Venezuela

Venezuela

Depuis son indépendance, la « petite Venise » des Espagnols est dirigée par des régimes plus ou moins autoritaires.

912 050 km²

République autoritaire

Capitale : Caracas

Monnaie : bolivar vénézuélien

31 millions de Vénézuéliens

Plus de 5 millions sont réfugiés en Colombie et dans d’autres pays

Comptant 2 800 km de côtes sur la mer des Caraïbes, la République bolivarienne du Venezuela partage 5 267 km de frontières terrestres avec trois pays : 2 341 km à l’ouest avec la Colombie (qui revendique les îles vénézuéliennes de Monjes del Norte, Monjes del Este et Monjes del Sur), 2 137 km au sud avec le Brésil et 789 km à l’est avec la Guyana (à laquelle l’oppose le contentieux de l’Essequibo).

De part et d’autre des plaines centrales (llanos) culminent la cordillère de Mérida (appendice des Andes) au nord-ouest (avec le Pic Bolivar à 4 978 m) et le massif des Guyane au sud-est, sur la rive droite du fleuve Orénoque. La plaine littorale est jalonnée de golfes, de « lacs » (comme celui de Maracaibo) et d’îles (dont Trinité et les ex-Antilles néerlandaises). Le climat vénézuélien est tropical, plus tempéré sur les hauteurs. NB : le Venezuela entretient une base scientifique et une garnison aux Petites Antilles, dans la minuscule île d’Aves (1,8 hectare), située à 550 km de ses côtes, mais à quelque 200 km seulement de la Guadeloupe et de la Dominique qui a, un temps contesté cette occupation.

La population est composée pour près de la moitié de Métis. Ils sont suivis de Blancs (hispaniques, italiens, portugais…, 42 % ) et de Noirs et mulâtres (4 %). Les 4 % restant sont d’origine asiatique, arabe ou amérindienne (Arawak dans le delta de l’Orénoque, Yanomani au Sud…). L’espagnol, langue officielle, est parlée couramment par 98 % de la population, les langues autochtones par à peine plus d’1 %.

Sur les 85 % de Vénézuéliens déclarant une religion, 48 % sont catholiques et 32 % protestants (essentiellement évangéliques), les Témoins de Jéhovah et les religions afro-américaines formant le reste.

Le Venezuela est l’un des trois pays à avoir émergé de l’éclatement de la « Grande Colombie » fondée par les colonisateurs espagnols (les deux autres étant la Colombie proprement dite et l’Équateur). Son indépendance est proclamée en 1830 par le général José Antonio Baez, un temps compagnon d’armes de Bolivar. Surnommé « le Centaure de l’indépendance », il domine la vie politique – directement ou par le biais de proches – jusqu’à son exil en 1850. Il reprend le pouvoir onze ans plus tard, alors que ses partisans conservateurs sont aux prises avec les « fédéraux ». En 1863, des traités mettent fin à cette « guerre libérale » qui a fait entre 100 000 et 150 000 morts (près de 10 % de la population), causé des dégâts considérables, en particulier dans les llanos, et engendré une forte instabilité. Le pays sombre progressivement dans l’anarchie, jusqu’à l’avènement de Antonio Guzman, en 1869. Le chef du Parti libéral entreprend de moderniser le pays et instaure notamment l’instruction gratuite et obligatoire. Il gouverne jusqu’en 1887, directement ou par personnes interposées.

Les années suivantes sont caractérisées par une forte instabilité, qu’accentue le pouvoir détenu par nombre de chefs de guerre régionaux, les caudillos. En 1899, celui du Tachira, à la frontière colombienne, s’empare du pouvoir et instaure un gouvernement autoritaire, jusqu’à son éviction en 1908 par un autre chef originaire de la région. Contesté par d’autres caudillos, le général Gomez enclenche une répression qui fait quelque 12 000 morts. Ayant instauré un régime qui tourne à la dictature à partir de 1913, le général Gomez développe la production pétrolière, principalement dans la région du lac Maracaibo. Les exportations de pétrole en arrivent à dépasser celles du café, qui avait lui-même pris la place du cacao.

Après la mort de Gomez, en 1935, le pouvoir est exercé successivement par deux généraux, eux aussi originaires du Tachira. Le second libéralise le système politique et autorise la création de partis. L’Action démocratique (AD, démocrate-chrétienne) est fondée en 1941, suivie un an plus tard par l’Action nationale (sociale-chrétienne) qui devient quatre ans plus tard le Copei (Comité pour des élections indépendantes), après qu’un coup d’État militaire a mis fin aux querelles engendrées par la succession du général Angarita. D’abord associée à la junte, l’AD est évincée du pouvoir par un nouveau coup de force militaire, en 1948.

La démocratie est rétablie dix ans plus tard, par une junte associant l’armée et les partis politiques, qui conviennent de respecter les résultats de l’élection. Le nouveau Président élu (au suffrage universel direct, instauré en 1947) est le chef de l’AD. Malgré l’opposition de l’extrême-droite et de guérillas d’inspiration castriste, Romulo Betancourt parvient à gouverner : instaurateur d’une réforme agraire, il préside aussi à la naissance de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) en 1960. Lui succèdent un autre membre de l’AD – qui convainc les guérilléros à déposer les armes en échange d’une amnistie – puis deux Président du Copei.

