L’ultra-violence des maras

Venus de Californie, les gangs ont fait basculer une partie de l’Amérique centrale dans une criminalité sans précédent.

Les Maras (de marabunta, colonne de fourmis dévorant tout sur leur passage) sont nées dans les années 1970-1980, dans les quartiers et prisons de Californie, dans un contexte de guerre des gangs avec les bandes de Noirs. Les plus célèbres, la M 18 (Barrio 18, à majorité mexicaine) et la MS 13 (Salvatrucha, à dominante salvadorienne) tiennent leur nom des dix-huitième et treizième rues de Los Angeles. Ces bandes ultraviolentes – également appelées pandillas – ont essaimé dans toute l’Amérique centrale quand, la paix étant revenue dans plusieurs pays en guerre, les Américains ont procédé à une vague massive d’expulsion d’immigrés illégaux entre 2001 et 2010 (dont au moins 120 000 jeunes, la plupart étant nés aux États-Unis ou y étant arrivés fort jeunes). Elles ont remplacé les bandes traditionnelles de quartier d’Amérique centrale (les clickas) et investi toute la criminalité à caractère transnational (drogues, armes, immigration clandestine), jouant parfois les hommes de main des cartels mexicains et colombiens, notamment au Guatemala, devenu la plaque tournante du trafic de cocaïne entre la Colombie et le Mexique.

Auréolées de leur « prestige californien », les maras ont fleuri sur le terreau de l’après-guerre et de la crise économique, recrutant des milliers de pandilleros (ou mareiros) parmi les guérilleros et les soldats démobilisés, les orphelins et les enfants de familles désintégrées. Sans idéologie, elles cultivent une extrême violence, y compris dans leurs rites initiatiques d’adhésion (passages à tabac, viols collectifs…) et dans leurs crimes (décapitations pour la MS13, démembrement pour le Barrio 18, puis dépeçage de corps…). La hiérarchie de chaque bande serait reliée à un Commandement régional, allant des États-Unis jusqu’à la Colombie.

De 2006 à 2016, la violence fait 150 000 morts dans les trois pays du « Triangle du nord » (60 000 au Salvador et presque autant au Honduras, le reste au Guatemala) qui se sont ainsi hissés au rang de la Colombie pour le taux d’homicide (environ 40 pour 100 000). Au Salvador, les violences auraient contraint 230 000 personnes (sur 6,2 millions d’habitants) à un exil intérieur.