Couverte de forêt tropicale sur la majeure partie de ses 159 500 km², la Guyana Esequiba représente les deux tiers de l’ex-Guyane britannique et environ 15 % de ses 800 000 habitants. Si elle est convoitée par son voisin occidental – avec lequel elle partage 789 km de frontières – c’est en raison de la richesse de son sous-sol en gaz, pétrole, or, diamants et autres métaux (cuivre, bauxite, fer). C’est d’ailleurs la découverte d’un important gisement de brut au large de ses côtes, en 2015, qui a relancé un contentieux datant de plus deux siècles.
Tout commence en 1814, lorsque le Royaume-Uni achète aux Néerlandais (qui ont colonisé le futur Surinam) 51 800 km² de terres voisines du Venezuela, indépendant depuis trois ans. Les frontières n’étant pas délimitées, Londres récupère 80 000 km² supplémentaires en 1840 en territoire vénézuélien, à l’ouest de la rivière Essequibo, et encore le double après la découverte d’or dans la région. Soutenue par les États-Unis, la jeune république vénézuélienne dénonce les agissements de la monarchie britannique et saisit la Cour d’arbitrage de Paris. Mais, en 1899, celle-ci donne raison à Londres. A l’issue de ce premier acte, le contentieux disparait des écrans radars jusqu’en 1949, date à laquelle le témoignage d’un juriste américain disparu révèle que les Britanniques ont exercé des pressions politiques sur les juges arbitraux, cinquante ans plus tôt.
En 1966, juste avant d’accorder son indépendance à la Guyana, Londres signe un accord avec le Venezuela, renvoyant le règlement du différend territorial à des négociations diplomatiques entre Caracas et Georgetown. Le régime vénézuélien ayant interprété l’accord comme une annulation implicite de l’arbitrage de 1899, aucune discussion n’aboutit, les deux pays refusant notamment de s’accorder sur un partage de l’Essequibo. La question disparait même des agendas internationaux sous la présidence de Hugo Chavez qui, au nom de l’intégration latino-américaine, rapproche sa « République bolivarienne » du Venezuela de la « République coopérative » de Guyana.
La découverte de 2015 laissant entrevoir à la Guyana la perspective de devenir un nouvel « émirat pétrolier » et de dépasser à terme son voisin vénézuélien, les autorités de Georgetown décident de saisir la Cour internationale de justice en 2018. Malgré le mépris de Caracas, qui récuse la compétence de cette instance, la CIJ s’est saisie du dossier en 2020 et l’instruit avant de rendre sa décision.
Le litige a resurgi à l’été 2023, lorsque la Guyana a lancé un appel d’offres pour l’exploitation de plusieurs blocs pétroliers dans l’Essequibo, et encore plus en octobre, quand un nouveau gisement pétrolier y a été découvert. Le Venezuela étant en proie à de graves difficultés économiques et politiques, le Président Maduro, successeur de Chavez, a décidé d’exhumer le dossier. En novembre, il a organisé un référendum au cours duquel 95 % des votants (environ la moitié du corps électoral) se sont prononcés en faveur du rattachement de l’Essequibo au Venezuela. Officiellement, Caracas continue à prôner la voie de la négociation, avec la médiation du Brésil, frontalier des deux pays.
LES AUTRES CONTENTIEUX GUYANAIS
La Guyana a également un différend avec le Suriname au sujet de leur frontière maritime et du delta du Cutari. Le second revendique par ailleurs le triangle de Tigri, une zone de 15 000 km² située à l'extrême sud-ouest qui, comme l'Essequibo, a été récupérée par les Britanniques lors de leur découpage territorial des années 1840.
L'ex-Guyane hollandaise revendique aussi le triangle d'Alitani-Marwini (6000 km²) en Guyane française : Paramaribo considère que le cours du Marwini constitue la partie amont du Lawa, tandis que la France considère que l'amont du Lawa est l'Alitani, mettant en avant un arbitrage international qui avait été rendu en sa faveur face aux Pays-Bas, avant l'indépendance du Suriname. Des litiges maritimes opposent également Paris au Suriname, ainsi qu’au Brésil.