Nicaragua

Nicaragua

Le Nicaragua est dominé depuis près de vingt ans par un clan familial de plus en plus autocratique.

130 370 km²

République autoritaire

Capitale : Managua

Monnaie : cordoba oro

6,7 M d’habitants (Nicaraguayens)

Comptant 910 km de côtes (deux tiers sur la mer des Caraïbes et un tiers sur l’océan Pacifique), le Nicaragua partage 1 253 km de frontières terrestres avec deux pays : 940 km avec le Honduras au nord et 313 km avec le Costa Rica au sud.

La souveraineté nicaraguayenne sur l’île de Calero est contestée par le Costa-Rica. De son côté, malgré un jugement international en sa défaveur, le Nicaragua revendique l’archipel de San Andrés cédé en 1928 à la Colombie, en échange d’une reconnaissance de son annexion de la Côte des Mosquitos (cf. Colombie). Des contentieux territoriaux l’ont également opposé au Honduras (cf. ce pays).

Surnommé le pays des lacs (7 % de sa superficie) et des volcans, le Nicaragua possède la deuxième plus grande étendue d’eau douce d’Amérique latine (après le Titicaca), le lac Nicaragua (ou Cocibolca, 8 150 km²). Les plaines côtières s’élèvent progressivement vers la chaîne centrale, en partie volcanique côté Pacifique, avec un point culminant à un peu plus de 2 100 m. Le sud du pays, à la frontière du Costa Rica, est marécageux. Le climat est tropical dans les basses terres, plus frais sur les plateaux.

69% des habitants sont Métis et 17 % Blancs ; ils vivent principalement sur la côte occidentale. Les Noirs (9 %, descendants d’esclaves africains) vivent essentiellement sur la côte caraïbe. 5 % de la population est Amérindienne : elle appartient aux groupes Maya (comme les Nicarao qui ont donné leur nom au pays) ou Chibcha venant d’Amérique du Sud (comme les Miskitos). La langue officielle est l’espagnol. Un créole anglais est parlé sur la côte caribéenne.

Sur les 85 % d’habitants déclarant une religion, près de 45 % sont catholiques romains, 39 % protestants (essentiellement évangéliques) et 1 % membres d’autres obédiences chrétiennes (Témoins de Jéhovah, Église de Jésus-Christ).


Issu, en 1839, de la dissolution des Provinces-Unies de l’Amérique centrale (cf. Amérique centrale), le Nicaragua n’échappe pas aux divisions que connaissent ses voisins. En 1852, la capitale est établie à Managua, afin d’échapper aux rivalités de longue date opposant les villes de Granada et de Leon. Entre septembre 1855 et mai 1857, à l’issue d’une guerre civile, le pays est dirigé par un mercenaire américain, William Walker qui, après s’être proclamé Président de basse-Californie (fin 1853), ambitionne de se rendre maître de l’Amérique centrale. Capturé et fusillé (au Honduras), il est remplacé par des Présidents conservateurs qui se succèdent et qui laissent les grands propriétaires s’approprier les meilleures plantations (de café, coton, sucre, banane). En 1893, une révolution porte au pouvoir un général libéral, José Santos Zelaya, qui modernise le pays et développe la culture du caféier. Il prend également le contrôle de la côte orientale des Miskitos, qui avait réussi à conserver une relative autonomie après le retrait des Britanniques en 1860, le nord de la région étant occupé par le Honduras (ce qui provoquera des tensions entre les deux pays jusque dans les années 1950). Sur le plan diplomatique, le Président nicaraguayen s’éloigne des Américains, après que ceux-ci ont choisi le Panama (et non plus le Nicaragua) pour percer un canal entre Atlantique et Pacifique. La réaction de Washington intervient en 1909, avec le débarquement de troupes américaines qui chassent Zelaya. Elles doivent revenir trois ans plus tard pour soutenir son successeur conservateur.

Les Américains à peine partis (en 1925), la guerre civile reprend, ce qui entraîne un nouveau déploiement de troupes des États-Unis, jusqu’en 1933. L’année suivante, le chef charismatique des rebelles, Cesar Augusto Sandino, est assassiné, alors qu’il avait déposé les armes. L’homme qui a décidé de son exécution, le chef de la Garde nationale, s’empare du pouvoir en 1936. Anastasio « Tacho » Somoza instaure un régime dictatorial qui se perpétue après son propre assassinat, en 1956. Le flambeau est notamment repris par deux de ses fils jusqu’en 1979. Appuyé par les États-Unis, au nom de la lutte contre la propagation du communisme, le clan Somoza bâtit une fortune considérable, s’appropriant le tiers des terres et les plus grandes entreprises du pays.