La guerre du Kippour (en 1973 entre Israël et les pays arabes) ayant fait flamber les prix de l’or noir, le Président Perez Rodriguez (AD) nationalise les compagnies pétrolières en 1976. Mais la rente des hydrocarbures commençant à se tarir dans les années 1980, le pouvoir adopte des mesures d’austérité draconiennes, alors que l’enrichissement des élites s’est accéléré. Les émeutes qui en résultent dans la capitale font quelque trois cents morts en 1989. Après avoir échappé à deux tentatives de putsch en 1992, le chef de l’Etat est destitué l’année suivante, pour détournement de fonds publics. L’élection est remportée par un candidat indépendant, démissionnaire du Copei qui, comme l’AD, a perdu tout crédit auprès des Vénézuéliens.


C’est d’ailleurs à la tête d’une jeune formation, le Mouvement cinquième république, que le colonel parachutiste Hugo Chavez – auteur d’un des putschs avortés six ans plus tôt – est élu en 1998 à la tête de l’État, au terme d’une campagne résolument populiste. Dès son entrée en fonctions, l’année suivante, il révoque la Constitution de 1961 et instaure la « République bolivarienne du Venezuela », qui renforce les pouvoirs présidentiels. Le régime prend une direction de plus en plus autoritaire, avec une domination croissante de l’administration d’État, du parti présidentiel et de l’armée. Dans le domaine économique, l’étatisation s’est traduite par l’expropriation de grandes entreprises, un strict contrôle des prix et des changes, le lancement de grands programmes sociaux et l’octroi massif de pétrole à prix « cassés » aux pays amis tels que Cuba et le Nicaragua. Au nom de « l’union civico-militaire » qui lui est chère, il confie à de hauts gradés des projets de reconstruction et de gestion d’infrastructures, avec leur lot de détournement de fonds.

Alors qu’il venait d’être réélu, Chavez décède d’un cancer en 2013. Il est remplacé par son second, Nicolas Maduro, qui convoque des élections et les remporte de justesse dans des conditions contestées, les violences électorales ayant fait une demi-douzaine de morts. Le nouveau chef d’État met en cause des ingérences extérieures, à commencer par celles de son voisin colombien, dirigé par un Président très conservateur. Autorisé à légiférer par décret – mettant ainsi fin à toute séparation des pouvoirs – Maduro procède à des centaines de nomination d’officiers dans la diplomatie, ainsi que dans les entreprises (pétrole, mines, importation de nourriture) et dans les administrations publiques, afin de se concilier les faveurs de l’armée, pivot du régime de son prédécesseur. Sans compter que 25 % des postes ministériels sont occupés par des militaires d’active ou de réserve et que la Force armée nationale bolivarienne compte presqu’autant de généraux que l’armée américaine.

En 2014, c’est la Garde nationale bolivarienne qui est envoyée pour réprimer un mouvement de protestation contre la cherté de la vie et le rationnement de produits. Une quarantaine de personnes sont tuées. L’économie est exsangue, victime de la détérioration du secteur pétrolier. Aux licenciements massifs effectués au sein de la société nationale PDVSA, après les grèves de 2003, s’ajoute un manque criant d’investissements dans les infrastructures, la priorité ayant été donnée aux programmes sociaux. Le Venezuela rembourse aussi en or noir le remboursement de sa dette – sans cesse croissante – vis-à-vis de la Chine. A ce tableau s’ajoutent les sanctions qu’imposent les États-Unis, pour pénaliser un régime de plus en plus autoritaire. Le pays se retrouve ainsi à importer des denrées alimentaires qu’il produisait auparavant en abondance. La situation se dégrade aussi avec la Colombie. Accusant le régime et les paramilitaires colombiens de soutenir la « guerre économique » que mènerait l’opposition vénézuélienne, Maduro ferme quelques mois la frontière avec son voisin méridional, alors que son pays compte plus de cinq millions d’habitants de nationalité ou d’origine colombienne.


Fin 2015, l’opposition – unie dans une alliance disparate (la Table de l’unité démocratique, MUD) allant de l’AD aux maoïstes – remporte largement les législatives, avec deux fois plus de sièges que le Parti socialiste unifié (PSUV) au pouvoir. Dénonçant « un putsch électoral », Maduro annonce la fondation d’une structure concurrente, le « Parlement communal » basé sur les mouvements de base, ou« communes », que Chavez avait créées pour contrôler les municipalités du pays[1]. L’inflation ayant approché les 200 %, il annonce de nouvelles mesures drastiques pour tenter d’enrayer la chute de l’économie. Avec une diminution d’un tiers de sa production pétrolière en dix ans (ce qui n’a pas empêché de multiplier par trois les effectifs de la PDVSA, afin d’employer les militants du parti au pouvoir), le pays en est réduit à importer de l’essence, du gaz et du brut léger (pour fluidifier son pétrole lourd). Les pillages et les saccages se multiplient, accentuant la montée de l’insécurité : avec 58 homicides pour 100 000 habitants (9 en moyenne mondiale), le pays est l’un des plus violents du monde parmi ceux qui sont en paix.

