidents du PP, elle tient un discours hostile à l’immigration et très ferme sur l’unité nationale, alors que les gouvernements de gauche issus des scrutins sont minoritaires et dépendent du soutien extérieur des partis nationalistes, basques et catalans. Fin 2023, après avoir été légèrement devancé par le PP aux législatives, le socialiste Sanchez parvient à conserver la tête du gouvernement, grâce à l’appui des mouvements Junts per Catalunya (JxC, issu de la CiU) et ERC.
Le cas Catalan
Ne représentant que 6 % du territoire espagnol, mais 16 % de ses habitants et 20 % de son PIB (dont de très nombreux touristes), la Generalitat (Communauté autonome) de Catalogne réclame un meilleur traitement de la part de Madrid : en 2017, elle fournit 22 % des recettes fiscales espagnoles, mais ne reçoit que 8 % de ses investissements publics.

Appelé la senyera, le drapeau catalan remonte à celui des comtes de Barcelone (IXe siècle)
En septembre 2012, plus d’1,5 million de personnes défilent, dans les rues de Barcelone, en faveur de l’indépendance de la Catalogne. Un an plus tard, les sécessionnistes forment une chaîne humaine de 400 km de long, depuis la frontière avec la France jusqu’à celle avec la Communauté de Valence. En septembre 2014, la fête nationale catalane (la Diadia, commémorée en souvenir de la prise de Barcelone par les troupes espagnoles, en 1714) réunit entre 500 000 et 1,8 million de personnes (selon les sources) dans les rues de la capitale catalane. Fin 2015, l’ensemble des élus indépendantistes, modérés compris, fait adopter par le Parlement catalan un texte qui lance le processus de création d’un « Etat catalan indépendant prenant la forme d’une République » et annonce ne plus reconnaître les juridictions espagnoles telles que le Tribunal constitutionnel.
En octobre 2017, le gouvernement de la Generalitat organise même un référendum d’autodétermination, déclaré illégal par Madrid : le « oui » à l’indépendance recueille plus de 90 %, mais la participation n’atteint que 42 % ; elle est d’autant plus faible que le scrutin a été émaillé de violences, lors des tentatives de confiscation du matériel électoral par la police nationale, la police locale ayant le plus souvent adopté une politique de neutralité. Le Parlement régional ayant proclamé l’indépendance de la république catalane (en mémoire de celle brièvement proclamée en 1931), des mandats d’arrêt sont lancés contre les dirigeants séparatistes, qui s’exilent ou sont emprisonnés ; neuf d’entre eux sont condamnés, à l’automne 2019, à des peines de neuf à treize ans de prison pour sédition et malversation de fonds publics, ce qui donne lieu à plusieurs jours de scènes de guérilla urbaine à Barcelone et dans plusieurs autres villes catalanes.
Le calme revient à l’automne 2023, quand les deux principales formations (ERC et Junts) acceptent d’apporter leur soutien au gouvernement national du PSOE, en échange de la tenue d’un référendum d’autodétermination reconnu et d’une amnistie pour toutes les personnes inculpées après la tentative de sécession de 2017. En mai 2024, pour la première fois depuis douze ans, les nationalistes catalans ne sont plus majoritaires au Parlement régional, à l’issue d’une élection boudée par les électeurs (55 % de participation). ERC et la CUP (extrême-gauche) enregistrent un recul que ne compensent ni la légère progression de Junts, ni l’apparition d’Alliance catalane (un parti régionaliste d’extrême-droite). Victorieuse, mais ne disposant pas de la majorité absolue, le PSC (branche catalane du PSOE) forme un gouvernement de coalition avec ERC et Catalogne en commun (membre de la coalition Sumar).
Photo : statue de Cervantes sur la place d’Espagne à Madrid.