Sa situation se dégrade dans les années 1970, avec la progression d’un mouvement armé né en 1961, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN), et la montée d’une opposition, y compris au sein du patronat et de la bourgeoisie modérée. En 1978, l’assassinat d’une des voix les plus critiques du pouvoir (le journaliste Pedro Joaquin Chamorro) déclenche des émeutes dans tout le pays. Ayant réussi à réunifier ses différentes factions, le FSLN entre dans Managua en 1979 : lâché par les États-Unis (après le meurtre d’un journaliste américain par la garde nationale), Somoza s’enfuit pour le Paraguay (où il sera tué par des guérilléros argentins).


Un gouvernement réunissant les principaux anti-somozistes se met en place, mais se divise rapidement. La veuve de Chamorro, Violetta, le quitte dès 1980, en dénonçant l’omnipotence des sandinistes. Ceux-ci mettent en place de nombreuses mesures économiques et sociales : alphabétisation, vaccination, construction d’hôpitaux, nationalisations et réforme agraire (incluant la distribution de terres à des proches du régime)… En 1984, des élections consacrent le large succès du FSLN et de son chef Daniel Ortega (67 % des voix et 75 % de participation). Les résultats du scrutin ayant été dénoncés par une partie de l’opposition, les États-Unis intensifient leur soutien aux Contras (ou Résistance nicaraguayenne), implantés depuis 1982 dans le sud du Honduras : les insurgés reçoivent des armes, dont certaines ont été achetées grâce aux bénéfices de contrats clandestins entre Washington et l’Iran (pourtant sous embargo américain). L’aide des États-Unis est d’autant plus importante que les sandinistes soutiennent les rebelles de gauche du Salvador et se rapprochent de Cuba et de l’URSS.

Après des affrontements ayant fait 30 000 morts, y compris chez les Mosquitos (dont certaines organisations ont rallié les Contras), une initiative de paix se développe dans tous les pays en guerre d’Amérique centrale, sous l’égide du Président costaricien. Ortega accorde un régime d’autonomie aux Miskitos[1], négocie avec les Contras à partir de 1988 et lance un processus de démocratisation qui aboutit, deux ans plus tard, à l’élection (avec plus de 54 % des voix) de Violetta Chamorro, à la tête d’une Union nationale de l’opposition (UNO) allant des conservateurs aux communistes.

Rompant avec le collectivisme des sandinistes, la nouvelle Présidente en purge les administrations, commence à redistribuer leurs terres et instaure une politique économique libérale (la nouvelle Constitution de 1995 reconnaissant le rôle prépondérant du secteur privé dans une économie de marché). Autant de décisions qui provoquent l’implosion de l’UNO, les progressistes estimant qu’elle en fait trop dans la rupture et les conservateurs qu’elle n’en fait pas assez. Certains anciens guérilléros reprennent les armes pour des raisons similaires : recompas (ex-FSLN qui s’estiment marginalisés), recontras et même revueltos (anciens contras et sandinistes). Tout en conservant le contrôle de la police, de la justice et de l’armée (dirigée par Humberto Ortega), les sandinistes s’organisent en escadrons de la mort, les Forces punitives de gauche (FPI), qui éliminent tous ceux voulant remettre en cause leur politique, notamment le chef des contras. L’inflation diminue et la croissance remonte, mais le chômage et le sous-emploi touchent encore les deux-tiers de la population active tandis que l’insécurité règne toujours dans le cœur montagneux et le Nord du pays ainsi que dans les zones de peuplement Mosquito. Bien qu’en baisse, le budget militaire est toujours le double de celui de l’éducation et le triple de celui de la santé, dans un pays qui est le plus pauvre d’Amérique après Haïti.

En octobre 1996, l’élection présidentielle est remportée par le conservateur Aleman, avec 51 % des suffrages, soit 13 % que Daniel Ortega qui conteste les résultats. Au Parlement, le FSLN demeure le premier parti, mais la coalition présidentielle (l’Alliance libérale) obtient une courte majorité. L’année suivante, Aleman obtient un succès en obtenant la reddition de la dernière guérilla encore active, les sandinistes du Front uni Andrès Castro. Fin 2001, les élections se déroulent dans un pays durement frappé par l’ouragan Mitch fin 1998 (25 000 morts) et ravagé par la crise (l’agriculture étant sinistrée par la sécheresse et par l’effondrement des cours du café). Le scrutin présidentiel est remporté par le candidat du Parti libéral (PLC) face à un Ortega qui s’est converti à la social-démocratie et a pris la tête d’une coalition hétéroclite (incluant des démocrates-chrétiens, des membres de la famille Somoza, des anciens de la contra et de la guérilla des Miskitos, des sandinistes dissidents…). D’autres alliances à géométrie variable conduisent à la destitution pour corruption, en 2002, de Aleman (devenu président du Parlement) et à la convocation d’une présidentielle anticipée fin 2006, le Président Bolanos ayant perdu sa majorité parlementaire.