Un dialogue national est engagé sous l’égide du Vatican, mais il tourne à vide, Maduro étant débordé par les radicaux de son propre camp, hostiles à toute négociation. Au printemps, des manifestations de l’opposition gagnent tout le pays, y compris des bidonvilles de Caracas acquis au régime. Elles sont mortellement réprimées par les forces de l’ordre (qu’encadrent les services secrets cubains), mais aussi par des « collectivos » de civils armés, parfois liés à la pègre, auxquels le régime a délégué le contrôle de territoires, en échange de la traque d’opposants lors d’« opérations de libération du peuple ». Les arrestations se multiplient, de même que les jugements de civils pour « trahison » par des tribunaux militaires.

Mettant à profit les divisions et rivalités, souvent personnelles, de l’opposition, Maduro organise des élections anticipées qu’il remporte largement, en mai 2018, face à un chaviste dissident. Mais la participation est nettement inférieure à 50 %, la quasi-totalité des opposants ayant appelé au boycott du scrutin. L’année suivante, le Président du Parlement se proclame « Président par intérim » mais, malgré sa reconnaissance par les États-Unis et d’autres pays occidentaux, il ne parvient pas à faire l’unanimité au sein l’opposition. De son côté, le régime bénéficie du renfort de nouveaux partenaires pour tenter de maintenir à flots son économie : la Turquie et l’Iran (avec lequel un partenariat stratégique de vingt ans est signé en 2022). Le pétrole ne suffisant plus à payer ses dettes, Caracas le fait en cédant des pans de l’économie nationale : des terrains aux Iraniens et des parts d’entreprises à la Russie. En décembre 2020, le PSUV et ses alliés retrouvent le contrôle de l’Assemblée en remportant plus de 90 % des sièges aux législatives… boycottées par une large part de l’opposition et par 70 % des électeurs. La consultation en faveur d’élections libres, organisée quelques jours plus tard par l’opposition, fait à peine mieux.

A l’automne 2021 une nouvelle monnaie entre en vigueur , le bolivar « digital », censé enrayer la chute de l’économie : en treize ans, la monnaie nationale a perdu quatorze zéros, avec des taux d’inflation atteignant les milliers de pourcents. Le pays a vu son PIB chuter de 70 % depuis 2013 et plus de 75 % des habitants vivent dans l’extrême pauvreté et la précarité alimentaire. Plusieurs millions de Vénézuéliens fuient le pays, principalement dans les pays avoisinants, tandis que la natalité baisse et que la mortalité, notamment infantile, augmente, ramenant le pays trente ans en arrière.

[1] Maduro renouvellera l’opération à l’été 2017, via une Assemblée constituante, mi-élue mi-désignée, qui s’arrogera les pouvoirs du Parlement monocaméral.


En avril 2023, sous l’égide d’une Colombie désormais gouvernée par la gauche, trois des principaux partis d’opposition acceptent de participer à une rencontre internationale avec le gouvernement Maduro. Après des mois de tractations, à la Barbade, les deux camps s’entendent pour que des élections aient lieu au second semestre 2024. Ayant retrouvé un semblant d’unité (à l’exception des radicaux de Voluntad Popular), l’opposition organise des primaires dont sort victorieuse l’ultra-libérale Maria Corina Machado (du parti Vente Venezuela). Dans le camp présidentiel, Maduro réactive ses prétentions sur l’Essequibo guyanaise et effectue une purge, afin de donner du crédit à ses discours contre la corruption. Son ancien poulain et ex-ministre du Pétrole, Tareck El Aissami (poursuivi pour trafic de drogue par la justice américaine), est arrêté avec une cinquantaine de personnes, après la révélation d’un énorme scandale au sein de PDVSA, portant sur le détournement de milliards de dollars. Les inculpés sont accusés d’avoir voulu couler l’économie du pays, avec la complicité des États-Unis.

Après avoir empêché sa principale rivale (puis sa colistière) de se présenter, Maduro concourt à une troisième élection. Bien que 20 % des résultats ne soient pas encore connus du fait de prétendus problèmes informatiques la Commission nationale électorale le proclame élu avec 51 % des voix, contre 44 % à son principal rival, choisi par l’opposition dans la précipitation. En réalité, d’après la Fondation Carter qui supervisait les résultats et dément tout piratage, Edmundo Gonzalez aurait obtenu environ 60 % des suffrages. Même des grands pays sud-américains dirigés par la gauche contestent les résultats et réclament la divulgation des procès verbaux de tous les bureaux de vote. Tandis que des manifestations commencent à se dérouler, le régime envoie les forces de l’ordre et les « colectivos » chavistes pour les réprimer (une vingtaine de morts et des centaines d’arrestations). Menacé d’un mandat d’arrêt, le candidat de l’opposition s’exile en Espagne.

Photo : Maracaibo. Crédit : 12019 / Pixabay