[1] La Constitution de 1987 a divisé l’Est du pays en deux régions dotées d’une autonomie limitée : la côte Caraïbe nord (31 159 km²) et la côte Caraïbe sud (27 407 km²). Le reste du Nicaragua est découpé en départements.


Après quatre échecs consécutifs, Ortega est élu avec 38 % des voix, soit 10 % de plus que son principal adversaire libéral (il fallait en obtenir au moins 35 % et 5 % de plus que son premier concurrent). Pour parvenir à ce résultat, le leader sandiniste n’a cessé d’essayer de se concilier les bonnes grâces de l’Église catholique, notamment en soutenant l’interdiction de l’avortement en toutes circonstances. Bien que la Constitution interdise d’effectuer deux mandats consécutifs, Ortega peut se représenter en 2011, grâce à une décision de la Cour suprême selon laquelle de telles interdictions « violaient les droits humains » du Président sortant. Il est réélu avec un peu plus de 62 %, devant un ancien chef de la Contra, soutenu par le Mouvement des rénovateurs sandinistes (dissidence libérale du FSLN née en 1995). En 2014, le Parlement supprime la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels, ainsi que l’obligation de réunir au moins 35 % des voix pour être élu au 1er tour : à l’avenir, le candidat arrivé en tête sera élu, sans qu’il soit nécessaire de disputer un second tour. Fin 2016, Ortega est réélu avec plus de 70 % des voix, la majorité de l’opposition ayant appelé au boycott (de sorte que les 70 % officiels de participation sont sujets à caution) ; son épouse est élue vice-Présidente.

Les Ortega instaurent un régime de type dictatorial, basé sur le trucage d’élections et la répression des opposants par la police et les milices du FSLN. Contesté par l’Église catholique, le Président perd l’appui des milieux patronaux, inquiets de l’instabilité pour leurs affaires, et des milieux étudiants qui ont rejoint les manifestants. Même des bastions sandinistes basculent dans la contestation, qui se manifeste notamment au printemps 2018, lors d’une tentative de réforme des retraites. Les tentatives de médiation de l’Église catholique ayant échoué, le bilan des violences avoisine les cent-cinquante morts, dont une vingtaine le jour de la fête des mères, lors de manifestations en soutien aux mères ayant perdu des enfants dans la contestation. L’été suivant, le régime fait intervenir la police anti-émeutes et des civils à motos, les turbas, cagoulés et fortement armés, pour démanteler des barrages routiers dans deux villes de l’ouest, puis pour évacuer une église de Managua, occupée par des étudiants. La violence, parfois mortelle; n’épargne pas les religieux, plusieurs prélats étant violemment frappés lors de ces diverses opérations.

En juin 2021, la journaliste Cristiana Chamorro (fille de Pedro Joaquin et de Violetta) est assignée à résidence, accusée de « blanchiment d’argent ». Elle entendait représenter l’opposition contre Ortega aux présidentielles de novembre. Une quarantaine d’opposants majeurs, dont une demi-douzaine de candidats potentiels, sont incarcérés ou placés en résidence surveillée et la plupart des partis d’opposition interdits d’activité, le plus souvent sur la base d’accusations de trahison ou de non-légalité financière. Le statut légal de l’unique parti qui pouvait encore présenter des candidats, Citoyens pour la liberté (CxL, droite) est annulé, au motif que sa Présidente a la double nationalité américaine. De 2019 à 2022, quelque 600 000 Nicaraguayens quittent leur pays. En novembre 2021, Ortega est élu pour un quatrième mandat (toujours avec sa femme Rosario Murillo) contre des faire-valoir, avec près de 75 % des voix et une participation officielle de 65 % ; en réalité, selon les observateurs déployés de façon non officielle par l’opposition, elle aurait été inférieure à 20 %.

En février 2023, plus de deux cents prisonniers sont libérés et expulsés vers les États-Unis, déchus de leur nationalité. Ayant refusé cet exil, l’évêque de Matagalpa (dans le nord du pays) est condamné à vingt-six ans de prison pour conspiration. Les arrestations continuent, de même que les interdictions d’exercer des avocats et les dissolutions de centaines d’ONG ; accusée d’avoir enfreint son principe de neutralité, la Croix-Rouge se voit confisquer tous ses biens par le ministère de la Santé.

Photo : cathédrale à Managua. Crédit : Roberto Zuniga / Pexels